1 - polys-ENC

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Polycopié National des Enseignants de Cardiologie / 2002-2003
EMBOLIE PULMONAIRE
E Ferrari - Service de cardiologie - CHU Nice
GENERALITES
I - DEFINITION
L’Embolie pulmonaire (EP) est la conséquence de l’obstruction des artères pulmonaires ou de leurs
branches par des embols le plus souvent cruoriques.
II - INCIDENCE DE L’EP
L’EP est une maladie très fréquente.
Les données épidémiologiques actuelles estiment à plus de 100 000 l’incidence annuelle de l’EP en
France. Ce chiffre est fort probablement très sous-estimée.
Plusieurs arguments vont dans ce sens.
- Bien que strictement asymptomatique sur le plan pulmonaire, prés d’1 patient sur 2 qui présente
une thrombose veineuse profonde proximale (TVP) (au-dessus du genou) présente aussi une EP.
- 15 % des patients qui décèdent de cause inconnue à l’hôpital présentaient, en fait, une EP
- L’EP est la principale cause non carcinologique de mortalité des patients atteints d’un cancer.
- C’est aussi la première cause extra obstétricale de décès des parturientes.
III - EST CE UNE MALADIE GRAVE ?
L’EP est une maladie grave qui nécessite une prise en charge rapide et rigoureuse.
La mortalité de l’EP non traitée est de l’ordre de 30 à 40 % alors qu’elle sera inférieure à 15 voire
8 % lorsqu’une prise en charge thérapeutique adéquate est entreprise. Cette prise en charge
thérapeutique a été parfaitement étudiée et validée et il importe que les mesures thérapeutiques
efficaces soient effectivement utilisées.
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IV - DIAGNOSTIC NON FACILE
Malheureusement, force est de constater que le diagnostic clinique de l’EP reste trop fréquemment
non fait. On estime que moins de 40 % des EP sont effectivement diagnostiquées.
Ceci doit conduire à élargir les situations où le diagnostic devra être évoqué et également à bien
connaître les formes cliniques atypiques.
V - PROVENANCE DU CAILLOT
L’embol cruorique qui vient obstruer l’artère pulmonaire provient le plus souvent d’une veine des
membres inférieurs. Cela ne signifie pas pour autant que ce thrombus qui se sera détaché de la paroi
veineuse aura engendré une symptomatologie au niveau des membres inférieurs
Par ailleurs ce thrombus migrateur peut provenir des veines pelviennes, abdominales, des veines des
membres supérieurs voire des cavités cardiaques droites, situations qui ne donnent que peut
fréquemment une symptomatologie facile à reconnaître.
L’Embolie pulmonaire peut donc venir compliquer une thrombose veineuse qui était déjà connue
(cette complication survient alors essentiellement du fait d’une mauvaise prise en charge
thérapeutique de la TVP), elle est le plus souvent inaugurale et révélatrice de la « maladie thromboembolique veineuse ». Il est effectivement capital de considérer que la thrombose veineuse et l’EP
représente une seule et même maladie. L’EP pouvant être considérée comme la principale
complication de la TVP
VI - CONSEQUENCES
PHYSIOPATHOLOGIQUES
DE
L’OBSTRUCTION
VASCULAIRE PULMONAIRE
1) Il est capital de comprendre que les conséquences cliniques d’une EP sont le plus souvent
proportionnelles à l’importance du territoire vasculaire amputé.
On peut distinguer les EP qui n’amputent qu’une ou quelques branches distales des artères
pulmonaires. En ce cas, les conséquences sur l’hématose, l’hypertension artérielle pulmonaire et
donc les répercussions cardiaques seront peu importantes. En revanche l’atteinte distale peut donner
une symptomatologie fonctionnelle plus riche du fait de l’atteinte de la plèvre et de la constitution
d’infarctus pulmonaires.
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A l’opposé si le thrombus migrateur est de grosse taille, ou si, comme souvent, plusieurs épisodes
emboliques se sont rapidement succéder, l’amputation vasculaire pulmonaire sera plus importante,
souvent proximale, les conséquences sur l’hématose et les répercussions cardiaques seront plus
graves.
2) Hypoxie-Hypocapnie « paradoxale » : L’amputation d’une artère pulmonaire alors que la
ventilation reste fonctionnelle crée normalement un effet espace mort. L’existence d’une hypoxieHypocapnie est habituellement évocatrice d’un effet shunt (correspondant à un territoire
normalement perfusé mais une ventilation non fonctionnelle). Cette paradoxale hypoxie-hypocapnie
est engendrée par une réaction de broncho-constriction qui touche non seulement les bronches dans
le territoire où les artères sont obstruées mais aussi la quasi-totalité du parenchyme pulmonaire.
Cette broncho-constriction serait due à la sécrétion de médiateurs qui ont un effet vaso et
bronchoconstricteurs.
VII - LE TERRAIN DE SURVENUE : LES CIRCONSTANCES
Les facteurs favorisant une EP sont ceux (décrits il y plus de 150 ans par Virchow), qui favorisent
une thrombose veineuse, en résumé :
* La stase sanguine ; qu’elle soit du à un alitement, une période post-opératoire, une insuffisance
cardiaque, un trouble du rythme ou un voyage en position assise
* Une lésion de la paroi veineuse ; qu’elle soit du à une lésion mécanique (post-chirurgicale ou
traumatique)
ou
médicamenteuse
(certains
médicaments
perfusés
:
chimiothérapie
anticancéreuse, cordarone..)
* Une propension anormale à créer un thrombus dans le système veineux ; que cette propension
soit constitutionnelle :
-
Thrombophilie : déficit en protéines C et S, Déficit en Antithrombine, Résistance à la
protéine C,
-
Hyper-homocystéinémie ou acquise :
Pilule oestro-progestative en particulier de 3ème génération
Traitement hormonal substitutif de la ménopause,
Traitement antidépresseur…
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DIAGNOSTIC CLINIQUE
I - SIGNES FONCTIONNELS
1 - Dyspnée
En théorie, proportionnelle au degré d’amputation vasculaire et donc aux conséquences sur
l’hématose. En fait les « petites » EP périphériques qui n’obstruent qu’une branche distale des
artères pulmonaires peuvent engendrer une dyspnée du fait de la réaction pleurale, mais dans ce cas
il n’y aura pas d’hypoxie profonde.
Les EP gravissimes peuvent être responsables d’une mort subite par arrêt respiratoire.
2 - Douleur thoracique
Signe non spécifique, classiquement basi-thoracique, elle suppose une réaction pleurale et donc une
atteinte plutôt périphérique. Des embols distaux peuvent coexister avec des obstructions plus
proximales et donc une réaction pleurale avec une atteinte proximale. La douleur pleurale peut
survenir tardivement alors que le patient est en cours de traitement.
3 – Fièvre
Peu fréquente. Suppose un infarctus pulmonaire mais peut aussi être due à la thrombose veineuse
coexistante.
4 – Tachycardie
Parfois le seul symptôme, en particulier en post opératoire, qui devra faire évoquer la maladie. Peut
être due à l’hypoxie et à l’hypertension artérielle pulmonaire induite. En ce sens elle peut être
considéré comme un signe de gravité. Mais une augmentation de la fréquence cardiaque peut
également être causée par la douleur et l’angoisse engendrées.
5 - Hémoptysie
Rare. Suppose la constitution d’un infarctus pulmonaire qui se déterge dans une bronche et donc de
survenue tardive. Habituellement faite de sang rouillé.
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6 – Syncope
Suggère une amputation vasculaire importante avec répercussions sévères sur le fonctionnement du
coeur droit. En ce sens correspond à un critère de gravité.
Peut, moins fréquemment être engendrée par la douleur et un syndrome vagal réactionnel.
7 - Collapsus cardiovasculaire
Forme clinique gravissime de l’EP. Dû aux amputations vasculaires les plus importantes
responsables d’un « barrage » à l’éjection du ventricule droit et/ou à une grande hypoxie.
Les Formes Cliniques :
Il faut évoquer le diagnostic d’EP devant :
* Toute aggravation de la dyspnée chez un patient insuffisant cardiaque
* Toute aggravation de la dyspnée chez un patient insuffisant respiratoire
* Tout situation de tachycardie, d’essoufflement, d’angoisse, de fièvre inexpliquée ou
d’anomalie radiologique pulmonaire chez un patient en post-opératoire.
* Tout malaise ou tachycardie anormale du post-partum.
II - SIGNES D’EXAMENS
L’examen d’un patient suspect d’ EP doit viser autant à éliminer une autre pathologie qu’à
confirmer l’hypothèse d’EP.
L’interrogatoire est un moment capital.
Il visera à préciser le contexte (post chirurgie,alitement..) la prise de traitement thrombogène
(pilule, antidepresseurs, chimiothérapie..), les ATCD thrombo-embolique personnels ou familiaux,
l’existence éventuelle d’une thrombophilie connue.
La prise de la TA et de la fréquence cardiaque peut permettre d’emblée de distinguer les formes
avec importantes répercussions cardiaques.
La recherche de signes cliniques en faveur d’une thrombose veineuse concomitante bien que peut
souvent contributive est impérative.
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La recherche d’un tableau d’insuffisance cardiaque droite doit être rigoureux :
- Reflux hépato-jugulaire,
- Hépatomégalie,
- Souffle d’Insuffisance tricuspide,
- Eclat du B2.
Il est capital que le clinicien se fasse une idée claire à la fin de cet examen et qu’il établisse un score
de probabilité avant tout examen complémentaire important (probabilité clinique pré-test).
On peut globalement classifier cette probabilité en 3 catégories :
- Faible (« l’impression » du clinicien est qu’une EP est peu probable)
- Moyenne (« l’impression » est qu’une EP est possible mais non certaine)
- Forte (une EP est hautement probable d’après le contexte et l’examen clinique).
Cette probabilité pré-test servira à pondérer certains résultats d’examen complémentaires.
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DIAGNOSTIC PARACLINIQUE
I - LES OUTILS DIAGNOSTIQUES
1 - Les d-Dimères
Leur dosage doit se faire au mieux par la méthode Elisa. La valeur seuil utilisée est habituellement à
500 microg/l.
Leur positivité n’est qu’exceptionnellement suffisante pour avoir une quelconque signification. En
revanche leur valeur prédictive négative est excellente ; Un taux de d-Dimères < 500 microg/l
élimine avec une très forte probabilité une thrombose veineuse et donc une EP.
2 - La radio thoracique
Elle peut montrer de nombreux signes évocateurs d’EP :
* Signe de Westermark : Hyperclarté localisée du parenchyme (due à une moindre
vascularisation)
* Ascension de la coupole diaphragmatique (induite par la rétraction du parenchyme par les
troubles ventilatoires)
* Atelectasie en bande
* Elargissement des artères pulmonaires
* Opacité triangulaire à base pleurale (Infarctus pulmonaire)
* Grosse artère pulmonaire
* Un épanchement pleural habituellement modéré est possible.
Une radiographie normale n’élimine pas une EP, elle a le mérite d’éliminer d’autres diagnostics qui
auraient échappé à la sagacité du clinicien (pneumopathie, pneumothorax ou hémothorax,
pleurésie).
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3 – ECG
Normal dans les formes périphériques sans répercussion cardiaque.
Peut montrer :
* une tachycardie habituellement sinusale
* des signes de coeur droit aigu :
- Aspect S1Q3 (onde S en D1 et onde Q en D3) signifiant une rotation axiale droite par
hypertrophie des cavités droites
- BBDroit complet ou incomplet des troubles du rythme : Fibrillation plus fréquemment
que flutter, rarement tachycardie ventriculaire.
* des troubles de la repolarisation à type d’onde T négatives dans le précordium (parfois sur
les dérivations inférieures) qui témoignent alors d’une EP sévère.
4 – Gazométrie
Une gazométrie normale n’exclut pas le diagnostic. Les signes classiques sont :
* une hypoxie (signe de gravité lorsqu’inférieure à 60 mm Hg)
* une hypocapnie
* une alcalose respiratoire remplacée par une acidose métabolique dans les formes graves.
Attention aux ponctions artérielles inconsidérées qui risqueraient de poser problème en cas
d’indication de thrombolyse.
5 - Echo-Doppler veineux
Principe : La découverte d’un thrombus dans une veine des membres inférieurs chez un patient
suspect d’EP est un excellent argument pour une EP. La mise en évidence d’une thrombose
veineuse impliquera un traitement anticoagulant qui dans la très grande majorité des cas sera aussi
celui de l’EP. Il est donc important de comprendre qu’il n’est pas nécessaire de mettre en évidence
le thrombus pulmonaire pour bien prendre en charge le traitement de l’EP.
Cet examen est anodin, peut se faire au lit du malade.
Le signe essentiel est la non-compressibilité d’une veine.
La visualisation directe du caillot est cependant fréquente.
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6 - Echocardiographie-Doppler transthoracique
A le mérite de pouvoir être fait au lit du malade.
L’échocardiographie montre les répercussions cardiaques de l’EP, cela suppose environ une
amputation de 50 % du territoire vasculaire. Sa normalité n’élimine donc certainement pas une EP
périphérique, en revanche elle est un bon argument contre une EP sévère. Les signes en faveur
d’une EP sont :
* Une dilatation du coeur droit (rapport des diamètres ventricule droit/ventricule gauche > 0.7)
* Une dilatation du tronc de l’artère pulmonaire
* Une diminution de la contractilité du ventricule droit (signe de gravité)
* Une perméabilité du foramen ovale (créant un shunt droit gauche avec majoration de
l’hypoxie et risque d’embolie paradoxale dans la grande circulation).
Le doppler permet de mesurer le gradient entre l’oreillette droite et le ventricule droit en systole et
donc d’apprécier la pression pulmonaire systolique.
La non-variabilité du calibre de la veine cave inférieure est corrélée à l’insuffisance cardiaque
droite.
Plus rarement l’échocardiographie peut montrer un caillot (en transit) dans le ventricule droit.
L’échocardiographie trans-thoracique est très utile par le fait qu’elle permet d’éliminer d’autres
diagnostics (Tamponnade, Infarctus du VD..)
7 - Echocardiographie transoesophagienne
Peut être contributive par la visualisation du premier segment des artères pulmonaires en particulier
à droite.
Cet examen nécessite un opérateur expérimenté mais peut éviter de déplacer un patient instable
dans les cas douteux.
8 - Scanner spiralé
Permet une très bonne visualisation des artères pulmonaires proximales et moyennes. La définition
des branches plus distales s’améliore avec la technique (scanner multibarettes).
Cet examen est en train de détrôner l’angiographie pulmonaire.
Nécessite une injection de produit de contraste ainsi que le transport du patient.
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9 - Scintigraphie pulmonaire
Le principe est un marquage :
* des territoires perfusés par un traceur radioactif (habituellement du technétium) injecté dans
une veine au pli du coude
* des territoires ventilés par un autre traceur radioactif (Xénon ou Krypton) inhalé.
Les territoires bien ventilés mais non perfusés correspondent au « mismatched » évocateur d’EP.
Conditions techniques :
* Patient compliant
* Nécessité de 6 incidences
L’examen doit être fait le plus rapidement possible idéalement avant 48 heures.
Inconvénients :
* Nécessite le transport dans une unité d’imagerie isotopique
* Radioactivité (minime)
* Interprétation très aléatoire dés lors qu’existe une pathologie broncho-pulmonaire
concomitante (nécessité d’une radiographie thoracique préalable à l’examen)
* Les conclusions ne donnent une certitude que dans environ 40 % des cas.
10 - Angiographie pulmonaire
Technique et Principe :
* ponction d’une veine (de préférence brachiale),
* Cathétérisme cardiaque par une sonde « queue de cochon »,
* Mesure des pressions ventriculaire droite et pulmonaire indispensable,
* Injection de produit de contraste pour opacification du lit vasculaire pulmonaire.
L’image caractéristique d’EP est la visualisation du ou des thrombi obstructifs : image de « feeling
defect » (arrêt en pince de crabe du produit de contraste qui moule le caillot) avec amputation
vasculaire en aval.
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L’avantage de l’angiographie est qu’elle permet de quantifier la gravité et les répercussions sur la
vascularisation pulmonaire par l’indice de Miller. Ce score tient compte de la localisation des
caillots dans l’arbre artériel et également de l’hypoperfusion périphérique éventuelle. Il permet de
distinguer les formes très sévères (Miller > 60 %).
Examen considéré en théorie comme le « Gold Standard ». En fait son caractère « invasif », les
risques liés au cathétérisme et à l’injection d’iode font que le diagnostic d’EP gagne à être poser en
évitant cet examen.
11 – Autres
L’IRM est en cours de validation et pourrait s’avérer utile dans la stratégie diagnostique.
II - UTILISATION
des
OUTILS
DIAGNOSTIQUES
:
ARBRE
DECISIONNEL
DIAGNOSTIQUE
Voir schéma annexe
Principes :
Il faut d’emblée distinguer 2 situations :
* Si l’EP que l’on suspecte est grave : dans ce cas les répercussions cardiaques sont
importantes, il peut exister une instabilité hémodynamique : le principe est de confirmer au
plus vite le diagnostic par des examens qui peuvent se faire, si possible, au lit du malade et
qui permettront de prendre rapidement la meilleure décision thérapeutique (Thrombolyse..).
Il peut être dangereux de mobiliser inconsidérément ce type de patient à fortiori pour un
examen long dont le résultat peut ne pas être très contributif.
* Si l’EP que l’on suspecte est non grave : Dans ce cas, il existe une gradation dans les outils à
employer. A chaque stade, il est nécessaire de faire intervenir la probabilité clinique pré-test,
c’est-à-dire la probabilité du diagnostic d’EP qui aura été forgée par l’interrogatoire, le
contexte et l’examen clinique (et l’expérience du clinicien). Les schémas reprennent les
arbres décisionnels validés en fonction de ces 2 circonstances.
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TRAITEMENT
Il faut distinguer les EP Graves mettant immédiatement en jeu le pronostic vital et les EP non
immédiatement graves.
Le traitement essentiel est la mise en route des anticoagulants.
Dans cette indication d’EP non grave, une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) possède
l’AMM : La Tinzaparine (Innhohep®) en une seule fois par jour en SC.
La dose standard est de 175 UI/Kg/j, correspondant à 0,6 ml pour un poids de 70 kgs.
La surveillance de l’activité thérapeutique n’est pas nécessaire sauf en cas de très faible ou de très
fort poids du malade ou d’insuffisance rénale modérée.
Cette surveillance se fera par l’activité anti-Xa dont le prélèvement doit être fait à partir du second
jour de traitement 6 à 7 heures après une injection SC.
En cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/mn), les HBPM sont contreindiquées en curatif, dans ce cas l’héparine standard doit être utilisée.
La dose initiale est alors de 80 unités par Kg de poids en bolus (soit environ 5000 U) suivi d’une
perfusion de 18 U/Kg/heure soit environ 32.000 unités par 24 heures.
A la différence des HBPM l’héparine non fractionnée donne des réponses pharmacologique très
variable en fonction des sujets. Il importe donc de vérifier
le TCA à la 6ème heure et d’adapter la dose en fonction de l’abaque de Raschke (Voir tableau 1).
Tableau I : Adaptation posologique de l’héparine continue en fonction du TCA de contrôle
Si TCA < 35 sec
Rajouter un bolus de 80 U/kg
puis augmenter de 4 U/kg/h (7000 U/24 h pour un poids de 70 kgs)
Si TCA [35 - 45 sec]
Rajouter un bolus de 40U/kg
puis augmenter de 2 U/kg/h (3600 U/24 h pour un poids de 70 kgs)
Si TCA [46 – 70 sec]
Aucun changement
Si TCA [71 - 90 sec]
Diminuer la perfusion de 2 U/kg/h (3600U/ 24 h)
Si TCA [> 90 sec]
Stop perfusion pendant 1 heure
diminuer la dose de 3 U/kg/h (5400 U /24 h)
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Quelle que soit l’héparine utilisée la vérification de la numération plaquettaire est nécessaire (2
fois/semaine pendant la durée du traitement) afin de diagnostiquer au plus tôt les thrombopénies
induites par l’héparine complication rare mais grave du traitement par héparine.
Quelle que soit l’héparine utilisée, un relais par Anti-vitamine K sera obligatoire dans la majorité
des situations. Le début du traitement AVK gagne à être débuté le plus tôt possible (J0 ou J1), ceci
pour plusieurs raisons :
* Permettre un équilibre de ce traitement plus rapide et donc une sortie du patient plus rapide
avec une phase suffisante d’apprentissage du patient quant à ce traitement.
* Permettre une réduction de la durée de l’héparinothérapie afin d’éviter ou de limiter les
thrombopénies induites par l’héparine (TIH) qui surviennent habituellement au-delà du
7ème jour.
* Permettre un chevauchement adéquat (au moins 4 jours) de l’héparine et de l’AVK afin de
protéger la paradoxale réaction thrombogène parfois induite par l’institution des AVK.
La dose initiale du traitement AVK sera de 5 mg de Coumadine® (warfarine) ou de 20 mg de
Previscan® (Fluindione) à ajuster dés les premiers INR de contrôle. Il ne faut pas prescrire de dose
de charge.
Le traitement par héparine sera arrêté lorsque 2 INR successifs à plus de 2 auront été atteints à 24 h
d’intervalle et de toute façon jamais avant 4 à 5 jours d’héparinothérapie.
Pour la gestion du traitement AVK en ville, la motivation et l’éducation du patient ainsi que la
collaboration du médecin traitant sont indispensable. L’INR cible est situé entre 2 et 3. Un
surveillance au moins mensuelle de cet INR est indispensable.
En cas de thrombose veineuse, le port de bas de contention pendant au moins 2 ans permet de
limiter les complications à distance à type de maladie post-phlébitique.
I - TRAITEMENT DES EP GRAVES
1 - Mise en condition du patient
* Oxygène nasal ou au masque
* Voie(s) veineuse(s) périphérique(s)
* Inotropes + en cas de dysfonction ventriculaire droite sévère, à fortiori en cas de collapsus.
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* Nécessité parfois de catécholamines
* Malgré l’élévation des pressions cardiaques droites, un remplissage prudent (< 500 cc) peut
être tenté.
* Lorsque la situation est critique, il faut savoir discuter l’indication d’une reperméabilisation
rapide le plus souvent par thrombolyse médicamenteuse .
2 - La trombolyse médicamenteuse
Son objectif est, contrairement à l’héparine, de dissoudre une partie des caillots qui obstruent les
artères pulmonaires et donc de diminuer rapidement la post-charge ventriculaire droite (que l’on
peut assimiler à la pression pulmonaire). La relation entre le degré d’obstruction des artères
pulmonaires et la post-charge du ventricule droit n’est pas linéaire mais exponentielle, expliquant
qu’une EP bien tolérée peut devenir gravissime à la moindre petite récidive.
A contrario une petite diminution de l’obstruction pulmonaire par la lyse de caillots peut permettre
de revenir rapidement à un degré de surcharge du VD acceptable et compatible avec l’attente de la
dissolution du reste des caillots par la fibrinolyse spontanée.
Le protocole classique est l’administration de rtPA (Actilyse): 10 mg en bolus puis 45 mg/heure
pendant 2 heures soit au total 100mg sur 2 heures.
L’inconvénient de ce traitement est le taux de complication hémorragique grave de l’ordre de 2%.
Les contre-indications doivent donc être connues et respectées :
Absolues :
Hémorragies interne active ou récente, ATCD d’hémorragie cérébrale, affection
intracrânienne
ou
médullaire
évolutive,
intervention
neuro-chirurgicale
ou
traumatisme crânien récent.
Relatives :
Chirurgie de moins de 10 j, AVC ischémique de moins d’un an, HTA sévère et non
contrôlée, grossesse.
3 - L’embolectomie chirurgicale
Peut encore se discuter dans les situations d’EP gravissimes quand existe une contre-indication au
traitement fibrinolytique. Cette chirurgie est cependant grevée d’une lourde morbi-mortalité.
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4 - Mise en place d’un filtre cave
Principe :
Lorsque des thrombi sont mis en évidence dans le système veineux des membres
inférieurs, leur migration dans le poumon peut être, en théorie, éviter par la mise en
place d’un « filtre » positionné dans la veine cave.
Technique : Ces filtres se mettent en place par voie transcutanée. Après ponction de la veine
jugulaire droite ou d’une veine fémorale (dont il faut préalablement s’assurer la
vacuité) un cathéter est introduit qui contient le filtre en position fermée. L’extrémité
du cathéter est positionnée à hauteur des veines rénales. Le filtre est poussé en dehors
de sa gaine plastique et va s’ouvrir dans la veine cave. De petits crochets sur chacune
de ses pâtes métalliques vont permettre son « arrimage » aux parois de la veine cave.
Le filtre ainsi positionné ne peut plus être retirer.
En Europe, un consensus existe pour n’utiliser cet outil que dans les situations où aucune autre
solution n’est possible :
* Récidives d’une EP malgré un traitement anticoagulant bien conduit
* Contre-indication formelle aux anticoagulants (hématome cérébral..)
II - COMPLICATIONS
1 - En dehors du traitement
La mortalité de l’EP non traitée est de l’ordre de 30 à 40 %.
A la phase aiguë peuvent survenir :
* Récidives emboliques, collapsus cardiaque, mort subite.
* L’hypertension pulmonaire droite peut créer la réouverture d’un foramen ovale qui peut
être responsable d’hypoxies sévères réfractaires et d’embolies paradoxales dans la grande
circulation en particulier cérébrales.
A long terme :
* Coeur pulmonaire chronique.
* Récidives thrombo-emboliques
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2 - Avec le traitement
La mortalité de l’EP traitée est de l’ordre de 8 à 15 %.
Les récidives thrombo-emboliques si elles sont beaucoup moins fréquentes peuvent persister surtout
si le traitement anticoagulant est mal géré.
3 - Le traitement peut entraîner des complications propres
* Complications hémorragiques estimées à 1 à 3% avec les héparines et de 3 à 5 % par an
avec les AVK.
* Thrombopénies induites par les héparines qu’il faut savoir évoquer devant une extension
du processus thrombotique, l’apparition d’une CIVD, une résistance à l’héparine. Cette
complication impose une surveillance de la numération plaquettaire sous héparine.
* Elévation des transaminases sous héparines.
* Nécrose cutané qui peuvent être due à l’héparine ou aux AVK chez les patients déficitaires
en protéine C ou S.
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Suspicion d ’EP
Signes d ’appel
Anamnèse
Signes physiques
Probabilité pré-test
D-Dimères
< 500
> 500
Echo-doppler
Pas de TVP
TV
Scanner
Pas d ’EP,
Probabilité
EP
Fort
Faible ou
Angiographie
Stop
EP
Pas
Stop
Traitement
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