L’empreinte génomique Dr S KANAFANI CHU Amiens Laboratoire de Cytogénétique MS2 – 08 mars 2012 Normalement, chez les mammifères Expression biallélique Les 2 allèles paternel (pat) et maternel (mat) s’expriment dans la cellule Empreinte génomique • Certains chromosomes, segments chromosomiques ou gènes sont dits soumis à EG, si leur expression dépend de leur origine parentale maternelle ou paternelle. • Quand un seul des deux allèles d’un chromosome, région de chromosomes ou gène s’exprime, l’expression est monoallélique • L’EG existe entre autres chez les mammifères dont l’espèce humaine Empreinte génomique Dans l’espèce humaine • Quelques segments chromosomiques sont reconnus soumis à EG: 15q11q13 ou 11p13 • D’autres chromosomes ne seraient pas connus soumis à EG dont les chromosomes 1, 10, 13, 17, 18, 19, 21 Exemple d’EG (mammifères) Le mulet et le bardot Les éleveurs savent depuis longtemps que le croisement: Âne + Jument = Mulet est différent du croisement: Ânesse + Cheval = Bardot Âne + Jument Une mule Un mulet _________________________________________ Ânesse + Cheval Un Bardot MULET et BARDOT sont différents • Le mulet et la mule sont stériles Le mulet brait comme un âne et a pris de l'âne la robustesse, la rusticité et le calme; il a pris du cheval la force et sa taille • Le bardot et la bardote sont stériles Le bardot est beaucoup plus rare que le mulet; il hennit comme le cheval C'est un animal très difficile Expériences chez la Souris A) 1 Pronucléus mâle (spermatozoïde) + 1 pronucléus femelle (ovocyte) = œuf de souris normale Expériences chez la Souris B) 2 Pronucléi mâles (spermatozoïdes) sans pronucléus femelle (ovocyte) = Œuf androgénote mâles • Embryon de petite taille, meurt rapidement • Placenta très développé Œuf gynogénote C) 2 Pronucléi femelles (ovocytes) sans pronucléus mâle (spematozoïde) = Œuf gynogénote • Placenta non développé femelles • Embryon de grande taille, meurt rapidement. Résultats • Développement normal de la souris Nécessité de la participation des deux génomes mâle et femelle • Mort de l’embryon de souris: dans les 2 cas - Œuf gynogénote favorisant le développement de l’embryon, mais pas des annexes - Œuf androgénote favorisant le développement des annexes, mais pas de l’embryon Rappel - l’ADN humain • Le nombre absolu de gènes dans le génome humain est passé de 80 000 il y a 15 ans, puis 20000 à 30000 • C'est à dire pas plus qu'une "souris", bien moins que certaines plantes L’ADN humain Il n'y a pas que l’ADN codant pour les protéines qui soit utile dans le génome humain - L'ADN codant pour d'autres structures (ARNt, ARN ribosomaux, microARN...) - des séquences de régulation de l'expression des gènes - des séquences de structuration de la chromatine - Vrais jumeaux: séquence ADN identique mais épigénome différent L’ADN humain 10% du génome est fonctionnel (dont 1% de gènes protéiques). A l'heure actuelle, on s'accorde à refuser la notion de "junk DNA" (ADN poubelle) - Permettrait de 'tamponner' l'effet de mutations ou insertions dans le génome (probabilité moindre que cela arrive dans une séquence codante) - Participerait au remodelage et à la complexification des génomes: source de diversification Bases moléculaires • Génétique: étude des caractères portés par les gènes et codés par l’ADN • Épigénétique: compaction ou relâchement de la chromatine entraînant des changements de transcriptions des gènes, sans modification de la séquence d’ADN, transmissible au cours des divisions cellulaires et en général réversible Inactivations géniques sur L’ADN Phénomène d’épigénèse • L’inactivation est due au moins en partie à la méthylation d’îlots CpG, dans la région promotrice à l’extrémité 5’ de l’ADN • Cette inactivation a lieu pendant la gamétogenèse, ce qui induit une répression d’allèles de gènes qui ne seront pas exprimés • Le compactage de la chromatine contrôlé par les histones, dépend du degré de méthylation Bases moléculaires de l’EG Diagnostic cytogénétique par FISH - 1) Microdélétions de régions chromosomiques soumises à empreinte, donne une pathologie différente selon qu’elle touche un chromosome d’origine maternelle ou paternelle Autres origines moléculaires de l’EG Diagnostic génétique par Biologie Moléculaire - 2) Inactivations géniques sur L’ADN • Anomalies de méthylation et épigénétique • Disomies uniparentales (DUP) • Anomalies du centre d’empreinte • Mutations de gènes a-Méthylation/Déacétylation Chez les mammifères, la méthylation des résidus cytosines qui précédent un résidu guanine (îlots CpG) • Déméthylation CpG = Acétylation des histones (région NH2) favorisent l’expression des gènes, où l’ADN est moins compacté • Méthylation des CpG = Déacétylation des histones répriment l’expression des gènes, où l’ADN est plus compacté Hypométhylation L’ ADN des cellules cancéreuses dont la transcription est très active est largement hypométhylé Cytosines des dinucléotides CpG Les promoteurs des gènes soumis à empreinte contiennent des îlots CpG: - Etat méthylé inactif = chromatine compactée - Etat déméthylé actif = chromatine relachée Modification des histones • La région NH2 terminale des histones est accessible à l’extérieur du nucléosome • Modification sur cette région Différentes enzymes de restriction • L’endonucléase de restriction HpaII ne coupe pas CCGG s’il y a méthylation • Msp1 coupe s’il y a méthylation • Mise en évidence en southern-blot Détection de la méthylation de l’ADN - L’ADN méthyltransférase 1 (DNMT1) maintient les profils de méthylation au cours des divisions cellulaires - Spécifique, stable et transmissible au cours des divisions cellulaires Disomies uniparentales (DUP) • Présence chez un individu diploïde à 46 chromosomes de deux chromosomes homologues hérités(une même paire), d’un même parent • 2 types de disomie uniparentale (DUP) – Isodisomie: présence de 2 copies du même chromosome – Hétérodisomie: présence de 2 chromosomes homologues du même parent Mécanismes d’apparition d’une DUP 3 mécanismes: • Complémentation gamétique • Duplication d’une monosomie • Correction d’une trisomie Mécanismes d’apparition d’une DUP • Complémentation gamétique: pour 1 chromosome ou • 1 segment chromosomique – Taux élevé d’aneuploïdie dans les gamètes humains (mâles et femelles) – Fécondation d’un gamète disomique pour un chromosome (ou segment chr.), par un gamète nullosomique pour ce même chr. (ou segment chr) => Hétérodisomie Gamètes: disomique + nullosomique Zygote (œuf) - DUP Mécanismes d’apparition d’une DUP Duplication d’une monosomie: pour 1 chromosome ou segment de chromosome - Fécondation d’un gamète monosomique normal par un gamète nullosomique pour 1 chromosome ou segment chromosomique - Formation d’un zygote monosomique non viable - Duplication du chromosome ou segment chromosomique pour la survie du Isodisomie zygote => duplication Gamètes: monosomique + nullosomique Zygote monosomique DUP (isodisomie) Mécanismes d’apparition d’une DUP Correction de trisomie – Fécondation d’un gamète disomique pour 1 chromosome (ou segment chromosomique) par un gamète monosomique normal – Formation d’un zygote trisomique – Correction de la trisomie par perte d’un chromosome Risque de DUP dans 1/3 cas Correction de la trisomie Gamètes: disomique + monosomique Zygote trisomique Zygote - DUP Mise en évidence de la DUP Analyse du génotype par utilisation de marqueurs polymorphes microsatellites: • Double contribution de l’un des parents • Non contribution de l’autre parent Nécessité de prélever le sujet atteint, et ses 2 parents (sang EDTA), et extraction de l’ADN Disomie uniparentale (DUP) Détection en biologie moléculaire sur gel Isodisomie: même chromosome parental en double exemplaire Hétérodisomie: deux chromosomes homologues du même parent Intérêt de ces techniques de biologie moléculaire • Identification, filiation • Exploration par l’utilisation de sondes de loci hautement polymorphes (minisatellites et microsatellites) • Caractéristiques de chaque individu • Carte d’identité génétique Exemples d’EG en pathologie humaine Exemples en Cytogénétique constitutionnelle pré et post natale • Môle hydatiforme • Syndromes de Prader-Willi et d’Angelman • Syndrome de Beckwith-Wiedemann Mole hydatiforme • Grossesse pathologique (avortement vers le 2ème mois) • Villosités choriales œdèmato-kystiques •Tissus embryonnaires quasiment absents Triploïdie (69 chromosomes) mole hydatiforme Pathogénie de l’EG dans certains syndromes humains • L’EG de certains allèles maternels et paternels peut être à l’origine de pathologies qui peuvent reposer sur des mécanismes différents: microdélétion, DUP, anomalie du centre d’empreinte, mutations géniques • Une microdélétion d’un chromosome est généralement cryptique au caryotype,c-àdire non découverte au caryotype mais après hybridation in situ ou FISH Principes du FISH • Dénaturation par la chaleur: 70°-75°C pendant 2-5 minutes - de l’ADN cible du patient - de la séquence d’oligonucléotides de la sonde (100-250 kilobases), marquée par un ou plusieurs fluorochrome(s) ⇒ Séparation des 2 brins d’ADN du patient et de la séquence de la sonde (plus cette séquence est riche en C et G, plus la température et la durée de l’hybridation sont importantes ⇒ Liaison d’un brin d’ADN du patient et d’un brin de la sonde à sa séquence complémentaire sur l’ADN cible • Hybridation de l’ADN cible et sonde pour ≥ 8h (ou la nuit) • Programmation automatique de différents programmes selon le type de sondes utilisées 3’ 5’ 5’ 3’ 2 brins d’ADN complémentaires et antiparallèles 5’- ATGCCAG - 3’ 3’- TACGGTC - 5 ’ Appariement des bases par des liaisons hydrogène A C T G L’ADN = Une double hélice complémentaire Structure de chaque brin: Sucre + phosphate + 1 base = nucléotide maintenu par des liaisons hydrogène PRINCIPE DE LA FISH Réplication « semi-conservatrice » de l’ADN Résultats du FISH ⇒ Si pas de délétion: les 2 allèles sont présents pour chaque locus représenté ⇒ Délétion hétérozygote: 1 signal perdu ⇒ Délétion homozygote: 2 signaux perdus La présence de sondes de contrôle permettent d’identifier les chromosomes et montrer que la technique FISH a bien fonctionné Région PWS/AS en 15q11-q13 Même région et pourtant 2 différents syndromes Région PWS/AS 15q11-q13 soumise à empreinte Syndromes Prader-Willi et Angelman • Région commune aux deux syndromes : 1000 à 1500 kb • Loci impliqués dans le Prader-Willi : D15S63 (sonde PW71) et SNRPN (Small nuclear ribonucleoprotein) • Dans l’Angelman: D15S10 (gène UBE3A) Hybridation in situ fluorescente (FISH) site spécifique En Cytogénétique • Syndrome Prader Willi (PWS): 70% délétion du gène SNRPN en 15q11-13 • Syndrome d’Angelman (AS): 70% délétion du gène UBE3A (ubiquinin-protein ligase E3A) en 15q11-13 • Syndrome de Beckwith-Wiedeman (BWS): 10% délétion en 11p15.5-p13 Délétion 15q11-13 1A- Syndrome de Prader-Willi Absence de contribution paternelle aux gènes présents dans la région 15q11-q13 Gène spécifique SNRPN (Small nuclear ribonucleoprotein) • 70%: Délétion paternelle • 25%: Disomie uniparentale maternelle • 5%: Anomalie de méthylation en 15q11-q13 sur le chromosome d’origine paternel Syndrome de Prader Willi (PWS) • 1/15 000 naissances • Hypotonie néonatale • Boulimie et obésité pathologique avec l’âge, si non suivi diététique Syndrome d’Angelman (AS) Absence de contribution maternelle aux gènes présents dans la région 15q11-q13 Gène spécifique UBE3A (ubiquinin-protein ligase E3A) • • • • • 70%: Délétion maternelle 10%: Disomie uniparentale paternelle 10%: Mutation du gène UBE3A 5%: Mutation du centre d’empreinte 5%: Aucune anomalie n’est retrouvée 1B- Syndrome d’Angelman Harry Angelman découvre AS en 1965 • 1/20 000 naissances • • • • RM sévère Absence de langage Accès de rires non justifiés Parfois hypo-pigmentation Epilepsie et Angelman • Complication majeure • EEG caractéristique – Activité continue lente et ample rythmique à 4-6 Hz – Activité d’ondes lentes à 2-3 Hz à maximum bifrontal Syndrome de Beckwith-Wiedemann (BWS) • 1/14 000 naissances • Gigantisme - grande taille - poids excessif - organomégalie: * macroglossie * omphalocèle * viscéromégalie Syndrome de Beckwith-Wiedemann Région 11p13 soumise à EG • Hémihypertrophie • Indentation du lobule des oreilles • Hypoglycémie néonatale • Neuroblastome: gène WT1 (Wilms Tumor) en 11p13 => Syndrome des gènes contigus BWS IGF2-H19 Région soumise à EG Région WAGR 11p13 BWS - EG en11p15.5 • En 11p15.5, existent plusieurs gènes soumis à empreinte, dont - IGF2 qui s'exprime à partir du chromosome 11 paternel - H19 à partir du chromosome 11 maternel • IGF2 stimule la croissance alors qu'H19, qui est transcrit mais pas traduit, a une action inhibitrice • C'est l'équilibre entre la transcription de ces deux gènes qui assure un développement harmonieux BWS - EG en11p15 • 25-50%: dup(11)(p15.5)pat = expression biallélique d’IGF2 En raison de cette duplication qui concerne IGF2, il y a surexpression d'IGF2 par rapport à H19 (seul IGF2 est transcrit doublement, H19 ne l'est pas puisqu'il ne s'exprime qu'à partir du chromosome maternel), donc augmentation de la croissance pendant le développement BWS - Région en11p15 soumise à EG BWS - EG en11p15 • Rares cas d’hyperméthylation d’H19 qui entraînent une expression d’IGF2 d’origine maternelle • Rares cas de translocations qui suppriment l'expression d'H19 => surexpression d'IGF2 entraînant une traduction phénotypique identique à celle de la duplication paternelle • Il n’a pas été observé de dup(11)(p15)mat • Il n’a pas été observé de mutation de gènes en 11p15 WAGR – Syndrome des gènes contigus FISH: délétion du locus PAX6 en 11p13 Anomalie de développement du segment antérieur oculaire Syndrome WAGR Exemple d’un syndrome de gènes contigus • Tumeur de Wilms (Néphroblastome) • Aniridie • Anomalies Génitales • Retard mental Aniridie Délétion de la bande 11p13 (haute résolution du caryotype), contenant les gènes WT1 et PAX6 La délétion est de taille variable et peut emporter d’autres gènes que ceux classiquement impliqués dans le WAGR => syndrome des gènes contigus Si BWS par délétion, peut s’accompagner d’une tumeur de Wilms / WAGR, D. Brémond-Gignac et H. Copin, JFO, 2003 Syndrome de Silver Russell • Empreinte génomique du chromosome 7 mat • Restriction de Croissance Intra Utérin (RCIU) concernant 2.5 à 5% des naissances • 10% DUP mat en 7p11.2-p13 et 7q31-qter Syndrome de Silver Russell • Retard de croissance continue en période postnatale < 5ème centile => nanisme harmonieux périmètre crânien normal clinodactylie du cinquième doigt une dymorphie facial très souvent asymétrie de croissance d'un hémi-corps • Risque de retard de développement avec des capacités d'apprentissages réduites