Bases Hilbertiennes 1 Familles orthogonales

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SOM1MT05
Analyse Fonctionnelle
Université d’Orléans
2014-2015
Cours, Chapitre n 8
Luc Hillairet.
Bases Hilbertiennes
1
Familles orthogonales
Définition 1. Dans un espace euclidien (E, h ·, · i) une famille de vecteurs non-nuls (ui )i2I
est dite
— orthogonale dès lors que 8i 6= j, h ui , uj i = 0,
— orthonormée, si elle est orthogonale et de plus, 8i, kui k = 1.
Lorsque (ui )i2I est une base de E, on parle de base orthogonale (resp. orthonormée).
Remarque : On vérifiera sans peine que si (ui )i2I est orthogonale, alors ( kuuii k )i2I est orthonormée.
Lemme 1. Toute famille orthogonale (a fortiori orthonormée) est libre.
P
Démonstration. En e↵et, soit i2I ↵i ui une combinaison linéaire finie qui annule la famille :
X
↵i ui = 0.
i2I
Pour tout i en faisant le produit scalaire avec ui et en utilisant l’orthogonalité, on obtient :
↵i kui k2 = 0.
D’où ↵i = 0 et la liberté de la famille.
L’intérêt des bases orthonormées est que de nombreuses formules sont plus simples. On a
par exemple les propriétés suivantes.
1. Soit (E, h ·, · i) un espace euclidien de dimension
une base orthonormée
Pfinie et (ei )1inP
alors par sesquilinéarité on obtient pour x = ni=1 xi ei et y = ni=1 yi ei
hx, yi =
n
X
x i yi .
i=1
En particulier, on trouve que nécessairement xi = hei , xi.
2. Soit H un espace de Hilbert et F ⇢ E un sous-espace de dimension finie dont (ei )1in
est une base orthonormée alors
n
X
8x 2 H, ⇡F (x) =
hei , xiei .
i=1
En e↵et, si on définit z par la formule de droite alors il est clair que z 2 F et de plus
8j, hej , x
⇡F (x)i = hej , xi
Ce qui caractérise le projeté orthogonal sur F.
1
hej , xi.
2
Orthonormalisation
La procédure d’orthonormalisation permet de transformer toute famille libre en famille
orthonormée.
Théorème 1. Soit (ui )1in une famille libre finie dans un espace euclidien (E, h·, ·i) alors
il existe une famille orthonormée (ei )1in telle que
8m  n vect(ui )1im = vect(ei )1im .
Démonstration. Pour 1  m  n, on note Fm := vect(ui )1im et ⇡m la projection orthogonale sur Fm . On définit alors la famille (vi )1in de la façon suivante
⇢
v1 := u1 ,
8i  n 1, vi+1 := ui+1 ⇡i (ui+1 ).
On montre alors par récurrence sur m les propriétés voulues.
Il n’y a rien à faire pour m = 1.
On suppose alors la propriété au rang m. Remarquons tout d’abord que par construction
vm+1 est orthogonal à Fm et donc à tous les vi , 1  i  m. La famille (vi )1im+1 est donc
orthogonale. Comme la famille (ui )1in est libre on a
Fm+1 = Fm
vect(um+1 ).
Ceci entraı̂ne que vm+1 6= 0 et de plus, vm+1 2 Fm+1 et donc
vect(vi )1im+1 ⇢ Fm+1 .
En écrivant um+1 = vm+1 ⇡m (um+1 ) on en déduit aussi um+1 2 vect(ui )1im+1 d’où la
propriété cherchée. On pose alors ei := kvvii k .
Corollaire 1. Soit (E, h·, ·i) un espace euclidien de dimension finie, alors E admet des bases
orthonormées.
2.1
Applications à la dimension finie
L’existence de bases orthonormées en dimension finie a de nombreuses applications. On
en liste quelques-unes ci dessous. Dans tous ces exemples (E, h·, ·i) est un espace vectoriel
euclidien de dimension n.
1. E est isométrique à Cn muni de son produit scalaire canonique. Plus précisément,
si (ei )1in est une base orthonormée alors l’application linéaire définie par x 7!
(he1 , xi, . . . , hen , xi) est une isométrie.
2. Dans une base orthonormée on représente x et y par des vecteurs colonnes X et Y et
on a
hx, yi = X ⇤ Y.
On en déduit qu’une matrice de passage U entre deux bases orthonormées vérifie
U ⇤ U = U U ⇤ = I. On en déduit aussi que la matrice d’une isométrie dans une base
orthonormée vérifie aussi cette relation.
3. Le procédé d’orthonormalisation de Schmidt est alors équivalent à l’énoncé suivant.
Proposition 1. Soit A une matrice hermitienne définie positive alors il existe T
triangulaire telle que A = T ⇤ T.
2
3
Bases Hilbertiennes
Soit (ei )i2I une famille finie ou infinie de vecteurs d’un espace vectotiel E. On rappelle que
le sous-espace vectoriel vect(ei )i2I est l’ensemble des combinaisons linéaires finies des (ei )i2I .
En particulier pour une famille (en )n 0 indexée par N, on a l’équivalence
x 2 vect(en )n
3.1
0
, 9N 2 N, x0 , . . . , xN , x =
N
X
xn en .
n=0
Etude d’un modèle : `2
On rappelle que `2 (N, R ou C) est l’espace des suites (xn )n
que
X
n 0
Le produit scalaire défini par
0
réelles ou complexes telles
|xn |2 < 1.
hx, yi :=
X
x n yn ,
n 0
fait de `2 un espace de Hilbert.
Pour tout k 2 N, on définit la suite ek 2 `2 par
⇢
1 si k = n,
ek (n) =
0
sinon.
On a alors le lemme suivant
Lemme 2. La famille (ek )k
0
est orthonormée dans `2 et vect(ek )k
0
est dense dans `2 .
Démonstration. Le fait que la famille est orthonormée est immédiat :
pour tout x := (xn )n 0 2 `2 et tout " > 0, il existe N tel que
0
@
n N +1
Ce qui se réécrit
kx
Ainsi
|xn |
N
X
n=0
vect(en )n
11
2
X
0
2A
 ".
xn en k  ".
\ B(x, ") 6= ;.
Remarquons que si on note FN = vect(en )0nN et ⇡N la projection orthogonale dans `2
sur FN alors, pour tout x := (xn )n 0 , on a
⇡N (x) =
N
X
n=0
3
xn en .
Exercice 1. Démontrer la propriété précédente.
`2 .
Ainsi, dans le lemme, on a en fait montré que la suite (⇡N (x))N
Comme on a aussi montré
N
X
⇡N (x) =
hen , xien ,
0
convergeait vers x dans
n=0
on obtient donc
2
8x 2 ` , x =
3.2
1
X
n=0
hen , xien .
Familles totales
On travaille maintenant dans un espace de Hilbert complexe 1 H de dimension infinie et
on suppose qu’il existe (en )n2N une famille orthonormée.
Lemme 3. Soit (xn )n
0
2 `2 (N, C) alors la suite (XN )N
XN :=
N
X
0
d’éléments de H définis par
xn en ,
n=0
converge vers un élément noté
1
X
X
xn en ou
n=0
xn en .
n 0
Démonstration. Il suffit de montrer que la suite (XN )N
(en )n 0 est orthonormée, on a
2
8p > q, kXp
Comme x 2 `2 , cela entraı̂ne que (XN )N
puisque ce dernier est complet.
Xq k =
0
q
X
est de Cauchy. Comme la famille
0
n=p+1
|xn |2 .
est une suite de Cauchy de H qui converge donc
Remarque : Par définition on a donc que, pour tout x 2 `2 ,
X
xn en 2 vect(en )n 0 .
n 0
Théorème 2. Soit x 2 H et (en )n
par xn := hen , xi. On a alors
1. La suite (xn )n
0
0
une famille orthonormée. On définit la suite (xn )n
appartient à `2 (N, C) et
1
X
n=0
|xn |2  kxk2 .
1. le cas réel est complètement similaire
4
0
2. Notons F := vect(en )n
0
et ⇡ la projection orthogonale sur F alors
X
⇡(x) =
xn en .
n 0
Démonstration. On note FN := vect(en )0nN . Comme FN est un sous-espace vectoriel de
dimension finie, il est notamment fermé, et on peut noter ⇡N la projection orthogonale sur
FN . On affirme que, pour tout x et tout N on a
N
X
⇡N (x) =
xn en .
n=0
En e↵et, si on note XN :=
0  n  N, on a
PN
n=0 xn en ,
hen , x
Ce qui prouve x
il est d’abord clair que XN 2 FN . De plus, pour tout
XN i = xn
hen , XN i
= 0.
XN 2 FN? et donc l’assertion. On en déduit que, pour tout N 2 N,
2
kXN k =
N
X
n=0
|xn |2  kxk2 .
Ceci donne le premier point en passant
à la limite.
P
D’après le premier point, X := n 0 xn en est bien défini et appartient à F puisque c’est
une limite de combinaisons linéaires finies des (en )n 0 . Par ailleurs, par continuité du produit
scalaire avec en on a
8n
0, hen , x
Xi = lim hen , x
N1
XN i = 0.
Par linéarité, on en déduit que
8y 2 vect(en )n
0,
hy, x
Xi = 0.
Par continuité, on en déduit,
8z 2 F, hz, x
Xi = 0.
D’où X = ⇡(x).
Remarque : La première inégalité dans la proposition, valable dès que (en )n
mille orthonormée d’un espace de Hilbert H, s’appelle l’inégalité de Bessel.
Corollaire 2. Avec les notations du théorème précédent.
X
k⇡(x)k2 =
|xn |2 ,
n 0
2
d(x, F ) = kxk2
5
X
n 0
|xn |2 .
0
est une fa-
Démonstration.PPuisque XN tend vers ⇡(x) la, première égalité vient en passant à la limite
2
dans kXN k2 = N
n=0 |xn | . La deuxième égalité découle alors du théorème de Pythagore.
Définition 2.
— Soit (en )n 0 une famille (finie ou infinie) de vecteurs d’un espace vectoriel normé
(E, k · k). Elle est dite totale lorsque vect(en )n 0 = E.
— Dans un espace de Hilbert H, une famille orthonormée totale est appelée base hilbertienne de H.
Remarques :
1. On fera attention que, sauf en dimension finie, une base hilbertienne n’est pas une base
au sens algébrique.
2. La famille (en )n 0 définie dans le paragraphe précédent dans `2 est donc une base
hilbertienne, parfois appelée base hilbertienne canonique de `2 .
3. On pourra noter que dans un espace de Hilbert, une famille (en )n 0 est totale si et
seulement si on a l’implication suivante
[8n
0, hen , xi = 0] ) 0,
qui traduit l’égalité (vect(en )n 0 )? = {0}.
Quand (en )n 0 est une base hilbertienne, la projection orthogonale sur F devient l’identité.
Le premier théorème devient donc
X
8x 2 H, x :=
hen , xien .
n 0
Proposition 2. Soit (en )n 0 une famille orthonormée dans un espace de Hilbert H alors les
assertions suivantes sont équivalentes.
1. La famille (en )n 0 est une base hilbertienne.
2. Pour tout x 2 H, on a l’égalité de Parseval-Plancherel :
X
kxk2 =
|hen , xi|2 .
n 0
3. Pour tous x, y 2 H, on a
hx, yi =
1
X
n=0
hx, en ihen , yi.
Démonstration.
1 ) 2 Par hypothèse F ? = {0} et donc, pour tout x, d(x, F ) = 0.
2 ) 1 D’après le corollaire ci dessus, l’égalité de Parseval-Plancherel entraı̂ne que, pour tout
x, d(x, F ) = 0 et donc x 2 F.
3 ) 2 Faire x = y.
1 ) 3 On note ⇡N la projection orthogonale sur vect(en )0nN et on a
8N, h⇡N (x), yi = h⇡N (x), ⇡N (y)i =
puisque la famille (en )n
0
N
X
n=0
hx, en ihen , yi
est orthonormée. Le résultat s’en déduit.
6
Exercice 2. Montrer que si (en )n
définie de H ! `2 par
est une base hilbertienne de H alors l’application b·
0
x̂ = (hen , xi)n
0
est une isométrie surjective de H sur `2 .
Exemple : Dans L2per , la famille (en )n2Z définie par en (x) = exp(inx) est une base hilbertienne. En e↵et, elle est clairement orthonormée pour le produit scalaire normalisé. Elle est
totale car les polynômes trigonométriques sont denses dans L2per . On en déduit la théorie L2
des séries de Fourier et en particulier la formule de Parseval-Plancherel :
Z ⇡
X
1
2
8u 2 Lper ,
|u(x)|2 dx :=
|hen , ui|2
2⇡ ⇡
n2Z
Exercice 3. On travaille dans L2 ([0, ⇡], dx). Pour k
1, on définit uk par uk (x) = sin(kx).
1. Calculer huk , uj i pour tous k et j. En déduire que la famille (en ) définie par en :=
est orthonormée.
un
kun k
2. Montrer que la famille (en )n 1 est une base hilbertienne. (on pourra montrer que toute
fonction de L2 ([0, ⇡]) se prolonge en une fonction impaire de L2per .)
3.3
Encore un théorème de Riesz
Le procéde d’orthonormalisation de Gram-Schmidt entraı̂ne que tout espace de Hilbert
de dimension finie est isomorphe à Cn muni de son produit scalaire canonique. En dimension
infinie, on a aussi un résultat similaire que l’on va énoncer seulement dans le cas séparable.
Définition 3. Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé. On dit que E est séparable lorsqu’il
admet une partie dénombrable dense.
Le théorème de Riesz s’énonce alors de la façon suivante.
Théorème 3. Soit H un espace de Hilbert séparable de dimension infinie, alors il existe une
isométrie surjective de H sur `2 (N, C).
Démonstration. D’après l’exercice en fin de partie précédente, il suffit de montrer que H
admet une base hilbertienne. Par hypothèse, il existe une famille (ak )k 0 dense dans H. On
commence par en extraire une famille libre (bn )n 0 . Pour cela, on pose k0 = min{k, ak 6= 0}
et on définit b0 = ak0 et F0 := vect(b0 ). On définit ensuite par récurrence, pour n 0,
kn+1 := min {k, ak 2
/ Fn }
bn+1 := akn+1 ,
Fn+1 = Fn
vect(bn+1 ).
On vérifie alors les points suivants.
1. La suite (bn )n
0
est infinie car H est de dimension infinie.
2. Par construction la famille (bn )n
0
est libre.
7
3. La famille (bn )n
0
est totale puisque vect(en )n
Il suffit alors d’orthonormaliser la famille (bn )n
tienne.
0
0
contient la famille (ak )k
en (en )n
0
0.
pour obtenir une base hilber-
Remarque : L’hypothèse de dimension infinie peut être supprimée. Dans la construction il
faut alors rajouter un cas lorsque la suite (bn )n 0 est finie et on retrouve l’isomorphisme d’un
espace de Hilbert de dimension finie avec Cn .
8
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