Les Races humaines existent-elles ? INTRODUCTION Cette question est le titre d’un article proposé par le magasine « La Recherche », il prend appuis sur l’ouvrage de 3 scientifiques qui remettent la question au goût du jour : Marcus Feldman (biologiste à l’université de Stamford) Richard Lewonting (Musée de zoologie comparative à l’université de Harvard) Mary Claire King (généticienne à l’université de Washington) Ce texte a été publié en Juillet 2004, il fait le point sur l’existence de races au sein de l’espèce humaine et s’interroge sur la pertinence de cette notion. I. Quel est le contexte actuel qui nous permet de nous interroger sur cette question ? Depuis l’an 2000, le projet de séquençage du génome humain est achevé à 95 %. Ce projet nourrit l’espoir de parvenir à expliquer des maladies courantes à partir d’anomalies ds les séquences d’ADN. Il ouvre aussi la porte à un autre défi : l’étude de l’histoire de l’évolution humaine à partir d’analyse statistiques des variations du génome entre des individus originaire de différentes régions du globe. Entre 2001 et 2003, des études (notamment celles de Rosenberg, Stephens et Bamshad) ont permis de démontrer qu’il était possible de déterminer la région d’origine des ancêtres d’un individu en étudiant des « marqueurs génétiques », dans certains cas il est même possible d’arriver à l’échelle locale. Mais ces travaux ont provoqués un regain d’attention pour le concept de race (de la communauté scientifique, mais également de la part des partisans des théories racistes). La première motivation de ces travaux est d’exploiter les variations génétiques chez l’homme pour « individualiser » la médecine. Avec l’accès au génome, il est devenu bcp plus facile d’étudier ces variations. Et depuis trois ans une controverse va croissant appliqué à l’homme ds le contexte de la médecine et de la pharmacologie, la notion de race a-t-elle un sens ? Est elle biologiquement utile ? On peut ainsi compter pas moins de onze commentaires, dans des revues scientifiques ou des journaux, posant la question de la catégorisation en races. Certains commentaires tendent à remettre en cause l’idée selon laquelle la plus grande part de variabilité serait présente au sein même des populations. Or, c’est cette observation qui avait conduit à la perte d’intérêt pour le classement en races des êtres humains. Cependant, pour Feldman, Lewontin et King, cette constatation n’a pas à être remise en cause, mais doit être mise en perspective avec d’autres découvertes. Pour Feldman et ses collègues, il y a ainsi trois questions distinctes : 1. « Est-il possible de trouver des séquences d’ADN qui soient polymorphes (…) et dont les fréquences alléliques (…) soient suffisamment différentes entre les grandes régions géographiques pour permettre de déterminer, avec une forte probabilité, l’origine géographique d’une personne ? » 2. « Quelle fraction de la variabilité génétique humaine trouve-t-on à l’intérieur de populations géographiquement séparées, et quelle fraction distingue ces populations ? » 3. « Les gènes dont les fréquences alléliques sont hautement spécifiques de la région géographique sont-ils typiques du génome humain en général ? » Les réponses aux deux premières question sont bien connues : il est possible de trouver des marqueurs génétiques (gène codant pour des protéines ou séquences non codantes) permettant d'estimer l’origine géographique d’un individu, cependant, la plus grande part de la variabilité génétique est située à l’intérieur des groupes géographiques, et non entre ceux-ci. Ces deux réponses sont apparemment contradictoires, mais le paradoxe peut être levé par la réponse à la dernière question : les gènes dont les fréquences alléliques diffèrent d’une région à l’autre ne sont pas typiques du génome humain. Cependant, les scientifiques, qu’ils soient généticiens, anthropologues ou ethnologues s’accordent, avec des arguments différents, sur l’arbitraire de la définition de races au sein de l’espèce humaine. Ainsi, la pertinence biologique de cette notion est notamment remise en question. II. Cette notion de race à t’elle une pertinence ? Ainsi, les scientifiques ont-ils pu démontrer qu’il était possible de définir de façon « scientifique » des groupes au sein de l’espèce humaine. Ces groupes (correspondant à des populations différentes) diffèrent, non pas sur la base de génotypes différents, mais sur un ensemble de petites différences entre fréquences alléliques d’un grand nombre de marqueurs génétiques. Il est également possible de connaître (avec une certaine probabilité, cependant) le continent d'origine d'un individu, mais le fait de connaître cette origine n’améliore quasiment pas la capacité à prédire son génotype (il n’existe aucun gène pour lequel un allèle donné ne se retrouve qu’au sein d'un grand groupe géographique) et ne revient pas à une catégorisation en races pour autant. Cet état de fait permet d’une certaine manière de définir des « races » au sein de l’espèce humaine, en se fondant sur la notion de population et les découvertes récentes en génétique. Les scientifiques préfèrent cependant user du terme de « groupe géographique », étendant la notion de population, le terme de race restant fortement connoté et pouvant prêter à confusion selon la définition utilisée. Il reste également à définir à partir de quel niveau de telles « races » sont définies, puisqu’il est possible, avec la même méthode mais une précision décroissante, de catégoriser à l’échelle de la Terre, de grandes régions ou des populations locales. Cependant, le fait de pouvoir définir plus ou moins arbitrairement des races au sein de l’espèce humaine ne renseigne pas sur la réalité biologique que de tels concepts recouvrent. Il se pose ainsi le problème de la pertinence d’une telle classification raciale. Certains ont ainsi pu soulever l’idée selon laquelle un classement racial pourrait être avantageusement intégré aux pratiques médicales. Cependant, cette idée est contrecarrée par deux constatations : la race est une notion trop différente de l’ascendance pour être biologiquement utile, elle ne peut être utile que dans la mesure où elle est liée au contexte social. Feldman, Lewontin et King, résument ainsi la situation dans un article du magazine Nature, daté de 2003 : « Contrairement à l'idée défendue depuis le milieu du XXe siècle, on peut définir scientifiquement des races dans l’espèce humaine. La connaissance du génome humain permet en effet de regrouper les personnes selon les zones géographiques d’où elles sont issues. En revanche, les usages que l’on prétend faire en médecine d’une classification raciale sont sujets à caution. » Il est ainsi beaucoup plus pertinent, du point de vue biologique, de connaître l’ascendance d’un individu, via une étude de son génotype, que de le classer dans une race. Feldman et ses collègues font ainsi remarquer qu’une classification raciale dans un but médical est « au mieux sans grande valeur, au pire dangereuse », et qu’elle « masque l’information biologique nécessaire à des décisions diagnostiques et thérapeutiques intelligentes », il ne faut donc pas « confondre race et ascendance ». Dis autrement : « Si l’on veut utiliser efficacement le génotype pour des décisions diagnostiques et thérapeutiques, ce n’est pas la race qui importe, mais les informations sur l’ascendant du patient ». CONCLUSION Il est possible de classer les êtres humains en races définies scientifiquement à une échelle arbitraire, mais cette classification raciale n’est pas pertinente biologiquement. Il faut cependant noter que la notion de « race » utilisée ici diffère sensiblement de celle utilisant les simples traits physiques. La tentative d’amalgamer les deux définitions en omettant le manque de pertinence du concept étant généralement le fait des partisans de théories racistes.