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Résumé
Le développement tumoral requiert des « caractéristiques » moléculaires bien identifiées. En
ce qui concerne le cancer de la prostate, il est bien connu qu’il se caractérise par une grande
hétérogénéité avec en particulier un nombre important de cellules en quiescence ce qui se traduit
notamment par une prolifération certes aberrante mais très lente (Denmeade et al., 2003). Ce cancer
peut se développer pendant plusieurs décennies avant de provoquer des symptômes chez les patients.
Ainsi, de nombreux traitements anti-cancéreux qui ciblent spécifiquement les cellules en prolifération
s’avèrent peu efficaces et aujourd’hui les formes avancées de ce cancer sont donc incurables. Cette
inefficacité des traitements chimiothérapeutiques est aussi une conséquence d’un phénomène de
résistance à l’apoptose dont l’origine s’explique encore une fois en partie grâce à l’hétérogénéité de ce
cancer. En conséquence, une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires à l’origine du
phénomène de résistance à l’apoptose et de la dérégulation de la prolifération est nécessaire. En outre,
l’identification de thérapeutiques permettant de cibler l’hétérogénéité tumorale est également une
priorité.
Dans ce contexte, nous avons mis en évidence le rôle déterminant des protéines ORAI1 et
ORAI3 dans un remodelage de l’homéostasie calcique qui participe à l’émergence d’un phénotype
cancéreux plus agressif. Nous avons découvert le mécanisme à l’origine de la formation d’un canal
constitué des protéines ORAI1 et ORAI3 permis par : (1) la surexpression de la protéine ORAI3 et (2)
des perturbations du microenvironnement tumoral au cours de la progression tumorale. Ce canal
calcique hétéromérique ORAI1/ORAI3 est activé par l’acide arachidonique et la formation
préférentielle de ces hétéromères au cours de la cancérogenèse se fait au détriment des canaux
homomériques ORAI1 connus pour jouer un rôle crucial dans l’induction de la mort cellulaire des
cellules cancéreuses. Ces résultats mettent en lumière un nouveau rôle du métabolisme perturbé de
l’acide arachidonique connus depuis longtemps pour participer à la progression tumorale et le
remodelage de l’homéostasie calcique via les protéines ORAI avec la formation des complexes
hétéromérique pro-prolifératifs ORAI1/ORAI3 au détriment des canaux homomériques pro-
apoptotiques ORAI1.
En parallèle nous avons étudié les mécanismes d’action d’une nouvelle pro-drogue très
prometteuse en cours d’évaluation clinique, le G-202® (Genspera, USA), et qui permet de cibler
l’hétérogénéité tumorale. Le G-202® est capable d’induire un stress calcique réticulaire et la mort par
apoptose des cellules cancéreuses quiescentes ou prolifératives. La molécule active de cette pro-
drogue est un analogue de la Thapsigargine (TG), un inhibiteur des pompes SERCA du réticulum
endoplasmique, dont la forte action cytotoxique est connue depuis longtemps. Nous avons découvert
un nouveau mécanisme d’action de la TG que son analogue le G-202® ne possède plus. Cette
découverte nous a permis premièrement d’augmenter considérablement l’efficacité du G-202® utilisé
seul in vitro et in vivo sur des modèles murins (Brevet en cours de dépôt) et deuxièmement d’élaborer
un nouveau type de thérapies combinées et ciblées augmentant considérablement l’efficacité de
nombreux traitements chimiothérapeutiques actuels sur des cellules résistantes. Enfin, d’un point de
vue fondamental, le G-202® nous a permis de remettre en question les mécanismes de la signalisation
calcique intracellulaire impliqués dans l’induction de l’apoptose.
En conclusion, grâce à ces études nous avons identifié de nouveaux mécanismes moléculaires
permettant d’augmenter le potentiel thérapeutique des canaux calciques ORAI et des pompes SERCA
du réticulum endoplasmique.
Thèse de Charlotte Dubois, Lille 1, 2014
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