Diagnostic des parasitoses cutanées en France

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DIAGNOSTIC
THÉMATIQUE
EN PARASITOLOGIE
À TAPER
Diagnostic des parasitoses cutanées
en France
Eric Caumesa,*, Patrice Bouréeb
RÉSUMÉ
Les parasitoses cutanées sont fréquentes et dues essentiellement aux ectoparasites, comme le sarcopte, cosmopolite, responsable de la gale (prurit
nocturne, sillon cutané). Les poux (Pediculus humanus et Phtirus pubis)
provoquent aussi du prurit. Le diagnostic est affirmé par la découverte des
lentes. Les myiases sont dues au développement chez l’homme de larves
de mouches, provoquant des lésions cutanées ou muqueuses. Le diagnostic
d’espèce est établi sur l’identification de la larve. Tunga penetrans la puce
chique provoque une ou plusieurs lésions sur les pieds. Les Larva migrans
cutanées ankylostomiennes sont dues aux larves d’ankylostomes de chien
qui traversent la peau de l’homme et forment une dermatite rampante. Les
filarioses (loase, onchocercose, filarioses lymphatiques) provoquent du
prurit mais sont rares chez le touriste. La leishmaniose cutanée est très
polymorphe et le diagnostic est établi sur la mise en évidence des leishmanies sur le frottis de la lésion.
Parasitoses cutanées – sarcoptes – poux – Tunga penetrans –
Larva migrans cutanée – leishmaniose cutanée.
1. Introduction
On peut classer les parasitoses cutanées en fonction du
parasite en cause : arthropodes, protozoaires, helminthes
[9] et de leur fréquence (tableau I).
En France, les principales parasitoses cutanées observées
sont la gale et les pédiculoses (tête, pubis, corps), dermatoses dues à des arthropodes [13]. La leishmaniose cutanée
localisée, dans le sud de la France, certaines formes de
myiases cutanées et les dirofilarioses sont beaucoup plus
rarement observées. Les autres dermatoses parasitaires
sont plutôt rencontrées chez des voyageurs au retour de
voyage en pays tropical [10].
a Service des maladies infectieuses et tropicales
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
47, bd de l’Hôpital
75651 Paris cedex 13
b Unité des maladies parasitaires et tropicales
Groupe hospitalier de Bicêtre
78, rue du Général-Leclerc
94275 Kremlin Bicêtre cedex
* Correspondance :
[email protected]
article reçu le 17 juillet, accepté le 19 novembre 2007.
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
SUMMARY
Parasitic skin diseases
Cutaneous skin diseases due to parasites are
common and mostly caused by ectoparasitosis
such as Sarcoptes scabiei,which provokes scabies
(pruritus, burrow). Lice (Pediculus humanus and
Phtirus pubis) also cause pruritus. Diagnosis is
based on the presence of eggs. Myiasis is due
to the larvae (maggots) of some flies that infest
the subcutaneous tissue or mucous membranes.
Diagnosis relies on the morphologic characteristics
of the maggot. Tunga penetrans (or chiggoe flea)
burries in the cutaneous tissue of the feet, causing
great pain. Hookworm related cutaneous Larva
migrans are due to dog hookworms which pass
through the skin and patients present with creeping dermatitis. Filariosis (loasis, onchocerciasis,
bancroftian filariasis) give rise to pruritus, but are
uncommon in tourists. Cutaneous leishmaniasis
has a broad clinical spectrum and its diagnosis
relies on the finding of Leishmania in a cutaneous
swab from the border of the ulcer.
Cutaneous parasitosis – sarcoptes – lice
– Tunga penetrans – cutaneous Larva migrans
– cutaneous leishmaniasis.
2. Dermatoses dues
aux arthropodes
2.1. Gale
La gale est une des maladies contagieuses les plus répandues dans le monde et est particulièrement fréquente en
zone tropicale [23]. Le diagnostic doit être évoqué devant
tout prurit généralisé. Il est difficile à confirmer sur le plan
parasitologique pour un praticien peu entraîné.
2.1.1. Diagnostic clinique
La gale classique se manifeste par un prurit et des signes
cutanés plus spécifiques, : sillon sous-cutané, vésicules
perlées, chancre scabieux [14]. Ces signes spécifiques
sont plus rares et plus difficiles à voir. Certains caractères du prurit doivent évoquer le diagnostic : il est généralisé intense, habituellement à recrudescence nocturne et
souvent collectif ou familial (« tout prurit conjugal est une
gale »). Les lésions induites par le grattage (papules, vésicules, pustules, érosions et stries de grattage) (figure 1)
touchent plus particulièrement les espaces interdigitaux
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Figure 1 – Gale : lésions de grattage.
Figure 2 – Sillon cutané interdigital.
des mains, la face antérieure des poignets, les coudes, les
emmanchures antérieures, la région ombilicale, les fesses,
la face interne des cuisses et les seins chez la femme, les
organes génitaux chez l’homme. Le dos est moins souvent
atteint. Le cou et le visage sont en règle épargnés, mais le
cuir chevelu (comme les cils et sourcils) peut être colonisé
par le parasite.
Le sillon scabieux est un signe clinique spécifique [27].
Il réalise une petite lésion cutanée sinueuse, filiforme de
quelques millimètres de long. Il correspond au trajet en
tunnel de l’acarien femelle qui progresse de 1 à 2 mm par
jour dans la couche cornée. Il s’observe surtout aux régions
interdigitales des mains et sur les faces antérieures des
poignets (figure 2). À l’une des extrémités du sillon, peut
exister parfois une surélévation de la taille d’une tête d’épingle, qui correspond à la position de la femelle adulte.
Les « vésicules » perlées sont en fait des pustules cutanées localisées dans les territoires de prédilection du
sarcopte.
Le « chancre » scabieux est en fait un nodule de 5 à 10 mm
de diamètre, de couleur rouge-brun cuivré et infiltré à la
palpation. Il se localise à la région génitale. L’évolution vers
la régression est longue, allant jusqu’à plusieurs mois après
la guérison de la scabiose. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité de type granulome à des antigènes persistants
de sarcoptes morts.
Chez le sujet âgé en collectivité, le diagnostic est souvent tardif car le prurit est initialement souvent considéré
comme « sénile ». C’est parfois l’apparition de cas chez
le personnel soignant qui révèle une épidémie dans des
maisons de retraite.
La gale croûteuse, autrefois dénommée norvégienne, est
particulièrement contagieuse. Les lésions sont croûteuses,
hyperkératosiques et disséminées sur tout le corps. Le
visage peut être atteint.
2.1.2. Diagnostic parasitologique
Tableau I – Principales parasitoses cutanées.
Fréquence
Arthropodes
Helminthes
+++
Gale
Pédiculoses
Phthiriase
Larva migrans
++
Tungose
Myiases
Loase
Onchocercose
±
Demodex
Larva currens
Dirofilariose
Cysticercose
Dermatite des canards
Protozoaires
Leishmaniose cutanée
Amibiase cutanée
Trypanosomiase
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Le diagnostic doit toujours, dans la mesure du possible,
être confirmé par l’examen parasitologique direct qui identifie au microscope optique le sarcopte, ses œufs ou ses
déjections. Le diagnostic est plus facile à confirmer dans
les formes typiques (ou le diagnostic clinique est possible)
que dans les formes atypiques (sujet âgé en institution,
nourrisson, formes frustes), ou en cas d’association de
plusieurs affections cutanées [16]. Mais l’examen direct
manque de sensibilité même entre des mains expérimentées [15].
Différentes techniques de grattage de la peau (curette, lame
de rasoir ou de bistouri) ont été utilisées dans le passé,
permettant d’obtenir la couche cornée, lieu de résidence
de Sarcoptes scabiei.
Les sillons peuvent être repérés par un test à l’encre de
Chine au niveau des espaces interdigitaux et des poignets,
il faut repérer la petite vésicule à leurs extrémités (là ou
se niche la femelle). Le prélèvement peut aussi porter
sur des papules péri ombilicales, mamelonaires (pour la
femme adulte), toutes lésions du gland (chez l’homme),
et des régions palmo-plantaires chez le petit garçon. Il
faut pratiquer ensuite un grattage énergique (gratter en
profondeur jusqu’à la rosée sanglante) afin de déposer un
maximum de cellules épithéliales dans la goutte de vaseline
2.2.2. Pédiculose corporelle
La pédiculose corporelle est due à l’infestation par le pou
de corps (Pediculus humanus). Pediculus humanus, le poux
du corps, est un ectoparasite, aplati dorso-ventralement
mesurant de 1 à 4,5 mm, pourvu de 3 paires de pattes
terminée par des griffes puissantes (figure 6). Le corps est
allongé avec des stigmates respiratoires latéraux. Outre son
caractère « nuisant » provoquant une pigmentation cutanée
(« mélanodermie des vagabonds »), le pou de corps est le
vecteur potentiel de plusieurs affections (typhus exanthématique dû à Rickettsia prowazeki, fièvre des tranchées
due à Rickettsia quintana et fièvre récurrente due à Borrelia
recurrentis). L’homme s’infeste par écrasement du pou à
proximité d’une lésion cutanée.
Figure 6 – Pediculus humanus.
Le prurit, avec ses lésions de grattage, est disséminé sur
le tronc, la racine des membres (figure 7). Ces lésions
peuvent saigner et se surinfecter.
Le diagnostic de certitude est basé sur la découverte de
poux sur le corps lors du déshabillage ou sur les vêtements
car le pou circule sur le corps le temps de se nourrir ; il se
réfugie ensuite dans les vêtements et pond ses œufs sur
les fibres textiles.
2.2.3. Phtirose
La phtirose est la pédiculose à Phtirus pubis (poux de
pubis, morpion). Il s’agit d’une ectoparasitose due à Phtirus
pubis. Contrairement au pou de tête et au pou de corps
qui sont très mobiles, l’adulte vit accroché aux poils de la
région génitale près de leur émergence. Il pond les œufs
sur la pilosité génitale.
Le diagnostic est évoqué sur la notion d’un prurit pubien,
associé à des lésions de grattage, qui peuvent être impétiginisées et s’accompagner d’adénopathies inguinales [21].
Il est confirmé par l’examen attentif du pubis qui révèle
les adultes sous la forme d’une petite tache grise près de
l’orifice des poils. Les lentes sont à la limite de la visibilité
sous la forme d’une petite masse arrondie, collée au poil.
Les pilosités péri-anale, axillaire et pectorale peuvent être
touchées. La colonisation des cils est possible, responsable d’une blépharite. Les lentes sont retrouvées sur les
poils ou les cils.
Phtirus pubis a un corps globuleux de 1 à 2 mm, avec un
abdomen aussi large que long et des stigmates respiratoires situés sur la face dorsale. Il est pourvu de 3 paires de
pattes dont la première est plus petite que les deux autres,
munies de très puissantes griffes (figure 8).
2.3. Démodécie
Lors d’acné rosacé ou de blépharite, une biopsie cutanée
ou un prélèvement de cil peut mettre en évidence des
Demodex folliculorum. Cet acarien vermiforme de 400
microns de long, avec 4 courtes pattes regroupées à la
partie antérieure (figure 9), vit dans les follicules pilo-sébacés du sillon naso-génien et du front, et est très fréquent.
Son caractère pathogène est discuté.
Figure 8 – Phtirus pubis (morpion).
Figure 7 – Lésions cutanées
dues aux poux du pubis.
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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE
2.4. Myiases cutanées
Elles résultent de l’infestation des tissus humains par des
larves de diptères. La présentation clinique diffère selon le
type de myiase (furonculoïde, migratoire, cavitaire) souvent
conditionnée par l’origine géographique de la contamination
[10, 26]. Elles sont rares en France, et surtout en Bretagne
et en Normandie.
Le diagnostic de myiase est toujours parasitologique, fait
par l’identification de la larve prélevée de la lésion cutanée
ou muqueuse. L’orifice laissé par l’ablation de la larve doit
être bien désinfecté. Les myiases ne transmettent aucune
maladie.
Les larves de mouches, mesurant 1 à 2 centimètres de long,
ont une forme cylindrique, annelée, avec des épines sur
chaque anneau (figure 10). Elles sont pourvues de crochets
buccaux et de stigmates antérieurs. Le diagnostic est établi
sur la forme des stigmates respiratoires postérieurs, formant
des figures très différentes selon les espèces [6].
2.5. Tungose (puce-chique)
C’est l’infestation des tissus sous-cutanés par la femelle
de la puce de sable, Tunga penetrans également appelée
puce-chique. Elle est seulement présente en Amérique
latine, dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie jusqu’à la
côte ouest de l’Inde souvent chez des populations défavorisées et peut s’observer chez les voyageurs [10], À Haïti,
le problème a été partiellement résolu par la distribution
de chaussures [20].
La lésion cutanée élémentaire est une papule ou un nodule
de couleur noire centrée par un point au travers duquel
les œufs de la puce sont expulsés ; il est classiquement
unique et localisé au niveau des extrémités distales des
membres inférieurs (région sous-unguéale, orteils, plantes
des pieds) [12].
Figure 9 – Demodex
folliculorum.
Le diagnostic est parasitologique, confirmé par l’aspect
morphologique après extraction à la curette. Après extraction, il subsiste un orifice cutané qu’il faut bien désinfecter.
La puce-chique ne transmet aucune maladie mais la lésion
cutanée peut être la porte d’entrée pour un germe tellurique
(tétanos) ou un pyogène banal.
Tunga penetrans est une petite puce de 1 mm qui se gorge
de sang et devient globuleuse (5 mm) et pond environ
250 œufs. Ces œufs éclosent en terrain sec en 3 à 4 jours,
pour donner naissance à des larves de 2 mm qui muent
rapidement vers le stade de puce adulte en 18 jours.
3. Dermatoses dues
aux helminthes
3.1. Larva migrans cutanée
ankylostomienne
C’est la plus fréquente des dermatoses tropicales touchant
le voyageur [11, 25]. Elle est le plus souvent due à des larves
d’ankylostomes de chien, de chats ou d’autres mammifères
et habituellement acquise en s’allongeant ou en marchant
sur les plages tropicales. Le diagnostic repose sur la clinique
et l’épidémiologie et exceptionnellement sur l’examen parasitologique direct. L’hyperéosinophilie est inconstante.
Cliniquement, elle réalise un cordon sous-cutané érythémateux, linéaire ou serpigineux et très prurigineux d’approximativement 3 mm de large, jusqu’à 15 à 20 cm de
long (figure 11). Le nombre moyen de lésion par patient
varie de 1 à 3. Les localisations les plus fréquentes sont
les pieds et les fesses [8]. L’éruption dure habituellement
de deux à huit semaines, mais des cas ont été rapportés
jusqu’à deux ans d’évolution. Des lésions vésiculobulleuses et dans une moindre mesure l’impétiginisation sont
Figure 10 – Larve de mouche,
responsable de myiase
Figure 11 – Larva migrans
cutanée.
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fréquentes. Le diagnostic clinique fait discuter les autres
causes de dermatite rampante [19].
Il existe une forme particulière de Larva migrans cutanée
ankylostomienne, connue sous le nom de folliculite ankylostomienne, qui survient habituellement au niveau des
fesses et dont le diagnostic peut être parasitologique par
la mise en évidence au niveau d’une pustule cutanée de
la larve trappée dans le follicule pileux.
Un aspect plus rectiligne et surtout plus mobile, au niveau
des fesses, peut être dû à la migration sous-cutanée de
larves d’anguillules, ou Larva currens [18]. La mise en évidence des anguillules dans les selles permet d’affirmer le
diagnostic (technique de Baerman).
3.2. Les filarioses (filariose
lymphatique, loase, onchocercose)
Elles sont observées en France mais seulement chez des
voyageurs, le plus souvent des migrants [10].
La loase est transmise par piqûre d’une mouche en Afrique
centrale forestière. Elle se manifeste par du prurit, un sillon
Figure 12 – Biopsie cutanée exsangue :
recherche d’Onchocerca volvulus.
Figure 13 – Filaire
de Médine.
cutané érythémateux, des œdèmes fugaces et migrateurs
et le passage de la filaire adulte sous la conjonctive.
L’onchocercose est transmise par piqûre d’une simulie en
Afrique subsahélienne, principalement. Chez les touristes,
une onchocercose peut être révélée par du prurit intense,
des nodules cutanés [5] ou par des formes aiguës à type
de lymphœdème de membres au retour de séjour en Afrique centrale ou de l’Ouest.
La filariose lymphatique est transmise par piqûre d’un moustique en Afrique subsaharienne, sous continent indien, sud
de l’Asie du Sud et quelques îles de l’Océanie. La filariose
lymphatique provoque des lymphangites dites rétrogrades
(allant de la racine du membre vers son extrémité), une
chylurie puis plusieurs années plus tard des œdèmes des
membres inférieurs, supérieurs et des organes génitaux,
réalisant un éléphantiasis. Cette pathologie est rencontrée
principalement chez les autochtones ayant passé de nombreuses années en brousse.
Le diagnostic, variable selon la filariose, repose sur la sérologie, ou mieux, l’examen parasitologique direct : microfilarémie par frottis, goutte épaisse et hémolyse concentration
(loase, filariose lymphatique) ou biopsie cutanée exsangue
(onchocercose) (figure 12).
• Loa-loa
Recherche des microfilaires sanguicoles vers 12 h (microfilaire mesurant 300 x 8 microns, entourée d’une gaine et
contenant de gros noyaux irréguliers se chevauchant).
• Wuchereria bancrofti
Recherche de microfilaires sanguicoles vers 24 h (microfilaires mesurant 300 x 8 microns, entourée d’une gaine et
contenant de petits noyaux arrondis et bien espacés).
• Onchocerca volvulus
Recherche des microfilaires dermiques (microfilaires sans
gaine, mesurant 300 x 8 microns, avec des noyaux ovoïdes
se chevauchant).
En outre, l’hyperéosinophilie est constante et reste élevée
pendant très longtemps. Le sérodiagnostic (immunofluorescence, Elisa, électrosynérèse, Western blot) est une
réaction de groupe.
Figure 14 – Leishmaniose
cutanée.
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Figure 15 – Leishmanies
sur une apposition cutanée.
DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE
3.3. Dracunculose
3.6. Dermatite cercarienne
La dracunculose, ou filaire de Médine, est due à l’ingestion de la larve avec l’eau de boisson. En quelques mois,
la larve va grandir, se transformer en ver adulte et venir
sous la peau. Le diagnostic est facilement évoqué devant
un sillon cutané, sinueux, se terminant par un phlyctène,
qui se rompt et laisse sortir la filaire adulte : ver blanc de
50 à 100 cm x 1 mm (figure 13). Le traitement consiste à
l’extraire doucement en l’enroulant chaque jour sur une
allumette. Une désinfection locale soigneuse et une vaccination antitétanique sont recommandées étant donné la
porte d’entrée profonde pour les germes.
Avec les campagnes de l’OMS pour l’eau potable, cette
affection a très nettement régressé en Afrique, mais reste
encore présente dans les zones de conflit. Aussi, cette
parasitose, encore constatée chez des Africains émigrés
il y a une quinzaine d’années, est devenue exceptionnelle
aujourd’hui. Cependant, il est encore possible de voir des
images de filaire de Médine calcifiées sur des radiographies,
ce qui ne nécessite aucun traitement.
En Europe, l’atteinte cutanée par la bilharziose des canards
Trichobilharzia ocellata est possible dans certains lacs. Le
parasite n’étant pas adapté à l’homme, le cycle ne peut
pas s’effectuer et l’affection est évoquée sur le contexte
épidémiologique et clinique [7].
4. Dermatoses dues
aux protozoaires
4.1. Leishmaniose cutanée localisée
La leishmaniose cutanée localisée (LCL) est une maladie
répandue dans les pays tropicaux et à la saison chaude
dans les pays tempérés comme ceux du bassin méditerranéen, en fonction des différentes espèces de leishmanies
(tableau II). La transmission est effectuée par la piqûre d’un
petit diptère, le phlébotome. Elle peut aussi être observée
chez les voyageurs [3, 4]. Le diagnostic, rarement évoqué
sur la clinique (figure 14), est facilement confirmé par
l’examen parasitologique.
3.4. Dirofilarioses
Elles sont transmises par piqûres de moustiques dans
les pays tempérés. Plusieurs espèces de Dirofilaria sont
pathogènes. Elle est souvent responsable d’un œdème
fugace ou d’un nodule sous-cutané (semblable à un nodule
onchocerquien) [1].
Le diagnostic est rarement évoqué cliniquement [17]. Il est
fait par la chirurgie et confirmé par l’anatomopathologie.
Étant donné le caractère peu pathogène des Dirofilaria,
le diagnostic est le plus évoqué devant la découverte fortuite d’une coupe de Dirofilaria dans le poumon ou dans le
derme, de diamètre variant de 100 à 500 microns (striations
longitudinales cuticulaires, musculature polymyaire, avec
une cuticule de texture feuilletée).
3.5. Helminthiases, en phase invasive
ou en impasse parasitaire
Elles peuvent se révéler par une urticaire. On évoque la
bilharziose [2], la gnathostomose et les helminthiases
intestinales au retour d’un voyage en pays d’endémie,
ainsi que des helminthiases plus cosmopolites (trichinellose, toxocarose, anisakiase) en dehors de tout voyage.
L’hyperéosinophilie est, dans ce cas, un très bon élément
d’orientation en faveur d’une helminthiase mais elle peut
être d’apparition retardée par rapport au signe clinique.
Le diagnostic est évoqué sur les modalités possibles de
contamination et la notion d’épidémie. Il est confirmé, selon
l’helminthiase en cause, par les sérologies (séroconversion
possible du fait du retard à l’apparition des anticorps) puis
les examens parasitologiques directs.
Parmi les atteintes cutanées rares des helminthiases, il
ne faut pas oublier l’hydatidose sous-cutanée (pathologie
habituelle du foie avec des possibilités de localisations
erratiques) et la cysticercose, due à l’infestation par le tænia
du porc, Tænia solium, dont les localisations préférentielles
sont les muscles, l’œil et le cerveau.
L’examen parasitologique des selles permet de retrouver les
œufs de bilharziose et des autres vers intestinaux (ascaris,
ankylostome). Les sérodiagnostics des différentes parasitoses (Elisa, Western blot) sont possibles.
4.1.1. Diagnostic clinique
Le diagnostic est difficile à évoquer pour un médecin non
entraîné sur la clinique du fait du polymorphisme lésionnel
de la maladie [24]. Les formes cliniques de LCL incluent des
papules, nodules, plaques, ulcères ou lymphangite nodulaire.
Les caractères cliniques communs aux différentes formes
de LCL incluent une localisation sur les zones exposées
(face, bras, jambe), l’absence de douleur, un petit nombre
de lésions, la chronicité (plus de quinze jours d’évolution)
et l’échec des antibiotiques (qui sont souvent prescrits car
le principal diagnostic différentiel en est la pyodermite).
4.1.2. Diagnostic parasitologique
Le diagnostic est habituellement fait par l’examen microscopique direct d’un frottis cutané [28]. L’examen parasitologique
est pratiqué après coloration par le May-Grunwald-Giemsa,
sur le produit de raclage de la périphérie de la lésion ou,
moins souvent, sur la sérosité obtenue après scarification,
ou aspiration, d’une lésion nodulaire ou ulcérée ou, enfin,
Tableau II – Classification taxonomique des leishmanies,
selon les caractères isoenzymatiques (OMS, 1990).
Géographie
Complexe
Espèce
Sous-genre Leishmania
L. mexicana
Nouveau
monde
Ancien
monde
L. venezuelensis
L. mexicana
L. amazonensis
Sous-genre Vianna
L. braziliensis
L. braziliensis*
L. peruviana
L. guyanensis
L. guyanensis
L. panamensis
L. donovani**
L. donovani**
L. infantum**
L. major
L. tropica
L. aethiopica
L. major
L. tropica
L. aethiopica
* principale forme cutanéo-muqueuse ; ** forme viscérale.
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par apposition sur lame d’un fragment prélevé par biopsie
cutanée. Il montre les leishmanies à l’intérieur des macrophages, ou à l’état libre, sous forme amastigote : petite cellule
de 2 à 3 microns, comprenant un noyau et un kinétoplaste
colorés en violet foncé par le MGG. Positif (figure 15), il
confirme immédiatement le diagnostic. Quand il est négatif,
il n’élimine pas ce diagnostic, il doit être refait, si nécessaire
après une antibiothérapie, et complété par d’autres examens
plus sensibles : immunofluorescence indirecte à l’aide d’anticorps monoclonaux, culture systématique, PCR.
La culture, et plus encore la PCR, sont plus sensibles
que l’examen parasitologique direct et indispensable à
l’identification de l’espèce. Les techniques d’identification
utilisées sont l’apanage de rares laboratoires spécialisés
(en France : Montpellier).
4.1.3. Autres moyens diagnostiques
L’histologie cutanée est un examen de seconde intention.
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62 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399
Les sérodiagnostics sont rarement utiles dans le diagnostic
de la leishmaniose cutanée localisé.
L’intradermoréaction de Monténégro a un intérêt diagnostique limité.
4.2. Autres protozoaires
Les autres dermatoses dues à des protozoaires n’existent
pas en France et leur rareté explique qu’il est peu probable
de les voir même chez un voyageur ou un migrant. Il peut
s’agir d’atteintes muqueuses (leishmaniose muqueuse,
amibiase génitale) ou cutanées s’intégrant dans une maladie plus générale (chancre ou trypanome et trypanides de
la trypanosomose est et ouest africaine, papulo nodules
de la leishmaniose viscérale) ou nodules post kala-azar.
Dans tous les cas, la localisation cutanée ou muqueuse
offre l’opportunité d’un diagnostic rapide et facile par un
examen parasitologique direct sur un frottis de la lésion
cutanée ou muqueuse.
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