MÉDITATION, NON-DUALITÉ ET PHYSIQUE QUANTIQUE Sesha Introduction Il existe divers modèles de pensée par lesquels l’être humain recherche essentiellement ce qu’Est l’individu. Nous essayerons de le faire selon le modèle de philosophie Vedanta, plus spécifiquement le Vedanta Advaïta ou philosophie non-duelle, qui est profondément ancré dans la tradition orientale et plus particulièrement en Inde. Il existe d’autres modèles philosophiques proches du Vedanta, comme le bouddhisme Zen ou le Taoïsme, et il est vrai que de nombreux éléments, aussi bien de ces traditions que d’autres, offrent une lumière cohérente et éclairante sur ce qu’est la nature de l’être humain, c'est-à-dire donnent des interprétations métaphysiques à propos de son essence. Nous choisirons, entre ces grands systèmes universellement connus, le Vedanta Advaïta. Cela ne signifie pas qu’il soit le meilleur, simplement c’est à travers ce modèle que nous allons décrire les idées métaphysiques que nous comparerons plus tard à quelques propositions de la physique quantique. Si par exemple nous voulions essayer de comprendre la nature du mental selon les points de vue occidentaux, nous choisirions probablement la psychologie freudienne, la Gestalt o la psychologie humaniste ou n’importe quelle autre possibilité parmi celles que nous offre la psychologie. Nous devrions choisir une manière d’aborder le processus fondamental de que nous voulons analyser. Ainsi, pour comprendre ce que nous sommes en essence, nous allons choisir un modèle qui, bien qu’il ne soit pas vraiment différent des grands modèles orientaux, se base sur l’idée fondamentale et profonde appelée «non-dualité». Ce système Vedanta a la particularité d’être un modèle hautement abstrait et donc un peu difficile à comprendre. La non-dualité La non-dualité n’est pas une idée communément cultivée en Occident, les philosophes ne la citent même pas dans les manuels. C’est une idée qui, bien que très simple, est profondément complexe en raison des implications qui dérivent d’elle dans tous les domaines, que ce soit scientifique, métaphysique, éthique ou épistémologique. Pour pouvoir nous immerger en elle, nous allons nous approcher d’une autre discipline occidentale dont le développement vient des mathématiques et de la physique, avec laquelle il nous sera beaucoup plus facile de comprendre ensuite le concept de la non-dualité. Les concepts exposées par la philosophie Vedanta ressemblent beaucoup et ont des fonctionnements très proches du modèle de la physique quantique. Nous essayerons donc d’analyser quelques idées très simples de cette discipline scientifique et, à partir d’elles, nous donnerons ensuite une description de la raison de la Méditation dans le climat des traditions orientales et spécifiquement dans le Vedanta advaïta. Physique classique et physique quantique Il existe principalement deux modèles en physique: celui des particules microscopiques, atomiques et subatomiques, et celui des grandes particules ou macroscopiques. La physique qui étudie les grandes particules est habituellement appelée «physique classique» et celle qui étudie le fonctionnement des lois qui explorent et expliquent le comportement des particules très petites, les particules subatomiques, est appelée «physique quantique». Les deux modèles, classique et quantique, possèdent quelques points en commun ; certains aspects sont très proches, mais les lois qui décrivent le comportement des grandes particules sont très différentes de celles qui régissent les petites. Bien que les grands éléments soient la somme ou une composition de petits éléments, lorsqu’on les étudie un à un et non comme la somme d’une grande quantité de ceux-ci, les lois à travers lesquelles sont décrit les processus physiques varient. La principale différence entre la physique classique et la physique quantique est que dans la première l’observateur n’intervient pas et ne modifie pas ce qui est observé. Par exemple, si nous voyons un avion, bien qu’il soit observé ses caractéristiques et ses attributs spécifiques ne varient pas. Il va à la même vitesse et les pilotes ou les passagers ne montrent aucune modification du fait que quelqu’un sur la terre soit en train de les observer. Donc, dans la physique classique il n’est pas nécessaire d’analyser la nature de l’observateur car celui-ci est considéré comme totalement indépendant de ce qui est observé. Selon cet angle « classique », les objets sont tous clairement différents les uns des autres. L’observateur est différent de l’observé, l’observé est différent d’une autre chose observée, un observateur est différent de n’importe quel autre observateur. Une caractéristique particulière de la physique classique est que tous les objets et tous les sujets sont spécifiquement « un » et chacun d’eux est différent des autres. Ainsi donc, les murs sont différents des fenêtres, les fenêtres des vitres, les vitres des rideaux, les rideaux du plafond, le plafond du sol et ainsi de suite. Chaque chose garde une particularité qui lui est propre et unique et le fait qu’elle soit observée par n’importe quel sujet ne la change pas. Cependant, cette propriété de nette indépendance n’existe pas dans la physique quantique. Dans celle-ci, les objets ne fonctionnent pas comme des événements indépendants les uns des autres mais comme des «probabilités». Normalement, pour nous, les objets sont des « choses » les unes après les autres, mais dans le monde de la physique quantique, ils acquièrent la propriété de se comporter comme de simples probabilités. En 1926 Erwin Rudolph Schrödinger, après de nombreux essais, exposa pour la première fois un type d’équation qui pouvait prédire le comportement des particules quantiques. Cela fut une découverte extraordinaire qui entraîna un grand essor dans la recherche de la nature de l’univers et en particulier des particules subatomiques. Mais cette équation avait l’inconvénient que, bien qu’elle prétendait décrire les particules, on ne savait pas très bien si ce qu’elle décrivait vraiment était les particules mêmes ou certains de leurs attributs. Bien que tous les scientifiques ne purent pas ou ne voulurent pas comprendre ces descriptions, la majorité d’entre eux s’accorda pour dire que cette équation décrivait des probabilités. Imaginons par exemple que nous tenons dans la main un pépin d’orange. Aujourd’hui ce n’est qu’une graine mais que peut-elle devenir dans quelques années ? Ce pépin peut devenir un oranger, devenir une simple orange. Il peut aussi devenir une autre graine, une quantité de jus, l’ombre de l’oranger, du bois pour faire une feu, un objet en bois, une décoration, un ustensile, une partie d’un nid d’oiseau, etc. Il peut aussi se transformer en vitamine qui, prise par un enfant, sera assimilée par son organisme pour augmenter ses défenses face à la maladie. Il peut devenir tellement de choses qu’on ne peut compter le nombre de possibilités, qui est pratiquement infini. Maintenant, ces probabilités sont-elles toutes potentielles dans un futur ? Est-ce que cette graine est simultanément n’importe laquelle de ces probabilités ou seulement l’une d’entre elles? Peut-elle être seulement un objet ou seulement l’ombre ou seulement un fruit? Peut-elle être «une» et seulement «une», ou «une» et potentiellement toutes les autres simultanément? La majorité des scientifiques s’accordèrent pour dire que l’équation de Schrödinger décrit «une» particularité et potentiellement toutes les autres. Une caractéristique fondamentale qu’ont les particules subatomiques est qu’elles agissent comme des probabilités: elles peuvent potentiellement être à tout endroit et en tout temps, elles peuvent être dans le futur et dans le passé. Certaines particules peuvent être dans n’importe quelle région de l’univers pour, à l’instant suivant, être ici même. La nature des particules subatomique est très complexe. Il est impossible de connaître les complexités de leur fonctionnement avec une certitude absolue, c'est-à-dire qu’il n’est pas possible de connaitre leur nature ni la somme de leurs caractéristiques à un moment donné. La seule chose que l’on puisse savoir d’une particule quelconque au moment où on la détecte, c’est l’une des probabilités qu’elle possède en elle-même entre toutes celles qui existent simultanément en elle. Dans le monde des grandes choses, les choses sont des «choses»: nous leur donnons des noms, nous connaissons leur poids, leur masse, leur vitesse, nous savons si elles bougent ou sont immobiles, si elles s’accélèrent ou non ; si l’objet est un être vivant, nous pouvons savoir s’il est triste ou non, s’il est fatigué, s’il est en bonne santé ou malade. Dans le monde des grandes choses nous pouvons définir nettement les objets et, l’une après l’autre, leurs caractéristiques sont spécifiques et définies. Mais avec les particules subatomiques ce n’est pas la même chose. Lorsque nous cherchons une particule subatomique, nous pouvons connaitre les probabilités de l’endroit où elle peut être grâce a l’équation de Schrödinger mais, tant que nous ne l’observons pas nous ne savons pas effectivement où elle se trouve. Avant d’être observée, la particule est une probabilité et elle ne cesse de l’être qu’au moment où elle est détectée pour devenir un objet qui fait partie des innombrables probabilités que nous avions déterminés antérieurement. Les objets ne sont quelque chose que s’ils sont détectés, sinon ce ne sont que des probabilités. Par conséquent, on peut affirmer que dans le monde subatomique la nature de l’observateur change la réalité des particules car, s’il est présent, l’objet semble être «quelque chose», mais s’il ne l’est pas, l’objet apparaît comme n’étant qu’une probabilité. Le moment où un objet cesse d’être une probabilité pour devenir un objet est curieux: dans l’exemple antérieur de la graine d’orange, nous avons dit qu’elle pouvait potentiellement devenir un nombre indéterminé de choses distinctes avec les années, qu’elle était un nombre illimité de probabilités. Si, passé un certain temps, on revient l’observer, toutes ces probabilités se concrétiseront en une seule. Cette concrétisation de «nombreuses probabilités» en «une seule» s’appelle «l’effondrement de la fonction d’onde». En physique quantique on dit que l’observateur fait s’effondrer la fonction d’onde et, en s’effondrant, une des innombrables probabilités devient présente. EFFONDREMENT DE LA FONCTION D’ONDE Le chat de Schrödinger Schrödinger, qui fut celui qui découvrit l’équation d’onde qui déterminait de manière dynamique le mouvement des particules et l’énergie qu’elles possédaient à un moment donné, eut l’idée en 1935 d’une expérience imaginaire que l’on a ensuite appelée «le paradoxe du chat de Schrödinger», pour montrer l’aspect paradoxal des nouvelles approches que montrait la physique quantique. L’expérience consiste à imaginer un chat enfermé dans une petite boite totalement close, ce qui rend impossible au début de le voir dans la boite. À l’intérieur de celle-ci, en plus du chat, il y a du poison dans une bouteille et un petit marteau pour la briser. Le petit marteau est connecté à un mécanisme de détecteur de particules radioactives qui, s’il en détecte, le fait tomber sur la bouteille, provoquant l’écoulement du poison et par conséquent la mort du chat. Á coté du détecteur, il y a un matériel radioactif pouvant générer ou non des radiations, décelable à l’intérieur de la boite au cours d’un laps de temps donné. À la fin de ce temps aura eut lieu l’une ou l’autre des possibilités mais, si on ne regarde pas à l’intérieur de la boîte, on ne pourra pas savoir laquelle de ces deux probabilités s’est produite et donc nous ne pouvons pas savoir à coup sur si le chat est encore vivant ou s’il est mort. Tant que le chat ne peut pas être observé, nous pourrions dire qu’il est simultanément «vivant et mort». Bien sur, il ne peut y avoir de chat simultanément vivant et mort, cependant, dans le cas qui nous occupe le chat possède simultanément la somme des probabilités de «vivant» et «mort». À l’inverse, les objets comme nous les connaissons ordinairement ne sont pas la somme des probabilités, ce sont simplement des états spécifiques et unitaires. Jusqu’à ce jour personne n’a résolu le paradoxe du chat de Schrödinger. Ni Einstein ni aucun des physiciens quantiques qu’il y a eu jusqu’à aujourd’hui n’a percé le mystère de l’aspect absurde du fait qu’il puisse exister le double état de vivant-mort pour le chat, car la probabilité superposée et simultanée d’un chat «vivant-mort» n’existe pas: ou il est vivant ou il ne l’est pas. Mais comment savoir s’il est vivant ou mort ? Il ne reste que l’option de l’observer, mais si on le fait, seule apparaît une des deux possibilités. Avant d’être observé ce qui existe est l’équation d’onde de Schrödinger qui détermine les innombrables variables d’une particule subatomique. Dans notre exemple, cela revient au fait que les possibilités de vivant et mort se superposent. Pour cette raison, dans l’univers des particules subatomiques «objet» et «sujet» ne se distinguent pas implicitement car l’objet ne peut être complètement indépendant de celui qui mesure ses qualités physiques. Ainsi l’observateur est essentiellement lié à l’objet sans pouvoir créer la moindre différence, ce qui par contre a lieu dans la physique classique. Après cette petite introduction, nous verrons comment ces idées ressemblent au modèle de réalité que propose la philosophie orientale selon le Vedanta. Probabilité et effondrement dans la Connaissance Fondamentalement, le Vedanta analyse la nature de la Conscience et le processus cognitif qui détermine l’apparition des divers états de conscience. Ce que la physique quantique propose principalement - et concrètement avec l’équation de Schrödinger - coïncide en grande partie avec ce qui arrive lorsque nous étudions la nature de l’esprit. En guise d’exercice, si nous essayons de nous souvenir d’un événement quelconque qui a eu lieu au cours de notre vie, le nombre de souvenirs probables pouvant apparaitre est pratiquement infini. Tous les événements dont nous pouvons potentiellement nous souvenir sont là, dans la mémoire, et n’importe lequel d’entre eux peut apparaitre à tout moment. Même s’il est possible que les souvenirs qui se trouvent à la superficie de la mémoire - en comparaison avec les processus de l’inconscient - soient ceux qui apparaissent le plus facilement, ils sont tous disponibles pour émerger si le moment présent le requiert. Pour nous la mémoire agit comme une espèce d’équation de Schrödinger, c’est une immense masse de probabilités. À l’instant où la pensée se concrétise en «quelque chose», dans l’immense probabilité de tout ce qui potentiellement peut être pensé ou rappelé, la fonction d’onde de la mémoire s’effondre. Au moment où une pensée est déterminée, l’immense masse mentale se particularise et brise l’état de probabilité qui est une superposition d’innombrables événements de la mémoire. En philosophie nous appelons ce processus pensant “dialectique”. Quand nous raisonnons, quand le processus dialectique se produit, ce qui a lieu est une comparaison entre l’objet connu et toute l’information potentielle précédemment emmagasinée dans la mémoire, de sorte que, de toute l’histoire potentielle contenue dans la mémoire de la personne, on choisit une information déterminée et disponible. Par conséquent, l’acte de penser réduit le faisceau d’ondes ou, ce qui revient au même, fait s’effondrer la fonction d’onde mentale, de manière à ce que seule la qualité historique qui ressemble le plus à l’objet connu apparaisse. Le fait de parvenir à porter un jugement synthétique déterminant l’existence d’un nom et d’une forme fait s’effondrer la mémoire et provoque une seule et unique option. Ce jugement que nous portons chaque fois que, par le fait même de penser, nous différencions cette partie de la mémoire qui ressemble le plus à l’objet observé, s’appelle en philosophie «synthèse». Le Présent comme solution Regardons par exemple cette balle. Qui observe la balle ? Bien sur celui qui l’observe est l’observateur et nous pouvons proposer, selon la perception habituelle et à la suite de ce qui a été exposé, que l’observateur fait s’effondrer la fonction d’onde mentale en étant présent à travers sa propre histoire. Il réalise la fonction de comparer cet objet dont il fait l’expérience en dehors de lui avec un autre qui est au-dedans de lui, dans son histoire, et cette union, cette codification, engendre l’apparition d’un jugement en forme de synthèse. Cela fait que, de toute l’histoire de l’observateur, apparaisse clairement le nom « balle » et émerge un observateur différencié qui l’observe. Nous appelons «penser» le procédé qui consiste à comparer un objet avec l’information que nous en avons et ainsi de porter un jugement. Donc, si nous pensons à l’objet, dans ce cas la balle, que pouvons-nous affirmer ? Nous pouvons dire qu’elle est ronde, de couleur jaune et rose, qu’elle est molle, qu’elle a des dessins. Nous pouvons également dire qu’elle a été fabriquée en Chine avec des matériaux provenant du Tiers Monde, que… Nous pourrions continuer à définir les qualités de l’objet presque indéfiniment mais, que choisissons-nous de dire lorsque nous observons l’objet et le pensons? Un concept l’un après l’autre: que c’est une balle, qu’elle est ronde, qu’elle est jaune, qu’elle est molle… Toutes les probabilités n’apparaissent pas, il n’en apparait qu’une mais immédiatement suivie d’une autre, toutes de manière séquentielle. Cela arrive bien sur si nous pensons à l’objet observé. Cependant, qu’arrive-t-il si, au lieu de porter un jugement, l’observateur «contemple» l’objet sans jugement mental? Qu’arrive t-il alors avec la balle et avec l’observateur? C’est cela, qu’arrive t-il si l’observateur ne pense pas ce qu’il connait? Penser à l’objet c’est se le rappeler et, évidemment, se le rappeler c’est le situer quelque part dans le passé, dans l’histoire. Qu’arrive t-il si au lieu de situer l’objet dans le passé nous le situons ici et maintenant, dans le Présent? Que se passerait-il avec l’équation d’onde qui détermine et délimite les informations potentielles de cet objet? La mémoire s’effondre vers un unique événement ou ne s’effondre pas ? En théorie elle ne s’effondre pas. Celui qui fait s’effondrer à chaque fois la fonction d’onde est l’observateur à travers sa propre histoire installée dans la mémoire, par le fait de se souvenir et par le processus dialectique que cela entraine sous la forme d’assignation de «noms» aux objets observés. Donc, pour que la fonction ne s’effondre pas, il ne doit pas y avoir d’observateur pensant dans le Présent. Non-différenciation observateur-observé Il en découle la situation paradoxale suivante: si nous sommes vraiment dans le Présent il n’y a pas d’observateur pensant, puisque l’observateur différencié, l’histoire et l’effondrement apparaissent en pensant. Si l’observateur contemple l’objet sans le penser, s’il n’introduit rien de lui-même ni de son histoire dans l’observation, il y a toujours un observateur puisqu’il participe à l’observation, mais ce qu’il n’y a pas c’est «quelqu’un» qui le distingue de ce qui est connu dans le processus même de la connaissance et, par conséquent, l’observateur devient non-différent de ce qui est observé. Ce n’est pas que ce qui est observé et celui qui l’observe soient «un», qu’ils soient la même chose, mais dans le Présent, la place de l’observateur par rapport a l’observé n’est pas différenciée. C’est un peu comme quand on regarde un film; s’il est intéressant, il arrive un moment où le spectateur est tellement pris qu’il n’y a pas de distance entre lui et l’écran où est projeté le film. Le spectateur ne disparait pas; il y a un observateur puisqu’il y a compréhension de ce qui a lieu, cependant le spectateur n’est pas différent de l’écran. Nous avons vu qu’en physique quantique on arrive à la conclusion que, tant que l’observateur n’est pas présent, la particule est une somme de probabilités simultanées. De fait, lui-même est une somme de probabilités simultanées. Un monde comme celui-ci est étrange. Le chat de l’exemple est simultanément un chat vivant et un chat mort. Au niveau de la perception nous pouvons dire selon le Vedanta que, lorsqu’on observe un objet, si nous sommes dans le Présent et que nous ne pensons pas, l’observateur ne fracture pas l’information et devient non-différent de l’observé. Autrement dit, l’observateur ne fait pas s’effondrer la fonction d’onde historique, ne fait pas s’effondrer l’histoire et ainsi il est simultanément toutes les probabilités potentielles que l’objet est et il peut arriver à les connaitre de manière simultanée et non pas séquentielle. Le Présent et la Méditation Donc, le Vedanta affirme que si une personne est capable de se maintenir dans le Présent et de ne aucun porter jugement sur ce qu’elle observe, que ce soit un objet interne ou externe, elle est capable de devenir non-différente de toute la somme de probabilités infinie et illimitée que l’objet possède déjà en lui-même. Et lorsque cette personne est capable de faire cela, lorsqu’elle est non-différente de tout l’univers qui a existé, existe et existera, parce que toute l’information est implicite partout, elle fait l’expérience d’une forme de connaissance exceptionnelle appelée samâdhi ou nirvâna. Voici donc ce que propose la Méditation: la Méditation, c’est apprendre à voir le monde sans le figer et appendre à s’observer sans se figer. La Méditation, c’est apprendre à voir le monde à partir du Présent, à partir de l’ici et maintenant, à partir de ce qui est en train d’avoir lieu. Méditer, c’est l’art d’apaiser les fluctuations du mental, c'est-à-dire d’empêcher qu’il fasse sien n’importe lequel des innombrables aspects de l’histoire que potentiellement il possède de manière séquentielle. Cela nous est tous arrivé un jour d’être tellement absorbé et focalisé dans une activité, que ce soit de pratiquer un sport, un jeu, dans les études ou le travail, que le temps passe sans que nous nous en rendions compte, que tout ce qui ne fait pas partie de l’activité disparait, que nous ne nous rendons pas compte qu’il fait froid ou chaud, que quelqu’un nous appelle, etc. Ce sont des instants très agréables et intéressants pendant lesquels nous nous sentons totalement intégrés avec l’activité que nous sommes en train de réaliser. Ce sont des moments d’une si grande efficacité que, si notre mental était éduqué pour se maintenir de manière habituelle à ce niveau, nous réaliserions n’importe quelle activité en beaucoup moins de temps et avec un moindre effort. La question est très simple: est-il possible de parvenir à se maintenir dans cette forme de connaissance? Est-il possible de percevoir le monde sans le penser? Nous n’avons pas l’habitude d’être dans le Présent. Quand nous étions petits, nous flânions librement en lui, mais cette habileté naturelle a été oubliée il y a longtemps. En raison de la culture et à travers le système éducatif dominant, nous avons appris depuis l’enfance à accumuler de l’information et à l’utiliser à travers des processus dialectiques, à raisonner audelà de ce que requièrent les situations. A tel point que nous ne savons plus arrêter de penser, nous ne savons plus contempler le monde sans l’interpréter, nous ne savons plus agir et nous maintenir dans ce que nous sommes en train de faire sans penser à autre chose. Non seulement nous passons tout notre temps à penser, mais en plus, maintenant que le mental a pris cette habitude nous ne pouvons plus le contrôler. L’être humain à du mal à être attentif. Lorsque par moments il y arrive, par exemple en écoutant quelqu’un qui parle, il se perd dans les mots, il se perd face à n’importe quelle circonstance interne ou externe. En général le Présent est très sporadique chez les personnes; par exemple il a lieu lorsqu’il y a une surprise, de la nouveauté, lorsqu’on réalise un apprentissage. Lorsque nous sommes étonnés, il y a une telle intensité dans l’événement qui est en train de se produire que nous ne ressentons pas la nécessité de nous souvenir de ce que nous sommes en train de faire, nous pouvons simplement réagir librement et en faire l’expérience sans raisonner. En général les gens sont envahis par les sentiments, les émotions et les pensées. Toute cette force instable arrive à avoir une telle ampleur et un tel niveau d’intensité qu’il n’est pas possible de la contrôler. C’est alors que les gens se sentent tristes, accablés. Tant de temps, tant d’années à renforcer les processus mentaux des pensées compulsives génèrent une inertie implacable. Cette inertie est comme une tornade émotionnelle où les passions nous enchaînent et nous contrôlent. Ainsi, lorsque nous nous promenons dans la rue, nous voyons les gens qui marchent, perdus à l’intérieur d’eux-mêmes sans se rendre compte de ce qui se passe autour d’eux. Arrivés chez eux ils ne sont même pas capables de profiter d’un bon repas, car, étant en train de penser à mille choses, ils ne peuvent pas être attentifs à ce petit instant. Le “moi” Cette situation de processus dialectique constant sur les divers événements de la vie quotidienne fait qu’il existe un état d’être sujet différencié des objets connus et nous appelons cet être différencié des objets «moi», «ego». Mais ce «moi» se dissout quand une personne contemple le monde à partir du Présent et se dilue dans le champ qui est connu, étant partie non-différenciée de celui-ci. C’est pour cela que le Vedanta base son système métaphysique dans la non-existence du «moi» différencié ou, ce que revient au même dans la pratique, dans l’expérience d’un «moi» non-différencié dans la perception. Nous cherchons une perception continue et constante dans le Présent. Nous cherchons à éduquer l’esprit dans le Présent pour qu’arrive l’instant où ce sujet non-différencié se réalise dans la convergence de toutes les probabilités infinies de ce qui connait et qu’il devienne non-différent de l’infinie probabilité d’informations qui existent dans le Présent. Nous appelons ce processus samâdhi ou nirvâna. Cela est l’essence de l’être humain: conscience non-différenciée de l’univers entier et de toutes ses probabilités d’existence. C’est cela que recherche la Méditation: ne pas figer la connaissance et qu’une probabilité n’émerge pas derrière une autre de manière séquentielle, mais que la personne soit capable de percevoir la totalité de l’infini en n’importe quel instant pour être lui-même cet infini, être l’Absolu, être l’Eternel. C’est cela ce que nous recherchons et c’est cela la base de la Méditation.