L'anticoagulation Brochure d'information à l'intention du patient offerte par la Fondation Suisse de Cardiologie Dans différentes maladies, comme l'infarctus du myocarde, l'artériosclérose (atteinte des artères par des dépôts de graisses, durcissements et calcifications) et la thrombose (caillot de sang dans un vaisseau sanguin), de même qu'après de nombreuses opérations, il est nécessaire de «fluidifier» le sang à l'aide de médicaments, c'est-à-dire de diminuer sa faculté de coaguler. La collaboration du patient est indispensable pour atteindre une fluidification optimale avec le moins possible d'effets indésirables. Cette brochure de la Fondation Suisse de Cardiologie vous aidera à mieux comprendre les principes de la coagulation du sang et de l'anticoagulation. Elle ne doit ni ne peut se substituer aux informations et indications de votre médecin traitant. Car il est le seul à connaître votre passé médical et à pouvoir assumer tous vos problèmes. Si la lecture de cette brochure fait surgir des questions ou des doutes, veuillez donc vous adresser à votre médecin. Pourquoi faut-il fluidifier le sang ? Le cœur est la pièce la plus importante du système circulatoire. Son travail consiste à fournir du sang riche en oxygène et en substances nutritives aux différents organes, par l'intermédiaire d'artères de plus en plus fines. Cet apport sanguin doit être suffisant pour maintenir en vie les organes. Si une artère est obstruée par un caillot de sang (thrombus), le sang ne peut plus passer, et cela peut avoir des conséquences dramatiques. Si c'est une artère cérébrale qui est touchée, il se produit une attaque avec éventuelle paralysie d'un côté du corps (hémiplégie). Si c'est une artère du cœur (coronaire) qui est obstruée par une thrombose, cela entraînera un infarctus du myocarde. L'obstruction d'une artère des membres inférieurs peut imposer l'amputation de tout ou partie de la jambe atteinte (figure 1, pages 3 et 4). Figure 1 : Conséquences de la thrombose artérielle Selon la localisation du caillot de sang, le cerveau, le cœur ou la jambe sont menacés. Les thromboses apparaissent généralement dans des artères dont la paroi est déjà atteinte par des dépôts et des calcifications (artériosclérose), et qui sont rétrécies (figure 2). Si un caillot se détache de la paroi de l'artère, il est emmené par le courant sanguin. Il ira se nicher plus loin, dans une artère plus fine, où il bloquera la circulation du sang. Il s'agit alors d'une embolie. L'embolie pulmonaire est l'une des embolies les plus fréquentes ; un caillot, provenant généralement des veines profondes des membres inférieurs, se détache et vient se bloquer dans le poumon. Figure 2 : Artériosclérose et thrombose Un caillot obstrue généralement une artère là où elle est déjà altérée par l'artériosclérose. Comment une thrombose se constitue-t-elle ? L'apparition d'une thrombose est la résultante d'interactions complexes entre le revêtement interne de l'artère, les plaquettes sanguines et deux systèmes circulant dans le sang : la coagulation et la fibrinolyse, ou système de dissolution des caillots (figure 3). Figure 3 : Mécanismes de la thrombose et cibles possibles du traitement Les plaquettes sanguines, ou thrombocytes, sont de petits disques de forme irrégulière, de moins d'un centième de millimètre de diamètre. Leur tâche principale est de s'accoler à l'endroit d'une brèche dans la paroi des vaisseaux, et de la colmater. Normalement, il y a juste le nombre de plaquettes qu'il faut pour colmater cette brèche. Mais il se produit parfois une réaction exagérée, qui peut aller jusqu'à l'obstruction totale du vaisseau endommagé. C'est ce qui se passe lorsque l'agrégation plaquettaire - terme médical désignant ce processus - parvient à déclencher dans le sang d'autres mécanismes de la coagulation. De plus, les plaquettes libèrent des substances qui favorisent la progression de l'artériosclérose. Lors de la coagulation, il se produit dans le sang une réaction en chaîne qui aboutit à ce qu'une protéine du sang, le fibrinogène, se solidifie en fibrine. Ce phénomène peut être comparé à la solidification du blanc d'œuf à la cuisson. La fibrinolyse est la tentative de l'organisme de dissoudre la fibrine coagulée. La fibrinolyse (lyse veut dire dissolution) est donc une réaction de défense de l'organisme contre les caillots déjà formés. Comment fluidifier le sang ? Le sang peut être fluidifié de trois manières : diminution de l'adhésivité des thrombocytes : inhibition de l'agrégation des thrombocytes interruption de la réaction en chaîne aboutissant à la coagulation : anticoagulation assistance de l'organisme dans la dissolution des caillots de sang : fibrinolyse Comme le terme usuel «anticoagulation» ne désigne que le second type de fluidification du sang, il vaudrait mieux parler de moyens et de médicaments antithrombotiques (inhibiteurs de la coagulation). Moyens et médicaments anti-thrombotiques Mesures de prévention La fumée - sans parler de ses autres conséquences nocives - active l'agrégation des thrombocytes. L'activité physique quant à elle active les processus fibrinolytiques. Une activité physique régulière et l'abandon de la cigarette sont ainsi des mesures préventives simples, qui contribuent à éviter l'apparition d'une artériosclérose et d'une thrombose. Mais la suppression des autres facteurs de risque, comme diabète, hypertension artérielle et cholestérol sanguin augmenté, sont tout aussi importants. Si tout cela ne peut empêcher la survenue d'une thrombose ou d'une artériosclérose sévère, il est alors absolument nécessaire de recourir à des médicaments fluidifiant le sang. Ce qui peut également être le cas après certaines interventions chirurgicales, pour un temps limité. Inhibition de l'agrégation des thrombocytes De nombreuses substances bloquent l'agrégation des plaquettes de manière plus ou moins marquée. Le plus connu et le plus économique des inhibiteurs de l'agrégation plaquettaire est sans aucun doute l'aspirine. Elle diminue le risque de thrombose déjà à des doses (100 à 300 milligrammes par jour) de deux à cinq fois inférieures à celles utilisées pour traiter le mal de tête banal. Des études à large échelle ont pu démontrer que la prise d'aspirine à faibles doses améliorait très nettement les chances de survie après un infarctus du myocarde. L'aspirine est donc un médicament indiqué aussi bien pour le traitement que pour la prévention des thromboses. Raison pour laquelle elle est prescrite à pratiquement tous les patients qui ont été victimes d'un infarctus ou d'une attaque. L'aspirine, ou les médicaments ayant un effet semblable, sont également utilisés après des interventions sur les artères, par exemple après un pontage (bypass) ou une dilatation (par une sonde à ballonnet) des artères coronaires ou des jambes. Aux faibles doses indiquées, et même en traitement à très long terme,l'aspirine n'a pratiquement aucun effet secondaire (uniquement une très faible augmentation du risque d'hémorragie). En cas d'intolérance à l'aspirine, la principale alternative est représentée par la ticlopidine (Ticlid), un médicament très efficace qui nécessite toutefois des précautions d'emploi particulières sous forme de contrôles répétés de la formule sanguine au cours des trois premiers mois de traitement. Anticoagulation Le but de l'anticoagulation - comme son nom l'indique - est de bloquer la coagulation du sang. Il existe pour ce faire deux types d'anticoagulants : l'héparine et ses dérivés, et les antagonistes de la vitamine K (antagoniste veut dire quelque chose comme adversaire). La vitamine K joue un rôle capital dans la coagulation. Les dérivés de l'héparine s'administrent en perfusion ou en injection sous-cutanée, surtout au cours des premiers jours suivant l'accident. Les antagonistes de la vitamine K se prennent généralement en même temps, et leurs représentants les plus connus sont le Sintrom et le Marcoumar. Ces médicaments ne déploient leur plein effet qu'après plusieurs jours. La dose nécessaire des antagonistes de la vitamine K varie d'un individu à l'autre. C'est pourquoi il faut souvent pratiquer des contrôles sanguins au début. Dès que la fluidification est bien établie, les intervalles s'espaceront à trois à quatre semaines. Mais même sous contrôle soigneux et régulier de l'anticoagulation, il est possible qu'il se produise des hémorragies indésirables, des gencives ou de l'estomac par exemple. Le médecin pèsera donc soigneusement et de cas en cas les bénéfices et les risques d'une anticoagulation, et se posera toujours la question de la nécessité de la poursuite d'une telle fluidification du sang. Le Marcoumar et le Sintrom ont des interactions avec d'autres médicaments pris en même temps, pouvant accentuer ou atténuer leur effet anticoagulant. Les personnes sous traitement anticoagulant ne doivent donc prendre aucun autre médicament avant d'en parler à leur médecin. Est particulièrement dangereuse la prise concomitante d'antagonistes de la vitamine K et d'aspirine, ou d'autres médicaments anti-inflammatoires. Cela exige une surveillance étroite de la part du médecin. Les anticoagulants s'utilisent surtout en cas de thrombose veineuse et d'embolie pulmonaire. Les dérivés de l'héparine s'injectent sous la peau pour prévenir les thromboses veineuses et les embolies pulmonaires, après interventions chirurgicales ou dans d'autres situations à risque. Ils sont en outre employés dans les premiers mois suivant un infarctus du myocarde, en cas de troubles du rythme cardiaque et après interventions sur les artères coronaires ou les membres inférieurs. Thrombolyse Les médicaments à effet thrombolytique ou fibrinolytique sont des substances qui activent la fibrinolyse et favorisent la dissolution des caillots de sang. Ils sont administrés essentiellement dans les heures suivant un infarctus, dans le but de reperméabiliser l'artère coronaire obstruée par un caillot de sang. Utilisés à temps, ils contribuent à améliorer sensiblement la survie après infarctus. Les thrombolytiques s'administrent en injection ou perfusion intraveineuse. La mise en route simultanée, souvent nécessaire, d'une anticoagulation par anti-agrégants plaquettaires ou anticoagulants présente un certain risque d'hémorragie. Mais le jeu en vaut très nettement la chandelle, d'autant plus que cette phase est de courte durée. Comment se fait le contrôle de l'anticoagulation ? Que l'anticoagulation se fasse par anti-agrégants plaquettaires ou par antagonistes de la vitamine K, il faut que le médecin en réévalue la nécessité au moins une fois par année. Un traitement de Marcoumar ou de Sintrom exige en plus des contrôles sanguins réguliers (au moins une fois par mois). C'est le seul moyen d'éviter que l'anticoagulation soit trop forte (risque d'hémorragies) ou insuffisante (risque de thromboses). Le degré d'anticoagulation peut se mesurer à l'aide de deux paramètres différents : le temps de prothrombine, ou «Quick", ou l'INR (abréviation d'International Normalized Ratio). Le Quick est donné en pour-cent. Plus sa valeur est basse, plus l'anticoagulation est forte. Il faut savoir, à propos du Quick, que le résultat peut varier d'un laboratoire à un autre, en fonction des différents réactifs utilisés pour ce test. Ce qui rend difficile l'équilibre de l'anticoagulation par la méthode de Quick chez des personnes qui voyagent beaucoup. Par contre, l'INR ne dépend pas du laboratoire qui pratique cet examen, pas plus que des substances utilisées ; sa validité est donc universelle. L'INR idéal dépend de la maladie de base. Pour les thromboses veineuses ou les embolies pulmonaires, il doit se situer entre 2 et 3. Pour les maladies du cœur, et surtout après intervention sur des valves cardiaques, et pour les troubles artériels des membres inférieurs, il faut qu'il soit compris entre 3 et 4,5. La tendance actuelle est de pratiquer une anticoagulation moins prononcée. L'INR est important surtout pour des personnes qui voyagent beaucoup, et qui doivent de ce fait faire contrôler leur anticoagulation par différents laboratoires. Les résultats de l'INR - tout comme ceux du Quick - doivent toujours être reportés dans la carte de traitement anticoagulant (figure 4). Figure 4 : Exemple d'une carte de traitement anticoagulant Prenez la dose prescrite régulièrement (1), respectez les dates prévues pour le contrôle de l'anticoagulation (2), reportez le résultat du laboratoire sur la carte, sans oublier l'INR (3), et demandez à votre médecin traitant toutes les précisions sur l'INR idéal dans votre cas (4). Remarques importantes pour toute anticoagulation Ayez toujours sur vous la carte de traitement anticoagulant, et présentez-la chaque fois que vous voyez un nouveau médecin ou un nouveau dentiste. Tenez-vous en à la dose prescrite, et prenez les comprimés si possible toujours à la même heure. Ne prenez aucun nouveau médicament sans en avoir préalablement parlé à votre médecin. Rappelez à votre médecin (et surtout à d'autres médecins ou dentistes) que vous êtes anticoagulé(e) s'il vous prescrit un nouveau médicament. Refusez toute injection intramusculaire (les injections dans une veine ou sous la peau sont autorisées) ; il y a risque d'hématome. Les femmes projetant une grossesse doivent en parler à leur médecin, pour qu'il adapte le traitement anticoagulant ; car une anticoagulation peut se faire au cours de la grossesse, entre autres par des dérivés de l'héparine. Ne buvez pas trop d'alcool. Annoncez tout signe d'hémorragie à votre médecin. Ne pratiquez aucun sport violent. Faites contrôler régulièrement vos paramètres d'anticoagulation. Que faire en cas d'hémorragie ou d'interruption du traitement ? Sous anticoagulation, les hémorragies durent plus longtemps. En cas de blessure superficielle sans importance, il suffit de comprimer la plaie jusqu'à cessation de l'hémorragie, et de la traiter comme n'importe quelle autre plaie. Aucune autre mesure particulière n'est nécessaire. En cas de plaie plus profonde ou plus étendue, il vous faut consulter votre médecin. Si l'hémorragie ne tarit pas, il s'agira éventuellement d'interrompre le traitement antithrombotique. Ce qui est également indispensable avant toute intervention programmée, dentaire ou chirurgicale. Avec un anti-agrégant plaquettaire (par exemple l'aspirine), il suffit d'interrompre le médicament. 5 à 7 jours plus tard, les plaquettes seront à nouveau pleinement fonctionnelles, et il n'y aura plus aucun risque d'hémorragie. Lors d'une anticoagulation par antagonistes de la vitamine K, il faut également quelques jours jusqu'à ce que l'effet du médicament disparaisse : environ 2 à 3 jours pour le Sintrom, et 5 à 10 jours pour le Marcoumar. L'anticoagulation peut au besoin être corrigée plus rapidement par l'administration de vitamine K (Konakion). Dans les situations d'urgence, en cas d'hémorragie dramatique par exemple, les facteurs de coagulation nécessaires sont administrés directement en injection ou en perfusion. Au terme du traitement, faut-il interrompre progressivement l'anticoagulation ? Les antagonistes de la vitamine K ne sont éliminés que très lentement de l'organisme, ce qui fait qu'après interruption du traitement, il ne se produira pas d'augmentation abrupte de la coagulation. Cela vaut également pour l'aspirine et les autres médicaments du même type. Les thrombocytes définitivement inhibés dans leur fonction sous l'effet du traitement meurent en quelques jours, et sont constamment remplacés par des jeunes, au pouvoir agrégant intact, provenant de la moelle osseuse. L'effet de l'aspirine disparaît totalement après 10 à 14 jours au plus tard. Il n'est donc pas nécessaire d'interrompre progressivement ces médicaments, qu'il s'agisse des antagonistes de la vitamine K ou des anti-agrégants plaquettaires. La Fondation Suisse de Cardiologie remercie les maisons suivantes qui, grâce à leur généreux soutien, ont permis la réalisation de cette brochure : Bayer (Schweiz) AG, Zurich Ciba-Geigy SA, Pharma Suisse, Bâle Roche Pharma (Suisse) SA, Reinach Sanofi Winthrop AG, Münchenstein La présente brochure vous est offerte par la Fondation Suisse de Cardiologie. La Fondation s'efforce de publier régulièrement du matériel d'information destiné aux personnes saines et aux patients afin de leur donner des renseignements objectifs sur les maladies du cœur et des vaisseaux, ainsi que sur la manière de les prévenir et de les traiter. Par ailleurs, la Fondation Suisse de Cardiologie soutient et finance des projets de recherche dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Ces deux tâches ne vont pas sans mises de fonds considérables. Par un don, vous nous permettrez de poursuivre notre activité au service des cardiaques et de toute la population. Nous vous en remercions à l'avance. Le label de qualité du ZEWO garantissant une affectation consciencieuse de vos dons Le ZEWO (bureau central des œuvres de bienfaisance) le délivre aux œuvres d'utilité publique privées de notre pays, qui font vérifier leurs comptes par des réviseurs de comptes qualifiés et qui démontrent qu'elles affectent le produit de leurs collectes au but annoncé au public. 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