Cas clinique De la clinique au microscope Un nodule ombilical hémorragique par intermittence An intermitent bleeding umbilical nodule N. Ortonne1, N. Dupin2 Endométriose cutanée • Cicatrice. Skin endometriosis • Scar. (1 Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, AP-HP, Créteil ; 2 service de dermato-vénéréologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris) U ne femme de 40 ans d’origine malienne présente depuis quelques mois un nodule ombilical. Dans ses antécédents, on relève deux grossesses dont une par césarienne. Elle signale par ailleurs que le nodule est le siège d’une hémorragie de faible abondance lors des règles. L’examen clinique montre une lésion polypoïde congestive de la taille d’une grosse noisette. Examen Une biopsie est réalisée et montre des remaniements cicatriciels anciens. Il existe en outre des lésions très particulières, localisées dans le derme profond et l’hypoderme. Il s’agit de volumineuses structures kystiques (figure 1), contenant fréquemment un matériel de sécrétion éosinophile accompagné de flaques hémorragiques. La bordure épithéliale est monostratifiée, constituée de cellules cubiques ou cylindriques dépourvues d’atypies, et montrant parfois une métaplasie particulière, rappelant l’épithélium de la trompe utérine (métaplasie tubaire) avec des ébauches de cils apicaux (figure 2). Au pourtour des kystes, il y a un tissu de soutien constitué de cellules fusiformes ou étoilées (figure 3), régulièrement disposées dans un tissu de soutien œdémateux avec des dépôts d’hémosidérine (figure 3, flèches), réalisant un aspect de chorion cytogène, tel que l’on en voit dans la muqueuse utérine. L’ensemble des éléments histologiques permet de retenir le diagnostic d’endométriose cutanée sur cicatrice. Légendes Figure 1. Au sein du derme fibreux, cicatriciel, présence de kystes à contenu hémorragique (hématéine-éosine-safran, x 50). Figure 2. Les cellules au pourtour du kyste réalisent un aspect de “chorion cytogène”, rappelant la structure normale du chorion de l’utérus (hématéine-éosine-safran, x 200). Figure 3. Au pourtour du kyste, il y a une prolifération de cellules fusiformes ou étoilées, régulières, associées à des territoires hémorragiques avec dépôts d’hémosidérine (flèches). (Hématéine-éosine-safran, x 100.) Discussion Peu de grandes séries ont rapporté les caractéristiques anatomocliniques de l’endométriose cutanée. Depuis la publication de Steck et Helwig (1), c’est une étude du “journal bleu”, publiée en 2000 (2), qui a rapporté le plus grand nombre de cas (71). Les patientes, âgées de 22 à 65 ans (moyenne : 33,9 ans), ont majoritairement (94 %) développé des lésions en région abdominale périnéale, inguinale ou vulvaire, sur cicatrice, le plus souvent après césarienne, comme c’est le cas pour notre patiente. Le délai d’apparition des lésions est très variable (8 mois à 19 ans). Elles sont apparemment spontanées dans seulement 4 cas, rarement multiples (5 cas) et de façon surprenante rarement douloureuses (limite des données recueillies dans le cadre d’une étude rétrospective). Sur le plan histologique, elles ont en commun la présence de structures kystiques à revêtement unistratifié avec une différenciation glandulaire. Néanmoins, un grand polymorphisme lésionnel est rapporté, notamment en rapport avec des aspects variables de la métaplasie épithéliale (cellules tubaires et oxyphiles, mucineuses, épidermoïdes, formations papillaires, etc.) et du chorion entourant les kystes (métaplasie musculaire lisse, aspect décidualisé, etc.). Des zones hyperplasiques et des atypies cytonucléaires sont présentes dans une proportion significative de cas (23 %), risquant d’orienter à tort vers un diagnostic d’adénocarcinome. Enfin, la présence de lymphocytes CD56+ à type de large granular lymphocytes est notée dans la plupart des cas ayant fait l’objet d’une analyse phénotypique. Ces cellules, sous-population des natural killer, douées de propriétés cytotoxiques, sont normalement recrutées dans la muqueuse utérine où elles participent au remodelage du tissu en rapport avec le phénomène des menstruations. La possibilité d’une endométriose cutanée doit donc être évoquée chez les jeunes femmes présentant des remaniements cicatriciels en région abdominale ou pelvienne, et les pathologistes doivent connaître cette éventualité afin de ne pas confondre ces lésions avec une tumeur glandulaire cutanée primitive ou secondaire, notamment un adénocarcinome, lorsqu’il existe des atypies cytonucléaires. II 54 Images en Dermatologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2009 Références bibliographiques 1. Steck WD, Helwig EB. Cutaneous endometriosis. JAMA 1965;191:167-70. 2. Kazakov DV, Ondic O, Zamecnik M et al. Morphological variations of scar-related and spontaneous endometriosis of the skin and superficial soft tissue: a study of 71 cases with emphasis on atypical features and types of mullerian differentiations. J Am Acad Dermatol 2007;57:134-46. Cas clinique De la clinique au microscope 1 2 3 Images en Dermatologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2009 55