Chapitre 4: Fonctions génératrices (notions)

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Chapitre 4:
Fonctions génératrices
(notions)
∗
1
Généralités
On considère ici le cas particulier des v.a. à valeurs dans l’ensemble
N des entiers naturels. Ces v.a. interviennent souvent dans les applications. Il est donc important de disposer d’une méthode de portée très
générale qui facilite le calcul de leur loi de probabilité et de leurs moments. Une idée qui s’est révélée très fructueuse consiste à associer à
toute v.a. X à valeurs dans N, une série entière qui contient tous les
renseignements concernant la loi de probabilité de X et qui a l’avantage
d’être admirablement bien adaptée à l’opération consistant à additionner des v.a. indépendantes.
Soit X une v.a. à valeurs dans N, de loi de probabilité donnée par
la suite pn = P(X = n) (n ∈ N).
Définition 1.1 : On appelle fonction génératrice de X, la série entière
(1)
GX (t) =
+∞
X
pn tn
n=0
(on notera que cette série converge au moins pour |t| < 1 puisque
GX (1) = 1 < +∞).
La fonction génératrice caractérise parfaitement la loi de probabilité
d’une v.a.. En effet si X et Y sont deux v.a. à valeurs entières telles
que GX (t) = GY (t) pour tout |t| < 1, l’unicité du développement d’une
fonction en série entière montre que X et Y ont la même loi.
Théorème 1.2 : Soient GX1 , . . . , GXn les fonctions génératrices respectives de n v.a. indépendantes X1 , . . . , Xn et à valeurs dans N. La
v.a. S = X1 + · · · + Xn a une fonction génératrice GS donnée par
(2)
GS (t) =
n
Y
GXi (t).
i=1
∗
Notes du cours de Probabilités de M1 de M. L. Gallardo, Université de Tours,
année 2008-2009. Les démonstrations sont détaillées dans le cours oral.
1
démonstration : On suppose n = 2 (le cas général se fait ensuite par
récurrence sur n). Posons S = X1 + X2 et
GX1 (t) =
+∞
X
i
ai t
et GX2 (t) =
i=0
+∞
X
bj tj .
j=0
Pour calculer ck = P(S = k) (k ∈ N), utilisons le système complet
d’événements [X2 = j] (j ∈ N). Il vient
ck =
=
=
=
+∞
X
j=0
n
X
j=0
n
X
j=0
n
X
P ([X1 + X2 = k] ∩ [X2 = j])
P ([X1 = k − j] ∩ [X2 = j])
P ([X1 = k − j]) P ([X2 = j])
ak−j bj .
j=0
Donc ck est le coefficient du terme en tk dans le développement du
produit GX1 (t)GX2 (t). D’où le résultat.
Exemple 1.3 (et exercices) : 1) si X suit la loi de Bernoulli B(1, p),
on a
GX (t) = 1 − p + pt.
2) si X suit la loi binomiale B(n, p), on a
GX (t) = (1 − p + pt)n .
3) Si X suit la loi de Poisson de paramètre λ(> 0),
GX (t) = eλ(t−1) .
4) Si les Xi (i = 1, . . . , N ) sont des v.a. indépendantes deP
lois binomiales
respectives B(ni , p) de même paramètre p, la v.a. S = ni=1 Xi est de
P
loi binomiale B( N
i=1 ni , p).
5) Si les Xi (i = 1, . . . , N ) sont des v.a. indépendantes
de lois de Poisson
Pn
respectives de paramètres λi , la v.a. S = i=1 Xi est de loi de Poisson
P
de paramètre λ = N
i=1 λi .
Exercice 1.4 : Une boîte contient quatre boules numérotées 0, 1, 1, 2.
On effectue n tirages avec remise. Soit Sn la somme des numéros tirés.
Déterminer la loi de probabilité de la v.a. Sn .
Solution : On a
2
1 2
1+t
1 1
.
GS1 (t) = + t + t =
4 2
4
2
2
Les tirages étant avec remise, Sn est la somme de n v.a. indépendantes
et de même loi que S1 . D’après le théorème, on a donc
2n
1+t
GSn (t) =
.
2
En développant avec la formule du binôme de Newton, on déduit immédiatement
P(Sn = k) =
1 n
C
22n k
(k = 0, 1, . . . , 2n).
Théorème 1.5 : Soit X une v.a. à valeurs entières de fonction géné0
ratrice GX . Si X a un moment d’ordre 2, les dérivées à gauche GX (1)
00
et GX (1) existent1 en t = 1, et on a
0
E(X) = GX (1)
(3)
0
2
00
0
V ar(X) = GX (1) + GX (1) − GX (1) .
Inversement si GX est deux fois dérivable en t = 1, X a un moment
d’ordre 2 et les formules (3) s’appliquent2 .
démonstration : On peut toujours dériver formellement terme à terme
la série entière GX (t), ce qui donne
0
GX (t) =
+∞
X
n−1
npn t
00
et GX (t) =
n=1
+∞
X
n(n − 1)pn tn−2 .
n=2
0
00
Si X a un moment d’ordre deux, les dérivées à gauche GX (1) et GX (1)
sont finies et les formules annoncées pour E(X) et V ar(X) en découlent
aussitôt. L’autre assertion est facile.
Exercice 1.6 : Retrouver l’expression de l’espérance et de la variance
des lois binomiales et de Poisson en utilisant le théorème 1.5.
2
Exemple d’application des fonctions génératrices
2.1
Somme d’un nombre aléatoire de variables aléatoires
Soit X = X1 , . . . , Xi , . . . une suite de v.a. à valeurs entières,
P+∞ indépendantes et de même loi de fonction génératrice G(t) = n=0 pn tn .
On considérera que l’indice i figure le temps et que la suite X décrit
l’état d’un système aléatoire au cours du temps, la v.a. Xi mesurant
l’état du système à l’instant i.
1
0
00
En effet, les séries GX (t) et GX (t) convergent pour tout |t| < 1 et les limites
0
00
limt→1− GX (t) = E(X) et limt→1− GX (t) = E(X(X − 1)) existent par le théorème
du prolongement d’Abel ; on déduit alors du théorème des accroissements finis que
0
00
ces limites sont les dérivées à gauche GX (1) et GX (1) .
2
dans ce cas ce sont des dérivées en t = 1.
3
Pour tout entier n ∈ N fixé on considère la v.a. Sn totalisant les Xi
jusqu’à l’instant n :
(4)
S0 = 0 et Sn =
n
X
Xi
si n ≥ 1.
i=1
Dans certains problèmes (nous verrons un exemple ci-dessous) on est
amenéP
à considérer une somme d’un nombre aléatoire N de termes :
SN = N
i=1 Xi où N est une v.a. à valeurs entières, définie sur le même
espace probabilisé que les Xi et indépendante de la suite X 3 . La somme
SN est définie précisément de la manière suivante :
(5)
∀k ∈ N, ∀ω ∈ [N = k], SN (ω) = Sk (ω).
On notera que puisque les événements [N = k] (k ∈ N) forment un
système complet4 , la valeur SN (ω) est bien définie pour tout ω ∈ Ω et
que les valeurs prises par SN sont entières. Nous admettrons que SN
est bien une v.a.5
Remarque 2.1 : Il est facile de trouver une expression pour la loi
de probabilité de la v.a. SN , en notant que grâce à la formule de la
probabilité totale, pour tout j ∈ N, on a
P(SN = j) =
(6)
=
+∞
X
n=0
+∞
X
P(SN = j|N = n)P(N = n)
P(Sn = j)P(N = n),
n=0
car P(SN = j|N = n) = P(Sn = j|N = n) = P(Sn = j) d’après
l’hypothèse d’indépendance6 . Mais cette expression de la loi de SN n’est
pas très maniable. Le résultat qui suit donne une expression très simple
de la fonction génératrice de SN de laquelle on peut déduire simplement
les moments de SN .
P
n
On note H(t) = +∞
n=0 qn t la fonction génératrice de N .
Proposition 2.2 : 1) La v.a. SN définie en (5) a une fonction génératrice donnée par la formule
(7)
GSN (t) = H(G(t)) = H ◦ G(t)
2) si les v.a. Xi et N ont un moment d’ordre deux, SN a également un
moment d’ordre deux et on a
E(SN ) = E(N )E(X1 )
V ar(SN ) = E(N )V ar(X1 ) + (E(X1 ))2 V ar(N ).
3
i.e. telle que pour tout entier k, les v.a. N, X0 , X1 , . . . , Xk sont indépendantes.
i.e. une partition de Ω.
5
L’espace Ω n’étant pas discret en général dans les situations de ce type, il
conviendrait de vérifier la condition de mesurabilité.
6
en effet on peut montrer facilement que N et Sn sont indépendantes.
4
4
démonstration : Pour n ∈ N, par la définition (4) de Sn et par le
théorème 1.2, on voit que
(8)
GS0 (t) = 1 et GSn (t) = (G(t))n
pour n ≥ 1.
Pour tout n ∈ N, notons p∗n
= P(Sn = j) le coefficient de tj dans
j
le développement
entière de GSn (t). D’après la formule (6),
P en série
∗n
.
On
a donc
P(SN = j) = +∞
q
p
n=0 n j
GSN (t) =
+∞
X
j
P(SN = j)t =
=
n=0
=
+∞
X
j
qn p∗n
j t
j=0 n=0
j=0
+∞
X
+∞ X
+∞
X
qn
+∞
X
!
j
p∗n
j t
=
+∞
X
qn GSn (t)
n=0
j=0
qn (G(t))n = H(G(t)).
n=0
De plus si les Xi et N ont un moment d’ordre deux, on peut dériver
deux fois les fonctions H et G en t = 1 donc la fonction composée
H ◦ G aussi, ce qui montre que SN a un moment d’ordre deux et grâce
au théorème 1.5 on obtient alors
E(SN ) = H 0 (G(1)) G0 (1) = H 0 (1)G0 (1) = E(N )E(X1 )
2
V ar(SN ) = (H ◦ G)00 (1) + (H ◦ G)0 (1) − ((H ◦ G)0 (1))
= E(N )V ar(X1 ) + (E(X1 ))2 V ar(N ).
2.2
Le processus de Galton-Watson
En étudiant le mécanisme de l’extinction des noms de famille noble
en Grande-Bretagne, Galton et Watson ont été amenés a étudier le
processus suivant :
On considère des particules pouvant donner naissance à des particules
de même nature. Au départ on suppose qu’il y a 1 particule (génération
zéro). Chaque particule a la même probabilité
pk de produire elle même
P+∞
k particules (k ∈ N) et on note µ = k=0 kpk < +∞ le nombre moyen
de descendants d’une particule quelconque. Les particules descendantes
de la n-ième génération forment la n+1-ième génération. Les particules
de chaque génération se comportent indépendamment l’une de l’autre.
Notons Xn,k le nombre de particules produites par la particule no k de
la n − 1-ième génération. On a donc
N1 = X1,1
N2 = X2,1 + · · · + X2,N1
..
.
Nn = Xn,1 + · · · + Xn,Nn−1
..
.
etc
5
Nn est le nombre de particules composant la n-ième génération7
On va s’intéresser ici au comportement de la suite
xn = P(Nn = 0)
(probabilité d’extinction à la n-ième génération et à sa limite quand
n → +∞ (= la probabilité d’extinction du nom de famille).
Exercice 2.3 : On note Gn la fonction génératrice de Nn et G = G1 .
On suppose que p0 6= 0 8 .
1) Montrer que Gn+1 (t) = Gn (G(t)) = G(Gn (t)).
2) En déduire que la suite xn vérifie les formules de récurrence
x1 = G(0) et xn+1 = G(xn )
et que la limite ξ = limn→+∞ xn existe.
3) Montrer que si µ ≤ 1 alors ξ = 1.
4) si µ > 1 montrer que ξ < 1.
5) Montrer que ξ = P(∪+∞
n=0 [Nn = 0]) .
solution : 1) D’après la proposition 2.2, on a Gn+1 (t) = Gn (G(t)) et
par récurrence descendante, on obtient Gn+1 (t) = (G ◦ · · · ◦ G)(t) (n+1
fois) donc par associativité de la composition des applications, on a
aussi
Gn+1 (t) = G(Gn (t)).
2) On en déduit que xn+1 = Gn+1 (0) = G(Gn (0)) = G(xn ) avec x1 =
G(0) = p0 . Mais la fonction G est strictement croissante9 sur [0, 1] ;
d’où 0 < p0 = x1 implique G(0) = x1 < G(x1 ) = x2 . Supposons par
hypothèse de récurrence que xn−1 < xn , alors xn = G(xn−1 ) < G(xn ) =
xn+1 . Donc la suite xn est croissante ; comme elle est majorée par 1,
elle est donc convergente vers une limite ξ ∈]0, 1] qui vérifie forcément
ξ = G(ξ)
puisque la fonction G est continue.
3) Étudions les racines de l’équation t = G(t). D’abord t = 1 est racine
évidente. Notons aussi que si on a deux racines t1 = G(t1 ) et t2 = G(t2 )
1)
= 1 et donc il existe c ∈]t1 , t2 [ tel que G0 (c) = 1 d’après
alors G(t2t2)−G(t
−t1
le théorème des accroissements finis. Or la fonction G0 est strictement
croissante sur [0, 1] ce qui prouve qu’il existe un c unique dans [0, 1] tel
que G0 (c) = 1. On en conclut que l’équation t = G(t) a au plus deux
racines dans [0, 1] donc au plus une racine dans [0, 1[ 10 .
S’il y a effectivement une racine dans [0, 1[, il existe11 c ∈ [0, 1[ tel
que G0 (c) = 1 donc comme G0 est strictement croissante,
G0 (1) = µ > 1.
7
attention la somme définissant Nn doit être prise au sens de la formule (5) i.e.
pour ω ∈ [Nn−1 = 0], on a Nn (ω) = 0.
8
sinon il est clair qu’il ne peut pas y avoir extinction.
9
c’est sur série entière à coefficients ≥ 0 et il existe un coefficient pk > 0 pour
un k ≥ 1.
10
car t = 1 est racine.
11
d’après ce qu’on a vu plus haut.
6
Ainsi lorsque µ ≤ 1, il n’y a pas de racine dans [0, 1[ et alors forcément,
lim xn = ξ = 1.
4) Si µ > 1, il faut montrer que xn converge effectivement vers la racine
ξ < 1. Ceci est facile12 , il suffit de remarquer que x1 < ξ et que, par
récurrence, pour tout n, xn < ξ (faire une figure).
5) Il est trivial de remarquer que les événements [Nn = 0] forment
une suite croissante. Par la propriété de continuité de la probabilité
par limite croissante13 , on obtient ξ = lim xn = P(∪+∞
n=0 [Nn = 0]) =
P(extinction du nom de famille).
Note à l’attention des lecteurs : Merci de me signaler les coquilles
ou erreurs que vous auriez pu remarquer dans ce fichier. Votre attention
permettra d’améliorer la prochaine version de ces notes de cours.
12
13
exercice de niveau L1.
théorème du chapitre deux.
7
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