EMBOLIE PULMONAIRE GRAVE Définition « Migration dans la circulation artérielle pulmonaire d’un corps étranger, le plus souvent cruorique, avec oblitération brusque de l’artère pulmonaire oud’une de ses branches» L’E Pulm est grave lorsqu’elle ampute plus de 50% de la circulation pulmonaire En France : mortalité estimée de l’E Pulm 10 à 20 000 / an Etiologies Embole cruorique secondaire à une phlébite des membres inférieurs/pelvienne/cave - Chirurgicale ou post-opératoire - Obstétricale - Médicale (alitement, contraception orale, troubles de la coagulation) Autres : embolies graisseuses, gazeuse ou amniotique, thrombus du cœur droit Conséquences physiopathologiques augmentation brutale des résistances artérielles pulmonaires - avec ou sans hypertension artérielle pulmonaire - facteur mécanique : obstruction artérielle - vasoconstriction artériolaire (facteurs plaquettaires, hypoxémie) surcharge systolique du ventricule droit avec abaissement du débit cardiaque systémique voire choc cardiogénique modification des échanges gazeux pulmonaires : effet espace mort théorique, mais surtout effet shunt par pneumoconstriction des zones embolisées - l’hypoxémie n’est pas corrélée au degré d’oblitération artérielle +++ - hypocapnie et alcalose ventilatoire sont liées à l’hyperventilation - acidose possible dans les formes massives d’E. pulmonaire NB : 2 risques évolutifs : la récidive (souvent mortelle) et la constitution d’un cœur pulmonaire post-embolique Signes cliniques Souvent signes de gravité qui témoignent de la mauvaise tolérance de l’obstruction vasculaire et de l’altération du rapport ventilation / perfusion. Les symptômes ne sont pas spécifiques et la tolérance peut être trompeuse +++ signes pulmonaires : insuffisance respiratoire aiguë (75% des cas) - polypnée - cyanose - auscultation pulmonaire souvent normale douleur thoracique parfois infarctoïde, le plus souvent latéralisée choc cardiogénique avec tableau de cœur droit aigu - tachycardie avec pouls filant (> 110 /mn) - collapsus (< 80 mm Hg) parfois syncope inaugurale - refroidissement des extrémités, marbrures périphériques - turgescence jugulaire, éclat de B2 pulmonaire, galop droit, hépatomégalie signes de phlébite périphérique inconstants (30 %°des cas) classiquement : fièvre (38°C) et angoisse ++ Examens complémentaires 1°) Examens de débrouillage Examens indispensables ECG - les signes ECG n’ont de valeur que s’ils peuvent être comparés à ceux des ECG antérieurs - signes classiques : - tachycardie sinusale - déviation axiale droite du QRS (aspect S1 Q3 T3) - signes de surcharge systolique de VD (T négatives V1V2V3) - bloc de branche droit complet - troubles du rythme supra ventriculaire (flutter, fibrillation auriculaire) Echocardiographie - élimine le principal diagnostic différentiel : l’épanchement péricardique - montre une dilatation des cavités droites (rapport VD/VG > 0,6) avec hypokinésie du VD, recherche un thrombus intra-cardiaque - estimation des pressions pulmonaires (Doppler tricuspide) Dosage des D-dimères : aspécifique - normal avec technique ELISA (< 500 µg/ml) : élimine le diagnostic d’E.Pulm Echo-doppler veineux à la recherche d’un foyer embolique - systématique pour évaluer le risque de récidive - normal, il n’exclut pas le diagnostic d’embolie pulmonaire Examens utiles Gazométrie artérielle Le plus souvent hypoxémie avec hypocapnie, mais normale elle n’élimine pas le diagnostic Permet d’apprécier la gravité (hypoxémie, acidose métabolique) et de suivre l’évolution Radiographie pulmonaire (face) Grand intérêt pour le diagnostic différentiel (œdème pulmonaire, pneumothorax) Signes inconstants et d’appréciation difficile chez un malade choqué - hyperclarté du coté embolisé - surélévation de la coupole diaphragmatique - atélectasie pulmonaire en bande - épanchement pleural - saillie de l’arc moyen gauche cardiaque 2°) Examens du diagnostic positif scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion Elimine le diagnostic d’embolie pulmonaire si normale. Difficile à réaliser si polypnée importante - zones non perfusées et ventilées - permet de classer le patient en terme de probabilité Le diagnostic suspecté devra être confirmé par la preuve radiologique de l’embolie pulmonaire : visualiser les thrombi angioscanner thoracique hélicoïdal (ou spiralé) - utile pour visualiser les emboles distaux - permet de différencier embolie aiguë et emboles anciens imagerie par résonance magnétique nucléaire angiographie pulmonaire directe - - reste l’examen de référence en visualisant les lacunes endoluminales et l’absence ou la diminution de la perfusion pulmonaire périphérique permet de quantifier l’importance de l’embolie (index de Miller) Diagnostic différentiel Infarctus du myocarde Insuffisance respiratoire aiguë (crise d’asthme, pneumothorax, pneumonie) Tamponnade Traitement : traitement anticoagulant ± désobstruction Traitement symptomatique - hospitalisation repos au lit oxygénothérapie nasale remplissage vasculaire dobutamine (5 à 20 µg/kg/min) en cas de collapsus Rechercher une contre-indication au traitement anti-coagulant Traitement anti-coagulant par héparine IV non fractionnée (HNF) Bolus 5000 UI puis 500 UI /kg/24h adapté au TCA (2à 3 fois le témoin) Traitement par HBPM en cours d’évaluation Relais AVK précoce (PREVISCAN®, SINTROM®) avec INR (« International Normalized Ratio ») compris entre 2 à 3 pendant au moins 3 mois Thrombolyse si mauvaise tolérance clinique et /ou dilatation du VD à l’échocardiographie rtPA (ACTILYSE®) : 100 mg/2heures puis relais par héparine IV Embolectomie chirurgicale sous circulation extracorporelle - si contre-indication à la thrombolyse - utile si les thrombi sont dans les branches proximales - si traitement thrombolytique inefficace nécessite une équipe chirurgicale et anesthésique entraînée (mortalité 40%) A distance de l’épisode aigu : penser à faire les explorations de la cause initiale - cancer ++ - bilan de coagulation (recherche d’un déficit en protéine C, S, antithrombine III, cofacteur II de l’héparine ; résistance à protéine C activée) Embolie pulmonaire grave : conduite du diagnostic et du traitement Suspicion clinique d’embolie pulmonaire grave Dosage des D-Dimères D-Dimères + D-Dimères – mais contexte clinique évocateur Echocardiographie Diagnostic différentiel VD dilaté VD normal Angioscanner en urgence Scintigraphie pulmonaire ± Angioscanner Thrombolyse Héparine IV ± thrombolyse Figure 1 : Quantification de la gravité de l’embolie pulmonaire par l’index de Miller Figure 2 : Electrocardiogramme à la phase aiguë d’une embolie pulmonaire