Prescription des Morphiniques Dr Jean-Pierre CORBINAU - Lille Cet exposé se veut essentiellement pratique ayant pour objectif de faire passer 3 messages afin d’apporter une aide dans la prescription de la Morphine et des autres Opioïdes de niveau III. Quelques objectifs à se donner : • • • • CROIRE le patient et sa douleur CRÉER un climat de confiance ANTICIPER la douleur EXPLIQUER clairement au patient 1er message : titration et doses de secours La MORPHINE • • • • • • • • Opioïde de référence par habitude, facile à se procurer, faible coût A utiliser en première intention pour traiter la douleur modérée ou sévère du cancer Pas d’effet plafond +++ Craintes infondées : toxicomanie, sédation excessive, dépression respiratoire Gérer les effets secondaires : – Nausées, vomissements, constipation +++ – Prurit – Sécheresse buccale, rétention urinaire – Somnolence, confusion, hallucinations, dépression respiratoire, myoclonies Limites : – Mauvaise biodisponibilité per os : 20 à 30 % – Grandes variations individuelles – Métabolites encore actifs, en particulier en cas d’insuffisance rénale. – Douleurs neurogènes La voie orale est la voie de référence, voie orale = voie royale Dans l’idéal, 2 formes sont requises : – Forme à libération normale pour déterminer la dose d’équilibre – Forme à libération modifiée pour le traitement de fond Jean-Pierre CORBINAU 1 TITRATION : Comment déterminer la bonne dose de morphine ? • • • • • • • • • • Donner de préférence de la morphine à libération normale toutes les 4 h. Donner la même dose pour les accès douloureux paroxystiques. Entre-dose de « secours » administrée aussi souvent que le patient en a besoin, jusque 1 fois par heure, après évaluation. Dose de fond ajustée en incorporant le total des entre doses de morphine. Technique d’équilibration sûre et efficace Pic plasmatique dans la première heure 1/2 vie d’élimination de 2 à 4 h État d’équilibre après 4 à 5 ½ vies soit 24 h Doses de secours (= doses de 4 h) peuvent être données toutes les heures : – Douleurs incidentes = prévisibles – Douleurs intercurrentes = non prévisibles Même principe pour la voie parentérale mais espace de 15 à 30 minutes. Nouvelles réglementations du European Association Palliative Care : • En cas d’accès douloureux transitoire, la posologie donnée correspondra de 1/10ème à 1/6ème de la dose totale sur 24 heures • Réajuster le traitement après 24 h, en fonction des doses administrées, seulement si plus de 3 pics douloureux par 24 h Remarques : • Les patients qui prennent de la morphine à libération normale toutes les 4 heures peuvent prendre une double dose au coucher. • Moyen simple et efficace qui évite au patient d’être réveillé par la douleur MORPHINE à LIBERATION NORMALE • • • ACTISKENAN° gélule à 5,10, 20 et 30 mg SEVREDOL° comprimé à 10 et 20 mg ORAMORPH° glossettes à 10, 30 et 100 mg et flacon doseur 1 goutte = 1,25 mg MORPHINE à LIBERATION MODIFIEE • • • • • • • Plusieurs formes : cp, gel à libération modifiée sur 12 heures SKENAN° LP gélule à 10, 30, 60, 100 et 200 mg MOSCONTIN° LP comprimés à 10, 30, 60, 100 et 200 mg KAPANOL° LP comprimé à 20, 50 et 100 mg Pas de différence substantielle dans la durée d’action, l'efficacité ou la puissance Problème de profil de relargage et de biodisponibilité orale. Possibilité d’une dose unique (le soir) de sulfate de morphine à libération modifiée Jean-Pierre CORBINAU 2 MORPHINE INJECTABLE • • • • • • • • Quand voie orale impossible, voie sous-cutanée choisie en premier Simple et peu douloureuse. Délai d’efficacité plus rapide que voie orale Absorption régulière, pic de concentration plasmatique dans les 15 à 30 minutes Pas d’indication de la voie intra musculaire Quand voie parentérale : pas de premier passage hépatique ni de métabolisme Le rapport d’équianalgésie entre la morphine par voie orale et par voie sous-cutanée est situé entre 1:2 et 1:3. Rapport identique pour la voie intraveineuse En pratique : 30 mg de morphine par voie orale pour obtenir même efficacité que 15 mg de morphine par voie ss-cut et 10 mg par voir IV MORPHINE et autres voies • • • Voie transdermique : utile pour les douleurs stables Voie transmuqueuse : efficace pour les accès douloureux paroxystiques, ACTIQ° bientôt disponible en ville Voie rectale : bio disponibilité, durée d’action et doses, identiques à la voie orale MORPHINE et effets secondaires • • • • • Parfois chez certains patients, on observe des effets secondaires intolérables avec de la morphine orale Toxicité du SNC : sédation, troubles cognitifs, confusion, hallucinations, myoclonies, soubresauts Conséquences : contrôle insuffisant de la douleur Passer alors à un autre opioïde ou à une autre voie d’administration Notion de « rotation des opioïdes » 2ème message : Association Opioïdes agonistes purs et agonistes-antagonistes Opioïdes agonistes purs • Alfentanil : RAPIFEN • Dextropropoxyphène : DIANTALVIC, PROPOFAN • Dihydrocodéïne : DICODIN LP • Fentanyl : FENTANYL, DUROGESIC • Méthadone : METHADONE • Oxycodone : OXYCONTIN, EUBINE • Sufentanil : SUFENTA • Codéine : nombreuses présentations • Morphine : • Péthidine : PETHIDINE • Tramadol : CONTRAMAL, TOPALGIC, ZAMUDOL Opioïdes agonistes-antagonistes • Buprénorphine : TEMGESIC, SUBUTEX • Nalbuphine : AZERTY, NUBAIN • Pentazocine : FORTAL Jean-Pierre CORBINAU 3 MECANISME de l’interaction • • • • Mécanisme d’origine pharmacodynamique. Les opioïdes agonistes purs stimulent les récepteurs opioïdes déterminant un effet antalgique. Les opioïdes agonistes-antagonistes, lorsqu’ils sont prescrits seuls, ont des propriétés agonistes et stimulent les récepteurs opioïdes, déterminant également un effet antalgique. En revanche, en présence d’un opioïde agoniste pur, un opioïde agoniste-antagoniste exerce sa propriété antagoniste, bloquant les récepteurs opioïdes. Dans ces conditions, les opioïdes agonistes purs ne peuvent plus stimuler les récepteurs opioïdes et perdent leur efficacité antalgique, tout en exposant à un syndrome de sevrage. Association --- Récepteur Opioïde En pratique : ne jamais associer DOULEUR • Agonistes-purs : – – – – – DIANTALVIC CODEINE DICODIN LP DUROGESIC MORPHINE • Agonistes-Antagonistes – TEMGESIC – SUBUTEX – OXYCONTIN – TOPALGIC – SOPHIDONE Agoniste -pur Agoniste - Antagoniste Il faut écarter ce type d’association de notre pratique ! 3ème message : Rotation des Opioïdes il faut savoir changer de molécules PATIENT DOULOUREUX SOUS MORPHINE : 1. Augmenter les doses de morphine car il n’y a pas d’effet plafond 2. Surveiller l’apparition d’effets indésirables (Dépression respiratoire, myoclonies, somnolence, nausées, vomissements, constipation) 3. Eliminer cause métabolique, insuffisance rénale, hypercalcémie, association avec psychotropes… 4. Changer de morphiniques en respectant les doses équianalgésiques 5. C’est le principe de la « rotation des opioïdes » : en changeant d’opioïde, il est possible de faire disparaître les effets indésirables, tout en maintenant un niveau d’analgésie confortable. Jean-Pierre CORBINAU 4 Opioïdes disponibles : • • Rotation par voie orale : – Morphine LP et LI – Hydromorphone LP et LI – Oxycodone LP Rotation par une autre voie d’administration : – Transdermique : Fentanyl – Injectable : • Morphine SC, IV, seringue auto pulsée sur 24 h • Sufentanil et Fentanyl (réservé à l’usage hospitalier) HYDROMORPHONE • • • • • • • SOPHIDONE° LP cp 4, 8, 16 et 24 mg Agoniste pur N’est pas métabolisé en M6G Rapport d’équianalgésie : 7,5 4 mg / 12 h = 60 mg Morphine per os / 24 h Règle des 14 jours OXYCODONE • • • • • • • • OXYCONTIN° LP cp à 10, 20, 40 et 80 mg OXYNORM° gél à 5, 10 et 20 mg Dérivé semi synthétique, agoniste pur Utilisé auparavant en association et à faibles doses par voie orale ou rectale Équivalent à la morphine pour l’efficacité et les effets secondaires Forte biodisponibilité 60 à 80 % par faible effet du 1er passage hépatique Rapport d’équianalgésie : 50 % à 66 % Règle des 28 jours FENTANYL • • • • • • • DUROGESIC° Action sur 72 h 25 µg / h = 60 mg Morphine per os Maniabilité peu évidente quand situation évolutive malgré facilité des patchs A donner quand situation stable – niveau 2 insuffisant – Prises per os difficiles A éviter quand – Situation évolutive, fièvre +++ – Recherche de dosage adapté Phénomènes de sevrage Il se peut qu’après un certain temps, une nouvelle rotation des opioïdes soit nécessaire. On peut alors choisir une troisième molécule ou bien revenir à la morphine et ainsi de suite… On peut observer ainsi que l’antalgie est obtenue avec des doses moindres qu’avant la rotation. Jean-Pierre CORBINAU 5 Doses équianalgésiques Morphine LP Hydro morphone LP Oxycodone LP Fentanyl patch 30 mg x 2 4 mg x 2 15 mg x 2 25 !g/h 60 mg x 2 8 mg x 2 30 mg x 2 50 !g/h 120 mg x 2 16 mg x 2 60 mg x 2 100 !g/h 180 mg x 2 24 mg x 2 90 mg x 2 150 !g/h POUR EN SAVOIR PLUS : • • • • • • • • • Nouvelles réglementations de l’Association Européenne de Soins Palliatifs. British Journal of Cancer, 2001 ; 84 (5) 587-593 Caractéristiques et prise en charge médicale des accès douloureux transitoires. Douleurs, 2001, 2, 5 Manuel de Soins Palliatifs – Centre d’Ethique Médicale – Ed DUNOD, 2ème édition, 2001 Drugs News. Décembre 1999, n° 2 Drugs News. Juillet 2000, n° 3 Drugs News. Avril 2001, n° 5 Stupéfiants : nouvelles règles de prescription. La revue du Praticien, mai 2002, n° 577, 865-866 Journal Européen de Soins Palliatifs, juillet/août 2002, Volume 9 Numéro 4 Evaluation et prise en charge thérapeutique de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles de la communication verbale. ANAES, octobre 2000 www.anaes.fr Jean-Pierre CORBINAU 6