CHAPITRE INTRODUCTIF : LES MARCHES ET LA FORMATION DES PRIX Dans une économie libérale, les gestionnaires sont confrontés à une multitude de choix possibles. L’analyse économique leur offre un ensemble de règles de conduite qui leur indiquent quelles options choisir pour atteindre au mieux leurs objectifs (dont la maximisation du profit) dans des conditions données (prix des facteurs, demande du produit, etc.). Ces règles permettent en outre aux managers de déterminer comment ils doivent modifier leur choix lorsque les conditions économiques changent. Du fait que les managers et les consommateurs cherchent à satisfaire leurs propres intérêts et que les décisions sont prises de façon décentralisée (individuelle) et non par un organe central de planification, la coordination des activités constituent une question essentielle. Par exemple, comment s’assurer que les entreprises vont produire les biens que les consommateurs souhaitent acheter et dans des conditions adéquates ? Adam Smith avait déjà fourni une réponse à cette question en affirmant que la fonction de coordination des décisions individuelles pouvait être remplie de façon beaucoup plus efficace sans intervention de l’homme, par le mécanisme des prix. Mais Smith faisait surtout allusion aux marchés concurrentiels qui demeurent des cas idéalisés. Les courbes d'offre et de demande sur le marché sont obtenues à partir de l'agrégation des courbes de demandes individuelles des consommateurs, et des courbes d'offres individuelles des producteurs. Selon la théorie néoclassique, le prix est déterminé sur le marché et s'impose à l'entreprise. Cependant, il existe plusieurs situations de marché qui ne conduisent pas toutes au même type de formation des prix. Nous abordons dans ce chapitre les différents types de marché et les mécanismes de formation des prix sur ces marchés. 1 – Les différents types de marché 1.1 Définition du marché Un marché est un lieu de rencontre réel ou fictif entre l'offre et la demande. Il se caractérise par la manière dont s'opère cette rencontre entre l'offre et la demande, pour aboutir à une quantité échangée et à un prix. On distingue trois catégories de marché. Le marché des Biens et services où se confrontent l'offre et la demande de produits, le marché du travail où s'échange la force de travail, le marché des capitaux. Le marché des capitaux comprend trois compartiments : le marché des changes, le marché monétaire et le marché financier. Le tableau de Stackelberg reproduit ci-après montre les différentes situations de marché que l'on peut rencontrer, en fonction du nombre d'offres et de demandeurs. Tableau 1 : Tableau de Stackelberg sur les différents types de marché Un Demandeurs Quelques uns Multitudes Un Monopole bilatéral Monopole contrarié Monopole Offreurs Quelques uns Monopsone contrarié Oligopole bilatéral Oligopole Monopsone Oligopsone Concurrence pure et parfaite 1.2 – Le marché de concurrence pure et parfaite La concurrence pure et parfaite est une situation de marché ainsi dénommée par les néoclassiques, qui se rencontre lorsque cinq conditions sont réunies : l'atomicité de l'offre et de la demande ; l'homogénéité du produit ; la libre entrée sur le marché ; la transparence du marché et la mobilité des facteurs de production. L'atomicité de l'offre et de la demande : il doit exister sur le marché une multitude d'acteurs (offreurs et demandeurs) comparables à un atome face à l'ensemble, de telle sorte qu'aucun ne puisse influencer le marché de par sa décision. La libre entrée sur le marché : il ne doit pas exister pas de restrictions à l'entrée, ainsi la concurrence n'est pas figée. La transparence du marché : tous les acteurs du marché doivent bénéficier d'une information parfaite sur les conditions du marché, en particulier les prix. L'homogénéité du produit : les produits échangés sur le marché doivent être identiques de façon à empêcher leur différenciation le consommateur. La concurrence porte alors uniquement sur le prix. La mobilité des facteurs de production : les facteurs de production peuvent se déplacer, de manière à ce que chaque entreprise puisse profiter des mêmes conditions de production. 1.3 – Les marchés de concurrence imparfaite La concurrence imparfaite se rencontre à chaque fois qu'une condition de la concurrence pure et parfaite n'est pas vérifiée. On peut donc dire que la concurrence imparfaite constitue la règle dans la réalité, alors que la concurrence parfaite est l'exception. La concurrence imparfaite s'illustre par Page 2 sur 9 une forte concentration économique. Les marchés de concurrence imparfaite sont les marchés de monopole, d'oligopole, de monopsone et d'oligopsone du tableau de Stackelberg. 1.4 – Les marchés contestables La notion de marché contestable résulte des études réalisées par un économiste américain du nom de Baumol dans les années 80. Au regard des résultats de ces études, Baumol conclut que la concurrence n'est pas liée au nombre d'offreurs et de demandeurs sur un marché, mais à la possibilité d'entrée et de sortir du marché. Ainsi, sur un marché contestable, même un nombre réduit d'offreurs conduiraient ceux-ci à se comporter comme s'ils étaient en situation de concurrence, ce qui permet d'éviter des hausses démesurées de prix. Un marché contestable est un marché qui répond à deux conditions relatives à l'entrée et à la sorite dudit marché. A propos de l'entrée sur le marché, elle doit être libre, c'est-à-dire que de nouveaux concurrents peuvent chercher à s'accaparer les profits qui y sont réalisés. On parle de la possibilité de contester la situation actuelle du marché. La sortie du marché doit elle aussi être libre pour que celui-ci soit qualifié de contestable. Une sortie libre du marché signifie que l'entreprise peut se retirer de la concurrence sans pertes dommageables (les coûts supportés à la sortie doivent demeurer restreint sinon aucune entreprise ne prendrait le risque d'entrer sur le marché). Entrées et sorties sont donc libres. Un marché contestable est donc un marché qui se caractérise par l'absence de coûts d'entrée et de sortie. Il faut préciser que c'est la déréglementation qui a rendu contestables des marchés qui étaient jusque là en situation de monopole (transport aérien par exemple). 2 – La formation des prix en régime de concurrence pure et parfaite 2.1 – La loi de l'offre et de la demande Le prix d'un bien est l'expression monétaire de la valeur d'échange dudit bien. Il en résulte que le prix des biens et services dépend de la quantité de travail nécessaire à leur fabrication (valeur travail), mais aussi de l'utilité que procure le bien acquis (la valeur est fonction de l'utilité marginale) et de la rareté (plus un bien est rare plus il coûte cher). La loi de l'offre et de la demande illustre le mécanisme de formation des prix en concurrence pure et parfaite. L'offreur cherche à maximiser son profit et le demandeur cherche à maximiser son utilité. Ainsi, plus le prix est élevé plus les quantités offertes sont importantes, moins les quantités demandées sont élevées. Le mécanisme joue également en sens inverse : plus les quantités demandées sont élevées, plus le prix augmente puisque les demandeurs surenchérissent pour s'accaparer l'offre disponible. Par ailleurs, plus les quantités offertes s'élèvent, plus le prix a de chance de diminuer, puisque les offreurs rivalisent pour attirer vers eux la demande. Dans Page 3 sur 9 le modèle néoclassique, le prix constitue une donnée pour l'entreprise. Ainsi, la loi de l'offre et de la demande est un mécanisme de marché selon lequel toutes les variations relatives de l'offre et de la demande entraînent des variations de prix qui permettent d'établir un nouvel équilibre entre offre et demande. 2.2 – L'équilibre du marché L'équilibre du marché s'obtient quand les entreprises n'ont plus intérêt à produire compte tenu du prix sur le marché. Ce prix d'équilibre, pour l'entreprise, est atteint lorsque le profit qui résulte de la dernière unité vendue est nul, c'est-à-dire lorsque le prix de vente sur le marché est égal au coût marginal : P = Cm. Le graphique 1 donne une représentation graphique de l'équilibre du marché de concurrence pure et parfaite. Graphique 1 : Equilibre en concurrence pure et parfaite Prix O (courbe d’offre) P* D (courbe de demande) O Q* Quantité Dans ces conditions, le prix s'impose à l'entreprise, quelles que soient les quantités que celle-ci souhaite vendre. Cette situation est symbolisée par la droite horizontale p* sur le graphique 2 ci-après. Pour un coût marginal égal au prix, l'entreprise détermine alors sa quantité à produire Q. Cette situation se caractérise par le fait que le profit issu de la dernière unité produite est nul. Pour cette quantité Q, le coût moyen de l'entreprise est égal à CM. Ainsi, le coût total de l'entreprise (CT) est égal à CM x Q, et sa recette totale (RT) égale à P x Q. Son profit est représenté par la zone grise : (P x Q) – (CM x Q). Le profit de l'entreprise est égal à la différence entre sa recette totale (RT) et son coût total (CT). Page 4 sur 9 Le graphique 2 donne une représentation graphique du profit de l'entreprise en régime de concurrence pure et parfaite. Graphique 2 : La maximisation du profit en concurrence pure et parfaite Prix O (courbe d’offre) CTM (courbe de coût total moyen P* O Profit total Q1 Q Quantité 2.3 – Les surplus du consommateur et du producteur Le surplus du consommateur résulte de la différence entre le prix qu'il était prêt à payer et le prix sur le marché alors que le surplus du producteur résulte de la différence entre le prix du marché et le prix auquel il aurait accepté de vendre. Le graphique 3 donne une représentation des surplus du consommateur et du producteur. Page 5 sur 9 Graphique 3 : Les surplus du consommateur et du producteur Prix Offre P P* Demande Quantité En effet, le prix déterminé par la rencontre de l'offre et de la demande constitue un équilibre en ce sens qu'il représente la limite au-delà de laquelle ni les consommateurs, ni les producteurs ne souhaitent échanger. On observe que pour toutes les quantités échangées avant l'équilibre (Q' par exemple), les consommateurs étaient prêts à payer plus cher (P par exemple) et les producteurs prêts à vendre moins cher (P'). Par rapport au prix d'équilibre, les consommateurs et les producteurs obtiennent un gain à l'échange qui s'annule au point d'équilibre. Producteur et consommateur enregistrent chacun un surplus. 2.3 – La formation des prix en concurrence imparfaite Nous allons considérer trois cas de marché de concurrence imparfaite : le monopole, l'oligopole et la concurrence monopolistique. 2.3.1 – La formation des prix par l'entreprise en situation de monopole L'entreprise qui est situation de monopole fixe elle-même le prix du marché. Le prix ne constitue plus une donnée pour l'entreprise pour cette dernière, mais une Page 6 sur 9 variable. Elle fixe son prix de manière à maximiser son profit qui est soumis à deux effets contraires : un effet prix et un effet quantité. L'effet prix se traduit par le fait qu'une hausse du prix permet l'accroissement des recettes de l'entreprise alors que l'effet quantité correspond au fait que la hausse du prix entraîne une diminution des quantités demandées conformément à la loi de la demande. Le graphique 3 présente le prix du monopole. Graphique 3 : Le prix du monopole Prix O (courbe de coût marginal) CTM (courbe de coût total moyen P* Profit total D (courbe de demande) Rm O Q2 Q1 Quantité La recette totale (RT) de l'entreprise est : RT = P x Q. Sa recette moyenne (RM) est : RM = RT / Q. Définie comme la recette obtenue de la dernière unité de bien vendue, la recette marginale (Rm) est égale à : Rm = Δ RT / ΔQ. En situation de concurrence, le prix s'imposant à l'entreprise, on a : RM = Rm = P. Dans le cas d'une fonction de recette continue, la recette marginale est égale à la dérivée de la recette totale, soit : Rm = dRT / dQ. En situation de monopole, la recette moyenne est décroissante, puisque la demande qui s'adresse à l'entreprise est la demande totale du marché : plus l'entreprise souhaite vendre, plus elle doit baisser ses prix. Si la recette moyenne est décroissante, c'est que la recette marginale l'est aussi. Cette situation s'explique par le fait que la recette obtenue sur la dernière unité vendue diminue que la recette moyenne diminue. La recette marginale est par conséquent toujours inférieure à la recette moyenne, comme l'indique le tracé des droites de recettes du graphique 3. Pour maximiser son profit, l'entreprise fixe son prix au point E1 où le profit retiré de la dernière unité vendue est nul : Rm = Cm. Elle détermine alors la Page 7 sur 9 quantité Q à produire, ainsi que le prix P* qui correspond à sa recette moyenne. Par rapport à la situation de concurrence parfaite qui se situerait en E2 (en supposant que la courbe de coût marginal du monopole puisse être identique à la somme de toutes les courbes de coût des entreprises du marché), on constate que la situation de monopole conduit à un prix supérieur pour des quantités échangées moindres. Cependant, en situation de monopole, il n'est pas toujours intéressant pour l'entreprise d'augmenter trop fortement ses prix. En effet, un monopole est souvent temporaire et limité. Des prix trop élevés, et des profits en conséquence, vont susciter l'intérêt de nouveaux concurrents pour le marché concerné. En produisant en grande quantité, le monopoleur pourra réduire ses coûts unitaires et rendre, ce faisant, l'accès au marché plus difficile. En effet, pour concurrencer l'entreprise en situation de monopole sur les coûts, l'entrant devra réaliser des investissements plus importants. Ainsi, l'entreprise optera pour une politique de prix modeste de manière à décourager les éventuels nouveaux arrivants. 2.3.2 – Oligopole et concurrence monopolistique Les situations d'oligopole et la concurrence monopolistique sont plus souvent la règle dans la réalité que les situations de concurrence pure et parfaite ou encore de monopole. Sur un marché d'oligopole, une lutte des prix entre les entreprises peut conduire à la disparition de certaines d'entre elles. En effet, lorsque le produit est strictement homogène, les consommateurs choisissent le prix le moins cher. Un marché d'oligopole est un marché sur lequel le nombre restreint d'offreurs fait que les décisions des uns ne sont pas sans conséquence sur les décisions des autres. Toutefois, il n'est pas forcément de l'intérêt des entreprises de s'affronter de cette manière. Elles peuvent pratiquer une politique de différenciation du produit (dessin, emballage, image de marque, etc.) qui leur permet de figer une clientèle, et de sortir de la logique d'affrontement par les prix. Le produit est alors considéré comme unique par les demandeurs et l'entreprise se trouve en situation de concurrence monopolistique. On parle également d'oligopole différencié. La concurrence monopolistique est une situation de marché dans laquelle une entreprise obtient, par la différenciation de son produit, une position de quasimonopole. En somme, les entreprises, peuvent trouver avantage à s'entendre sur les prix pratiqués. Mais l'entente peut aller loin et porter sur la fixation d'un volume offert sur le marché pour ne point nuire au niveau des prix. Elle peut également porter sur un partage géographique du marché. Page 8 sur 9 2.3.3 – La fixation du prix dans l'entreprise En réalité, l'entreprise tient compte de ses coûts de production et du prix psychologique accepté par les consommateurs après une étude de marché. De plus, l'élasticité de la demande par rapport au prix doit être considérée. En effet, il existe des biens dits inélastiques, c'est-à-dire des biens pour lesquels une variation du prix n'entraîne pas une variation significative de la demande (pain, sucre, café, tabac, essence, etc.). D'où la nécessité de revisiter la notion d'élasticité. 2.3.4 – L'élasticité de la demande et de l'offre par rapport au prix L'élasticité par rapport au prix est égale au rapport entre la variation relative des quantités achetées (demande) ou vendues (offre) et la variation relative des prix. On distingue l'élasticité de la demande par rapport au prix et l'élasticité de l'offre par rapport au prix. Si on note D la demande, O l'offre, P le prix et ε l'élasticité on a : Elasticité de la demande par rapport au prix : ΕD = ΔD/D/ΔP/P Elasticité de l'offre par rapport au prix : ΕO = ΔO/O/ΔP/P L'élasticité de la demande d'un bien mesure la sensibilité de la quantité demandée lorsqu'il se produit un changement du prix de ce bien. Lorsque par exemple, une baisse de 10% du prix d'un produit entraîne un accroissement de 15% de la quantité demandée, on dit que la demande est très sensible : on dit qu'elle est élastique. En effet, l'accroissement relatif de la quantité demandée est supérieur à la réduction relative du prix. Par contre, on dit que la demande est inélastique à un prix lorsque, au départ de ce prix, l'accroissement relatif de la quantité demandée est inférieur à la réduction relative du prix. Par exemple, une baisse de 10% du prix d'un produit entraîne un accroissement de 5% de la demande. Page 9 sur 9