Les brûlures électriques de la main chez l`enfant - chu

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2015) 28, 173—176
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ARTICLE ORIGINAL
Les brûlures électriques de la main chez
l’enfant
Electric burns of the hand in children
J. El Bouyousfi ∗, N. Fejjal , R. Belkacem
Service de chirurgie plastique pédiatrique, hôpital des Enfants, boulevard Ibn-Rochd, 10100
Rabat, Maroc
Reçu le 16 mai 2014 ; accepté le 7 mai 2015
MOTS CLÉS
Main ;
Brûlure ;
Électrique ;
Greffe ;
Lambeau
KEYWORDS
Hand;
Electric;
Burn;
∗
Résumé
Introduction. — Les brûlures électriques de la main chez l’enfant sont des accidents fréquents
de la petite enfance.
Matériels et méthodes. — On a réalisé une étude rétrospective intéressant 12 cas colligée dans
le service de chirurgie plastique pédiatrique, hôpital d’enfants de Rabat entre janvier 2011 et
février 2014.
Résultat. — Il s’agit de douze enfants 6 garçons et 6 filles, deux entre eux ont été victimes d’une
électrisation par un courant à haut voltage et 10 par un courant domestique. La prise en charge
de nos patients a nécessité plusieurs techniques. Il n’existe pas de consensus thérapeutique,
mais il faut tenir compte de plusieurs critères comme la profondeur de la brûlure, l’étiologie,
la localisation et la croissance de la main.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary
Introduction. — Electric burns of the hand in children are common childhood accidents.
Materials and methods. — We conducted a retrospective study of 12 interesting cases collated
in the pediatric plastic surgery, Children’s Hospital in Rabat between January 2011 and February
2014.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J. El Bouyousfi).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2015.05.004
0987-7983/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
174
Graft;
Flap
J. El Bouyousfi et al.
Result. — It consists of twelve children 6 boys and 6 girls, two of them were victims of electrocution by high voltage current and 10 by household current. The care of our patients required
several techniques. There is no therapeutic consensus, but several criteria such as, the depth
of the burn, etiology, location and growth of the hand must be taken into account.
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
En dépit des efforts de prévention et d’information, la brûlure électrique reste un accident fréquent chez l’enfant
souvent au niveau de la main. Le traitement doit tenir
compte de la croissance de l’enfant et la cicatrisation
doit être obtenue rapidement pour éviter les rétractions,
il n’existe pas de consensus thérapeutique et le suivi de
l’enfant doit être régulier et jusqu’à la fin de la croissance
afin d’intervenir en cas d’apparition de séquelles fonctionnelles (Fig. 1).
Matériel et méthodes
C’est une étude rétrospective portant sur douze enfants qui
ont été victimes de brûlure électrique au niveau de la main.
Cette étude est colligée dans le service de chirurgie plastique pédiatrique, hôpital d’enfants de Rabat entre janvier
2011 et février 2014.
Résultats
Il s’agit de douze enfants, 6 garçons et 6 filles, dont la
moyenne d’âge était de 9 ans et demi avec des limites entre
3 ans et 16 ans, deux de nos patients ont été victimes d’une
électrisation par un courant à haut voltage et 10 par un courant domestique.
Dix enfants ont consulté à la phase aiguë et deux autres
à la phase de séquelles.
La prise en charge de nos patients a nécessité plusieurs
techniques et qui sont reparties comme suit :
• les incisions de décharge ont été nécessaires chez trois de
nos patients ;
• la couverture des pertes de substance a nécessité
l’utilisation de greffes chez trois patients, cicatrisation
dirigée pour deux cas et quatre enfants ont bénéficié de lambeaux (1 lambeaux cerf-volant, 2 Cross-Finger,
1 lambeaux de Colson) ;
• plasties en Z chez un seul cas, un autre patient a été
amputé.
On note un dernier malade qui est décédé en réanimation
suite à une brûlure grave à haut voltage.
Discussion
Le traitement chirurgical des brûlures graves de la main est
toujours complexe ; il dépend avant tout de la profondeur
des lésions et de l’état des tissus environnants surtout s’il
s’agit de brûlure électrique.
La brûlure électrique de la main surviendrait de
façon assez fréquente chez l’enfant et est probablement
sous-estimé, beaucoup d’épisodes d’exposition pédiatrique
n’étant pas forcément suivis d’une admission dans un service
d’urgence ou d’une consultation médicale ou d’une déclaration obligatoire comme c’est le cas au Canada par exemple
[1].
Il ne faut jamais négliger une brûlure électrique de la
main, car même si apparemment elle n’est pas étendue,
elle provoque un choc électrique avec possibles troubles
cardiaques.
Du point de vue local, le geste à réaliser en urgence est
l’incision de décharge en cas de brûlure circulaire. De façon
différée, on pratique une excision de la zone brûlée, qui
doit être économe au niveau des tissus nobles, ces derniers
devant être recouverts par un tissu vivant. L’amputation
reste la seule solution en cas de brûlure très grave avec
destruction massive.
L’indication de lambeaux en urgence est assez rare, il est
plutôt indiqué pour une prise en charge secondaire, la réalisation étant posée le plus souvent après échec des greffes
de peau mince réalisées en première intention ; nous réalisons en règle l’excision des brûlures non cicatrisées aux
alentours du dixième jour [1].
Les lambeaux à la disposition du chirurgien sont nombreux, la surface à couvrir déterminera le plus adapté.
Pour couvrir une surface de quelques cm2 , des lambeaux
cutanés locaux seront privilégiés : lambeau pédiculé homodigital [2], Cross-Finger sur un doigt, lambeau cerf-volant
de Foucher pour un pouce ou une première commissure,
lambeaux métacarpiens en îlot sur les faces dorsales des
doigts [3,4], lambeaux au hasard au dos de la main. . .
les lambeaux pédiculés d’avant-bras en îlot (notamment
interosseux postérieur et antébrachial radial) sont utiles
lorsque les lambeaux locaux ne sont pas disponibles [5]
(Fig. 2).
Lorsque la perte de substance atteint 15 à 20 cm2 , les
lambeaux locorégionaux pédiculés peuvent être utilisés :
lambeau antébrachial radial [6,7] ou cubital [8,9], lambeau
cubitodorsal de Becker, lambeau interosseux postérieur
[10].
La localisation de la perte de substance et les séquelles
esthétiques liées au site donneur affineront le choix du lambeau [1].
Lorsque la brûlure profonde est étendue sur plus de
20 cm2 , les lambeaux locorégionaux sont rarement suffisants pour recouvrir la totalité de la perte de substance :
les techniques de couverture « à distance » permettent alors
de recouvrir des surfaces maximales, voire la totalité d’une
main.
Les brûlures électriques de la main chez l’enfant
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Figure 1. a : brûlure électrique du 5e doigts ; b : lésion du fléchisseur profond et thrombose du pédicule latéral ; c : lambeau Cross-Finger
prélever du 4e doigt ; d : couverture par une greffe de peau fine de la région hypothénar ; e : découverte du lambeau après 5 jours ; f :
résultat après 3 mois.
Figure 2. a : brûlure électrique du pouce avec mise à nu de l’articulation et de P2 ; b : tracé du lambeau cerf-volant ; c : dissection du
lambeau pédiculé ; d : création d’un tunnel sous-cutané pour passer le lambeau vers le pouce ; e : résultat en fin d’intervention ; f : résultat
après quelques jours.
Le lambeau inguinal [2,3] est le lambeau pédiculé à distance le plus utilisé dans les traumatismes graves de la main.
Il associe une grande fiabilité à un site donneur « idéal » par
sa localisation et sa rançon cicatricielle acceptable. Il peut
être d’emblée découpé pour s’adapter à la forme des doigts
[5]. Son inconvénient majeur est représenté par sa trop
grande épaisseur, qui nécessite constamment un deuxième
temps opératoire à distance pour le dégraisser.
Un lambeau cross-arm est possible lorsque le membre
supérieur controlatéral est épargné par la brûlure. Prélevé au hasard sur le bras controlatéral, il n’est
qu’exceptionnellement utilisé en raison de l’inconfort
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majeur pour le patient et de la difficulté de gestion des soins
[4] ; le lambeau-greffe de Colson prélevé à la face externe
du bras controlatéral présente les mêmes inconvénients :
pour cette raison, nous le prélevons au niveau abdominal,
voire latérothoracique.
Les lambeaux libres sont de réalisation plus délicate,
notamment dans un contexte plus ou moins septique de brûlures graves, chez un patient hémodynamiquement instable,
soumis à d’importantes variations tensionnelles. À ces
difficultés s’ajoutent celles de l’inflammation locale (rendant difficile la dissection des vaisseaux receveurs), de
l’installation postopératoire et de la surveillance du lambeau. Malgré ces réserves, les lambeaux libres permettent
la couverture en un temps de pertes de substance inaccessibles à d’autres techniques. Les lambeaux les plus utiles
sont en règle les plus fins : fascia temporalis, radial antébrachial controlatéral, grand dentelé.
Actuellement, l’avenir cosmétique et fonctionnel du
patient dépend de la qualité de prise en charge à la phase
aiguë, sans éliminer la survenue des séquelles. La qualité
du revêtement cutané et le respect des temps opératoires
sont essentiels. Afin de contrôler ou éviter les séquelles
majeures, l’enfant doit être suivi jusqu’à la fin de sa croissance. Les périodes les plus dangereuses sont la phase de
maturation de la cicatrice et la préadolescence [3].
Il n’existe pas de dogme pour la prise en charge chirurgicale des séquelles des brûlures de la main, il faut avoir
le bon sens clinique et la compétence qui est acquise par
l’expérience [4].
Les voies de recherche s’orientent actuellement vers les
cultures de cellules souches mésenchymateuses et embryonnaires, afin d’obtenir un néo-épiderme pluristratifié, cela
permettrait d’avoir des résultats proches d’une régénération physiologique, plutôt qu’une réparation cutanée, mais
pour le moment cela reste expérimental [2].
Conclusion
Les brûlures électriques de la main chez l’enfant sont un
accident fréquent de la petite enfance. Le traitement doit
J. El Bouyousfi et al.
tenir compte de la croissance de l’enfant et la cicatrisation
doit être obtenue avant le 15e jour, pour éviter les rétractions. Il n’existe pas de consensus thérapeutique, mais il faut
tenir compte de plusieurs critères comme la profondeur de
la brûlure, l’étiologie, la localisation et la croissance de la
main.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Références
[1] Voulliaume D, Mojallal A. Ann Chir Plast Esthet 2005;50:
314—9.
[2] Fontaine C, Wavreille G, Chantelot C, Prodhomme G. Anatomie
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[3] Unité de chirurgie, centre de traitement des brûlés,
hôpital d’enfants Armand-Trousseau. Chir Main 2013;32S:
S63—71.
[4] Conti E, Bach C. Arch Pediatr, 17; 2010. p. 881—2.
[5] Heifland A, Piatkowski A, Noah EM, Pallua N. Update on the
use of collagen/glycosaminoglycate skin substitute — six years
of experiences with artificial skin in 15 German burn centers.
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[6] Brunelli F, Valenti P, Dumontier C, Panciera P, Gilbert A. The
posterior interosseous reverse flap: experience with 113 flaps.
Ann Plast Surg 2001;47(1):25—30.
[7] Rasheed T, Hill C, Riaz M. Innovations in flap design: modified groin flap for closure of multiple finger defects. Burns
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[8] Neale HW. Electrical injuries of the hand and upper extremity. In: Mc Carthy JG, editor. Plastic surgery. Philadelphia:
WB Saunders; 1990. p. 5418—30.
[9] Echinard C. Les brûlures. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson;
2010. p. 395—403.
[10] Tambuscio A, Governa M, Caputo G, Barisoni D. Deep burn of
the hands: early surgical treatment avoids the need for late
revisions. Burns 2006;32:1000—4.
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