Thème 1 Chapitre 5 : Faut-il proposer la même offre à l’ensemble du marché ? I - La segmentation 1. Définition et intérêt La segmentation de la demande est une technique de découpage de la demande en sous-groupes d’individus distincts en fonction d’un ou plusieurs critères pertinents, ayant des façons de penser ou d’agir spécifiques à l’égard du produit et pouvant potentiellement être la cible d’une politique marketing. Exemple. Le marché des jouets pour enfants est segmenté selon l’âge et le sexe des utilisateurs. On retrouve le segment des jouets premier âge, les jouets pour garçons, les jouets pour filles… Tous les clients n’aiment pas forcément les mêmes produits. Il faut donc procéder à la segmentation du marché si l’on veut adapter l’offre à un ou plusieurs segment(s) de clients ou si l’on veut simplement connaître ce qui est commun aux segments. Dans une approche d’adaptation de l’offre, l’entreprise doit choisir le ou les segments qui représentent pour elle le meilleur potentiel : ces segments constituent sa cible. Pour chaque marché cible visé, elle peut ainsi élaborer une offre spécifique. Cette combinaison produit/cible est appelée couple produit/marché. 2. Les critères de segmentation Pour découper le marché en segments, l’entreprise utilise des critères de segmentation. Ces critères sont choisis par l’entreprise en fonction du marché sur lequel elle évolue. Principaux types de segmentation de la demande : Segmentation Nature des critères Démographique Socio-démographique, géographique et économique Economique Géographique Modes de vie Psycho-graphique ou psycho-sociale Psychologie de l’individu Processus d’achat Statut du client Comportementale Quantités achetées Occasion de consommation Fréquence de consommation Exemples de critères Sexe, âge, Cycle de vie familiale, taille du foyer, etc Revenu, profession, PCS (Profession et Catégorie Sociale), etc Zone d’habitation, type d’habitation, etc Styles de vie ou socio-styles selon les sociétés d’études : Croyances, opinions, activités, centres d’intérêts. Valeurs, motivation, traits de personnalité, implication dans l’achat, etc Par avantage recherché, niveau d’implication, critère de choix entre les produits, etc Niveau de fidélité, Non acheteur/acheteur, etc Important, moyen, petit acheteur, etc Professionnel/personnel, événement particulier, etc Premier achat, consommateur régulier, irrégulier, etc 3. Les qualités d’une bonne segmentation Pour que la segmentation soit efficace, il faut que les segments déterminés soient avant tout pertinents c’est-à-dire qu’ils correspondent à des comportements de consommation suffisamment différents pour mener auprès de chacun des segments visés, des actions mercatiques spécifiques. Mais un critère pertinent, c’est aussi un critère permettant d’obtenir un segment : - de taille et de rentabilité suffisantes : c’est-à-dire permettant de réaliser un profit substantiel car représentant un potentiel de clients suffisamment important pour assurer un retour sur investissement à l’entreprise ; - de stabilité suffisante : c’est-à-dire un critère qui va perdurer dans le temps comme critère différenciateur, - d’accessibilité suffisante : c’est-à-dire que l’on puisse atteindre les clients et agir sur eux par des efforts commerciaux ciblés. Une segmentation est une représentation subjective, simplificatrice et temporaire de la demande. Elle est susceptible d’évoluer en fonction des évolutions de l’offre et/ou de la demande. Elle n’est pas non plus toujours indispensable (notamment lorsque les attentes des consommateurs sont suffisamment homogènes). 4. Les limites de la segmentation Trop segmenter conduit à des risques, ceux de l’hyper-segmentation : – le coût engendré pour adapter l’offre de produit à chaque segment ; – le risque de confusion dans l’esprit du consommateur confronté à un choix trop important de produits ; – le risque de concurrence entre ses propres produits (danger de la « cannibalisation ») ; – le risque de segments de trop petite taille et peu rentables. II. Les méthodes de segmentation Pour segmenter leur marché, les entreprises disposent de plusieurs méthodes, classées ainsi : Les méthodes descendantes (méthodes d’analyse structurelle : 20/80, ABC, etc) La clientèle est progressivement découpée en sous-groupes en fonction de critères définis (sens de l’analyse : du global vers le particulier) Les méthodes ascendantes (analyses typologiques, des associations) Les individus sont regroupés dans des sous-groupes selon leurs proximités de réponses ou de comportements (sens de l’analyse : du particulier vers le global). La méthode des associations : c’est dans le secteur de la distribution que cette méthode est le plus employée. Elle permet en effet de rechercher des liens entre produits achetés à partir des tickets de caisse (biscottes, confiture, lait). Ainsi, les analystes identifient des opportunités de ventes croisées et conçoivent des offres de couponing en sorties de caisses. Mais cette méthode peut être généralisée à tout secteur d’activité pour lequel il peut être intéressant de rechercher des groupements potentiels de produits ou services (par exemple : services bancaires et télécommunications). Nous aborderons ci-dessous les méthodes d’analyse structurelle sur les portefeuilles clients. 1. L’analyse du portefeuille clients Le portefeuille clients d’une entreprise est constitué des différentes catégories de clients qu’il est nécessaire d’identifier pour : – repérer les clients à fort potentiel ; – développer le portefeuille autour des clients les plus rentables. En effet, chaque client a une valeur financière pour l’entreprise ; – adapter les actions commerciales à chaque catégorie de clients en mettant en place un « marketing one to one" par une mercatique relationnelle ; – fidéliser les clients « intéressants ». Aujourd’hui, les entreprises s’efforcent de conserver leurs clients, car il est plus facile et moins coûteux de fidéliser un client que d’en acquérir un nouveau. La rentabilité d’un client augmente avec l’ancienneté de sa relation avec l’entreprise. En revanche, l’entreprise doit être vigilante et ne pas chercher uniquement à fidéliser sa clientèle mais également à la développer, sinon elle risque de voir son portefeuille clients vieillir. 2. Les méthodes d’analyse structurelle a) Le principe Ces méthodes permettent d’avoir une approche descriptive qui consiste, à partir de l’existant, d’observer un phénomène. Il est nécessaire d’utiliser des critères de segmentation permettant de différencier des groupes d’individus ayant un comportement homogène. b) Le contenu La règle des 20/80 (ou loi de Pareto) ainsi que la méthode ABC expriment une relation stable entre une proportion des chiffres d’affaires réalisés et une proportion de la clientèle. La méthode des 20/80 énonce que 20 % des clients génèrent 80 % du CA ; 80 % des clients génèrent 20 % du CA. La méthode ABC énonce que 60 % des ventes sont réalisées avec 10 % des clients ; 30 % des ventes sont réalisées avec 40 % des clients ; 10 % des ventes sont réalisées avec 50 % des clients Catégories A importants B moyens C petits Clients % Dix C.A. % Soixante Quarante Trente Cinquante Dix Méthode 20/80 La méthode 20/80 permet d’identifier les clients (ou produits) les plus importants d’un portefeuille (clients, produits). Il faut créer une relation forte et durable avec ces clients en personnalisant le pus possible l’offre et la communication. Attention à la rentabilité car ces clients peuvent faire pression pour obtenir des prix avantageux. Mais la perte d’un client important met dans une situation délicate. Méthode ABC Elle est plus précise pour déterminer où concentrer ses efforts marketing et commerciaux sur 3 catégories : Gros clients (A), clients moyens (B), petits clients (C). Commentaires de l’analyse ABC Catégorie A : clients importants. Le maximum est atteint en termes de C.A. ; Il faut les « chouchouter ». Des actions de mercatique personnelle peuvent être mises en place afin de créer une relation forte et durable avec ces clients. Attention à la rentabilité car ces clients peuvent faire pression pour obtenir des prix avantageux. Mais la perte d’un client important met dans une situation délicate. Catégorie B : Clients moyens. Il faut augmenter les ventes auprès d’eux (techniques de fidélisations à points). Les actions de fidélité ou promotionnelles sont rentables si le nombre de ces clients est important. Catégorie C : Petits clients. Beaucoup de travail et de frais de gestion commerciale pour peu de C.A.. Ne rien faire ou essayer de dégager parmi eux, sur la base de critères pertinents, ceux qui ont un potentiel mal exploité. c) La démarche La démarche est commune aux méthodes des 20/80 et ABC : • Étape 1 : classer les catégories de clients par ordre décroissant de chiffre d’affaires. • Étape 2 : transformer en pourcentage le nombre de clients et le CA généré. • Étape 3 : cumuler chaque pourcentage pour mettre en évidence les différents segments de clientèle. • Étape 4 : commenter les résultats. Selon la méthode des 20/80, le segment des entreprises (grandes, moyennes et petites) génère le plus de CA ; il faut donc prévoir de les fidéliser. En revanche, les autres segments sont ceux qui génèrent le moins de CA ; la société peut envisager des opérations de prospection afin de développer le nombre de clients ou bien mettre en place des opérations commerciales pour augmenter le CA. Catégories de clientèle Grandes entreprises Entreprises moyennes Petites entreprises Commerçants Artisans Administrations Particuliers Nombre de clients 93 219 314 935 630 32 899 % 2,98 % 7,01 % 10,05 % 29,95 % 20,19 % 1,02 % 28,80 % % cumulés 2,98 % 9.99 % 20,04 % 49.99 % 70.18 % 71.20 % 100% Chiffre d’affaires 398 400 300 000 234 000 115 200 49 500 43 500 23 400 % 34,23 % 25,77 % 20,10 % 9,90 % 4,25 % 3,74 % 2,01 % % cumulés 34,23 % 60,00 % 80,10 % 90 % 94,25 % 97,99 % 100 % III. Les stratégies de ciblage et d’approche de la clientèle 1. La stratégie de ciblage Le ciblage est une technique mercatique consistant à choisir la (les) population(s) et le (les) produit(s) sur lesquels l’entreprise concentre son action. C’est sur la base des segments qu’elle a déterminés que l’entreprise va retenir un ou plusieurs d’entre eux (ou aucun) comme cibles et ainsi mener soit : - Une Stratégie de mercatique différenciée : l’entreprise s’intéresse à plusieurs segments de la demande et leur propose une offre par un plan de marchéage adapté. - Une Stratégie de mercatique concentrée (ou spécialisé) : l’entreprise s’intéresse à un seul segment de la demande afin de devenir un spécialiste pour ses clients. - Une Stratégie de mercatique indifférenciée : l’entreprise offre le même produit aux différents segments et ne s’intéresse pas à leurs différences. Elle recherche à vendre le maximum en volume afin de bénéficier des effets d’économies d’échelle. 2. La stratégie d’approche des clients Pour approcher les clients appartenant aux segments choisis, l’entreprise pourra moduler la personnalisation de son offre et des autres leviers commerciaux en optant pour : - Une mercatique « one to one » : grâce à une relation personnalisée avec chaque client, la marque peut offrir une offre adaptée à chaque besoin spécifique (customisation). Cette approche se retrouve dans le marketing des affaires et tend à se développer dans le marketing des PGC. - Une mercatique « one to few » : la marque distingue des groupes de clients attractifs à l’intérieur des segments ciblés et se propose de leur offrir une offre adaptée. La communication sera renforcée vis-à-vis de ces clients. - Une mercatique « one to many » : les actions de marketing sont peu ou pas personnalisées ; la marque s’adresse de manière identique à un grand nombre de destinataires de sa cible. IV. Le couple produit/marché Définition : C’est la combinaison entre un ou plusieurs produits et un ou plusieurs segments de marché. Chaque combinaison constitue une offre en direction d'une cible de clientèle. L’entreprise est ainsi amenée à répondre à la question « quels produits pour quels marchés ? » en construisant et en gérant son portefeuille produits. Cela doit lui permettre de mieux cibler ses clients et de mieux répondre à leurs attentes en mettant en œuvre des actions mercatiques adaptées. A lire pour aller plus loin : Les stratégies produit / marché Plusieurs stratégies produit/marché sont envisageables pour une entreprise : - La concentration sur un couple produit / marché (parfois appelé « stratégie de niche ») : l'entreprise se spécialise sur un produit pour un segment de marché donné. - La spécialisation par produit : l’entreprise propose le même type de produit à différents segments de clientèle. -La spécialisation par marché : l’entreprise propose plusieurs produits à un même segment de clientèle. -La spécialisation sélective : l’entreprise propose différents produits à des segments de marché différents. -La couverture globale : l’entreprise couvre tous les segments de marché avec tous ses produits. V. Le positionnement A. Définitions Compte tenu des attributs ou bénéfices déterminants dans le choix des consommateurs, des positions concurrentielles, l’entreprise cherche à définir le positionnement de son offre et à le faire correspondre avec la perception du consommateur. - le positionnement voulu : c'est la manière dont le producteur souhaite que son produit soit perçu et situé par les consommateurs dans l’univers des marques concurrentes; c'est donc l'image qu'il souhaite donner à son produit par rapport à la concurrence. ensemble d’actions effectuées par une organisation pour agir sur la perception de l’offre - le positionnement perçu : c'est la manière dont les consommateurs perçoivent un produit (ou une marque) et le situent dans l'univers des produits qu'ils connaissent. Lorsqu'il existe un décalage entre le positionnement voulu et le positionnement perçu, l'entreprise doit mettre en œuvre de nouvelles actions pour repositionner son produit. B. Le rôle du positionnement - il sert de guide aux actions mercatiques : si l'on n'a pas défini préalablement un positionnement, les décisions que l'on prendra risquent de ne pas être cohérentes entre elles. - il permet de donner à son produit une place à part (différenciation par l'image) : le "plus" apporté par un produit par rapport à un autre est souvent difficile à apprécier et la différenciation par l'image au détriment d'éléments plus matériels peut s’imposer. C. La carte de positionnement Autrement appelée « mapping » ou « carte perceptuelle de positionnement », c’est la représentation graphique du positionnement de produits, de marques ou d’organisations sur un marché donné. La carte perceptuelle permet de connaître le positionnement des différents concurrents en présence, de les comparer et de les différencier, ainsi que de repérer d’éventuels positionnements laissés vacants (créneaux porteurs ou marchés de niche) qu’une entreprise pourrait investir. Pour élaborer son positionnement et en rendre compte sur une carte de positionnement, l’entreprise doit se baser sur : - les attributs distinctifs (du produit, de la marque ou de l’organisation selon le cas), - les attentes de ses clients potentiels, - le positionnement de ses concurrents (afin de se différencier). Exemple de Schéma d’une carte de positionnement : Attribut A haut Produit 1 Produit 2 Attribut B bas Attribut B haut Produit 3 Produit 4 Attribut A bas