SYSTÈME DE MANAGEMENT INTEGRÉ : VERS UN RÉFÉRENTIEL D’ÉVALUATION DES PRATIQUES Béatrice BELLINI C3ED Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines (France) Marianne PARRY Institut Arts et Métiers Paris Tech de Chambéry (France) Depuis le début des années 1990, l’adoption de systèmes de management au sein de l’entreprise dédiés à la qualité, l’environnement et la sécurité sont devenus de réels enjeux. Véritable argument concurrentiel, ils jouissent également d’une notoriété et d’une reconnaissance internationale au travers des normes qui leur sont dédiées. Mais, bien que des référentiels existent, un manque de lisibilité persiste, lié, entre autre, à l’existence d’une multitude de définitions et à une absence affichée de consensus. Les systèmes de management intégrés (SMI) se sont énormément développés depuis le début des années 2000. Pour certaines entreprises, ils deviennent même considérés comme un pré-requis pour leur bon développement (Zeng&al, 2007). Cependant, la réalité de chaque type de système intégré est bien différente d’une organisation à une autre, et de nombreux facteurs, internes comme externes, vont conditionner sa morphologie. Le niveau d’intégration va ainsi dépendre, par exemple, du périmètre des activités concernées, de l’historique des systèmes de management en place par rapport à la qualité, l’environnement et la sécurité, du profil des responsables et du niveau d’engagement de la direction. La communication propose, dans un premier temps, une revue de littérature permettant de revenir sur la définition des SMI par une présentation de ses composantes et des différentes approches. Puis, un point sur les pratiques existantes sera réalisé avec une analyse des méthodes de mise en place (approches séquentielles additives ou approches synergiques), et conclut avec une proposition de classification permettant de positionner les différents types de systèmes de management intégrés. Enfin, une dernière partie sera consacrée à des cas d’application permettant d’illustrer les différents types de SMI. I HISTORIQUE ET DEFINITION DU SMI 1.1 Les systèmes de management inhérent au SMI Un système de management est un système qui permet d'établir une politique, de définir des objectifs et de mettre en place des moyens pour atteindre ces objectifs. Il existe trois systèmes de management de référence qui concernent la qualité, l’environnement ou la sécurité. Ces trois systèmes sont décrits brièvement cidessous. Il est à noter que d’autres référentiels en matière de système de management existent comme ceux relatifs à la responsabilité sociale de l’entreprise, le SA8000 (conçu pour améliorer les conditions de travail dans le monde entier) ou l’ISO26000 (basé sur les principes et moyens d’intégrer un comportement plus responsable) ou ceux spécifiques à un secteur d’activité comme les normes ISO 22000 (sécurité des denrées alimentaires). Ces référentiels ne seront pas traités ici. 1.1.1 Le système de management de la qualité L’objectif est de produire un produit ou un service correspondant aux attentes du client. C’est le plus ancien des systèmes, un comité technique au sein de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) ayant été créé en 1979. Historiquement, les premières normes de la série ISO 9000 ont été publiées en 1987 avec une mise à jour en 1994. Elles ont ensuite été remaniées en 2000 afin de simplifier le système documentaire, recentrer l’approche sur la satisfaction du client et baser le système sur une approche processus. La dernière version date de 2008. La démarche est basée sur l’approche PDCA (plan do check act) matérialisée par la roue de Deming. 1.1.2 Le système de management de l’environnement L’objectif est de connaître et maîtriser ses impacts sur l’environnement (y compris la satisfaction des exigences réglementaires). La première version des normes de la série ISO 14000 remonte à 1996 avec une révision en 2004. On peut distinguer les normes relatives au management environnemental des organisations (ISO 14001 principalement) de celles relatives au management produit (ISO 14062). Une approche complémentaire de type produit : Product Oriented Environmental Management System : POEMS (De Bakker, 2002) vise à implémenter une politique environnement-produit, et est également basée sur le principe d’une amélioration continue. 1.1.3 Le système de management de la santé et sécurité au travail L’objectif est la mise en place d’une politique permettant l’amélioration de la sécurité des salariés au sein de l’entreprise. Ce dernier est orienté vers la santé et la sécurité au travail et non vers la sécurité des produits et des services. L’ISO n’ayant pas trouvé de consensus pour l’élaboration d’une norme internationale type ISO 18001, un référentiel dénommé OHSAS 18001 relatif à la gestion de la santé et de la sécurité au travail a été créé en 1999 par le BSI (British Standard Institution). Ce référentiel ayant un statut de simple spécification est issu du secteur privé, élaboré à partir de normes nationales existantes (British Standards Institute: BS 8800, Espagne: UNE 81900, Norme VCA). Il a été révisé en 2007 pour évoluer en une véritable norme nationale britannique (British Standard) : BS OHSAS 18001:2007. Dans sa nouvelle version, l'OHSAS a été amélioré et complété afin de renforcer sa compatibilité avec les normes ISO 9001 et ISO 14001, ce qui favorisera les démarches de management intégré. Parallèlement, l'Organisation Internationale du Travail a publié en 2001 le référentiel international ILO-OSH 2001. Ce référentiel prévoit également les éléments essentiels suivants : politique, organisation, planification et mise en œuvre, évaluation et action en vue de l'amélioration. D’après le tableau de correspondance entre les deux référentiels de l’annexe B de OHSAS 18001:2007, aucun domaine de différence majeur n’a été notifié. Un organisme qui aurait mis en place son système de gestion selon le référentiel OHSAS 18001 sera également conforme aux recommandations des principes directeurs de l’ILO-OSH. Normes et référentiels 1ère date de publication Dernière révision Nombre de sites certifiés (2008) Type d’approche Parties prenantes concernées Analyse de base Cadre Qualité ISO 9001 : 2008 Environnement ISO 14001 : 2004 1987 1996 Sécurité OHSAS 18001 : 2007 ou ILOOSH 2001 1999 2008 2004 2007 > 500 000 dans le monde 46 000 en France > 100 000 sites dans le monde 3 500 sites en France Environnement Management classique Protection de l’Environnement <1000 sites en France avec moins de 10%ILO Sécurité Management classique Protection du personnel Analyse produit Analyse environnementale Contrat (AFAQ/AFNOR,2004) Résultats intentionnels Exigences légales et autres Résultats non intentionnels Analyse des risques pour la santé et sécurité au travail Exigences légales et autres Résultats non intentionnels Qualité Processus Satisfaction du client Type d’impact à gérer (AFNOR, 2008) Tableau 1 : Tableau de synthèse des trois principaux systèmes de management 1.2 Définitions et objectifs du SMI 1.2.1 Définition Force est de constater une multitude de définitions relatives au SMI. Au niveau français, les textes existants concernent essentiellement des guides élaborés en partenariat avec l’AFNOR1, comme le Fascicule Documentaire concernant des lignes directrices (FDX50-189), ou l’accord de bonnes pratiques et de retours d’expériences (ACX50-200). Contrairement à ce qui pourrait être supposé, un système intégré ne veut pas dire systématiquement un système unique ou centralisé, mais plutôt un système qui présente des sous ensembles qualité, sécurité, environnement pouvant avoir des parties communes et d’autres spécifiques. Ainsi, le SMI peut comporter des éléments simplement imbriqués, les sous-ensembles étant coordonnés et faisant partie d’un ensemble. Il est ainsi reconnu qu’il existe de multiples manières de mettre en œuvre des SMI, et que leur conception est adaptable en fonction des besoins et des exigences du site et de ses partenaires (ISO, 2008). 1.2.2 Objectifs du SMI La revue de littérature permet de mettre en avant plusieurs types d’objectifs recherchés dans la mise en place d’un SMI. A- Objectif gestion des risques Labodova (2004) présente une méthodologie basée sur une approche d’analyse des risques sous forme de matrice, le risque étant le facteur d’intégration : risque pour l’environnement, risque pour la santé et la sécurité des employés, risque de pertes économiques. Des actions sont ainsi programmées en fonction d’un classement des risques plus ou moins acceptables. La norme australienne AS/NZS 4581 (1999) fournit une approche similaire de système de management des risques. Elle vise à identifier les composants identiques entre les systèmes de management et à aider les entreprises à intégrer ces éléments communs au niveau de leur propre organisation, entre autre, en réduisant la complexité et la redondance. Une illustration de cette approche figure dans la conception de certains investisseurs (site Angelfire) qui définissent le SMI comme un moyen de réduire le risque opérationnel concernant : - la qualité (risque de livrer un produit qui ne satisfait pas le client) ; - la sûreté (risque de fournir un produit non sécurisant, et risque professionnel des travailleurs) ; - l’environnement (fournir un produit néfaste pour l’environnement, ou impactant pendant sa phase de production) ; - la sécurité (risque de subir des agressions criminelles). Le SMI se présente alors comme outil de mise en place d’une politique d’organisation plus efficace pour atteindre les objectifs que des systèmes séparés ne pourraient le faire. 1 AFNOR : Association Française de Normalisation B- Objectif performanciel Le SMI peut être présenté avec pour objectif principal l'amélioration continue de la performance globale de l’entreprise (site Management environnement). Zeng&al (2007) présentent les SMI comme une priorité car rédhibitoire au succès de l’entreprise ou pré-requis indispensable à sa survie. Jorgensen (2006) positionne d’ailleurs cet objectif au travers de la notion d’amélioration continue qui prend tout son sens lorsqu’elle est intégrée à la culture de l’entreprise. Le SMI n’est pas une finalité, mais une opportunité de vision partagée du fonctionnement de l’entreprise et donc de développement de son efficacité (AFNOR, 2003). C- Objectif organisationnel Garvin (1991) définit le SMI comme le « degré d’alignement ou d’harmonie dans une organisation ». Cette vision simplement organisationnelle transparait également dans l’étude de MacGregor Associates (1996). C’est donc un système de management qui permet de gérer de façon globale les parties communes aux référentiels Qualité, Sécurité, Environnement en fonction des caractéristiques de l’entreprise (secteur d’activité, politique, moyens humains et financiers) (préevinfo). Les référentiels de management ne précisent pas la manière de concevoir les systèmes de management, et ne fixent pas d'objectifs de performance. Il est bon de savoir que " ce n'est pas à l'entreprise de s'adapter aux référentiels de managements, mais que ce sont aux référentiels de s'adapter à l'entreprise ", ce qui garantit une performance acceptable et une pérennité. Les systèmes de management étant souvent vécus comme source de contraintes additionnelles (temps de gestion, résistance des travailleurs, frais de mise en conformité réglementaire), le SMI peut apparaître comme potentielle source d’économie liée aux synergies inter-système. D- Objectif d’intégration d’approches « Site et produit » Un autre objectif possible de SMI est l’alliance de deux approches complémentaire site et produit. C’est le cas dans le domaine de l’environnement ou une approche type ISO14001 peut-être menée de manière intégrée à une approche produit appelée POEMS (Product Oriented Environmental Management System). C’est un système de management dont l’objectif est l’amélioration continue de l’éco-efficacité du produit (économique et écologique) tout au long de son cycle de vie, au travers de l’intégration de l’écoconception (Rocha&Brezet, 1999). Il permet de diffuser la politique environnement-produit au niveau des différentes fonctions de l’entreprise et peut être vecteur d’innovation. Par contre, aborder l’environnement dans l’entreprise au travers des produits nécessite des changements importants de valeur dans la société, d’implication et de coordination (site Ecobilan). II LES PRATIQUES AU NIVEAU DES SMI 2.1 Les facteurs d’influence Le type de SMI adopté par l’entreprise va dépendre de différents facteurs qui peuvent être internes ou externes au site. 2.3.1 Les facteurs internes Il est possible de mettre en avant différentes caractéristiques de sites qui vont influencer sa manière de décliner le SMI. A- Secteur d’activité Tout d’abord, le secteur d’activité impulse certaines pratiques via les syndicats professionnels. C’est le cas par exemple dans le secteur de la chimie où des systèmes spécifiques ont été développés, comme la certification MASE-UIC2. B- Historique d’intégration L’historique des systèmes de management en place par rapport à la qualité, l’environnement et la sécurité est également très important. Effectivement, le premier système implanté va conditionner le profil du SMI. La difficulté d’implantation du SMI pourrait être fonction des systèmes déjà en place. Ainsi, Karapetrovic et Willoborn (1998) défendent l’idée qu’il est plus facile de mettre en place un SMI en commençant d’abord par la qualité. Les systèmes qualité étant antérieurs aux systèmes environnement et sécurité, il est plus probable de se retrouver dans cette configuration. D’ailleurs, dans une étude réalisée par Karapetrovic et Casadesus (2008) auprès d’organisations en Catalogne (Espagne), 96% des entreprises certifiées ISO 14001 étaient déjà certifiées ISO 9001. C- Profil des responsables de SMI L’origine du responsable est très influente sur le type de SMI. S’il est issu du monde de la qualité, de l’environnement ou de la sécurité, cela va conditionner sa manière de traduire les autres dimensions. Par exemple, une responsable au profil sécurité aura dans la partie environnement tendance à mettre en avant les impacts liés aux dysfonctionnements et moins aux impacts chroniques d’atteinte à l’environnement. De même, un responsable qualité aura plus de difficultés dans l’appréhension des exigences légales, puisque dans le domaine de la qualité c’est le contrat client qui fait référence. D- Engagement de la direction Le niveau d’engagement de la direction va se traduire par les moyens qui seront affectés à la mise en place du SMI et la culture interne qui y sera associée. Une moindre implication entrainera des SMI minimalistes ou fonction de l’implication des responsables sur le site. Dans tous les cas, ce manque 2 Manuel d’Amélioration Sécurité des Entreprises d’engagement de la direction se ressentira sur la motivation du personnel et donc au final sur les perspectives de performance du SMI. L’accord de bonnes pratiques de l’AFNOR sur les SMI note de manière tout à fait cohérente les conditions de réussite liées à la décision politique au plus haut niveau, permettant la vision globale ainsi qu’une approche participative qui doit favoriser le bon sens et la conscience professionnelle des individus. 2.3.2 Les facteurs externes A- Pays d’implantation du site La revue de littérature a permis de mettre l’accent sur la grande variabilité dans la considération des SMI (Bernardo, 2008). Certains pays comme l’Australie, le Danemark ou l’Espagne ont même développé leur propre modèle de système intégré (Global SAI 1999 ; AENOR 2005 ; DS 2005). B- Le type d’accompagnement Le profil du SMI va dépendre du système d’accompagnement du site. Il peut s’agir d’un accompagnement interne piloté par le groupe avec importation de modèles pré-établis en interne. Des bureaux d’étude ou consultants externes peuvent aussi devenir concepteur du SMI. Leur expérience et leur profil seront alors déterminant dans l’orientation du SMI qui sera proposé. 2.2 Stratégies de mise en place de SMI Peu de publications existent sur l'analyse de l’intégration des SMI (Karapetrovic et Casadeus, 2008). L’observation de sites montre qu’il n’existe pas de modèle unique d’intégration, et que leur constitution dépend énormément de l’organisation de l’entreprise. Cependant, quel que soit le degré d'intégration visé (de l'harmonisation des systèmes documentaires à l'intégration globale), il s'avère souvent difficile de disposer d’une méthodologie et d’outils adaptés permettant d'engager l'intégration des différents systèmes déjà mis en place dans l'entreprise. Plusieurs recherches permettent de faire état de différentes stratégies de mise en place de SMI dans le phasage et dans la forme. 2.2.1 Stratégies dans le phasage La première stratégie de mise en place de SMI est progressiste avec introduction individuelle et séquentielle des systèmes suivie d’une intégration. La seconde est le développement d’un système intégré dès le départ (Ladobova, 2004), plus simple à réaliser quand aucun système ne préexiste. 2.2.2 Stratégies dans la forme Seghezzi (1997) distingue ainsi trois types de fonctionnement de systèmes : Mode additif : les systèmes sont séparés mais le contenu est comparable ; - - Mode fusion : le mode d’instruction est intégré mais pas les procédures, ni le manuel : la lisibilité des systèmes reste individuelle ; Mode intégration : tout est inclus. C’est par rapport à cette analyse, que notre grille de lecture s’est construite. III PROPOSITION D’UNE METHOLOGIE D’ANALYSE DES SMI 3.1 Présentation de la typologie de SMI Il a été répertorié trois types de SMI qui sont décrits ci-dessous : le SMI additif, harmonisé ou intégré. 3.1.1 SMI additif Deux ou trois des systèmes de management coexistent sur le même site sans qu’il y ait des démarches de rapprochement. C’est le niveau « intégrable » que décrit Pojesek (2006). Ce non rapprochement est d’ailleurs volontairement souhaité puisque l’intérêt d’aller plus loin n’est parfois pas très lisible, comme le témoigne l’étude de Karapetrovitz et Casadesus (2008), où 15% des entreprises avec SMI ne le jugent pas utile. 3.1.2 SMI harmonisé Deux ou trois des systèmes de management ont entamé des efforts de mise en commun, surtout au niveau de la documentation3. Les cinq points les plus mis en commun sont l’audit interne, la revue de direction, le contrôle des documents et des enregistrements, la communication interne (Bernardo&al, 2008). Cependant, cette mise en commun se limite le plus souvent au document stratégique de l’entreprise, sans toucher aux documents opérationnels. L’harmonisation est alors purement de forme et peu d’actions opérationnelles sont modifiées par l’intégration. Le personnel reste peu impliqué dans l’enjeu des synergies. Les correspondances entre systèmes sont clairement identifiées avec des références croisées et une coordination à l’interne (Jorgensen&al, 2006). Il est possible d’estimer que le plus grand nombre de SMI appartiennent à cette catégorie. 3.1.3 SMI intégré partiel ou total La mise en place de ce type de SMI suppose un décloisonnement des pratiques et des processus de l'entreprise. La dynamique de l’amélioration continue est le seul objectif visé. 3 Les cinq points les plus mises en commun : audit interne, revue de direction, contrôle des documents et enregistrements, communication interne. Il est possible de distinguer deux types de SMI intégré : le SMI intégré partiel, appelé système générique par Jorgensen &al (2006) ; le SMI intégré total. La différence majeure entre les deux se trouve dans le positionnement vécu du SMI et son lien avec la culture de l’organisation. Plus le SMI est intégré à la culture, et indirectement sa compréhension est partagée en tant qu’outil de performance pour l’entreprise au bénéfice de toutes les parties intéressées, plus la motivation de tous sera grande et son efficacité forte. Cela implique une culture de l’apprentissage, de l’amélioration continue de la performance et de l’implication des parties prenantes en lien avec les challenges internes et externes (Jorgensen&al, 2006). Par contre, si la conviction dans le système est plus timorée, même si les outils stratégiques et opérationnels existent, le cap d’efficacité n’arrivera pas à être dépassé : le SMI restera coopératif et non amalgamé (Beckmerhagen, 2003). Le tableau ci-dessous reprend la méthodologie que nous proposons pour l’analyse et le positionnement des trois types de SMI répertoriés. Type SMI Additif Harmonisé Niveau de mise en commun du contenu Site triplement certifié Q/S/E de manière indépendante Type d’audit Audits de chaque SM indépendants Faible Outils opérationnels propres à chaque SM mais structure d’ensemble commune (dont la documentation) Audits négociés ensemble mais pas forcément menés en même temps Variable Nulle Faible Variable Nulle Faible Moyenne Niveau d’implication du personnel Niveau de mise en commun des moyens humains et financiers Intégration du SMI à la culture de l’organisation Mode d’intégration des systèmes Documentation Lisibilité de la pluralité des systèmes Approche processus Sans objet Séquentielle avec matrice du premier système en place (qualité le plus souvent) Distincte Certaines parties communes (audit, formation, parties de manuel…) Totale Existante Identification des liens au niveau des documents stratégiques, type programme Pour la Intégration qualité et pas progressive de forcément l’environnement et pour les la sécurité au sein autres de l’approche processus Tableau 2 : Synthèse de la typologie SMI Intégré Partiel Total Structure stratégique et outils opérationnels communs Audit commun Variable Audit commun avec équipe Fort avec responsabil isation Totale Forte avec implication direction Intégration simultanée dès conception du SMI (plus facile quand rien en place) Commune Nulle Processus 3.2 Validation de la méthodologie par rapport à trois cas En illustration de la méthodologie, il nous paraît intéressant de présenter plusieurs cas d’organismes dans lesquels nous avons eu l’occasion d’intervenir. 3.2.1 Cas 1 : une organisation avec un système de type additif L’entreprise multi-sites A du secteur « aéronautique espace et armement », issue d’une fusion de plusieurs groupes en 2001 est certifiée ISO 9001 : 2000 en 2002. La culture qualité est rapidement acquise. En 2008, pour répondre à des demandes clients, l’entreprise A décide de mettre en place un système de management environnemental et un système de management de la santé et sécurité au travail. Elle passe les audits de certification ISO14001 et OHSAS 18001 début 2009. Même si les démarches environnement et SST ont été mises en place sur la même période, les trois systèmes fonctionnent de manière indépendante et seul le système qualité est basé sur une approche processus. La politique sécurité et environnement est commune mais distincte de la politique qualité. La documentation est complètement séparée avec des procédures spécifiques pour l’environnement, la sécurité et la qualité. Les audits qualité sont indépendants des audits sécurité et environnement menés conjointement. Les systèmes environnement et SST manquent évidemment de maturité et l’intégration de leurs exigences dans les pratiques au niveau des différents métiers n’est pas encore perceptible. Il est probable que d’ici quelques années l’organisation évoluera vers un système qualité indépendant d’un système sécurité environnement intégré de manière harmonisée. 3.2.2 Cas 2 : une organisation avec un système de type harmonisé Le cas présenté ici concerne une organisation associée à une activité de loisirs. Certifié qualité en 2002 selon une approche processus, la direction du site souhaitait développer une démarche de management environnemental, associée à une impulsion lancée par la profession. Une personne a alors été recrutée sur cette thématique en 2004 ; la méthode de mise en place du système était une approche classique formalisée au niveau des processus de la qualité mais sans développement particulier. Cependant, un changement de direction a entraîné un ralentissement de la mise en place de la démarche ISO14001 et le départ par la suite de la personne qui avait été recrutée à cette fin. Le projet a été relancé en 2006, mais cette fois, avec un pilotage assuré au niveau du groupe, et cela sur plusieurs sites. La personne chargée de la qualité a alors été nommée pour reprendre le système ISO14001 du site et l’amener à une double certification qualité environnement en 2009. La méthode développée initialement a été reprise, et très peu de recoupement ont été fait avec l’approche qualité. 3.2.3 Cas 3 : une organisation avec un système de type intégré Pour illustrer ce dernier type, nous prendrons le cas de l’Institut Arts et Métiers ParisTech de Chambéry, organisme de formation dédié aux questions de management environnemental et d’éco-conception de produits. La certification ISO14001 : 2004 a été obtenue en avril 2006. Le système reposait alors sur une méthodologie classique d’identification des aspects environnementaux par activité et par domaine environnemental. En mars 2008, Arts et Métiers ParisTech à travers la publication d’un livre blanc affiche sa volonté de s’inscrire dans le développement durable et dans une démarche qualité. En septembre 2008, dans le cadre du renouvellement du certificat, la méthodologie évolue avec la mise en place d’une approche processus afin d’anticiper les démarches qualité de l’école et de la Société d'Etudes et de Recherches de l'ENSAM (SERAM). En novembre 2008, la direction décide d’associer au renouvellement du certificat ISO 14001, la mise en place d’un système de management de la santé et de la sécurité au travail selon le référentiel OHSAS : 18001. Les objectifs sont triples : faciliter la démarche par rapport à l’environnement, les approches sécurité et environnement étant souvent étroitement liées, continuer à anticiper la politique globale de l’établissement et être cohérent avec les approches pédagogiques. Le management de la santé et de la sécurité au travail est intégré à l’approche environnementale : politique, manuel et procédures communs intégrant les deux aspects, un seul responsable HSE. L’analyse des impacts significatifs, des dangers et des risques pour la santé et sécurité au travail sont basés sur l’approche processus. Un audit de certification commun aux deux systèmes est réalisé en mars 2009. 3.2.4 Positionnement de chaque cas D’après la méthodologie proposée les 3 cas présentés se positionnent de la manière suivante : Type SMI Niveau de mise en commun du contenu Type d’audit Niveau d’implication du personnel Niveau de mise en commun des moyens humains et financiers Intégration du SMI à la culture de l’organisation Mode d’intégration des systèmes Cas 1 Qualité sécurité, environnement Site triplement certifié Q/S/E de manière indépendante Audit Q indépendant, conjoint pour SE Cas 2 Qualité et Environnement Outils opérationnels propres à chaque SM mais structure commune Audits négociés ensemble Cas 3 Environnement et Sécurité Structure stratégique et outils opérationnels communs Commun sans responsabilisation des équipes X Variable Variable Moyens distincts Faible communs Nulle Faible Moyenne Sans objet Séquentielle avec SMQ en premier Intégration simultanée dès conception du SMI Documentation Distincte Politiques groupe Q et SE Audit, formation commune Commune Lisibilité de la pluralité des systèmes Totale Quelques liens entre Q et E Nulle Pour Q uniquement Pour Q uniquement Pour S et E Additif Harmonisé Intégré partiel Approche processus DIAGNOSTIC SMI Tableau 3 : Confrontation des 3 cas avec la typologie de SMI proposée CONCLUSION L’article montre que le SMI est un enjeu d’avenir important pour toutes les organisations. Il peut se révéler également comme outil pour accroître l’efficacité si son intégration est réalisée dans un certain état d’esprit. D’autre part, il a un positionnement idéal par rapport à l’approche Développement Durable puisqu’un SMI combinant les approches Qualité, Environnement et Sécurité combine à la fois les trois aspects économique, social et environnemental. Pour le bon fonctionnement du SMI, une implication forte du responsable SMI ne suffit pas. Il est impératif d’obtenir un engagement actif de la direction avec l’attribution des moyens en cohérence avec les objectifs fixés. C’est la raison pour laquelle le positionnement du SMI et l’objectif recherché doit être clairement identifié. Un SMI de complaisance ne permet pas d’obtenir les bénéfices d’un SMI ancré dans la culture de l’organisation. Cela permet une implication de tous et le développement d’une culture SMI propre à l’intérêt de tous. Les analyses faites montrent qu’il reste un réel potentiel d’évolution par rapport à la majorité en place. D’ailleurs, même un SMI idéal ne pourrait bénéficier d’une certification comme tel car aucune certification SMI n’existe encore, et les certificats restent séparés quel que soit le niveau d’intégration des systèmes. Une autre perspective d’amélioration du SMI qui peut être citée est l’élargissement de ce dernier : jusqu’à présent, le SMI est limité aux activités internes, mais, il est devenu de plus en plus nécessaire d’étendre la responsabilité sociale à toute la chaîne du produit (acteurs amont et aval). 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