6ème ACADÉMIE EUROPÉENNE D’ÉTÉ Quelles perspectives pour l’Union Européenne acteur global du nouvel ordre mondial ? « Réflexions sur la participation de la Communauté européenne aux organisations internationales » par Catherine Flaesch-Mougin Professeur à l’Université de Rennes I, Directeur du Pôle d’Excellence Jean Monnet de Rennes I. Introduction : Il existe un engagement de l’UE en faveur du multilatéralisme. Cet engagement est illustré par toute sorte de documents qui émanent aussi bien de la Commission, du Conseil européen, de l’Union etc. Le multilatéralisme est véritablement au cœur du discours politique de l’Union dont les Etats membres cherchent à promouvoir, dans un cadre multilatéral, des normes communes. Il existe une volonté d’associer un ensemble d’Etats au sein d’OI afin de régler les grands problèmes du monde. C’est aussi un moyen d’affirmer une identité sur la scène internationale, identité qui se démarque de l’unilatéralisme des Etats-Unis. Toutefois, l’UE veut exercer un multilatéralisme qui tienne compte de sa philosophie du monde. L’UE tente donc d’exercer une influence en faisant passer ses propres normes. Par quels canaux l’UE impose-t-elle ses normes ? Elle essaie de promouvoir ses idées et ses normes en les expérimentant (sécurité maritime, environnement...). Les bons exemples sont par la suite plus faciles à faire valoir au niveau international. D’autre part, l’UE se sert de son arsenal législatif pour renforcer les règles internationales ou les appliquer plus rapidement. Enfin, l’UE et la CE s’appuient sur leurs relations bilatérales, imposant certaines normes aux pays candidats à l’adhésion, dans le but d’influencer une reprise de celles-ci au niveau mondial. Est-ce que l’action de l’UE dans l’enceinte internationale est efficace ? Réussit-elle à faire accepter ses normes et ses valeurs ? La réponse est difficile mais on constatera que la CE n’est pas armée de façon optimale pour peser au niveau mondial. I- Les difficultés externes rencontrées par la Communauté pour assurer sa présence dans les OI A- Des formes de participation aux OI extrêmement diverses : un véritable kaléidoscope 1) Le caractère encore exceptionnel de la participation de la Communauté en tant que membre à part entière d’une OI Si on prend le système des Nations Unis dans son ensemble, on s’aperçoit que la CE est membre à part entière de la FAO depuis 1991 et de l’OMC depuis 1995. De plus, elle est 1 membre à part entière de l’Autorité Internationale des Fonds Marins ; elle est membre de la BERD et de certaines organisations régionales de pêche. Si la CE est membre de la FAO, cela ne fait pas pour autant disparaître la présence de ses propres Etats membres dans cette organisation. On peut donc parler d’une forme de cohabitation entre la CE et ses Etats membres au sein de certaines OI. De très rares exceptions existes à cette situation, c’est le cas des organisations régionales de pêche qui gèrent les ressources de la mer, ce qui est une compétence exclusive de la CE. Dans ce cas précis, il y a eu substitution, c’est à dire que les Etats membres sont sortis de l’OI quand la CE y est entrée. 2) Le statut plus habituel d’observer accordé à la Communauté La CE a soit un statut d’observateur passif ou d’observateur privilégié au sein des OI. Un statut s’observateur privilégié lui permet d’avoir accès à tous les documents, de déposer des amendements etc. Toutefois, ce statut ne lui permet en aucun cas de voter et elle n’a pas accès à un certain nombre de réunions informelles. La CE est un observateur privilégié au sein de l’OCDE, de la CNUCED, de la Commission de Développement Durable. Il résulte finalement une situation au cas par cas puisque la CE est par exemple observateur depuis 1974 à l’Assemblée Générale de l’ONU mais qu’elle ne l’est pas au sein du Conseil de Sécurité. Si ce statut d’observateur lui donne une importante capacité d’influence, il a aussi ses limites puisque la CE est privée de la possibilité de faire partie des conventions multilatérales négociées dans les enceintes des OI. B- Les raisons de cette situation souvent en décalage avec ses compétences 1) Des raisons juridiques : une explication insuffisante La CE ne peut prétendre à devenir membre d’une OI que si elle a des compétences importantes dans le domaine de l’OI à laquelle elle souhaite adhérer. Toutefois, même si la CE possède une monnaie unique, elle a des difficultés à se faire accepter au FMI. Cette situation est due aux chartes constitutives des OI, qui prévoient, en principe, que seuls des Etats peuvent être membres des OI. La CE n’est ni un Etat, ni une OI traditionnelle puisqu’elle a bénéficié de transferts de compétences de ces Etats membres (économie, monnaie). Ainsi, on peut parler de l’existence d’une distorsion puisque la CE a acquis des compétences mais ne peut pas participer aux OI. Devrait-on réviser les chartes constitutives des OI ? Cela nécessiterait des procédures lourdes et il faudrait atteindre l’unanimité des Etats membres. Ce serait un processus long et aléatoire. 2) Au-delà des apparences : des raisons beaucoup plus politiques Les pays tiers, aussi bien que les propres Etats membres de l’UE, ont des réticences quant à une éventuelle adhésion de la CE aux OI. En effet, on craint dans le cas d’une adhésion de la CE, une modification de l’équilibre au sein des OI. On constate que la difficulté de la CE à se faire accepter au sein des OI est liée à des facteurs externes, mais aussi à des réticences venant de son propre système. Ainsi, les Etats membres ne prennent pas d’initiatives pour soutenir l’adhésion de la CE aux OI car ils craignent une perte de souveraineté. 2 II- Des obstacles internes à une participation satisfaisante de la Communauté aux OI Il existe un paradoxe puisque l’on constate que la CE est mal armée du point du vu institutionnel pour participer aux OI, alors que la mondialisation aujourd’hui montre que de plus en plus de problèmes sont traités à ce niveau. A- Des difficultés internes tenant à divers facteurs 1) La complexité du schéma de l’UE Il est d’une importance cruciale que la CE acquiert plus de visibilité vers l’extérieur. Pour l’instant, seule la CE a une personnalité juridique reconnue au niveau international, ce qui n’est pas les cas pour l’UE. L’UE a tous les éléments constitutifs d’une personnalité juridique mais les Etats ne veulent pas la lui reconnaître. 2) Le caractère lacunaire des traités sur la question de participation aux OI Si il existe de nombreuses dispositions concernant les relations de la CE avec les OI, il n’y a pas de dispositions concrètes. La Cour de Justice s’est toutefois prononcée pour assurer une unité de la représentation au niveau international. Ainsi, l’avis 1/94 de la Cour de Justice stipule que les Etats membres sont astreints à un devoir de coopération étroit afin de permettre une unité de la représentation. B- Les modalités concrètes de participation mises en place Au sein des OI, la CE est représenté par la Commission. C’est l’Etat, qui exerce la présidence, qui exprime la position de la CE. C’est aussi l’Etat, qui exerce la présidence, qui s’exprime au nom de la CE au sein de l’Assemblée Générale de l’ONU. Compte-rendu de séance rédigé par : Krystelle Lochard Diplôme franco-allemand en Sciences Politiques, Institut d’Etudes Politiques de Lille 3