Lésions génitales externes à HPV

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Lésions génitales externes à HPV
Bilan et prise en charge des condylomes acuminés génitaux
externes (CAGE) en pratique quotidienne
Prévalence et histoire naturelle des condylomes acuminés génitaux
La fréquence des condylomes ano-génitaux ne cesse d’augmenter.
Aux États-Unis, le nombre de nouveaux cas par an est estimé entre 500 000 et
1 million. Près de 1 % des personnes sexuellement actives de 18 à 49 ans sont affectées par des condylomes acuminés. Cela représente environ 240 000 consultations par
an et le coût de la prise en charge aux États-Unis est évalué à 3,8 billions de dollars.
La prévalence des condylomes acuminés est plus élevée dans certaines populations,
notamment celles qui consultent dans les cliniques de MST (fig. 1). Les données provenant de ces cliniques indiquent que l’incidence des CAG varie de 4 à 13 %. L’affection
concerne à la fois l’homme et la femme.
En France, les chiffres varient de 0,25 à 0,3 %. Ils représentent la première cause
de MST (Maladies Sexuellement Transmissibles) en Europe et aux États-Unis. Une
étude française, effectuée en l’an 2000 auprès de médecins généralistes du réseau
« Sentinelles » (étude prospective sur cinq mois) a montré que le nombre annuel
d’épisodes de condylomes acuminés externes (CAE) en médecine générale était de
23 000 dont 15 000 diagnostics de nouveaux cas. La même année, une enquête « un
190 Infections à papillomavirus
Fig. 1 - Condylomes acuminés. Fréquence du premier diagnostic en Grande-Bretagne.
jour donné » menée auprès de dermatologues libéraux français avait estimé à 100 000
le nombre de consultations pour CAE (dont 47 000 nouveaux cas). Ces estimations,
qui ne tiennent pas compte des gynécologues et autres spécialistes, ont permis d’estimer l’incidence des CAE à 107 nouveaux cas pour 100 000 habitants.
La régression spontanée des CAG est évaluée à environ 20 %. Cinquante pour
cent restent stables et 30 % ont un risque d’extension et de progression à d’autres
sites anogénitaux. La période d’incubation est difficile à définir. Certaines affections
demeurent latentes ou subcliniques, d’autres peuvent n’apparaître que des mois, voire
des années, après l’acquisition du virus. Les patients ayant été en contact pour la première fois avec des HPV de type 6 ou 11, à la suite d’une exposition sexuelle avec un
nouveau partenaire, développent généralement des lésions visibles après 2 à 8 mois
en moyenne (fig. 2).
Mode de transmission
L’infection génitale à HPV est transmise prioritairement par contact sexuel. Les micro-abrasions de l’épithélium de surface, qui se produisent le plus souvent lors des
rapports sexuels, permettent aux virions de traverser sans difficulté son épaisseur pour
atteindre les cellules de la couche basale où elles entraînent leur premier effet cytopathogène. La transmission par contact sexuel est avant tout génitale. Elle peut être
anale lors des rapports anaux chez les homosexuels, ou orale lors des rapports buccogénitaux chez les patients immunodéprimés.
La transmission par auto-inoculation de l’ADN des HPV d’un site cutané non
génital (les doigts) a été rapportée notamment chez les patients (enfants ou adultes)
qui ont des pratiques d’attouchement anal. Les HPV de type 1 et 2 implantés dans
des verrues digitales sont capables de provoquer des CAG.
Lésions génitales externes à HPV
191
Fig. 2 - Histoire naturelle de l’infection HPV à bas risque.
Une transmission des HPV de type 6-11 par une surface souillée aux muqueuses
génitales externes a été retrouvée. Le linge souillé ou des instruments contaminés par
le virus peuvent transmettre l’ADN viral et provoquer des lésions génitales.
La transmission materno-fœtale des HPV de type 6-11 a également été rapportée. Cette transmission s’effectue le plus souvent lors du passage du nouveau-né à travers la filière génitale de la mère présentant des CAG cervicovaginaux ou
vulvopérinéaux. La transmission in utero est rarement décrite. Cette transmission des
HPV 6-11 de la mère au nouveau-né peut entraîner une pathologie exceptionnelle
mais gravissime appelée papillomatose pharyngée du nouveau-né. Cette affection est
très rare et ne concerne qu’un enfant sur 1 500 infectés par HPV.
Généralités sur la prise en charge
Le diagnostic des condylomes acuminés génitaux (CAG) externes typiques étant avant
tout clinique, leur traitement doit être précédé d’un interrogatoire précis. Afin de
rechercher des facteurs favorisants et des lésions associées, ce diagnostic clinique
génito-urinaire doit être complété par un frottis, un bilan MST et une coloscopie
systématique.
Avant la prise en charge, l’interrogatoire s’attachera notamment à mettre en évidence le mode de transmission (2 à 8 mois avant l’apparition des lésions) – nouveau
partenaire, sauna, jacuzzi, linge échangé, verrues cutanées, etc. – et à rechercher des
192 Infections à papillomavirus
facteurs favorisants tels que grossesse, homosexualité, déficit immunitaire, ou maladie auto-immune.
L’examen clinique précis permet de préciser la topographie des CAG externes
(pouvant être isolés, confluents, étendus), leur extension (intra-anale, vulvopérinéale,
col, vagin), leurs caractéristiques selon le mode évolutif des lésions (« frais », résistants, récurrents, anciens), et leur association aux néoplasies intra-épithéliales ou NIE
(au niveau du col, vagin, vulve, anus) (tableau I).
Les résultats d’une enquête française, portant sur la prise en charge des CAG externes réalisée en décembre 2000 par les laboratoires 3M Santé, montrent que le frottis est effectué dans 79 % des cas et la colposcopie dans 68 %. La coloscopie doit en
effet être faite systématiquement avec des biopsies dirigées en cas de CIN, de lésions
du vagin, d’anomalies péri- ou endo-anales ou de lésion acuminée du canal anal chez
la femme de plus de 40 ans.
Les CAG sont généralement induits par les papillomavirus (HPV) dits « à bas
risque », les types 6 ou 11 qui sont rarement associés aux lésions tumorales. À l’inverse, les HPV à haut risque, comme les HPV 16 ou 18, sont des agents étiologiques
et indépendants des tumeurs du tractus du bas appareil génital.
Symptomatologie des condylomes acuminés
Les CAG sont généralement asymptomatiques. Des manifestations atypiques telles
qu’irritation, prurit, leucorrhées, hématurie, métrorragies post-coïtales peuvent être
évoquées par les patients. Parfois des CAG sont révélés sur le col ou le vagin après un
frottis de dépistage. Leur découverte doit s’accompagner de la réalisation d’un bilan
Tableau I - Condylomes acuminés génitaux externes (CAGE). Les questions à se poser avant
la prise en charge.
1. Topographie : versant cutané ou muqueux
• Isolés
• Confluents
• Étendus
2. Extension
• Intra-anale
• Vulvopérinéale
• Col, vagin
3. Caractéristiques
• « Frais »
• Résistants
• Récurrents
• Anciens
4. Association aux néoplasies intraépithéliales (NIE)
• Col, vagin, vulve, anus
• Synchrone, métachrome
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MST complet avec sérologies VIH et syphilitiques, prélèvement mycobactériologique
vaginal avec recherche de chlamydiae et mycoplasmes chez la femme, prélèvement
urétral avec recherche de gonocoques et de chlamydiae chez l’homme ou mieux, recherche de chlamydiae par PCR sur les urines du premier jet.
Chez la femme, la présence d’une candidose vulvovaginale concomitante à la découverte des condylomes est fréquente. Elle est souvent responsable du prurit attribué parfois aux condylomes eux-mêmes. Un traitement antimycosique local
immédiat est nécessaire avant toute réalisation d’investigations locorégionales et avant
tout traitement.
Dès le premier contact avec le patient, l’histoire naturelle de l’infection à PVH
sera expliquée avec notamment sa durée d’incubation très variable (quelques semaines à plusieurs mois) ; l’examen du (ou des) partenaire(s) sera proposé ; des
conseils de prévention seront donnés avec conseils de rapports protégés jusqu’à élimination des lésions et précisions sur l’inefficacité des préservatifs en cas de lésions
siégeant sur des zones non protégeables (pubis, grandes lèvres) ; enfin, un abord psychologique sera proposé et un calendrier de soins et de surveillance établi d’un commun accord.
Les CAG peuvent présenter des formes particulières dans certaines circonstances.
Ainsi, les immunodéprimés (patients HIV positifs, sous immunosuppresseurs ou présentant une maladie auto-immune), les homosexuels masculins, les femmes enceintes
(avec une prise en charge adaptée compte tenu du risque de transmission des virus
HPV 6-11 au nouveau-né) peuvent être concernés pas des condylomatoses anogénitales extensives. Les enfants et les adolescents peuvent également être affectés par des
CAG. Avant d’envisager une contamination par abus sexuel, il convient de prendre
en compte le risque d’auto-inoculation par des verrues digitales, par une surface
souillée ou de la mère au nouveau-né au moment de l’accouchement.
Diagnostic et bilan
Le préalable indispensable avant toute démarche thérapeutique est la réalisation d’un
examen génital complet à la recherche d’autres localisations de lésions induites par
les PVH (PapillomaVirus Humains). En effet, l’infection à PVH est souvent multicentrique. Les examens pourront être guidés par la topographie des condylomes :
– chez la femme, examen au speculum et frottis systématiques ; colposcopie en cas
d’anomalies évocatrices au frottis ; anuscopie en cas de condylomes péri-anaux ;
– chez l’homme, uréthroscopie en cas de condylomes péri-méatiques dont la base
d’implantation n’est pas visible ; anuscopie en cas de condylomes péri-anaux et systématique chez les patients homosexuels.
La majorité des CAG est mise en évidence lors de l’examen clinique. Parfois, une
application d’acide acétique à 3 ou 5 % peut être utile pour mieux évaluer les lésions
du tractus génital inférieur et anal lors de la colposcopie. Ce test à l’acide acétique
peut aider à pratiquer des biopsies dirigées notamment au niveau du col, du vagin,
et de quelques sites des lésions intra-anales. La sérologie HPV et le typage viral sont
en général peu informatifs voire inutiles. Le bilan clinique doit comporter le dépis-
194 Infections à papillomavirus
tage des autres MST : syphilis, gonococcie, chlamydiae, hépatites B et C selon le
contexte, et HIV.
Les formations à croissance rapide, les lésions pigmentées, les lésions papulaires
évoquant une néoplasie intra-épithéliale ou un cancer, les anomalies résistantes ou
aggravées après un traitement et les condylomes chez les patients immunodéprimés
peuvent nécessiter une biopsie. Toutes les lésions acuminées du canal anal chez les
hommes homosexuels et les femmes après 45 ans, ainsi que les lésions papillaires de
la zone de transformation du col exigent systématiquement un contrôle histologique
en raison du risque de cancer associé.
Bien que les HPV de type 6-11 ne soient pas impliqués dans le processus de transformation, l’existence d’infections mixtes associant le HPV à bas risque et à haut
risque, justifient de pratiquer un dépistage du cancer du col. Pour ce dépistage, il est
recommandé de faire un frottis, une colposcopie avec ou sans biopsies dirigées du col
et, en cas de lésions associées, du vagin, de la vulve, du périnée, de l’anus et du canal
anal. Il est également suggéré de pratiquer un dépistage cytologique annuel chez les
patients indemnes de toute lésion, mais dont le partenaire est concerné par des condylomes, étant donné le risque possible de lésions métachrones.
Aucune recommandation n’existe pour le dépistage du cancer anal. Cependant,
compte tenu du risque accru de AIN et de cancer anal, ce dépistage est justifié notamment chez les homosexuels masculins, les patients HIV positifs et les femmes
après 45 ans. À ce jour, les évaluations cliniques manquent pour confirmer l’intérêt
réel de la cytologie et de la colposcopie anale.
Enfin, l’examen du (ou des) partenaire(s) devrait être systématique. En effet, 40 %
des partenaires masculins ou féminins ayant des CAG sont concernés par cette pathologie. Il est recommandé de pratiquer systématiquement une péniscopie du partenaire masculin ou une colposcopie du partenaire féminin. Les homosexuels hommes
et femmes sont à risque de lésions anales et génitales au même titre que les hétérosexuels. Une étude récente a montré que dans la pratique des médecins généralistes
français, des condylomes internes sont recherchés dans 63 % des cas et un frottis
cervico-vaginal demandé chez 65 % des patientes. Un bilan MST a été demandé systématiquement dans 54 % des cas (avec présence d’une ou de plusieurs infections
dans 15 % des cas). L’examen du partenaire est demandé dans près de 80 % des cas.
Ces chiffres sont encore moins bons chez les dermatologues français avec un bilan MST systématique dans seulement 52 % des cas, un examen du (ou des) partenaire(s) dans 38 % des cas et un examen locorégional systématique dans seulement
17 % des cas.
Traitements
De nombreux traitements sont à la disposition des praticiens. Avant toute chose, il
faut considérer qu’aucun traitement n’est efficace à 100 % et que les condylomes peuvent régresser spontanément dans 20 à 30 % des cas au bout de six mois.
Traitements physiques (tableau II)
– L’azote liquide est considéré par beaucoup comme le traitement de première intention des CAE de petite taille. C’est le plus employé par les dermatologues.
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Tableau II - Condylomes acuminés génitaux externes : méthodes de traitement.
Agents cytotoxiques :
Immunothérapie :
Traitements physiques
et chirurgicaux :
- Podophylline/toxine
- Acide trichloracétique (ATA)
- 5 Fluorouracil (5 FU)
- Interférons (IFN)
- Imiquimod
- Vaccins
- Cryothérapie
- Électrocautérisation
- Vaporisation au laser
- Excision chirurgicale
L’application préalable de crème Emla peut permettre de diminuer les douleurs lors
de l’application. La fréquence des applications (toutes les 1, 2 ou 3 semaines) est
fonction de la vitesse de cicatrisation. Le nombre d’applications varie selon le type
des lésions, leur localisation, leur étendue et le statut immunologique du patient.
– Le laser CO2 nécessite une anesthésie locale à la xylocaïne pour les lésions externes
peu étendues. Ses résultats sont très opérateur-dépendants. Ses risques cicatriciels
ne sont pas négligeables (jusqu’à 28 % dans certaines séries). Il génère des vapeurs
contenant de l’ADN viral et nécessite l’utilisation conjointe d’un système d’aspiration adapté. Ses principaux intérêts sont la maîtrise du degré et de la profondeur
de la destruction cellulaire et la possibilité d’un traitement en un temps en cas de
condylomes internes associés aux CAE.
– L’électrocoagulation peut être effectuée sous anesthésie locale au cabinet en cas de
lésions peu profuses. Elle est également douloureuse avec des cicatrisations parfois
longues et un risque cicatriciel non négligeable. Elle est surtout indiquée en cas de
condylomes très exophytiques avec une fine base d’implantation.
Traitements médicaux
Les traitements médicaux peuvent être appliqués par le médecin ou le patient.
Les plus anciens sont la podophylline (10 à 30 % dans de la vaseline), l’acide trichloracétique 50-80 % et le 5fluorouracile (Efudix®). Les plus récents sont la podophyllotoxine (Condyline®, Wartec™) et l’imiquimod (Aldara™).
– La podophylline est appliquée par le praticien à intervalles réguliers. Les taux d’élimination des condylomes varient de 22 à 70 % et la fréquence des récidives est en
moyenne de 50 %. Son application provoque de fortes réactions locales qui ont limité son utilisation depuis l’apparition de nouvelles molécules.
– L’acide trichloracétique est également appliqué par le praticien. Les taux de disparition des condylomes varient de 50 à 100 %, au prix d’une douleur parfois très
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forte au moment de l’application. Ce traitement a l’avantage de pouvoir être utilisé lors de la grossesse, contrairement aux autres traitements médicaux.
– L’utilisation du 5fluorouracile est de moins en moins fréquente en raison de la forte
irritation qu’il produit. La crème dosée à 5 % peut rester en place 12 heures de suite
puis doit être rincée soigneusement, ceci pendant 5 à 10 jours. Aujourd’hui ce produit est réservé aux condylomes récidivants du méat urétral.
– Le principe actif de la podophylotoxine est de la résine de podophyline diluée à
0,5 %. Ce produit est appliqué par le patient deux fois par jour, 3 jours de suite,
avec ensuite un arrêt de 4 jours puis une nouvelle cure jusqu’à disparition des condylomes. Une large étude contrôlée sur 709 patients a montré une efficacité significative par rapport au placebo avec des taux de disparition de 58 à 77 % et de récidive
de 4 à 33 %. Ce traitement potentiellement irritant (érythème 64 %, érosions 63 %,
œdème 16 %, brûlures 59 %…) est déconseillé pour le traitement des condylomes
du col de l’utérus, du méat, du vagin et de l’anus.
– L’imiquimod est la molécule la plus récente. Elle appartient aux modificateurs de
l’immunité. Elle stimule la sécrétion de cytokines par les cellules immunitaires locales (monocytes, macrophages) (tableau III). Ces cytokines sont l’Interféton alpha,
le Tumor Necrosis Factor alpha et les Interleukines 6, 8, 10 et 12. Ceci correspond
a une exacerbation de la réponse physiologique d’élimination des lésions virales.
L’imiquimod n’a pas d’action antitumorale propre. Appliquée trois fois par semaine
pendant des durées de 6 à 10 heures, la crème dosée à 5 % est réservée aux condylomes externes. Une étude réalisée chez 209 patients a montré au bout de 16 semaines une disparition des lésions dans 50 % des cas (77 % chez la femme et 40 %
chez l’homme) contre 11 % avec le placebo. Le délai moyen d’élimination a été de
8 semaines chez la femme et 12 semaines chez l’homme. Les taux de récidives ont
été très faibles (13 %), comparables à ceux observés après régression spontanée des
condylomes. Un érythème, lié au mode d’action du produit, est observé chez 67 %
des sujets, surtout en début de traitement. Il s’accompagne parfois de prurit et d’érosions. Ce traitement reste à évaluer chez les sujets infectés par le VIH.
Tableau III - Rationnel pour le traitement des CAGE avec Imiquimod.
• Molécule originale qui n’a pas d’activité directe mais une action
par stimulation du système immunitaire local R.C.* 50 % des patients traités
• Taux de récidive après traitement le plus bas ) 20 %
• Efficace en traitement adjuvant (avant ou après traitement chirurgical)
• Efficace chez les patients aant un passé de CAGE récidivants
• Traitement sans danger et le plus souvent bien toléré
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Choix du traitement
Selon une enquête nationale effectuée en 2001 auprès de 652 dermatologues français,
les traitements les plus souvent pratiqués en première intention devant des CAE
étaient respectivement pour les femmes et les hommes : la cryothérapie (84 à 93 %
des cas) et la podophyllotoxine (40 à 55 %), suivis de l’imiquimod (30 à 32 %) et du
laser CO2 (32 et 16 %). Cet ordre était bouleversé en seconde intention avec une place
de choix pour le laser CO2 (70 et 60 %) suivi de l’imiquimod (38 et 47 %), puis de
la cryothérapie (32 et 34 %) et de la podophyllotoxine (26 et 38 %).
Les facteurs de choix thérapeutique sont :
– la localisation des lésions ;
– l’étendue des lésions externes ;
– les performances de chaque traitement ;
– les effets secondaires attendus et les contre-indications de chaque traitement ;
– la préférence du patient ;
– la préférence du médecin ;
– les cas particuliers : grossesse, récidives, immunodépression (sujets VIH positifs).
Tout repose initialement sur le bilan d’extension.
En présence de lésions externes isolées, ce sont la taille et le nombre de lésions qui
guident le geste thérapeutique.
– Si les lésions sont très limitées (n < 5 ou < 1 cm2), elles seront détruites immédiatement lors de la consultation par applications d’azote liquide ou électrocoagulation. Trois à cinq séances peuvent être nécessaires pour éliminer totalement les
lésions. Si le patient refuse ces traitements physiques souvent douloureux, des applications d’imiquimod peuvent être proposées.
La résistance aux traitements physiques se définit par l’absence de disparition ou
par la récidive des lésions au même endroit avant trois mois. Si tel est le cas après 3
à 5 séances, un changement de traitement sera proposé (imiquimod ou laser CO2).
– Si les lésions sont de moyenne importance (entre 5 et 15 condylomes ou surface
totale de 1 à 3 cm2), le traitement repose sur un compromis entre les souhaits du
patient et les habitudes du médecin. Si le patient préfère un traitement immédiat,
réalisé dans le cabinet du médecin, des applications d’azote liquide ou une séance
d’électrocoagulation seront pratiquées. Si le patient préfère un traitement médical
plus progressif, à faire lui-même, et si le médecin juge que le patient est apte à appliquer régulièrement et correctement le traitement sur des lésions facilement accessibles, des applications d’imiquimod seront prescrites.
– Si les lésions sont très étendues (n > 15 ou > 3 cm2), c’est le statut immunologique
du patient qui est déterminant.
Chez les patients immuno-compétents, ces atteintes étendues sont l’indication
préférentielle de l’imiquimod. En cas de résistance ou d’absence de disparition totale
des lésions après seize semaines d’applications régulières, le traitement sera complété
par une séance de laser CO2 si les lésions sont toujours volumineuses, ou par des applications d’azote liquide ou de bistouri électrique si elles le sont moins.
198 Infections à papillomavirus
Chez les patients immuno-déprimés, le laser CO2 sera le traitement de choix (ou
éventuellement l’azote liquide si les condylomes sont petits et nombreux).
En présence de lésions internes (col, vagin, urètre, anus), celles-ci devront impérativement être détruites par un traitement physique, le plus souvent par laser CO2
sous anesthésie générale.
– Si les condylomes externes sont peu nombreux ou peu étendus (n < 5 ou < 1 cm2),
ils peuvent être détruits en consultation par applications d’azote liquide ou électrocoagulation, avant la séance de laser CO2. Ils peuvent également être détruits en
une seule fois lors de la séance de laser CO2 (préférence du patient).
– Si les condylomes externes sont nombreux ou étendus (n > 5 ou > 1 cm2), des applications préalables d’imiquimod seront proposées en attendant la date de l’intervention par laser CO2 (souvent une ou plusieurs semaines). Le but de ce traitement
sera de diminuer le nombre et la taille des lésions externes en période pré-opératoire et ainsi de limiter la morbidité du laser CO2.
Cas particuliers
– Chez la femme enceinte, les petites lésions peuvent être uniquement surveillées dans
l’attente de leur régression spontanée. En revanche, l’ablation des volumineux
condylomes est recommandée car ils risquent de provoquer un obstacle mécanique
lors de l’accouchement. Les traitements physiques sont alors indiqués (laser CO2
le plus souvent).
– Quel que soit le traitement initial, les condylomes récidivants seront traités préférentiellement par imiquimod.
Surveillance : examen de contrôle quelques mois après éradication à la recherche
de récidives (en moyenne trois mois).
Schémas thérapeutiques
Les différents schémas thérapeutiques proposés pour les CAG externes isolés, les CAG
externes étendus, la condylomatose floride (vulve, périnée, anus), et la condylomatose intra-anale sont présentés respectivement dans les figures 3, 4, 5, et 6.
Le schéma thérapeutique des CAG externes, guidé par le patient, selon les recommandations européennes présentées au congrès Eurogin 2000 est résumé dans la figure 7.
La prise en charge des CAG externes est donc multidisciplinaire. Elle comporte
la réalisation d’un bilan complet des lésions initiales pour suivre l’évolution :
– anuscopie systématique si la surface lésionnelle est supérieure à 10 cm2 ou chez
les patients à risque ;
– frottis et colposcopie systématique pour la détection des lésions planes ;
– méatoscopie en cas de symptomatologie urinaire ;
– recherche d’autres MST associées ;
– recherche de lésions chez les partenaires actuels et, si possible, chez ceux des six
derniers mois. En profiter pour informer sur les MST et les moyens de prévention ;
Lésions génitales externes à HPV
199
ATA : Acide Trichloroacétique.
Fig. 3 - Traitement des CAGE selon leur topographie.
SL : surface lésionnelle.
EC : ElectroCautérisation.
Fig. 4 - Traitement des CAGE selon leur topographie.
– surveillance régulière et rapprochée : par frottis à rythme régulier avec ou sans lésion génitale interne, par anuscopie en cas de lésions anales chez les homosexuels,
les femmes ayant des rapports sodomiques et les immunodéprimés.
Prévention : apport de la vaccination prophylactique
L’étude randomiséé contre placebo de phase 3 (FUTURE1) utilisant le vaccin tétravalent de Merck (6, 1, 16 ,18) (Gardasil) a permis d’évaluer, sur une population de
200 Infections à papillomavirus
Fig. 5 - Traitement de la condylomatose floride (vulve, périnée, anus). CAGE étendus
(S. L. 20 cm2)
Fig. 6 - Condylomatose intra-anale.
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Fig. 7 - Schémas thérapeutiques des CAG externes guidés par les patients.
5 455 femmes âgées de 16 à 23 ans, l’efficacité sur les condylomes acuminés après
une période d’observation de 45 mois. Le vaccin a été administré au jour J1, au mois
2 et 6. Une colposcopie a été pratiquée selon un algorithme défini. Des prélèvements
cytologiques et virologiques ont été pratiqués sur l’ensemble du tractus génital bas.
Les résultats récemment présentés (S. Garland, EUROGIN Congrès Paris, 23-26
avril 2006, EUROGIN Abstract Book) montrent que ce vaccin est efficace à cent
pour cent sur les condylomes acuminés génitaux externes, VIN et VAIN confondues.
La prévention des condylomes acuminés génitaux externes en particulier chez
les jeunes avec l’utilisation toute proche d’un vaccin prophylactique laisse entrevoir une perspective prometteuse pour réduire cette infection sexuellement transmissible fréquente.
Résultats des enquêtes récentes
Une récente enquête (J. Monsonego, A. Flahaut et al., EUROGIN Congrès, Paris, 2326 avril 2006, Abstract Book) a évalué la prise en charge des condylomes acuminés
génitaux externes aux consultations et dans les dispensaires antivénériens de France.
L’enquête a porté auprès d’un échantillon représentatif de dermatologues gynécologues et proctologues, pour un total de 350 médecins et 122 médecins de dispensaires antivénériens.
Le nombre total de consultations annuelles pour condylomes acuminés génitaux
externes est estimé à 423 751. Le nombre annuel de consultations pour un nouvel
épisode est en moyenne de 150 000 par an. Quarante-huit pour cent des patients sont
âgés de moins de 30 ans et 48 % sont des femmes. Trente-sept pour cent ont plus
202 Infections à papillomavirus
d’un partenaire sexuel durant les 12 derniers mois, 12 % ont une autre MST associées et 8,5 % sont immunodéprimés. Quarante pour cent des patients ont des antécédents de condylomes acuminés génitaux externes. Quarante pour cent des patients
sont adressés par un autre médecin dont 25 % à un autre spécialiste. La moitié des
femmes sont diagnostiquées par un gynécologue. Le traitement initié la première fois
est un imunomodulateur (imiquimod) dans 40 % des cas et un traitement physique
dans 60 % des cas. En cas de récidive, l’imiquimod est prescrit dans 36 % des cas et
les traitements physiques dont 69 % des cas.
Ces résultats sont compatibles avec la prévalence des études hors France soit 1 %
de la population sexuellement active.
Une autre enquête (J. Monsonego, G. Breugelmans et al., EUROGIN Congrès,
Paris, 23-26 avril 2006, Abstract Book) a porté sur un échantillon de gynécologues
représentatifs en France pour évaluer l’incidence et la prise en charge des condylomes
acuminés génitaux externes. 212 gynécologues ont répondu à un questionnaire et
279 patients dont 94,3 % étaient des femmes. 75,3 % étaient des nouvelles patientes
pour cette pathologie et 20,2 % correspondaient à des récidives, 4,6 % concernaient
des cas de condylomes acuminés résistants aux traitements. Un frottis a été réalisé
dans 78 % des cas. 93,5 % des sujets ont reçu un traitement ou plus. L’incidence globale est estimée à 114/100 000 soit en 35 425 cas pris en charge par les gynécologues.
Le coût moyen de prise en charge est estimé à 482,7 euros par cas. Le coût moyen
annuel global est estimé à 24 169 055 euros.
En France, le coût global de la prise en charge des condylomes acuminés génitaux
externes en 2005 est estimé à 54 125 619 euros. Les traitements pour la prise en charge
des condylomes acuminés génitaux externes est considérable. Cette étude soutient la
place d’une vaccination prophylactique des condylomes acuminés.
Conclusion (tableau IV)
Le choix du traitement des CAGE dépend du nombre de lésions, de leur étendue, des
sites concernés et de la nature des lésions (CA/NIE). Dans la mesure du possible, les
modalités pratiques du traitement sont guidées par les souhaits du patient, soit le patient souhaite un traitement immédiat, soit il redoute une anesthésie ou a connu un
Tableau IV - Prise en charge des CAGE.
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203
échec avec un traitement conventionnel (cryothérapie, acide trichloracétique, podophylline…), soit il s’agit d’une femme enceinte.
Les différentes méthodes de traitement utilisées actuellement sont :
– agents cytotoxiques : podophylline et ses dérivés, acide trichloracétique, 5-fluorouracile ;
– l’immunothérapie : interférons (IFN) ; Imiquimod crème à 5 % ; vaccins ;
– traitements physiques et chirurgicaux : cryothérapie, électrocautérisation, vaporisation de CO2 au laser (sous colposcopie), excision chirurgicale.
Le traitement par l’imiquimod crème est auto-appliqué par la femme, le plus souvent, après que les zones à traiter sur les versants cutanés et muqueux aient été bien
identifiées et sous réserve qu’une évaluation des sites internes (col, vagin, canal anal)
ait été pratiquée. Dans les autres cas, le traitement est pratiqué par le médecin.
Les résultats attendus et les taux de récidive sont résumés dans le tableau V.
L’imiquimod crème à 5 % est un modulateur de la réponse immunitaire à médiation cellulaire par induction locale de cytokines comme l’interféron-α, le Tumor
Necrosis Factor (TNF), et des interleukines. C’est un traitement local, à activité antivirale indirecte, efficace, sûr et bien toléré le plus souvent. Le taux de récurrence,
observé à 6 mois après guérison, est très faible () 20 %). L’imiquimod crème est généralement bien toléré, même au-delà de seize semaines de traitement.
L’imiquimod en crème à 5 % est utilisé comme traitement des CAG externes,
selon les recommandations européennes et du CDC. Il est également efficace en cas
de récurrences sur des lésions déjà traitées préalablement par l’imiquimod, comme
adjuvant (avant ou après chirurgie), pour des CAG externes résistants aux traitements
conventionnels, et chez les patients HIV positifs.
Le taux de régression des CAG, observé après régression complète, varie selon la
méthode de traitement utilisée. Après un traitement chirurgical, le taux de récidive
est de 65 % à cinq mois, avec l’imiquimod seul, il est de 15 %, et après chirurgie suivie d’imiquimod, il est de 20 % à 16 semaines.
Tableau V - Taux de guérison et de récidives des traitements actuels.
Traitement
Podophylline
Acide trichloacétique
Cryothérapie
Électrocautérisation
Vaporisation CO2 au laser
Excision
Interféron systémique
intra-lésionnel
topique
Podophylline auto traitement
Imiquimod crème auto-appliquée
Taux de guérison %
Taux de récidive %
22 - 80
64 - 80
70 - 96
72 - 94
72 - 97
89 - 93
7 - 82
36 - 52
33
68 - 88
50
21 - 65
36
25 - 39
25 - 51
6 - 49
19 - 22
23
21 - 25
16 - 34
13-19
204 Infections à papillomavirus
Le traitement des condylomes acuminés externes est complexe, les méthodes thérapeutiques à la disposition des médecins multiples et les récidives fréquentes. Les
conséquences psychologiques et les répercussions sur le couple sont importantes. Les
recommandations thérapeutiques disponibles dans la littérature restent assez floues.
La logique pratique et économique doit faire une place importante aux traitements
auto-appliqués. Mais ceci pré-suppose une bonne information du patient sur la nature de ses lésions et sur les applications pratiques du produit.
Points pratiques à retenir
L’examen clinique est suffisant pour porter le diagnostic de condylomes ano-génitaux typiques.
– Toutes les lésions qui apparaissent atypiques ou qui ne répondent pas au traitement
doivent être biopsiées pour éliminer une néoplasie intraépithéliale.
– En l’absence de réponse thérapeutique au bout de quatre semaines (ou de réponse
partielle à huit semaines), le traitement doit être arrêté. Il faut alors changer de modalités thérapeutiques.
– Les stratégies thérapeutiques doivent être discutées avec le patient et instaurées sur
la base d’un accord consensuel patient/soignant.
– L’auto-admnistration du traitement aussi bien que l’application de celui-ci par le
médecin peuvent être considérées, l’une comme l’autre, en première ou en deuxième
intention. Le choix des modalités d’administration dépend du volume, de l’étendue et du type des lésions aussi bien que des préférences du patient et de ses ressources financières.
– La disparition des condylomes, toute modalités thérapeutiques confondues, est obtenue dans environ 50 % des cas. Les taux de récurrence varient de 10 à 90 %, avec
une moyenne de 30 %. Les patients doivent être informés de la nécessité éventuelle
de traitements multiples et de leurs effets secondaires possibles.
– Au total, 80 % des patients environ seront guéris de leurs condylomes en moins
d’un an ; les 20 % restants nécessiteront des traitements multiples au long cours.
Néoplasies intravulvaires
Classification
On distingue aujourd’hui deux sortes de néoplasies intra-vulvaires (VIN : Vulvar
Intra-epithelial Neoplasia), mais la classification histologique ne cesse d’évoluer. Il est
donc essentiel de confronter les données de l’examen clinique à celles de l’analyse histologique pour porter un diagnostic précis.
La classification de l’ISSVD (International Society for the Study of Vulvar Disease)
distingue :
– les VIN indifférenciés, encore appelés VIN 3. Ces VIN contiennent des atypies cellulaires sur toute la hauteur de l’épiderme. Ils sont induits par des papillomavirus
(HPV) oncogènes.
Lésions génitales externes à HPV
205
On en distingue deux formes cliniques totalement différentes : la maladie de
Bowen et la papulose Bowénoïde.
Ces VIN font le lit de un quart à un tiers des cancers vulvaires.
– les VIN différenciés, non HPV-induits. Il s’agit en fait d’atypies basales survenant
sur des lichen scléreux (LS) évolués. L’image ressemble à celle des VIN 1 mais le
terrain est différent (LS).
Ce sont ces VIN qui sont le plus souvent à l’origine des carcinomes épidermoïdes
vulvaires : deux tiers à trois quart des cas.
VIN indifférenciés,HPV-induits
Ces VIN, appelés VIN 3, se définissent histologiquement par des atypies sévères étagées sur toute la hauteur de l’épiderme. On parlait autrefois de « dysplasie sévère ».
En superficie, on retrouve fréquemment des cellules claires koïlocytaires, témoins de
l’infection HPV. Contrairement à ce que l’on observe au niveau du col utérin, les lésions histologiques sont d’emblée celles d’un VIN 3, sans passage de VIN 1 à VIN 3.
Ces VIN 3 sont induits par des HPV oncogènes le plus souvent de type 16 mais
aussi 18, 31, 33, 39… et non HPV 6 ou 11.
Ils renvoient à deux types cliniques totalement différents : la maladie de Bowen
et la papulose Bowénoïde (PB). L’évolution de ces deux affections est également totalement différente puisque le risque de transformation maligne d’une maladie de
Bowen s’élève jusqu’à 30 % des cas alors que celui de la PB est inférieur à 10 % (fig. 8).
L’expérience de l’hôpital Tarnier est rapportée ci-après (C. de Bilovsky, Progin,
2005).
Adapté de J. Monsonego et al. (21).
Fig. 8 - Syndrome de néoplasies multifocales du bas appareil génital.
206 Infections à papillomavirus
Maladie de Bowen
Quatre-vingt treize cas ont été répertoriés.
Elle survient chez les femmes ménopausées (56 ans en moyenne, 29-88 ans). Elle
se manifeste souvent par un prurit localisé, des brûlures ou des fissures. Elle peut siéger sur toute la vulve avec une prédilection pour le vestibule postérieur. Elle se présente cliniquement sous la forme d’une plaque unifocale (86 %) leucoplasique (55,5
%), érythroplasique (15 %) ou les deux (20 %), d’évolution lentement centrifuge.
Dans la série de 93 cas, une micro-invasion a été constatée dans 5,3 % des cas et une
invasion franche dans 11 % des cas.
Devant une telle lésion, une biopsie doit être systématique. Si elle répond VIN 3,
un bilan d’extension HPV doit comporter frottis + colposcopie (8 % des CIN) ± anuscopie ± examen du partenaire. Le typage HPV n’a aucun intérêt, ni clinique, ni thérapeutique.
Le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale avec une marge de 5 mm. En cas
d’invasion, une reprise chirurgicale est nécessaire.
Le risque de récidive est élevé en raison de la persistance de l’infection latente
HPV. Une surveillance annuelle est indispensable.
Papulose Bowénoïde
Soixante-trois cas ont été réportoriés.
C’est la plus fréquente des VIN 3. Elle touche les sujets jeunes (moyenne 31 ans).
Ses facteurs de risque sont : des partenaires multiples, le tabac, des antécédents de
condylomes, des antécédents de CIN 3.
Elle est souvent prurigineuse. Elle prend des aspects cliniques pseudo-condylomateux, polymorphes. On peut observer des lésions exophytiques mais le plus souvent ce sont des papules planes ou des plaques de couleurs différentes (pigmentées
ou rosées), des plaques verrucoïdes grisâtres, des lésions à type de verrues séborrhéiques. Elle est multicentrique dans deux tiers à trois quart des cas (atteinte du périnée, de la région péri-anale) et multifocale dans 30 à 60 % des cas (dysplasies du
col : 34 % de CIN, du vagin, de l’anus). Il peut y avoir des associations à de véritables
condylomes.
Il existe une forme à part appelée « papulose Bowénoïde confluente » (50 cas)
qui atteint les femmes un peu plus âgées (35 ans) et qui est très prurigineuse, voire
douloureuse. Elle se présente cliniquement comme une forme extensive diffuse avec
de vastes nappes plus ou moins verruqueuses, polychromes qui envahissent toute la
vulve, le périnée, la région péri-anale et même à distance. L’examen clinique recherchera des zones suspectes tumorales, ulcérées ou infiltrées. Cette forme doit faire dépister une immunodépression sous-jacente (HIV, LLC, lymphopénie CD4
idiopathique, lupus, Hodgkin…). C’est elle aussi qui est particulièrement à risque de
transformation maligne (9 cas sur 50). Un CIN est très souvent associé (86 % des
cas) à type de CIN 3 dans 45 % des cas. Parmi les 31 patientes suivies, 7 ont été guéries, 14 se sont améliorées et 10 sont restées dans un état identique.
Lésions génitales externes à HPV
207
Notre expérience des néoplasies intraépithéliales multicentriques a été publiée
(fig. 9) (24).
Les néoplasies multifocales du bas appareil génital ont été explorées sur un groupe
de patientes âgées de 10 heures à 63 ans. Nous en avons conclu que ce syndrome est
fréquent chez les femmes jeunes. Les localisations peuvent être situées sur deux sites
dans la moitié des cas. Les lésions cervicales sont les plus fréquentes. Les sites les plus
fréquemment associés aux CIN sont les lésions du vagin, aux AIN les lésions du col
et de la vulve, aux VuIn et VaIn le col utérin. Nous en avons conclu que, face aux
néoplasies intraépithéliales multicentriques, l’évaluation de la vulve ou du col seulement sans l’examen de la filière anogénitale est inadéquate. L’évaluation colpohistologique est recommandée. Le dépistage HIV doit être systématique bien qu’il n’en
soit pas spécifique. Le traitement d’un seul site ou la méconnaissance de lésions cachées (col, anus) peut être à l’origine des échecs thérapeutiques. Il faut préférer les
méthodes d’excision aux méthodes de destruction et traiter de préférence toutes les
lésions en un temps. Le suivi tous les six mois au départ puis tous les ans est nécessaire. Pour les séropositifs HIV, un taux de CD4 < 200 peut laisser présager un risque
accru de récurrence.
La prise en charge comprend un examen histologique, et parfois plusieurs en cas
de lésions très polymorphes.
Le bilan d’extension est essentiel avant le traitement : frottis, colposcopie, anuscopie en cas de lésion péri-anale et/ou d’immunodépression. L’examen du partenaire
est recommandé mais non imposé car il n’a pas d’intérêt pour prévenir les récidives
chez la femme et l’évolution invasive est rare chez l’homme.
Un bilan MST est également nécessaire.
En revanche, comme pour la maladie de Bowen, le typage viral n’a aucune utilité
clinique ou thérapeutique.
L’évolution est identique à celle des condylomes dans 90 % des cas. Des régressions spontanées sont possibles (après accouchement). Les récidives après traitement
sont très fréquentes.
Le risque invasif est inférieur à 10 % des cas : les facteurs de risque sont les formes
confluentes, les formes récidivantes, celles persistant après la ménopause.
Cliniquement, le carcinome peut se présenter sous la forme d’une ulcération, d’une
zone verruqueuse ou infiltrée.
Le traitement de la PB est au maximum conservateur (pas de vulvectomie totale).
Il n’est pas bien codifié. Peuvent s’associer ou se succéder : applications d’imiquimod,
chirurgie, électrocoagulation, laser CO2, 5 fluorouracyl, podophyllotoxine. C’est souvent le bilan d’extension qui guide la conduite thérapeutique. Des essais sont actuellement en cours avec l’imiquimod dans les formes confluentes.
La surveillance sera très prolongée en raison des risques de récidive (47 %), de
transformation cancéreuse et d’apparition de cancers dans d’autres sites génitaux.
VIN différenciées,non-HPV-induites
Ils surviennent sur des lichens scléreux non traités. Le LS est une affection dermatologique d’origine inconnue qui atteint quasi-exclusivement la muqueuse génitale, avec
208 Infections à papillomavirus
chez la femme une atteinte vulvaire sans extension vaginale. Il peut survenir à tout
âge avec une fréquence maximale après la ménopause. En l’absence de traitement, il
évolue vers l’atrophie et/ou vers des lésions « à risque » qui prennent la forme de leucoplasies (plaques blanches épaisses) ou d’ulcérations fixes. Ce sont ces « lésions à
risque » qui correspondent histologiquement au VIN différencié : on retrouve des
atypies basales associées le plus souvent à une hyperplasie épidermique et à une bande
scléro-hyaline typique du LS dans le derme.
Un carcinome épidermoïde vulvaire se développe dans environ 5 % des LS mais
70 % des cancers vulvaires surviennent sur LS. Cette différence s’explique par l’efficacité du traitement médico-chirurgical du LS sur la prévention de sa transformation carcinomateuse.
Le traitement médical du LS repose sur l’application régulière de dermocorticoïdes forts de classe 1. Deux études ont montré que les cancers vulvaires survenaient
sur des LS jamais traités ou dont le traitement avait été arrêté depuis 2 à 3 ans.
En cas de survenue d’une lésion « à risque » cliniquement, une biopsie est nécessaire. Si cette lésion est étendue et que le LS n’a jamais été traité, il est possible de programmer un traitement dermo-corticoïde pendant un mois et de reconvoquer la
patiente. Si la lésion a disparu, une surveillance régulière est nécessaire. Si la lésion
persiste, elle aura sans doute diminué de taille et la biopsie sera mieux orientée.
La biopsie peut montrer une hyperplasie épidermique sans atypie. Le traitement
dermo-corticoïde et la surveillance doivent alors être renforcés.
La biopsie peut aussi révéler un VIN (ou atypies basales). L’exérèse chirurgicale
complète de la lésion avec analyse histologique s’impose. En l’absence d’invasion, le
traitement est celui du LS (corticoïdes). En présence d’une invasion, une chirurgie
complémentaire est nécessaire.
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