ST. MICHAEL’S HOSPITAL Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O Actualités scientifiques MC Nouvelles tendances dans le traitement de la thrombose athéroscléreuse Présenté par : K . S C H R Ö R , M . D . , C . P R E N T I C E , M . D . , J . R . H A M P T O N , M . D . , R . L . H A B E R L , M . D . Symposium satellite du XIXe Congrès de la Société européenne de cardiologie Stockholm, Suède, le 27 août 1997 Présenté et commenté par : JUAN CARLOS MONGE, M.D. maladie cérébro-vasculaire ischémique, de la cardiopathie ischémique et de la maladie vasculaire périphérique. La thrombose athéroscléreuse est la conséquence de la rupture d’une plaque athéromateuse et d’une thrombose surajoutée. Elle est à l’origine des signes cliniques de la maladie cérébro-vasculaire ischémique, de la cardiopathie ischémique et de la maladie vasculaire périphérique. Les plaquettes déclenchent le processus de thrombose aiguë et contribuent à la formation d’une plaque stable. Le clopidogrel entrave l’activation plaquettaire ADP-dépendante et inhibe également d’autres mécanismes qui ne sont pas touchés par des agents tels que l’AAS. Comme les auteurs de l’essai CAPRIE2 l’ont démontré, le clopidogrel est plus efficace que l’AAS pour prévenir les événements athérothrombotiques et offre un excellent profil d’innocuité et d’efficacité. Activation plaquettaire Thrombose athéroscléreuse Le terme thrombose athéroscléreuse se réfère à une séquence d’événements entraînant la production d’une plaque athéromateuse à laquelle se surajoute une thrombose. C’est un mécanisme à deux stades : premièrement, la formation d’une plaque athéromateuse, un processus qui prend de nombreuses années, voire des décennies; deuxièmement, l’occlusion thrombotique du vaisseau, un processus qui survient en quelques minutes et qui est dû habituellement à la rupture d’une plaque athéromateuse instable. Ensemble, ces processus sont à l’origine des signes cliniques de la Les plaquettes jouent un rôle important dans le processus d’occlusion vasculaire thrombotique. Elles contribuent au déclenchement du processus et à la formation d’une plaque stable. L’occlusion vasculaire thrombotique survient habituellement après la rupture d’une plaque instable qui entraîne ultérieurement la libération de nombreux composants, tels que le facteur tissulaire, qui sont à l’origine de la formation de thrombine. La thrombine peut non seulement transformer le fibrinogène en fibrine, mais c’est un activateur plaquettaire puissant. Un autre aspect du rôle des plaquettes dans la thrombose athéroscléreuse, à savoir leur contribution à la formation et à la croissance de la plaque athéromateuse, est moins certain. Cependant, la recherche immunohistochimique a conduit à l’identification de composants dérivés des plaquettes à l’intérieur des plaques athéromateuses. Ceux-ci comprennent, entre autres, le facteur plaquettaire 4 et le facteur de croissance dérivé des plaquettes. Ainsi, la formation de thrombi à l’intérieur des plaques pourrait jouer un rôle dans le développement de lésions athéroscléreuses à long terme. Il est également possible que les plaquettes ne soient pas identiques chez tous les individus et que chez certains patients atteints de thrombose athéroscléreuse grave, les plaquettes soient hyperréactives et réagissent plus facilement au processus d’activation. Par exemple, on a signalé que des anomalies au niveau du récepteur glycoprotéinique Division de cardiologie Luigi Casella, M.D. Robert J. Chisholm, M.D. Paul Dorian, M.D. David H. Fitchett, M.D. Michael R. Freeman, M.D. Shaun Goodman, M.D. Robert J. Howard, M.D. Stuart Hutchison, M.D. Anatoly Langer, M.D. (rédacteur) Gordon W. Moe, M.D. Juan Carlos Monge, M.D. David Newman, M.D. Trevor I. Robinson, M.D. Duncan J. Stewart, M.D. (chef) Bradley H. Strauss, M.D. Kenneth R. Watson, M.D. St. Michael’s Hospital 30 Bond St., suite 701A Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5330 Les opinions exprimées sont exclusivement celles des membres de la division. Publié grâce à des subventions sans restrictions. (Gp) IIb/IIIa, un récepteur qui se lie au fibrinogène activé par l’ADP et la thromboxane A2, sont associées à un risque accru de coronaropathie. Il est possible que le polymorphisme des plaquettes soit lié au risque de thrombose athéroscléreuse. La relation existant entre les plaquettes et l’endothélium vasculaire joue probablement un rôle important dans la formation des plaques athéromateuses ainsi que dans la thrombose vasculaire aiguë. Par conséquent, la validation clinique d’inhibiteurs plaquettaires plus nouveaux et plus efficaces est une démarche importante dans l’évolution du traitement de la thrombose athéroscléreuse en particulier en raison des effets antiplaquettaires relativement faibles de l’acide acétylsalicylique (AAS) (voir la figure 1). Figure 1: Modes d’action des inhibiteurs plaquettaires Dysfonction endothéliale GP Ib/IX, facteur de von Willebrand, GP IIb/IIIa Adhésion plaquettaire ADP (clopidogrel, tidopidine) Activation plaquettaire Thromboxane A2 (Aspirin) Sécrétion plaquettaire Glycoprotéine IIb/IIIa Agrégation plaquettaire (abciximab, integrelin, tirofiban) Rôle de l’inhibition de l’ADP La surface normale de l’endothélium est antithrombotique. Cependant, après la rupture d’une plaque, il se produit une stimulation des plaquettes par des forces de cisaillement sous l’influence d’activateurs sécrétés tels que l’ADP, la thromboxane A2, la thrombine, la sérotonine et d’autres médiateurs entraînant l’activation et l’agrégation plaquettaires. De nombreuses substances interviennent dans cette voie. L’AAS entrave spécifiquement la production de thromboxane et toutes les voies d’activation thromboxane-dépendantes. Des composés comme la ticlopidine ou le clopidogrel ont pour fonction principale d’inhiber l’ADP. Le clopidogrel entrave l’activation plaquettaire ADPdépendante et inhibe également d’autres mécanismes sur lesquels l’AAS n’a aucun effet. Le clopidogrel a une action plus marquée dans toutes les situations où l’ADP est un agoniste important. Il a un large spectre d’activité et est potentiellement plus efficace que l’AAS. Le clopidogrel inhibe également l’activation du récepteur glycoprotéinique IIb/IIIa, bien qu’il ne soit pas un antagoniste du récepteur lui-même dans le sens traditionnel du terme. Le clopidogrel est qualitativement différent des inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiniques IIb/IIIa car il n’entrave pas directement la formation de complexes avec les récepteurs du fibrinogène. Il existe deux types de récepteurs de l’ADP. Le P2X1 est couplé au calcium et a peu d’importance dans le cadre de cette discussion. Le second récepteur, le P2Y1, est un récepteur couplé à la protéine G qui entraîne l’activation de la glycoprotéine IIb/IIIa et l’agrégation plaquettaire. Un autre mode d’action intéressant de l’ADP est qu’il stimule la synthèse d’une protéine G qui inhibe l’adénylcyclase. Le clopidogrel, qui agit à ce niveau, prévient la baisse des taux d’AMP cyclique associée à la liaison à l’ADP et à l’activation plaquettaire. Les trois principaux objectifs pharmacologiques du clopidogrel sont donc les suivants : • le récepteur de l’ADP lui-même, • les voies régulatrices principales entraînant l’activation de la glycoprotéine IIb/IIIa, • le maintien de taux accrus d’AMP cyclique après la stimulation des récepteurs de l’ADP. Chez les patients traités à l’aide des doses standard de clopidogrel, on a noté une diminution de 60 à 70 % des sites de liaison à l’ADP. Cela entraîne un effet irréversible sur la durée de vie de la plaquette. Les effets du clopidogrel ne se manifestent pas avant 2 à 4 heures après son administration et les effets cliniques complets se manifestent entre 3 et 7 jours après la dose initiale. Un effet maximal précoce pourrait être obtenu avec une dose de charge. Le clopidogrel n’est pas un composé actif, mais on ne connaît pas actuellement le site de production de son métabolite actif de même que son site d’action, étant donné que l’on ignore s’il agit sur les plaquettes matures ou dans les mégacaryocytes. Un autre aspect qui n’a pas été clairement défini est la question de savoir si l’usage concomitant du clopidogrel et de l’AAS offrirait des effets bénéfiques additionnels. En théorie, étant donné que les voies de la thromboxane sont indépendantes des voies de l’ADP, la combinaison est une option intéressante, en particulier dans les situations d’activation plaquettaire aiguë. De récentes données sur un autre inhibiteur de l’ADP, la ticlopidine, administrée à des patients après l’implantation de tuteurs coronaires appuient cette hypothèse1. Cardiologie Actualités scientifiques Dans l’étude CAPRIE2 (comparaison du clopidogrel et de l’AAS chez des patients à risque d’événements ischémiques), les effets de ces deux inhibiteurs plaquettaires chez des patients ayant présenté auparavant un accident cérébro-vasculaire d’origine ischémique, un infarctus du myocarde ou une maladie vasculaire périphérique ont été comparés. Le clopidogrel est un dérivé de la thiénopyridine qui inhibe la thrombose principalement en bloquant le récepteur plaquettaire de l’ADP. Les auteurs de l’étude CAPRIE ont pris pour hypothèse que la thrombose athéroscléreuse est une seule maladie accompagnée de manifestations cliniques multiples selon le territoire vasculaire touché. Cette hypothèse a été appuyée par les auteurs d’études sur des inhibiteurs plaquettaires ayant travaillé en collaboration qui ont publié en 1994 une méta-analyse sur des inhibiteurs plaquettaires, principalement l’AAS. Une réduction du risque d’événements de 25% a été observée, que les patients aient souffert d’un accident cérébro-vasculaire, d’un infarctus du myocarde ou d’une maladie vasculaire périphérique3. Le clopidogrel a été dérivé de la ticlopidine afin d’apporter une solution aux problèmes de toxicité au niveau de la moelle osseuse associée à la ticlopidine dans des cas peu nombreux mais difficiles. Étant donné l’existence de ce problème, il semble peu probable que la ticlopidine puisse représenter un produit de remplacement de l’AAS utilisé comme inhibiteur plaquettaire à long terme. Un total de 19,885 patients ont participé à l’étude CAPRIE. Environ un tiers des sujets de l’étude ont été assignés au hasard à un traitement en raison d’un accident cérébro-vasculaire antérieur, un tiers en raison d’un infarctus du myocarde antérieur et un tiers en raison d’une maladie vasculaire périphérique symptomatique. Le paramètre primaire était la survenue d’un accident cérébro-vasculaire, d’un infarctus du myocarde ou de la mort vasculaire. Les patients ont été assignés au hasard à un groupe de traitement à l’aide de clopidogrel à raison de 75 mg, une fois par jour (n = 9,599) ou à un groupe de traitement à l’aide d’AAS à raison de 325 mg par jour (n = 9,586). Les caractéristiques initiales des patients dans les deux groupes ont été bien appariées. On remarquera qu’environ 17 % des sujets qui ont été inclus dans l’étude car ils présentaient des antécédents d’accident cardio-vasculaires ou de maladie vasculaire périphérique, avaient également subi auparavant un infarctus du myocarde. Après la période de suivi prévue, on a noté 1,960 événements cibles primaires. Une analyse des sujets retenus au début de l’étude a indiqué que les patients traités à l’aide du clopidogrel présentaient un risque annuel d’événement primaire de 5,32 comparativement à 5,83 pour les patients Figure 2: Risque cumulatif d’accidents cérébro-vasculaires d’origine ischémique, d’infarctus du myocarde ou de mort vasculaire 20 Risque cumulatif (%) Résultats de l’étude CAPRIE 15 Aspirin 10 Clopidogrel 5 p = 0.043 0 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 Temps depuis la randomisation (mois) Patients à risque A: 9586 9190 8087 6139 3979 2143 C: 9599 9247 8131 6160 4053 2170 542 539 A=aspirin; C=clopidogrel D’après CAPRIE Steering Committee. Lancet 1996; 348:1329-39. traités à l’aide d’AAS. Ainsi, l’usage du clopidogrel entraîne une réduction du risque relatif statistiquement significative (p = 0,043) de 8,7 % (voir la figure 2). L’étude CAPRIE démontre que le clopidogrel est au moins aussi sûr que l’AAS, une affirmation qui ne peut être faite en ce qui concerne de nombreux médicaments. De fait, la fréquence des événements indésirables était très faible dans les groupes AAS et clopidogrel. On a noté une diminution légère mais cliniquement significative des éruptions cutanées chez les patients traités à l’aide du clopidogrel comparativement à l’AAS (0,26 % comparativement à 0,1 %), mais un nombre significativement moins élevé de patients traités à l’aide du clopidogrel ont présenté des hémorragies gastro-intestinales graves (0,49 % comparativement à 0,72 %). En ce qui concerne la question importante de la toxicité hématologique, la neutropénie (<1,200/mm3) a été extrêmement rare dans les deux groupes, celle-ci étant survenue chez 16 patients recevant de l’AAS et chez seulement 10 patients recevant du clopidogrel. Le clopidogrel n’a causé aucun effet toxique notable sur la moelle osseuse et a été associé à un taux d’hémorragie Tableau 1: Risques relatifs selon les interventions Risque relatif d’accident Hémorragie Médicament cardio-vasculaire intracrânienne Coumadin AAS Clopidogrel Cardiologie Actualités scientifiques -50 % (à trois ans) -25 % -32 % +3 % +0,5 % +0,3 % Tableau 2 : Avantages des mesures de prévention acceptées Intervention Événements prévenus par 1 000 patients/année Aspirin Pravastatine Agents antihypertensifs Clopidogrel gastro-intestinale notablement inférieur comparativement à l’AAS. Sur la base des résultats de l’étude CAPRIE, le clopidogrel, un nouvel inhibiteur plaquettaire, améliorera les effets de l’AAS dans la prévention de cinq événements additionnels par 1000 patients pour chaque année de traitement. Sur la base d’une méta-analyse3, on peut prévoir que l’Aspirin préviendrait 19 événements par 1000 années-patients dans une population comparable à celle de l’étude CAPRIE. D’après les résultats relatifs à l’efficacité signalés par les auteurs de l’étude Antiplatelet Trialists Collaboration3 et de l’étude CAPRIE2, l’AAS réduit le risque d’événements vasculaires de un quart et le clopidogrel, de un tiers. Accident cérébro-vasculaire chez les patients cardiaques L’accident cérébro-vasculaire peut avoir plusieurs étiologies chez le patient cardiaque : • embolisation directe provenant du coeur; chez les patients présentant ce problème, le traitement anticoagulant a des effets bénéfiques; • atteinte des petits vaisseaux intracrâniens (artériolosclérose) dont le principal risque est l’hypertension; et • atteinte des gros vaisseaux comme les carotides et la crosse de l’aorte, chez 50 à 60 % de tous les patients présentant un accident cérébro-vasculaire. Cependant, cette vue du processus est orientée sur la pathologie et plutôt limitée. La vue clinique de ce processus est beaucoup plus complexe étant donné que la plupart des patients ayant subi un accident cérébro-vasculaire souffrent d’atteinte multitronculaire et que le risque d’accident cérébro-vasculaire chez les patients cardiaques est potentialisé par la présence d’autres facteurs de risque, comprenant l’âge, les antécédents d’hypertension, l’insuffisance cardiaque, la dysfonction ventriculaire et les antécédents d’événements athérothrombotiques. L’extrapolation des résultats de l’étude CAPRIE et leur comparaison avec ceux d’études précédentes indiquent que le risque relatif d’accident cérébro-vasculaire après un infarctus du myocarde varierait selon les différentes interventions, comme l’indique le tableau 1. Comparativement à d’autres Source Antiplatelet trialists3 CARE4 MacMahon 19905 CAPRIE2 19 18 13 24 interventions, le clopidogrel entraîne une réduction moyenne du risque avec une faible fréquence d’hémorragie et il est supérieur à l’AAS à cet égard. Les résultats de l’étude CAPRIE peuvent également être comparés à ceux d’autres mesures de prévention secondaires, tel qu’indiqué au tableau 2. Conclusion Le traitement antiplaquettaire à l’aide de clopidogrel est équivalent ou supérieur à d’autres mesures acceptées de prévention secondaire. Comme le démontre l’étude CAPRIE, le clopidogrel est au moins aussi sûr et plus efficace que l’AAS pour prévenir les événements athérothrombotiques récidivants. Références 1. Schomig A, Newman FJ, Kastrati A, Schulen H et coll. A randomized comparison of antiplatelet and anticoagulant therapy after the placement of coronary artery stents. N Engl J Med 1996; 334:1084-1089. 2. Comité directeur de l’étude CAPRIE. A randomised blinded trial of clopidogrel versus aspirin in patients at risk of ischaemic events. Lancet 1996; 348: 1329-39. 3. Antiplatelet Trialists Collaboration. Colaborative overview of randomized trials of antiplatelet therapy. BMJ 1994; 308:81-106. 4. Sacks FM, Pfeffer MA, Moye LA, Rouleau JL, Rutherford JO, Cole TG, Brown L, Warnica JW, Arnold JMO, Won C-C, Davis BR et Braunwald E au nom des chercheurs de l’étude Cholesterol and Recurrent Events Trial. N Engl J Med 1996; 335: 1001-1009. 5. MacMahon S, Peto R et coll. Blood pressure, stroke, and coronary heart disease. Part 1. Prolonged differences in blood pressure prospective observational studies corrected for the regression dilution bias. Lancet 1990; 335: 765-74. La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal. ©1997 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition: Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être conforme aux renseignements d’ordonnance au Canada. Snell Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 120-94F