Étude exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire et la construction identitaire d’étudiants universitaires Mémoire Suzy Patton Maîtrise en sciences de l’orientation – recherche et intervention Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Suzy Patton, 2016 Étude exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire et la construction identitaire d’étudiants universitaires Mémoire Suzy Patton Sous la direction de : France Picard, directrice de recherche Nancy Gaudreau, codirectrice de recherche Résumé Ce mémoire a pour but d’examiner la façon dont s’est opérée la construction identitaire d’étudiants et d’étudiantes universitaires ayant subi de l’intimidation à l’école secondaire. Il vise en outre à mieux cerner le processus de résilience qui a conduit à la persévérance jusqu’à l’université. L’intimidation est une problématique sociale d’importance, qui touche entre 16,5 % et 36 % des élèves durant leur parcours scolaire (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014; Conseil canadien sur l’apprentissage, 2008; Institut de la statistique du Québec, 2012). Sur le plan scientifique, cette problématique a été examinée sous différents angles, mais peu d’études se sont intéressées à la façon dont elle peut influencer le parcours scolaire et la construction identitaire des adolescents et adolescentes qui en ont été victimes. Pour réaliser ce mémoire, dix-huit étudiants universitaires ont été rencontrés dans le cadre d’entretiens individuels s’inspirant de l’approche biographique du récit de vie. L’angle d’approche choisi a permis de mettre en lumière « la vie après l’intimidation » et d’en dégager une typologie comprenant trois types de parcours. Le premier type, le parcours où la persévérance scolaire a été compromise, est caractérisé par le fait que l’intimidation a agi comme un frein à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Le deuxième type, le parcours axé sur la transition, met en lumière des répercussions d’ordre contextuel. Puis, pour le parcours axé sur la réussite, l’intimidation a poussé les étudiants à s’investir davantage sur les plans scolaire et professionnel et à vivre des réussites. Par ailleurs, cette étude apporte un éclairage descriptif quant aux répercussions de l’intimidation sur la persévérance scolaire et le choix de carrière. Les résultats ont également permis d’appliquer un nouvel éclairage théorique à la construction identitaire des élèves qui subissent de l’intimidation, soit la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1997). III Table des matières Résumé.............................................................................................................................. III Table des matières............................................................................................................. IV Liste des tableaux ............................................................................................................. VII Liste des figures ............................................................................................................. VIII Remerciements ................................................................................................................... X Introduction ......................................................................................................................... 1 Chapitre 1 : Problématique ................................................................................................. 4 1.1 L’intimidation en milieu scolaire : un enjeu plus actuel que jamais ......................... 5 1.2 Trois composantes recensées d’une problématique scolaire et identitaire ................ 7 1.2.1 L’intimidation et la persévérance scolaire .......................................................... 7 1.2.2 L’intimidation et le choix de carrière ............................................................... 10 1.2.3. L’intimidation et la résilience .......................................................................... 11 1.3 La structuration identitaire : l’école comme environnement social et agent structurant ...................................................................................................................... 13 1.3.1 La nature relationnelle de la construction identitaire à l’adolescence .............. 14 1.3.2 L’expérience d’intimidation : entre construction et fragilisation identitaires . 15 1.4 Une description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire .............. 17 Chapitre 2 : Cadre théorique ............................................................................................. 20 2.1 Présentation de la théorie de contrôle identitaire .................................................... 20 2.2 Présentation des concepts à l’étude ......................................................................... 28 2.2.1 L’intimidation ................................................................................................... 28 2.2.2 Le parcours scolaire .......................................................................................... 32 2.2.2.1 La persévérance scolaire ................................................................................ 32 2.2.2.2 Le choix d’orientation scolaire et professionnelle ......................................... 34 2.2.2.3 La résilience ................................................................................................... 36 2.3 Présentation des objectifs de recherche ................................................................... 38 Chapitre 3 : Méthodologie ................................................................................................ 39 3.1 L’orientation méthodologique privilégiée : la recherche qualitative ...................... 39 3.2 La population ciblée et les critères de sélection des participants ............................ 41 IV 3.3 Le recrutement......................................................................................................... 43 3.4 Les caractéristiques des participants ....................................................................... 44 3.5 La méthode de collecte de données ......................................................................... 46 3.5 L’analyse des données ............................................................................................. 49 Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats ............................................................. 52 4.1 Une typologie descriptive........................................................................................ 52 4.1.1 Les parcours où la persévérance scolaire a été compromise ............................ 53 4.1.2 Les parcours axés sur la transition .................................................................... 54 4.1.3 Les parcours axés sur la réussite....................................................................... 55 4.2 Les répercussions sur la persévérance scolaire et l’aspiration aux études postsecondaires .................................................................................................................... 57 4.2.1 L’aspiration aux études post-secondaires ......................................................... 58 4.2.2. La persévérance scolaire : abandon, absentéisme et résultats scolaires .......... 59 4.2.3 Problématiques associées et répercussions sur le parcours scolaire ................. 62 4.3 Les manifestations sur le choix de carrière ............................................................. 64 4.3.1 Un intérêt nouveau ou renouvelé pour la relation d’aide ................................. 64 4.3.2 Un manque de confiance envers sa capacité à réaliser son choix de carrière .. 67 4.3.3 Le besoin de s’éloigner des intimidateurs lors d’un choix d’études................. 68 4.3.4 Un projet d’avenir occulté par l’intimidation ................................................... 69 4.3.5 Une généralisation des répercussions à d’autres sphères de vie ....................... 70 4.4 Les répercussions sur la construction identitaire..................................................... 71 4.4.1 Estime de soi et perception de soi .................................................................... 72 4.4.2 La construction identitaire et le regard des autres ............................................ 74 4.4.3 Un changement dans la façon de percevoir les autres et d’interagir avec eux . 76 4.5 La résilience ............................................................................................................ 78 4.5.1 Les facteurs de protection ................................................................................. 78 4.5.1.1 Du soutien ...................................................................................................... 78 4.5.1.2 Des attentes personnelles élevées de succès .................................................. 79 4.5.1.3 Des activités intéressantes et valorisantes ..................................................... 80 4.5.1.4 Des relations familiales et amicales positives ............................................... 81 4.5.1.5 Une conscience de ses forces et limites personnelles .................................... 81 V 4.5.2 Le développement de la résilience en fonction des types de parcours ............. 82 Chapitre 5 : Discussion ..................................................................................................... 84 5.1 Trois types de parcours, mais des points d’ancrage communs ............................... 84 5.1.1 Une construction identitaire qui se module en fonction de l’intimidation ....... 86 5.1.2 Des parcours de résilience porteurs d’espoir .................................................... 87 5.2 Les retombées potentielles ...................................................................................... 89 5.2.1 Des retombées théoriques ................................................................................ 89 5.2.1 Des retombées pour la pratique professionnelle de l’orientation .................... 90 5.3 Les critères de rigueur scientifique et les limites observées ................................... 92 5.3.1. Les critères de crédibilité et de transférabilité ................................................. 92 5.3.1. Les limites de l’étude ....................................................................................... 93 Conclusion ........................................................................................................................ 95 Références ....................................................................................................................... 100 Annexe A : Courriel de recrutement ............................................................................... 109 Annexe B : Recrutement sur les réseaux sociaux ........................................................... 110 Annexe C : Formulaire de consentement ........................................................................ 112 Annexe D : Questionnaire pré-entrevue ......................................................................... 115 Annexe E : Guide d’entrevue .......................................................................................... 116 Annexe F : Guide d’analyse ............................................................................................ 118 VI Liste des tableaux Tableau 1: Caractéristiques des participants ..................................................................... 45 Tableau 2: Les types de parcours recensés ....................................................................... 57 Tableau 3: L’intimidation et la persévérance scolaire : manifestations selon les différents types de parcours............................................................................................................... 64 Tableau 4: L’intimidation et le choix de carrière : manifestations selon les types de parcours ............................................................................................................................. 71 Tableau 5: Le développement de la résilience, selon les types de parcours ..................... 83 VII Liste des figures Figure 1: La problématique de l'intimidation en milieu scolaire ........................................ 4 Figure 2: Les composantes du parcours scolaire prises en compte dans cette étude ........ 18 Figure 3: Les cinq composantes de la théorie de contrôle identitaire (adaptée à partir de Kerpelman et coll., 1997).................................................................................................. 22 Figure 4: Processus de contrôle non-activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) ........................................................................................................................................... 23 Figure 5: Processus de contrôle activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) ...... 23 Figure 6: La théorie de contrôle appliquée au phénomène de l’intimidation en milieu scolaire .............................................................................................................................. 27 Figure 7: Résumé de l’étude exploratoire………………………………………………………….98 VIII Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours. - Gandhi IX Remerciements La réalisation de ce mémoire marque la fin de mes études universitaires, mais aussi l’aboutissement d’un projet qui m’a profondément habitée, tant sur le plan académique que sur le plan humain. Je tiens donc à prendre le temps d’exprimer ma plus sincère gratitude aux personnes qui ont su m’entourer pendant cette étape de ma vie. Tout d’abord, je tiens à remercier ma directrice de mémoire, France Picard, pour sa grande disponibilité et son accompagnement humain. Merci également d’avoir cru en mes capacités et d’avoir mis sur mon chemin des opportunités d’apprentissages exceptionnelles, et ce, tant sur le plan des études que du travail. Je souhaite en outre remercier ma codirectrice Nancy Gaudreau, pour son encadrement stimulant et ses rétroactions riches et constructives. À vous deux, vous avez réellement fait de la réalisation de mon mémoire une expérience positive, où j’ai beaucoup appris. Je tiens aussi à adresser mes plus sincères remerciements aux 18 étudiants qui ont généreusement accepté de partager leurs récits de vie avec moi, ainsi qu’à Claude-Hélène Soucy pour son excellent travail de retranscription. Puis, je souhaite souligner l’appui financier de la Chaire de recherche sécurité violence en milieu éducatif, qui m’a permis de m’investir à temps plein pendant plusieurs sessions sur l’élaboration de ce mémoire. Enfin, je tiens à remercier mon conjoint Larry, pour ses encouragements, son optimiste et pour m’avoir fait rire lorsqu’il le fallait. Je souhaite aussi remercier mes merveilleux parents Ginette et Peter, ainsi que toute ma famille, de m’avoir soutenue dans mes choix scolaires et professionnels et pour avoir cru en moi même lorsque je doutais. Merci aussi à mes précieux amis pour votre support, votre compréhension et vos bons mots. À vous tous, je vous dis merci d’avoir partagé le bonheur de mes réussites et d’avoir été présents lors de moments plus difficiles. Terminer la réalisation de ce mémoire en étant si bien entourée est une grande richesse pour moi, et j’en suis extrêmement reconnaissante. Bonne lecture! X Introduction Ce mémoire porte sur le parcours scolaire d’étudiants universitaires qui ont vécu de l’intimidation lorsqu’ils étaient à l’école secondaire. Trois composantes du parcours scolaire ont été étudiées, soit la persévérance scolaire, le choix de carrière et la résilience. Dans le cadre de cette recherche, l’intimidation renvoie à « tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées et ayant pour effet de léser, blesser, opprimer, exclure intentionnellement d’un groupe ou ostraciser la victime » (Éditeur officiel du Québec, 2014, p. 13). Pour que ces comportements, paroles ou actes soient considérés comme de l’intimidation, il faut qu’ils aient engendré des sentiments de détresse chez la victime. En plus d’être une problématique sociale d’importance qui porte préjudice à de nombreux élèves au cours de leur parcours scolaire, touchant entre 16,5% et 36% d’entre eux (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014; Conseil canadien sur l’apprentissage, 2008; Institut de la statistique du Québec, 2012), l’intimidation a été étudiée sous différents angles au sein du corpus scientifique. D’une part, de nombreuses recherches affirment que les élèves victimes d’intimidation sont sujets à vivre des difficultés scolaires telles qu’une diminution de la performance scolaire (Beran, Hughes & Lupart, 2008; Juvonen, Wang & Espinoza, 2010) ou du sentiment d’efficacité personnelle (Rayle, Moorhead, Green, Griffin & Ozimek, 2007) et un risque plus élevé de décrocher (Cornell, Gregory, Huang & Fan, 2013). Plusieurs études révèlent également que le fait de vivre de l’intimidation affecterait l’expression identitaire (Graham, Bellmore & Mize, 2006; Yang, Kim, Kim, Shin & Yoon, 2006). D’autre part, une étude canadienne met en lumière une réalité différente : certaines personnes ayant vécu de l’intimidation parviennent, en dépit de cette expérience, à entreprendre des études postsecondaires et à poursuivre leur passion sur le plan professionnel (Roberge, 2008). Cependant, rares sont les études qui se sont intéressées à la façon dont l’intimidation peut marquer le cheminement scolaire et professionnel des adolescents et adolescentes qui en ont été victimes. 1 Ce constat a mené à explorer l’intimidation sous un nouvel angle, soit en examinant le parcours scolaire ainsi que la construction identitaire d’étudiants universitaires qui ont vécu de l’intimidation afin de décrire « la vie après l’intimidation ». Ainsi, la présente recherche vise à analyser des parcours d’exception. En ce sens, l’incidence de l’intimidation est étudiée sous un angle diachronique, ou autrement dit en considérant ce qui est survenu après l’intimidation. Pour réaliser cette étude, le concept de la résilience en milieu scolaire a été mobilisé, afin de rendre compte de la capacité de ces étudiants à rebondir de l’expérience d’intimidation vécue et de poursuivre leur parcours scolaire. Le postulat qui sous-tend ce choix conceptuel est de considérer le fait de subir de l’intimidation comme étant une expérience traumatisante pour les adolescents qui en sont victimes. Plus précisément, le processus de résilience qui s’est opéré, les facteurs de protection et le moment où cette résilience se construit ont été considérés, tout comme les conséquences liées à la construction identitaire, à la persévérance scolaire et au choix de carrière. La présente étude s’intéresse donc aux facteurs de risque et aux facteurs de protection relatifs à l’intimidation, et à la façon dont les étudiants rencontrés ont pu les moduler afin d’en arriver à poursuivre leur parcours scolaire de façon positive. Ce mémoire vise donc à répondre à la question suivante : Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a-t-il influencé la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? Pour répondre à cette question, dix-huit étudiants ont été rencontrés dans le cadre d’entrevues individuelles inspirées de l’approche biographique du récit de vie. Une analyse qualitative « entretien par entretien » a été réalisée, ce qui a donné lieu à l’élaboration d’une typologie où trois différents types de parcours sont présentés. Le mémoire est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre traite des composantes de la problématique, en plus de mettre en lumière la pertinence sociale et scientifique d’une telle recherche. Le cadre théorique, incluant la définition des concepts, et les objectifs de la recherche sont exposés au chapitre 2. Le troisième chapitre aborde la méthodologie de la recherche, la population ciblée et la façon dont le recrutement a été effectué. On y retrouve 2 aussi les caractéristiques des participants et la méthode de collecte de données utilisée. L’analyse des données, qui a été réalisée « entretien par entretien » (Blanchet & Gotman, 2007), est également explicitée dans ce chapitre. Le chapitre 4 expose les résultats de la recherche. La typologie, qui met en lumière trois types de parcours scolaires qui peuvent être vécus à la suite d’un épisode d’intimidation à l’école secondaire, est présentée. Les répercussions de l’intimidation sur la persévérance scolaire, sur le choix de carrière et sur la construction identitaire sont également décrites dans ce chapitre. Puis, le développement de la résilience et les facteurs de protection au regard de l’intimidation sont abordés. Enfin, le chapitre 5 contient une discussion des principaux résultats, en plus de présenter les retombées potentielles et de mettre en lumière les limites de l’étude. En conclusion, une brève synthèse du mémoire et de ses résultats est présentée, ainsi que des pistes pour de futures recherches sont suggérées. 3 Chapitre 1 : Problématique En raison de son taux élevé de prévalence et parce qu’elle porte préjudice à de nombreux élèves chaque année, l’intimidation est une problématique sociale d’importance. Engendrant des coûts individuels et sociaux notables pour le Québec, l’intimidation est devenue un enjeu de taille pour plusieurs acteurs. Les établissements scolaires et les instances gouvernementales déploient de plus en plus d’efforts pour lutter contre ce phénomène, dans un contexte où les moyens mis en place ne suffisent pas. Toutefois, rares sont les études qui se sont intéressées à la façon dont l’intimidation peut marquer le cheminement scolaire et professionnel des adolescents qui en ont été victimes. Ces jeunes vivent des interactions sociales dégradantes, méprisantes ou humiliantes à répétition au sein de leur école, le lieu même où ils devraient pouvoir développer leur plein potentiel et s’épanouir dans un environnement sain et sécuritaire pour tous. Être confronté à de telles interactions sociales pendant l’adolescence, période cruciale du développement identitaire, laisse présager des manifestations au regard de la construction identitaire des victimes. Les interactions sociales sont un puissant vecteur de la construction identitaire en raison de la nature relationnelle qui lui est inhérente (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Subir de l’intimidation pourrait donc entraver le développement d’une identité saine et positive et ainsi compromettre la réalisation d’un parcours scolaire positif, tant sur le plan de la persévérance scolaire que du choix de carrière. La problématique exposée peut s’articuler comme suit : Figure 1: La problématique de l'intimidation en milieu scolaire 4 Le présent chapitre se divise en cinq parties et a pour but de situer la problématique. La première partie visera à cerner la portée de l’intimidation en milieu scolaire au regard de son taux de prévalence, de la mise en œuvre de nouvelles lois s’y rattachant et du développement identitaire. La deuxième section portera sur la nature relationnelle de l’identité et sur la façon dont les interactions sociales constituent un vecteur de la construction identitaire chez les adolescents. Puis, les trois composantes de la problématique seront présentées, soit l’intimidation au regard de la persévérance scolaire, du choix de carrière et de la résilience. Dans le cadre de cette étude, ces trois aspects seront regroupés sous le vocable « parcours scolaire ». Les répercussions de l’intimidation seront ainsi explorées à partir de ce regroupement de concepts, comme présenté dans la quatrième partie de ce chapitre. Finalement, la question de recherche qui sous-tend cette étude sera présentée. Étant donné que la façon dont est conceptualisée et opérationnalisée l’intimidation tend à varier selon les chercheurs et selon le contexte culturel dans lequel le phénomène prend place, les termes utilisés par les auteurs dans chacune des études présentées seront définis tout au long de ce chapitre. 1.1 L’intimidation en milieu scolaire : un enjeu plus actuel que jamais L’intimidation est un problème de taille, comme le démontre son taux élevé de prévalence au sein des écoles. Par exemple, en 2008, des adultes ont été interrogés sur leur expérience scolaire passée. Le constat est éloquent : « 38% des hommes et 30 % des femmes déclarent avoir été victimes d’intimidation à l’école, occasionnellement ou fréquemment » (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2008, p. 4). Dans le cadre de cette enquête, l’intimidation se définissait à partir des critères généralement utilisés dans le corpus scientifique, soit la fréquence importante des agressions, l’intention de blesser ou de faire du tort et l’inégalité des forces entre agresseurs et agressés. Elle incluait autant les manifestations physiques, relationnelles, verbales qu’électroniques. De plus, en comparaison avec 35 pays, le Canada se situe au neuvième rang à l’égard de l’intimidation chez les adolescents âgés de 13 ans (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2008). 5 Par ailleurs, l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 révèle que plus du tiers des élèves fréquentant l’école secondaire (36%) affirment avoir subi de la violence « à l’école ou sur le chemin de l’école au cours de l’année scolaire » (Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 44). Cinq pourcent (5%) des élèves qui ont participé à cette enquête ont mentionné avoir été victimes de cyberintimidation. Toutefois, dans cette enquête, la violence et l’intimidation ne sont pas différenciées et sont considérées comme faisant partie du même phénomène, regroupé sous le terme « victimation » répétée. Une enquête nationale a également été réalisée dans le cadre du Plan d’action pour contrer la violence à l’école du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Elle a porté sur la violence à l’école et a été menée dans 204 écoles québécoises, dont 79 écoles secondaires. Les élèves, le personnel scolaire et les parents ont pris part à cette enquête. Cette étude met en lumière que les élèves du secondaire sont plus souvent insultés ou traités de nom que tout autre type d’agression. Les résultats révèlent que 31% des élèves se feraient insulter ou traiter de nom d’une à deux fois par année, alors que 16,5% d’entre eux subiraient ce type d’agression « souvent ou très souvent », soit un minimum de 2 à 3 fois par mois et pouvant aller jusqu’à une fois et plus par semaine (Beaumont, Leclerc, Frenette & Proulx, 2014). Il est possible d’affirmer que 16,5% des jeunes du secondaire vivraient de l’intimidation psychologique, tandis que 31% d’entre eux vivraient des agressions isolées. Par ailleurs, l’enquête révèle qu’« autant d’élèves du primaire que du secondaire rapportent être victimes de harcèlement à l’école et subir 2 à 3 fois par mois les agressions de leurs pairs » (Beaumont, et coll., 2014, p. 148-149). La différence qui existe entre les écoles primaires et secondaires se situe davantage au niveau des comportements d’agressions qui sont vécus sur une base occasionnelle, où les élèves du primaire sont davantage touchés; sur une base récurrente, il ne semble pas y avoir de différence significative. L’intimidation constitue donc une problématique d’envergure, ce qui a récemment amené le Québec à se doter de mesures pour contrer ce phénomène dès le primaire jusqu’au secondaire (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport/MELS, 2014). Adoptée le 12 juin 2012, la Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école, découlant du projet de loi 56, a contribué à modifier et à bonifier la Loi sur l’instruction 6 publique ainsi que la Loi sur l’enseignement privé en matière d’intimidation. Cette loi, qui fait office de référence auprès du personnel scolaire québécois, définit l’intimidation, à l’article 13, comme étant « tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l'inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d'engendrer des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser » (Éditeur officiel du Québec, 2013). Cette loi a notamment instauré l’obligation, pour tous les établissements scolaires, « [d’] adopter et [de] mettre en œuvre un plan de lutte contre l’intimidation et la violence » ainsi que « d’obliger chaque directeur d’école à désigner une personne chargée de coordonner les travaux d’une équipe qu’il doit constituer en vue de lutter contre l’intimidation et la violence » (MELS, 2014). La présente étude prend place dans un contexte où l’intimidation est réellement devenue un enjeu de société, comme le démontre le nombre important de jeunes touchés ainsi que les énergies mobilisées afin de lutter contre cette problématique. 1.2 Trois composantes recensées d’une problématique scolaire et identitaire L’intimidation et ses manifestations au regard du parcours scolaire ont été étudiés, au sein du corpus scientifique, à la lumière de trois concepts pertinents pour cette étude : la persévérance scolaire, le choix de carrière et la résilience. 1.2.1 L’intimidation et la persévérance scolaire Sur le plan scolaire, Rayle, Moorhead, Green, Griffin et Ozimek (2007) se sont intéressés à l’intimidation relationnelle, qu’ils définissent comme étant des formes plus vicieuses d’agressions qui se produisent surtout chez les filles. Des comportements comme exclure une personne d’un groupe, répandre des rumeurs à son sujet, faire des commentaires verbaux cruels ou envoyer des messages sur Internet en sont des exemples. Ils ont observé que subir de l’intimidation entrainait une diminution du sentiment d’efficacité personnelle 7 liée à la performance scolaire. Le sentiment d’efficacité personnelle réfère à des croyances propres à l’individu et décrites comme étant « les jugements que les personnes portent sur leurs propres capacités d’organisation et de réalisation des activités qui permettent d’atteindre des types de résultats déterminés » (Bandura, 1986, p. 391). Dans ce cas-ci, il s’agit des jugements que l’élève victime d’intimidation porte sur ses propres capacités à entreprendre et à réaliser des activités liées à la performance scolaire telles que les devoirs, les travaux ou les examens. Cette diminution du sentiment d’efficacité personnelle n’est pas sans conséquence sur le parcours scolaire des victimes. En effet, le sentiment d’efficacité personnelle joue un rôle déterminant pour le comportement humain, « notamment au sujet des activités que les personnes choisissent de réaliser ou d’éviter » (Lent, 2008, p. 3). Comme l’élève victime d’intimidation est susceptible de sentir que sa sécurité est menacée à l’intérieur des murs de l’école, il pourrait ressentir des états physiologiques et émotionnels négatifs. Or, le sentiment d’efficacité se construit à partir de ces états physiologiques et émotionnels, qui s’avèrent être la quatrième source de la construction du sentiment d’efficacité personnelle d’un individu (Bandura, 2003). En raison de ces expériences scolaires négatives et des états physiologiques et émotionnels qui lui sont rattachés, l’élève victime d’intimidation pourrait être porté à éviter l’école. Ces comportements d’évitement ainsi que l’état physiologique et psychologique dans lequel se trouve l’élève lorsqu’il est à l’école pourraient nuire à sa capacité à livrer la performance attendue. Dans le même sens, Beran, Hughes et Lupart (2008) se sont intéressés au lien entre l’expérience d’intimidation et la performance scolaire. Ils définissent l’intimidation comme étant « l’utilisation de comportements blessants ciblés envers un pair qui n’est pas en mesure de se défendre lui-même » de façon directe ou indirecte (traduction libre, p. 26). La performance scolaire a été mesurée en posant trois questions à l’enseignant, soit « Comment noteriez-vous la performance scolaire actuelle de cet étudiant en lecture? En écriture? En mathématiques? » (Traduction libre, p. 11). La performance scolaire a été mesurée à partir de la définition d’Ebel et Frisbie (1986). Pour ces auteurs, la performance scolaire se définit comme étant « la compréhension d’informations particulières et la compétence liée à des habiletés spécifiques » (traduction libre, p. 26). Il a été observé que 8 les élèves intimidés seraient susceptibles de livrer une performance scolaire plus basse, particulièrement s’ils sont confrontés à d’autres facteurs de risque tels que le manque de soutien parental, la non-appréciation de l’école et ne pas être consciencieux dans leurs travaux scolaires. Juvonen, Wang et Espinoza (2010) ont également décelé une association directe entre l’intimidation, qu’ils considèrent être de la victimisation par les pairs, et une performance scolaire compromise chez les élèves. La performance scolaire a été mesurée à l’aide de la moyenne cumulative des étudiants. Selon ces auteurs, un haut niveau d’intimidation est aussi lié au désengagement scolaire, tel que mesuré à l’aide du Teacher Report of Engagement Questionnaire (Wellborn & Connell, 1991). Cornell, Gregory, Huang et Fan (2013) arrivent à des conclusions similaires dans une étude menée dans 276 écoles secondaires de Virginie qui portait principalement sur les effets de l’intimidation et des moqueries sur le décrochage scolaire. À l’instar du Conseil canadien sur l’apprentissage (2012), leur définition de l’intimidation repose sur les trois critères les plus utilisés au sein du corpus scientifique, soit la fréquence des agressions, l’intention de blesser ou de faire du tort et l’inégalité des forces entre agresseurs et agressés. Les moqueries seraient des conduites dégradantes envers la victime, telles que critiquer son apparence physique. Ils ont découvert que la prévalence des moqueries et de l’intimidation prédisait une augmentation du taux de décrochage scolaire quatre ans plus tard, dans des proportions variant entre 10,8% et 16,5%. En se basant sur ces résultats, les auteurs appuient l’hypothèse qu’un climat d’intimidation et de moqueries au sein d’une école aurait une influence négative sur les élèves. Ce type de climat pourrait contribuer à la décision d’interrompre les études et ainsi avoir une influence importante pour la poursuite de leur parcours scolaire et professionnel. Les élèves victimes d’intimidation peuvent aussi utiliser des stratégies d’évitement telles que choisir d’éviter l’école et ne pas se présenter en classe, affichant un taux plus élevé d’absentéisme scolaire (MELS, 2010). Entre 6% et 8% des élèves ne se présenteraient pas en classe pour éviter de se faire intimider (Attwood & Croll, 2006; Kumpulainen et coll., 1998; O'Moore, 2000; Rigby, 1998), parfois en réaction à un fort sentiment d’insécurité 9 (MELS, 2010). Le risque d’échec et d’abandon scolaires augmente, et leur engagement ainsi que leur motivation peuvent diminuer (MELS, 2010). 1.2.2 L’intimidation et le choix de carrière Outre les manifestations observées sur le plan scolaire, l’intimidation aurait également un lien avec le choix professionnel. Plusieurs études révèlent que le fait de vivre de l’intimidation affecterait l’expression identitaire (Graham, Bellmore & Mize, 2006; Yang, Kim, Kim, Shin & Yoon, 2006). Plus précisément, les élèves ayant vécu de l’intimidation, « présenteraient des conceptions de soi plus affaiblies que les autres » (Houbre et coll., 2012, p. 2). Ces individus se percevraient comme socialement incompétents et « plus la victimation serait élevée, plus l’autoperception de la compétence scolaire, de l’acceptation sociale, de la compétence athlétique, de l’apparence physique et de l’estime de soi globale serait faible » (Houbre et coll., 2012, p. 4). Pour arriver à ces résultats, le terme intimidation (bullying) faisait référence à la définition proposée par Roland et Idsoe (2001) qui renvoie à « toutes formes de violences physiques ou mentales répétées, effectuée par un ou plusieurs individus sur une personne qui n’est pas capable de se défendre elle-même » (Houbre et coll., 2012, p. 1). La victimation réfère au fait d’être victime de ce type de violence. Toujours sur le plan du choix de carrière, Roberge (2008) a réalisé une étude auprès de 10 participants âgés entre 26 et 42 ans. Ils avaient tous été victimes d’intimidation dans leur enfance. Sur ces 10 participants, huit exerçaient dans un domaine qui les passionne alors que deux d’entre eux se sont conformés aux avis de figures d’autorité en lien avec leur parcours scolaire ou professionnel, et n’ont donc pas exercé un véritable choix. Quatre des participants ont également été enclins à poursuivre leur vraie passion sur le plan professionnel plus tard dans leur vie. Rayle et coll., (2007) suggèrent qu’une bonne estime de soi aide les adolescents à gérer leur développement de carrière et leur processus de prise de décision tout en leur permettant 10 de bien s’adapter. Cependant, les victimes d’intimidation sont susceptibles de souffrir d’une plus faible estime de soi (Casey-Cannon, Hayward & Gowen, 2001; Grills & Ollendick, 2002; Ministère de l'Éducation, 2010). L’estime de soi globale peut être définie comme étant la perception qu’une personne entretient à l’égard de soi-même et de sa propre valeur (Rosenberg, 1979). Il peut s’agir d’une perception positive ou dépréciative de soi (Rosenberg, Schooler & Schoenbach, 1995). En ce sens, elle « est généralement considérée comme la composante évaluative et affective du concept de soi » (Dorarda, Bungenera & Berthozb, 2013). À cet égard, on remarque que le développement personnel et social global des élèves victimes d’intimidation s’en trouve affecté (Casey-Cannon et coll., 2001). Cette diminution de l’estime de soi ouvrirait la porte à une planification de carrière retardée chez les victimes, si on les compare à d’autres élèves n’ayant pas vécu d’intimidation (Rayle et coll., 2007). Rayle et coll. (2007) ont aussi observé une diminution du sentiment d’efficacité personnelle liée à la planification du futur chez les victimes, dans une étude américaine effectuée auprès d’adolescentes ayant été victimes d’intimidation. Mais qu’en est-il des six autres participants qui ont poursuivi et réussi dans un domaine d’intérêt, alors que de nombreuses études associent l’intimidation et les difficultés sur le plan du parcours scolaire? La question de la résilience, également étudiée par Roberge (2008), semble éclairante à cet égard. 1.2.3. L’intimidation et la résilience Dans la majorité des études, plusieurs composantes du parcours scolaire et du choix de carrière des élèves victimes d’intimidation sont considérés comme des facteurs de risques quant à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Dans le cadre de cette étude, un parcours scolaire positif, ou réussi, est considéré comme un parcours qui permet à la personne de poursuivre dans un domaine d’intérêt pour elle, de s’y accomplir et de bien réussir sur le plan académique. Pourtant, certaines de ces personnes parviennent à entreprendre des études postsecondaires et à poursuivre leur passion sur le plan professionnel, comme c’est le cas dans l’étude de Roberge (2008). De fait, cette étude met en perspective un constat 11 qui étonne : neuf des 10 participants rencontrés, tous victimes d’intimidation, ont poursuivi des études à un niveau postsecondaire, et huit d’entre eux ont obtenu plus d’un diplôme. Les contrecoups de l’intimidation scolaire semblent donc pouvoir se moduler différemment d’une personne à l’autre. En ce sens, vivre de l’intimidation en milieu scolaire constitue un facteur de risque à la poursuite d’un parcours scolaire positif. Toutefois, des facteurs de protection (ex., le fait d’avoir une famille à l’écoute) présents chez les victimes pourraient permettre de diminuer les répercussions négatives entrainées par l’intimidation, ces deux types de facteurs jouant un rôle similaire dans le cheminement de l’individu. Lessard et coll. (2007), qui ont étudié les facteurs de risque dans le contexte de décrocheurs et de décrocheuses, affirment d’ailleurs que « ces facteurs n’influencent pas tous les élèves de la même façon, mais ils s’accumulent et contribuent à augmenter le risque » (p. 649). Janosz, Leblanc, Boulerice et Tremblay (2000) affirment d’ailleurs que les facteurs de risque sont des indicateurs « probabilistes ». Alors que l’étude de Roberge (2008) met en lumière que la résilience semblerait être un facteur de protection qui pallie aux facteurs de risque entraînés par l’intimidation, les propos de Lessard et coll. (2007) et de Janosz et coll. (2000) nous permettent d’avancer que de tels facteurs se modulent différemment d’une personne à l’autre. Être victime d’intimidation s’avèrerait alors être une condition qui prédisposerait à certaines difficultés, sans toutefois entraîner une relation directe de cause à effet. Cela met au jeu une question importante : qu’est-ce qui fait que certaines personnes qui subissent de l’intimidation accèderont à un parcours scolaire réussi, alors que d’autres vivront davantage de répercussions négatives sur leur parcours? Selon Roberge (2008), un élément à prendre en considération pour expliquer cette différence serait la résilience. Dans son étude, un deuxième constat émerge : les participants affichaient un nombre élevé de conditions favorisant la résilience au sein de leur environnement, ce qui leur aurait permis de diminuer les répercussions potentielles de l’intimidation sur leur parcours scolaire et professionnel. Ces conditions de résilience peuvent être vues comme étant des facteurs de protection qui viennent contrebalancer l’influence possible des facteurs de risque identifiés dans les recherches. Les cinq conditions qui ont été mesurées étaient 1/ le soutien reçu et la capacité à prendre soin de 12 soi-même, 2/ des attentes élevées de succès, notamment au niveau de la carrière, 3/ des possibilités de participer à des activités parascolaires ou à des groupes communautaires, où les participants avaient le sentiment d’y contribuer positivement, 4/ les relations positives avec des personnes de l’entourage professionnel, social et familial et 5/ la conscience de ses forces et ses limites personnelles. Ces conditions exerceraient une influence sur les conséquences possibles de l’intimidation (Roberge, 2008), contrant ainsi les manifestations potentielles des facteurs de risque liés à cette problématique. La résilience serait donc la résultante de ce processus. Il s’agit d’une piste d’explication intéressante concernant la variance dans les difficultés rencontrées par les victimes à la suite d’un épisode d’intimidation, d’où l’intérêt de prendre en compte ce concept dans ce mémoire. 1.3 La structuration identitaire : l’école comme environnement social et agent structurant Les études recensées mettent en lumière que vivre de l’intimidation pendant son parcours scolaire augmente les risques d’en subir les contrecoups. Sur le plan de la persévérance scolaire, la motivation à l’égard des études ainsi que la réussite scolaire auraient tendance à diminuer, tandis que l’absentéisme et le risque de décrochage auraient tendance à augmenter. En ce qui concerne le choix de carrière, le processus de choix lui-même semble se présenter différemment chez les victimes, en plus d’affecter certaines caractéristiques individuelles telles que l’expression identitaire et l’estime de soi. Cependant, certaines personnes ayant été victimes d’intimidation poursuivent tout de même un parcours scolaire et professionnel positif, en évoluant dans un domaine pour lequel ils ont de l’intérêt et en parvenant à décrocher un ou plusieurs diplômes. Devant cette variance, le concept de résilience gagnerait à être étudié comme piste d’interprétation au regard des manifestations de l’intimidation sur les choix scolaires et professionnels des victimes. En somme, avoir été victime d’intimidation à l’école pourrait être considéré comme un facteur de risque quant à l’aboutissement d’un parcours scolaire réussi, tandis que la résilience pourrait être considérée comme un facteur de protection. L’expérience scolaire de ces jeunes est donc susceptible d’être compromise, entraînant d’importants coûts personnels, économiques et sociaux. 13 Des efforts importants sont donc déployés afin de lutter contre cette problématique et de nombreuses recherches ont été réalisées sur le sujet au cours des dernières années. Les études qui se sont penchées sur les conséquences à long terme de ce phénomène et sur la façon dont elles peuvent s’articuler lors d’un choix professionnel demeurent toutefois limitées (Roberge, 2008). Pourtant, dans le cas des élèves qui subissent de l’intimidation à l’école secondaire, cette expérience se vit au moment même où l’identité se construit. La construction identitaire serait même de l’enjeu le plus important à cette période de la vie (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Les élèves qui subissent de l’intimidation se retrouvent donc dans un environnement où les contacts avec leurs pairs deviennent extrêmement difficiles à vivre, laissant présager des répercussions quant à la construction identitaire. Ces répercussions semblent se moduler autour de deux aspects centraux, soit la nature relationnelle inhérente à la construction identitaire à l’adolescence et la vision structurante du cheminement scolaire quant au développement de l’identité. 1.3.1 La nature relationnelle de la construction identitaire à l’adolescence La construction identitaire « s’ancre dans des sentiments identitaires élaborés précédemment à l’occasion d’interactions avec des personnes significatives dans des contextes variés » (Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 13). En ce sens, « la nature relationnelle de l’identité – le processus d’adaptation réciproque personne-contexte – doit être centrale à tous débats relatifs aux processus de développement identitaire » (Kunnen & Bosma, 2006, p. 252). Il y a donc lieu de se demander ce qui se produit lorsque cet aspect relationnel, central au développement de l’identité, se traduit par des interactions sociales dégradantes et répétées lors de la période cruciale qu’est l’adolescence pour la construction identitaire et pour les choix scolaires qui en découlent. Plusieurs modèles du développement identitaire positionnent les interactions sociales au cœur même du processus de construction identitaire chez l’adolescent. Depuis Erikson (1959/1994), qui a mis au jour que les interactions entre la personne et son environnement social sont partie prenante du développement de l’identité et qui a positionné l’adolescence 14 comme étant une période centrale pour ce développement (Cohen-Scali & Guichard, 2008), plusieurs chercheurs et théoriciens se sont succédé et poursuivent dans cette direction, en reprenant les fondements de sa théorie. De nombreuses études concluent que la construction de l’identité est un enjeu majeur pendant l’adolescence et que les interactions sociales ont comme effet d’ancrer les sentiments identitaires qui se développent pendant cette période (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Kunnen et Bosma (2006), instigateurs d’un modèle de construction identitaire reposant sur les processus émotionnels, relationnels et dynamiques qui composent la construction de l’identité, affirment que : « Pour que la stabilité du soi soit menacée, il faut qu’une discordance soit vécue, de façon suffisamment consistante et durable dans l’émotion qui l’accompagne, entre ce à quoi la personne tient fortement (une idée de soi, des valeurs majeures) et les données de la réalité. Face à une telle menace, des individus différents mettent en place des modalités de réponse différentes (assimilation, accommodation, évitement). Le conflit, expérience cognitive et surtout émotionnelle, est ainsi posé comme le moteur de changement » (Kunnen & Bosma, 2006, cité dans Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 9). Dans le cas de l’intimidation, l’exclusion, les menaces, les regards méprisants ou les remarques dénigrantes peuvent mettre à mal une idée positive de soi. Cette perception positive de soi peut être grandement remise en question par de telles expériences. L’intimidation pourrait ainsi s’avérer une menace pour la construction identitaire des élèves du secondaire qui subissent de l’intimidation, car la stabilité du soi serait menacée. 1.3.2 L’expérience d’intimidation : entre construction et fragilisation identitaires En plus d’être un enjeu de nature relationnelle central lors de l’adolescence, le développement identitaire fait également partie des préoccupations en ce qui concerne la 15 scolarité secondaire québécoise. Tout est mis en œuvre sur un plan formel afin que les élèves du secondaire, en pleine construction de leur identité, évoluent dans un environnement scolaire sain et sécuritaire qui favorise le développement de l’identité professionnelle. Or, l’expérience est tout autre lorsqu’un élève subit de l’intimidation à l’adolescence, période critique pour le développement de l’identité. Sur un plan formel, le Programme de formation de l’école québécoise vise à structurer et à encadrer le développement professionnel des élèves. Le domaine axé sur le développement professionnel est l’un des six domaines d’apprentissages de ce programme, au même titre que les mathématiques, la science et les technologies. Son objectif est d’amener l’élève à gérer son insertion socioprofessionnelle et se centre sur une démarche permettant à l’élève de « poursuivre le développement de son identité personnelle et professionnelle » en mettant en valeur ses intérêts et ses talents (Ministère de l'Éducation, 2013, p. 1). Par ailleurs, l’une des trois visées du Programme de formation de l’école québécoise, au deuxième cycle du secondaire, est la structuration de l’identité elle-même. Les actions des milieux scolaires en ce sens visent à amener l’élève à « à clarifier et à approfondir ses choix d’orientation, à développer son estime de soi et à s’affirmer comme personne, comme travailleur et comme citoyen » (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2013, p. 8). Alors que l’école tente d’accompagner les élèves dans le développement de leur identité personnelle et professionnelle en définissant des objectifs et des visées qui s’y rapportent, elle se retrouve confrontée à une problématique de taille : pour certains élèves victimes d’intimidation, leur développement identitaire est miné par des interactions sociales négatives et répétées qui peuvent devenir destructrices pour la construction d’une image de soi positive. Les élèves victimes d’intimidation sont alors brimés dans le développement de leur identité. D’un côté, le programme vise à structurer leur identité personnelle et professionnelle, mais, de l’autre côté, leur expérience scolaire est parsemée d’interactions sociales négatives qui compromettent cette structuration. Dans cette optique, il parait 16 probable que leur parcours scolaire et les choix scolaires et professionnels qui en découlent s’en trouvent influencés. 1.4 Une description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire À la lumière de ce qui précède, l’intimidation est un enjeu bien réel au sein des écoles secondaires québécoises, comme le démontrent les nouvelles politiques mises en vigueur récemment ainsi que les statistiques appuyant l’importance du phénomène. Or, les élèves du secondaire sont susceptibles d’y être confrontés dans la période même où ils réaliseront d’importants choix sur le plan professionnel et où l’identité sera au cœur de leur développement. Ils devront s’orienter vers un parcours de formation (générale, générale appliquée ou axée sur l’emploi), en plus de faire le choix d’une séquence de mathématiques, d’une discipline artistique et de cours optionnels (Ministère de l'Éducation, 2007). En ce sens, le lien entre l’intimidation et la construction identitaire ainsi que ses répercussions sur le parcours scolaire méritent d’être explorés davantage. Toutefois, les recherches dans ce domaine demeurent limitées. Afin de mieux saisir l’ampleur de cette problématique et de rendre compte des types de cheminement qui peuvent s’ensuivre, une étude qui tient compte du parcours scolaire antérieur d’étudiants universitaires ayant été victimes d’intimidation à l’école secondaire est de mise. Une telle étude permettra de mieux comprendre comment l’incidence de l’intimidation sur la persévérance scolaire et le choix de carrière peut s’articuler autour d’une construction identitaire et d’un cheminement de vie qui mène à la poursuite d’un parcours scolaire en voie de réussite. Ainsi, les parcours scolaires d’étudiants universitaires ayant été victimes d’intimidation à l’adolescence seront étudiés, tout en accordant une attention particulière aux liens qu’ont eu les rétroactions sociales sur leur construction identitaire. Pour y arriver, la persévérance scolaire, le choix de carrière et les facteurs de résilience seront pris en considération afin de comprendre comment le parcours scolaire global de ces élèves s’est modulé en fonction de l’expérience d’intimidation, comme illustré dans la Figure 2. 17 Figure 2: Les composantes du parcours scolaire prises en compte dans cette étude Le parcours scolaire sera donc vu comme un ensemble intégré de choix scolaires et professionnels. Il sera exploré d’un point de vue subjectif, en s’appuyant sur le sens donné au vécu d’intimidé sur le parcours global de l’étudiant. En ce qui concerne la persévérance scolaire, les interruptions effectives seront considérées, tout comme le désir d’interrompre l’école et l’absentéisme. Le choix professionnel, quant à lui, sera exploré à partir de la réalisation du choix de carrière proprement dit, mais également à partir du processus de choix qui s’est opéré depuis l’école secondaire. En somme, sur le plan de la persévérance scolaire tout comme sur le plan du choix de carrière, il est intéressant de se demander comment certains étudiants ont réussi à construire leur identité et à moduler leurs parcours afin d’éviter de subir trop de contrecoups et en arriver à entreprendre des études postsecondaires. 18 La présente recherche permettra donc de répondre à la question suivante: Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire est-il associé à la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? 19 Chapitre 2 : Cadre théorique Ce deuxième chapitre a pour objectif de présenter la théorie sur laquelle cette recherche s’appuie ainsi que les concepts qui seront abordés. La première partie visera à présenter la théorie du contrôle identitaire (Identity Control Theory approach) de Kerpelman, Pittman et Lamke (1997), tandis que la deuxième partie sera consacrée à définir les concepts à l’étude. Le concept d’intimidation sera d’abord présenté. Puis, le concept de parcours scolaire sera défini à partir de trois composantes, soit la persévérance scolaire, le choix professionnel et la résilience. Finalement, les objectifs spécifiques de l’étude seront exposés. 2.1 Présentation de la théorie de contrôle identitaire La théorie de contrôle identitaire (Identity Control Theory approach) a été élaborée par Kerpelman et ses collaborateurs en 1997. Ces chercheurs ont échafaudé leur théorie en réaction au modèle des processus de formation identitaire (Model of Identity Formation Processes) de Grotevant (1987). Le modèle des processus de formation identitaire met l’accent sur le processus d’exploration et l’intention comme fondements de l’engagement permettant la suite de l’exploration pour expliquer si un individu est enclin ou non à s’engager dans un travail identitaire. Kerpelman et ses collaborateurs (1997) ont ainsi émis certains questionnements quant au modèle de Grotevant (1987), ce qui leur a permis de mettre au jour leur théorie de contrôle identitaire. Ils se sont notamment interrogés sur la façon dont se déclenche le comportement d’exploration d’une personne et de ce qui fait en sorte que ce comportement se maintient pendant une certaine période de temps. Ils se sont également demandé dans quelle mesure les comportements d’exploration pouvaient affecter l’état cognitif ou affectif de la personne. Puis, ils se sont interrogés sur ce qui se produit pendant la construction identitaire. Finalement, ils se sont questionnés sur ce qui amène la personne à faire une évaluation de son identité, et ce qui se produit pendant ce processus d’évaluation. Ces questionnements ont mené Kerpelman et ses collaborateurs 20 (1997) à positionner le besoin de congruence entre les rétroactions sociales et les définitions personnelles de l’individu au cœur de leur théorie. Pour y arriver, ces auteurs ont choisi d’appliquer la théorie de contrôle au développement identitaire, afin de construire leur théorie de contrôle identitaire. À la base, la théorie de contrôle renvoie au processus d’autorégulation. Il s’agit d’une approche qui est souvent comparée au fonctionnement d’un thermostat (Anderson & Mounts, 2012; Burke, 1991; Kerpelman et coll., 1997). Le thermostat vise à réguler la température d’une pièce, et se met à fonctionner lorsqu’un écart significatif est observé entre la température ambiante et la température demandée. Il vise donc à annuler cette discordance, par exemple en ajoutant de l’air chaud ou froid à la pièce, afin de restaurer la congruence entre la température ambiante et la température demandée. Appliquée au développement identitaire, cette théorie propose que l’autorégulation de soi permette d’arriver à maintenir une congruence entre une idée de référence de soi et l’information externe qui nous est renvoyée (input). Plus précisément, la théorie de contrôle identitaire repose sur un système de contrôle identitaire (identity control system) qui gère les incongruences potentielles entre les rétroactions sociales externes, comme celles des amis et de la famille, et les définitions personnelles de l’identité que la personne s’est elle-même créées. L’identité est vue comme « un regroupement de significations qui définissent qui est la personne en termes de groupe ou de classification (comme être un Américain ou une femme), en termes de rôle (par exemple, être un courtier ou un camionneur), ou en termes d’attributs personnels (comme être amical ou honnête) » (Stets & Burke, 2005, p. 2). En se basant sur ces définitions personnelles de l’identité, le modèle de Kerpelman et ses collaborateurs se centrent sur « les interactions successives entre l’adolescent et son environnement social, ainsi que les conséquences intrapsychiques de telles interactions » (Cohen-Scali & Guichard, 2008, p. 11). Plus précisément, la théorie de contrôle identitaire s’intéresse aux microprocessus qui entrent en jeu dans l’exploration et la construction identitaire des jeunes, en passant par les interactions sociales qu’ils entretiennent ainsi que leurs conséquences « intrapsychiques » (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Elle s’intéresse principalement aux incongruences entre les rétroactions externes de l’environnement social 21 et la définition que se fait la personne de son identité. La rétroaction de la part de l’environnement social est ainsi considérée comme étant une perception de soi. Autrement dit, la perception qu’une personne a d’elle-même sera en partie dérivée des rétroactions venant de son environnement social. Il apparait donc important de considérer le phénomène de l’intimidation, qui renvoie une image négative de soi-même à la personne qui en est victime sur une période plus ou moins prolongée de l’adolescence. La théorie de contrôle identitaire est composée de cinq composantes, illustrées dans la Figure 3: Figure 3: Les cinq composantes de la théorie de contrôle identitaire (adaptée à partir de Kerpelman et coll., 1997) Lorsqu’une rétroaction externe de la part de l’environnement social est reçue, elle est interprétée afin de former une perception de soi. Cette perception de soi est comparée avec un standard identitaire. Quand le standard identitaire n’est pas congruent avec la rétroaction reçue, le comportement de la personne visera à restaurer ce standard identitaire en passant soit par la perception de soi, soit en tentant d’aller chercher de nouvelles rétroactions de l’environnement social plus positives en changeant ses comportements. Si cette stratégie 22 ne fonctionne pas, le standard identitaire pourra alors être ajusté lui aussi. Par exemple, si un élève souhaite devenir médecin et qu’il reçoit des rétroactions sociales qui vont dans ce sens, l’identité demeurera stable, car il n’y a pas d’incongruence. Dans cet exemple, les rétroactions sociales permettent ainsi d’assurer une stabilité à l’identité et ne la remettent pas en question (voir la Figure 4). Figure 4: Processus de contrôle non-activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) Cependant, si le même élève souhaite devenir médecin, mais qu’il a constamment des rétroactions sociales négatives, donc incongruentes, à propos de ce type d’identité auquel il désire s’associer, le processus de contrôle sera activé. L’élève mettra donc des comportements en place afin de restaurer ou d’ajuster son identité (voir la Figure 5). Figure 5: Processus de contrôle activé (adapté à partir de Kerpelman et coll., 1997) 23 Tel que l’illustrent les exemples ci-haut, la théorie de contrôle identitaire s’intéresse principalement aux rétroactions sociales externes qui touchent à la sphère de l’identité professionnelle. Cette théorie a également été appliquée aux conséquences de rétroactions non congruentes sur l’identité, lorsque la rétroaction venait de la part d’un partenaire amoureux sérieux (Kerpelman & Lamke, 1997). Il a été découvert que la certitude qu’entretenait la personne à propos de son standard identitaire sur le plan professionnel ainsi que les rétroactions congruentes du partenaire amoureux prédisait la possibilité d’un changement identitaire chez le sujet. Plus précisément, les femmes interrogées qui ne démontraient pas déjà un niveau élevé de certitude à propos de leur identité professionnelle étaient enclines à changer leurs comportements pour qu’ils soient concordants avec les rétroactions reçues de la part du partenaire amoureux. Ces rétroactions prédisaient donc une importante partie de la variance dans le changement du standard identitaire qui pouvait se produire chez la personne. Cette étude a contribué à mettre en lumière que la théorie de contrôle identitaire permettait de mettre l’accent sur l’influence des relations interpersonnelles ayant une importante influence sur le développement identitaire. Plus récemment, Anderson et Mounts (2012) ont appliqué la théorie de contrôle identitaire à une étude s’intéressant à trois processus de développement identitaires, soit la défense de l’identité (identity defense), le changement identitaire (identity change) et l’exploration identitaire (identity exploration). La défense de l’identité réfère aux comportements visant à défendre la perception qu’a la personne de son identité (standard identitaire), soit en discréditant la rétroaction de l’environnement, soit en allant chercher de nouvelles sources de rétroactions plus cohérentes. Le changement identitaire, quant à lui, est un comportement qui vise à modifier le standard identitaire de la personne pour qu’il soit cohérent avec les rétroactions sociales reçues. Finalement, l’exploration identitaire est le comportement qui s’enclenche lorsqu’il y a une discordance qui empêche la consolidation du standard identitaire, permettant ainsi à la personne d’apprendre sur elle-même et de recevoir de nouvelles rétroactions de la part de l’environnement. Dans la théorie initiale de Kerpelman et ses collaborateurs (1997), ces processus sont tous regroupés sous le vocable « processus de contrôle ». L’étude d’Anderson et Mounts (2012) avait deux objectifs principaux. Le premier était de vérifier si l’exploration identitaire était bel et bien 24 déclenchée par le fait que l’identité soit affectée par une incongruence. Le deuxième objectif était de vérifier si la certitude et l’importance qu’accorde la personne à son standard identitaire pouvaient jouer un rôle modérateur entre l’incongruence identitaire et la façon dont le système de contrôle répondait. L’étude a démontré qu’une personne ayant une certitude élevée à propos de ses standards identitaires était plus encline à défendre son identité, tandis qu’une personne ayant une certitude moins élevée était plus encline à apporter des modifications à son identité. Autrement dit, une personne ayant une certitude moins élevée envers son identité pourrait plus facilement modifier son standard identitaire pour qu’il soit cohérent avec les rétroactions de son environnement sur le plan professionnel. Par exemple, si cette personne se fait souvent dire qu’elle serait une bonne enseignante alors qu’au départ, elle se voyait en médecine, elle pourra peu à peu changer sa perception afin de se définir davantage comme enseignante. Inversement, une personne ayant une certitude élevée à propos de son standard identitaire de médecin aura davantage tendance à défendre cette perception, soit en allant chercher d’autres types de rétroactions sociales qui lui confirmeraient cette idée d’elle-même ou soit en tentant de discréditer le commentaire incohérent. À la lumière de ces récentes études sur la question, la théorie de contrôle identitaire est toujours d’actualité et gagnerait à être utilisée dans de nouvelles études s’intéressant au lien qui existe entre les processus qui sous-tendent la construction identitaire ainsi que les rétroactions fournies par l’environnement social. La théorie de contrôle identitaire, à travers ses orientations théoriques, permet de comprendre comment l’expérience sociale d’un individu affecte la nature même de son identité (Kerpelman et coll., 1997). Il s’agit donc d’un tout nouvel éclairage quant au développement identitaire, car les théories s’intéressant à ce phénomène visent surtout à conceptualiser ce qui se développe et à quel moment, tandis que la théorie de contrôle identitaire vise à répondre à la question du « comment » ce développement s’articule (Kerpelman et coll., 1997). En ce sens, la théorie de contrôle identitaire propose un cadre d’interprétation permettant d’expliciter le processus psychosocial qui se joue lors du développement identitaire et les liens qui existent entre les relations interpersonnelles et ce développement (Kerpelman et coll., 1997). 25 Par ailleurs, à la suite de leur étude à propos des partenaires amoureux, Kerpelman et Lamke (1997) proposent d’appliquer cette théorie à divers types d’interactions sociales tels que les amis. Étant donné que l’intimidation se compose de rétroactions sociales négatives, l’application de la théorie de contrôle identitaire semble appropriée. Plus récemment, Anderson et Mounts (2012) ont aussi souligné que les résultats de leur recherche permettaient de s’attendre à ce que la théorie de contrôle identitaire s’applique tout aussi bien à d’autres domaines de l’identité tels que les relations interpersonnelles et les rôles sexués. La théorie de contrôle identitaire de Kerpelman et coll. (1997) apparait donc tout à fait pertinente pour explorer les processus qui sous-tendent la construction identitaire d’un élève victime d’intimidation. Dans le cadre de la présente étude, les incongruences potentielles entre l’environnement social de la personne et sa perception d’elle-même se situeraient alors au niveau de la valeur de l’identité. Dans le cas d’un élève qui subit de l’intimidation, l’environnement social renvoie des rétroactions sociales négatives par rapport à l’identité de l’élève. Lorsque cet élève reçoit de manière répétée des rétroactions sociales négatives incongruentes avec la perception positive qu’il avait de son identité, le processus de contrôle serait activé. Une fois ce processus activé, deux options peuvent alors être envisagées. Premièrement, la vision positive que l’élève avait de lui-même (identité positive) pourrait « s’ajuster » en une identité négative qui serait davantage en concordance avec les rétroactions sociales auxquelles il est confronté. Or, une deuxième hypothèse se pose. Selon Kerpelman et coll. (1987), un individu peut modifier ses comportements afin d’aller chercher des rétroactions environnementales congruentes avec son standard identitaire avant de le modifier. Donc, avant de travailler à modifier la perception de soi ou le standard identitaire, l’élève pourrait mettre de l’avant une modification de ses comportements dans le but d’obtenir des rétroactions sociales positives et congruentes avec sa perception identitaire. Dans le cas de l’intimidation, la modification de comportement pourrait notamment être de changer de groupe social ou de s’inscrire à une activité hors du milieu scolaire où il vit des réussites. Il pourrait alors s’agir d’une source de revalorisation de l’identité et d’un endroit où la personne aurait l’occasion de développer des facteurs de résilience pour l’aider à poursuivre son parcours. Cet aspect pourrait expliquer pourquoi 26 l’identité peut demeurer positive, même si elle est confrontée à des rétroactions qui la menacent. Toujours en s’appuyant sur la théorie de contrôle identitaire de Kerpelman et ses collaborateurs. (2008), il est possible d’avancer qu’il existe un risque réel sur le plan identitaire pour l’élève qui subit de l’intimidation à l’école. Les rétroactions sociales non congruentes et répétées à propos de son identité peuvent activer le processus de contrôle. L’identité pourrait alors être restaurée ou ajustée en une perception négative de soi, ce qui pourrait entraîner d’importantes répercussions sur le parcours scolaire, et ce, autant au niveau de la persévérance scolaire que du choix de carrière, comme illustré dans la Figure 4 ci-dessous. Notons cependant que la personne pourrait également modifier ses comportements afin de modifier les rétroactions qu’elle reçoit de la part de son environnement. Figure 6: La théorie de contrôle appliquée au phénomène de l’intimidation en milieu scolaire En somme, la théorie de contrôle identitaire fournit un éclairage théorique à propos du lien possible entre les rétroactions sociales sur le développement de l’identité. À la base, on y retrouve le système de contrôle identitaire, un processus d’autorégulation qui permet à l’individu de maintenir une congruence entre une idée de référence de soi et l’information externe reçue. Des études récentes se sont basées sur cette théorie et proposent notamment de l’appliquer aux rétroactions sociales des pairs, ce qui justifie la pertinence de s’en servir 27 dans le cadre de cette recherche. Le choix d’appliquer la théorie de contrôle identitaire au phénomène de l’intimidation permettra de comprendre l’association possible entre cette problématique et les rétroactions négatives répétées qu’un élève subit lorsqu’il en est victime. En ce sens, cette étude vise à explorer s’il existe un risque pour l’élève de développer une vision négative de son identité dans un contexte d’intimidation et que des conséquences s’en suivent sur le plan scolaire et professionnel. 2.2 Présentation des concepts à l’étude Dans cette section, deux concepts-clés de l’étude seront présentés. Tout d’abord, l’intimidation sera définie. Puis, le parcours scolaire et ses trois composantes retenues dans le cadre de cette étude seront exposés, soit : la persévérance scolaire, le choix d’orientation scolaire et professionnelle et la résilience. 2.2.1 L’intimidation Étant donné qu’aucun consensus international n’a pu être émis à propos de la définition de l’intimidation, et plus précisément à propos de l’intimidation en milieu scolaire (Swain, 1998; Wolke, Woods, Stanford & Schulz, 2001), les terminologies utilisées pour décrire ce concept varient, tout comme les significations et les implications qui y sont associées (Carrera, DePalma & Lameiras, 2011; Espelage & Swearer, 2003). Au sein du corpus scientifique, plusieurs concepts sont utilisés : intimidation, violence, harcèlement, victimisation et agression semblent être les plus fréquents au Québec. Ils seront donc définis et analysés afin de se doter d’un vocabulaire commun dans le cadre de cette étude. D’abord, l’Organisation mondiale de la Santé (2002) définit la violence comme étant « la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un maldéveloppement ou des privations » (p. 5). Plusieurs auteurs s’entendent pour affirmer que l’intimidation en milieu scolaire peut être définie comme un type de violence (Olweus, 28 2010; Solberg, Olweus & Endresen, 2007). L’intimidation constituerait donc une forme de violence. Selon Beaumont, Leclerc et Frenette (2014), « la notion de harcèlement réfère au fait qu’un individu soit exposé à répétition à des actes d’agression ». Le terme harcèlement semble être davantage utilisé en France, où le terme bullying serait traduit par « harcèlement entre pairs » au sein du corpus scientifique. Au Québec, le terme harcèlement semble surtout se référer au monde du travail. L’article 81,18 de la Loi sur les Normes du Travail associe le harcèlement psychologique à la définition suivante : « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste » (Éditeur officiel du Québec, 2014). Pour ce qui est de la victimisation par les pairs et du terme original bullying, il semblerait que ces deux concepts soient utilisés par plusieurs chercheurs sans qu’ils ne soient différenciés (Hunter, Boyle & Warden, 2007). Dans les autres cas, la différence principale entre ces deux concepts serait que le bullying mettrait davantage l’accent sur l’intention de l’agresseur et le déséquilibre de pouvoir qui existe entre l’intimidateur et la victime (Olweus, 1981; Whitney & Smith, 1993). Plus précisément, la victimisation par les pairs consisterait en un abus ou des agressions produites par les pairs de manière répétée sur un même enfant qui en est victime (Kochenderfer & Ladd, 1996). La victimisation peut également être définie par le fait de subir de l’intimidation, ou autrement dit de se percevoir comme étant une victime d’intimidation. En ce qui concerne l’intimidation, Dan Olweus, instigateur du terme original bullying en 1986, conçoit qu’un élève est intimidé « quand il est exposé, de manière répétitive et qui perdure dans le temps, à des actions négatives de la part d’un ou de plusieurs autres élèves » (Olweus, 1993, p. 9). Ces actions négatives peuvent se manifester par des contacts physiques, par des mots, par des gestes blessants ou humiliants ou encore par l’exclusion intentionnelle d’un groupe (Olweus & Limber, 2010). L’intimidation, ou bullying, ferait donc partie de la catégorie de la victimisation, mais constituerait un exemple de cas plus précis (Hunter et coll., 2007). 29 À partir de cette dernière définition du bullying, il semblerait que de nombreux chercheurs (Colvin, Tobin & Beard, 1998; Craig & Harel, 2004; Houbre et coll., 2012; Nansel, Craig, Overpeck, Saluja & Ruan, 2004; Smith & Brain, 2000; Smith, Cowie, Olafsson & Liefooghe, 2002; Vreeman & Carroll, 2007; Whitted & Dupper, 2005) s’entendent pour dire que l’intimidation serait caractérisée surtout par trois éléments, soit : La fréquence des agressions L’intention de blesser ou de faire du tort L’inégalité des forces entre agresseurs et agressés À cela s’est ajouté un quatrième critère défini par Olweus (1999), soit les sentiments de détresse vécus par l’élève qui subit l’intimidation. En ce qui concerne l’inégalité des forces entre agresseurs et agressés, Smith et Sharp (2006) définissent l’intimidation comme étant un « abus systématique de pouvoir » (p. 2) qui se produit lorsqu’une inégalité de pouvoir existe entre la victime et l’intimidateur. Cette inégalité peut notamment provenir du fait qu’elle fait partie d’un groupe issu d’une minorité, ou encore que la victime est plus faible que l’intimidateur sur le plan physique ou psychologique, qu’elle n’arrive pas à se défendre face à son agresseur. La Loi sur l’instruction publique reprend plusieurs de ces éléments dans sa définition de l’intimidation proposée à l’article 13, tel qu’évoqué dans le premier chapitre. Un seul critère diffère entre cette définition et les quatre éléments mentionnés précédemment : alors que, dans la définition de la Loi sur l’instruction publique, le comportement d’intimidation peut être délibéré ou non, l’intention de blesser ou de faire du tort semble être l’un des éléments sur lequel plusieurs chercheurs s’entendent au sein de la communauté scientifique. Étant donné les définitions multiples et changeantes de ce phénomène au sein du corpus scientifique, Smith et coll. (2002) suggèrent que les chercheurs qui s’intéressent à l’intimidation s’impliquent « tout comme les adultes et les enfants membres de la communauté, dans le processus de construction de sens de ce phénomène qui prend place 30 dans un contexte social et historique donné » (traduction libre, p. 1131). Ainsi, il apparait pertinent d’utiliser le terme qui semble prédominer dans le contexte social et historique dans lequel se situe la société québécoise actuelle, soit l’intimidation. Le terme « intimidation » est utilisé au Québec afin de référer au terme original bullying. Comme c’est ce terme qui est utilisé dans les politiques scolaires et les lois au Québec, c’est celui qui sera retenu pour la présente recherche. Par ailleurs, l’âge des élèves interrogés dans le cadre de certaines recherches aurait également une influence sur la façon dont est compris le concept d’intimidation par les participants. On constate que les participants plus jeunes (âgés entre six et huit ans) auraient une compréhension moins différenciée des termes liés à l’intimidation (Smith & Levan, 1995; Smith et coll., 2002), ce qui signifie qu’ils auraient davantage de difficulté à distinguer l’intimidation, le harcèlement, les moqueries et l’exclusion. Bien que la présente étude s’intéresse aux jeunes adultes, il est tout de même important de s’assurer de limiter les biais possibles d’interprétation. Il est donc essentiel de se doter d’une définition claire et balisée pour en assurer la compréhension. Puisque l’intimidation sera considérée du point de vue de la victime, la définition proposée par la Loi sur l’instruction publique est retenue. Ce sont donc les sentiments de détresse vécus par la victime qui feront office de critère plutôt que l’intention derrière les gestes de l’agresseur, car l’intention pourrait être interprétée de manière subjective par les victimes. Une précision sera tout de même apportée à cette définition : comme Olweus et Limber (2010) le suggèrent, en plus des comportements physiques, des paroles ou des gestes blessants ou humiliants qui peuvent caractériser l’intimidation, l’exclusion intentionnelle d’un groupe sera aussi considérée comme une manifestation de l’intimidation. Cette précision reflète les changements qui ont ponctué la définition de ce phénomène depuis les dernières années, dans le but d’y inclure les formes plus indirectes et relationnelles d’intimidation (Smith et coll., 2002). De plus, il semble exister une différence entre la définition conceptuelle et la définition populaire de l’intimidation sur le plan de l’exclusion sociale (Smith et coll., 2002). Les gens n’associent donc pas nécessairement l’intimidation 31 à ce type de manifestation. Il semble donc approprié de l’inclure pleinement dans la définition utilisée. Nous définissons donc l’intimidation comme suit : Tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l'inégalité des rapports de force entre les personnes concernées et ayant pour effet de léser, blesser, opprimer, exclure intentionnellement d’un groupe ou ostraciser la victime. Pour que ces comportements, paroles ou actes soient considérés comme de l’intimidation, il faut qu’ils aient engendré des sentiments de détresse chez la victime. 2.2.2 Le parcours scolaire Dans la mesure où l’objet d’étude porte sur les étudiants universitaires ayant été victimes d’intimidation au secondaire, il importe de retracer les évènements, les choix et les facteurs personnels qui vont permettre de comprendre d’autres facettes de l’intimidation que les écrits scientifiques ont peu abordées jusqu’à maintenant. Trois angles du parcours scolaire seront donc abordés : la persévérance, le choix de carrière et le phénomène de résilience. 2.2.2.1 La persévérance scolaire La persévérance scolaire peut être décrite sous différentes perspectives. Selon King (2005), la persévérance aux études commence à se manifester dès le début de la scolarité de l’élève, soit lorsque ce dernier est admis dans un établissement scolaire. Cette persévérance peut ensuite se mesurer par la poursuite de l’élève dans un même programme de façon continue, jusqu’à ce qu’il complète sa scolarité et obtienne un diplôme dans son domaine d’études initial. Sur un plan plus administratif, on définit la persévérance scolaire comme le maintien du nombre d’élèves ou d’étudiants, principalement au moment de la diplomation ou de l’inscription (Ben Yoseph, Ryan & Benjamin, 1999). 32 La persévérance scolaire peut également se définir par opposition au concept de décrochage, dans le sens où travailler la persévérance scolaire diminue les risques de décrochage. Au Québec, un élève est perçu comme décrocheur « s’il n’a pas obtenu de diplôme d’études secondaires et [qu’il] ne fréquente pas un établissement d’enseignement » (Lacroix & Potvin, 2009, p. 1). Pour le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, le décrochage est considéré d’un point de vue statistique. Il produit un taux de décrochage annuel en s’appuyant sur toutes les inscriptions des élèves, jusqu’au mois d’août suivant (Gouvernement du Québec, 2014). Fortin, Marcotte, Royer, et Potvin (1999) nuancent quelque peu ces concepts en positionnant le décrochage scolaire comme un processus d’interaction se produisant entre l’élève et son environnement plutôt qu’une décision passagère. Cette façon de conceptualiser le décrochage scolaire met en lumière toute la complexité du phénomène, qui se construit au fil des expériences de l’élève. Bissonnette (2003) propose une catégorisation de cinq types de facteurs d’abandon et de persévérance aux études. Les facteurs personnels réfèrent au potentiel intellectuel de l’élève ainsi qu’à son état de santé, sur les plans physique et mental. On y retrouve également les facteurs interpersonnels, dans lesquels les facteurs d’abandon sont l’isolement social et le rejet des autres. Puis, les facteurs familiaux se caractérisent par les attitudes des parents par rapport à l’école, le niveau de scolarité des parents, les problèmes familiaux des parents, la désunion ou l’isolement familial. Les facteurs institutionnels réfèrent à l’environnement scolaire en général, que ce soit au niveau de l’atmosphère de l’école, des pratiques éducatives, de la gestion des comportements ou des valeurs véhiculées par le milieu scolaire. Finalement, les facteurs environnementaux sont en lien avec le niveau économique ainsi que la communauté d’appartenance. Dans le cadre de cette étude, ce sont les facteurs interpersonnels qui retiennent notre attention, en raison de leur caractère relationnel et des interactions sociales qui les caractérisent. En ce sens, Elliot et Voss (1974) voient le décrochage scolaire comme étant, 33 pour certains élèves, une façon d’éviter de vivre des sentiments désagréables liés à l’expérience scolaire tels que le stress et la frustration. Ces sentiments désagréables peuvent notamment venir de facteurs interpersonnels tels que l’isolement social et le fait d’être rejeté par ses pairs. Pour cette recherche, la persévérance scolaire sera définie par opposition au décrochage scolaire, comme le suggèrent Lacroix et Potvin (2009). Les interruptions effectives seront considérées, mais le désir d’interrompre l’école et l’absentéisme le seront également. À l’instar de King (2005), la définition de la persévérance scolaire qui sera retenue est la suivante : Le fait, pour un élève, de poursuivre ses études dans un même programme de façon continue, jusqu’à ce qu’il complète sa scolarité et obtienne un diplôme dans son domaine d’études initial. Par opposition, un élève qui vivrait des interruptions dans son parcours scolaire initial, qui manifesterait le désir d’interrompre l’école ou qui vivrait une période prolongée d’absentéisme en raison de facteurs familiaux, personnels ou scolaires sera considéré comme avoir vécu de l’abandon scolaire à un moment de son parcours. 2.2.2.2 Le choix d’orientation scolaire et professionnelle La conception de l’orientation scolaire et professionnelle a grandement évolué au cours des années, et de nombreuses approches peuvent aujourd’hui être recensées sur le sujet. Les premières théories relatives à l’orientation qui ont vu le jour positionnaient la personne comme ayant des caractéristiques et des intérêts stables sur lesquels elle pouvait s’appuyer pour faire un choix (Guichard & Huteau, 2006). Aujourd’hui, en raison des changements majeurs que connait le marché du travail et de ses implications sur le plan de la carrière, il est suggéré que l’orientation scolaire et professionnelle soit redéfinie pour mieux correspondre à ces nouvelles réalités. 34 À cet égard, certains auteurs se sont positionnés afin de revoir le concept de carrière, notamment chez les adultes et les jeunes adultes (Herr, 2002; Patton & McMahon, 2002; Watts, 2001). Pour Watts (2001), « la carrière [pourrait être] redéfinie comme la progression dans l’apprentissage et le travail de l’individu tout au long de la vie » (p. 94). Pour Gingras (2005), cela signifie que « ce processus doit commencer très tôt en milieu scolaire et se poursuivre au cours de la vie active de la personne adulte, en plus de faire l’objet d’un soutien constant tout au long de la vie » (p.118). Cette redéfinition de la carrière a un effet notable sur la conception du choix d’orientation scolaire et professionnelle, qui est désormais vue comme une série de choix qui se succèdent tout au long de la vie. S’inscrivant dans cette perspective, le modèle théorique de Donald Super (1963) s’intéresse au développement de carrière dans l’espace et le temps de la vie. Plus précisément, ce modèle est constitué du cycle et de l’espace de la vie. Le cycle de la vie se compose de cinq étapes développementales, soit la croissance, l’exploration, l’établissement, le maintien et le désengagement. L’espace de la vie regroupe six différents rôles sociaux, soit l’enfant, l’étudiant, l’homme ou la femme pendant les loisirs, le travailleur, le citoyen et la mère ou le père de famille (Guichard & Huteau, 2006). En s’appuyant sur ces concepts, Super transmet une vision holistique du développement de carrière qui mène à concevoir l’orientation comme un processus continu tout au long de la vie. À cet égard, l’auteur positionne la carrière comme étant « une suite de professions poursuivies ou de situations occupées par un individu », incluant, entre autres, la situation de l’étudiant qui se prépare à entrer sur le marché du travail (Super, 1963, p. 39). D’autres auteurs adoptent également cette approche théorique, notamment Erikson (1959/1994). Ce dernier postule que l’identité se forge tout au long de la vie, lorsque l’individu parvient à résoudre les crises développementales auxquelles il est confronté. Un autre exemple est le modèle de Levison (1978), qui s’intéresse aux quatre stades du développement de l’individu masculin. Tout comme le modèle de Super (1963), ces conceptions mettent en lumière une vision qui prend en considération les différents stades de la vie d’une personne, que ce soit sur le plan de l’identité, de la carrière ou des stades développementaux. Cette vision a pour effet de conceptualiser l’orientation scolaire et 35 professionnelle comme une série de choix qui se poursuivent bien au-delà de la formation ou de l’emploi choisi par l’individu. Cette conception est d’ailleurs reprise par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ, 2010-2015) dans le champ d’exercice actualisé de la profession de conseiller d’orientation, qui vise notamment à « permettre des choix personnels et professionnels tout au long de sa vie ». En se basant sur ces conceptions, la présente recherche propose de rendre compte des choix scolaires et professionnels qui se sont inscrits dans le parcours des étudiants rencontrés. Plus spécifiquement, les choix significatifs réalisés depuis l’expérience d’intimidation vécue à l’école secondaire jusqu’au moment de l’entrevue de recherche seront considérés, principalement sur les plans de l’école et du marché de l’emploi. Pour bien comprendre l’effet de ces choix sur le parcours, l’intention derrière le choix et le processus de prise de décision ont également été explorés. Toutefois, le choix n’est pas considéré comme étant nécessairement final ; il s’agit plutôt de l’étape où est rendue la personne dans sa progression quant à ses apprentissages et son évolution sur le marché du travail. 2.2.2.3 La résilience Le concept de résilience a été défini par Cyrulnik (1999) comme étant la capacité d’un individu à résister à un stress majeur ou à l’adversité. Cette définition met l’accent sur le fait qu’un individu arrive à se développer de façon saine alors qu’on aurait pu s’attendre à un tout autre type de cheminement pour ce dernier. Plus récemment, le concept a migré vers le milieu scolaire, où il est maintenant possible d’en faire l’application. Gayet (2007), par exemple, s’est intéressé à la réussite et à l’échec scolaire au regard de la résilience. Selon lui, l’école serait un lieu où pourrait se manifester 36 des comportements de résilience, mais également un lieu susceptible de renvoyer à l’élève une image négative de lui-même et de ses capacités à faire face à l’adversité. Pour cette raison, il apparait pertinent de considérer la résilience comme un processus qui peut prendre place en milieu scolaire. Toujours selon Gayet (2007), les recherches ayant porté sur la résilience se sont principalement intéressées aux individus qui ont réussi à surmonter des « conditions de vie dégradées ». Lorsqu’on étudie la résilience scolaire, il est donc question de phénomènes qui pourraient contribuer à dégrader les conditions de vie de l’élève dans le milieu de vie qu’est l’école. On peut considérer que l’intimidation subie, observée et perpétrée fait partie de ces phénomènes en raison des facteurs de risque qui lui sont associés quant à la poursuite d’un parcours scolaire sain et positif. La définition que font Schoon, Parsons et Sacker (2004), qui ont appliqué ce concept au milieu scolaire, est également éclairante. Selon ces auteurs, la résilience peut être définie comme « un processus dynamique résultant en une adaptation positive, malgré le fait d’avoir vécu une expérience significative de traumatisme ou d’adversité » (p. 384). Ils définissent la résilience à partir de deux dimensions qui s’interinfluencent, soit l’exposition à l’adversité et l’adaptation positive. L’exposition à l’adversité réfère à des facteurs de risque sur les plans génétique, biologique, psychologique ou socioéconomique, tandis que l’adaptation positive peut être définie par la manifestation de certaines compétences ou, dans le cadre scolaire, par une adaptation réussie en milieu scolaire. Dans le cas de l’intimidation, les élèves qui en sont victimes sont susceptibles de subir les contrecoups des facteurs de risque associés à cette problématique. Cependant, certains d’entre eux parviennent à surmonter cette épreuve et à atteindre une adaptation positive en poursuivant leur parcours scolaire, démontrant ainsi une adaptation réussie. La résilience peut également être définie comme étant la capacité à « rebondir à la suite d’une tragédie, d’un traumatisme, d’un risque ou d’un stress en ayant des conditions propres à la résilience dans sa vie » (Henderson, 2002, p. 1). La résilience fait donc référence à la différence qui existe quant à la façon dont les individus répondent au stress 37 ou à l’adversité. Les individus dits résilients répondent de façon plus positive à ce type de situations (Rutter, 1987, p. 316). Dans le cadre de cette recherche, la définition de Schoon et coll. (2004) fera office de référence. L’exposition à l’adversité réfère au fait d’avoir subi de l’intimidation à l’école secondaire, alors que l’adaptation positive réfère à la poursuite d’un parcours scolaire réussi chez ces élèves. 2.3 Présentation des objectifs de recherche À la lumière de la définition de ces concepts théoriques, notre recherche qualitative descriptive sous-tend trois objectifs spécifiques : 1) Comprendre l’incidence de l’intimidation sur le plan de carrière des jeunes qui en ont été victimes au secondaire. 2) Explorer les liens possibles entre le vécu d'intimidé et les aspirations aux études postsecondaires. 3) Explorer dans quelle mesure le fait d’avoir vécu de l’intimidation à l’école secondaire affecte la construction identitaire des étudiants universitaires. 38 Chapitre 3 : Méthodologie Ce chapitre portera sur les considérations méthodologiques de l’étude. L’orientation méthodologique privilégiée, la recherche qualitative, sera d’abord discutée et justifiée au regard des objectifs de recherche. Puis, la population ciblée, l’échantillonnage et le recrutement des participants seront présentés. La méthode de collecte de données choisie, l’entrevue, sera ensuite exposée. Pour terminer, l’analyse des données sera abordée. 3.1 L’orientation méthodologique privilégiée : la recherche qualitative Plusieurs études se sont intéressées à l’intimidation, mais peu d’entre elles ont emprunté un angle qualitatif pour en faire l’analyse. L’orientation méthodologique choisie permettra ainsi d’explorer ce phénomène sous de nouveaux angles. La recherche qualitative repose sur un paradigme naturaliste qui oriente la façon qu’a le chercheur de concevoir la recherche. Selon ce paradigme, « la réalité est multiple et se découvre au cours d’une démarche dynamique qui consiste à interagir avec les individus dans l’environnement et dont résulte une connaissance relative ou contextuelle » (Fortin, Côté & Filion, 2006, p. 21). Un postulat inhérent à cette définition est que la personne rencontrée est en mesure de donner un sens à ses expériences de vie. Ainsi, mener une recherche qualitative vise à mettre en lumière la signification accordée à un phénomène par les personnes concernées (Fortin et coll., 2006), ou autrement dit à « pénétrer la signification des paroles ou des comportements des individus placés dans différentes situations non provoquées » (Benoliel, 1984, p. 233). Une grande place est alors accordée à l’expérience subjective des participants. Ces expériences doivent se dérouler en contexte naturel et non contrôlé, ce qui constitue d’ailleurs l’un des critères distinctifs de la recherche qualitative (Deslauriers & Kérisit, 1997a). Finalement, la présente recherche s’inscrit dans une approche de recherche dite phénoménologique, ce qui signifie qu’elle s’intéresse au sens que donnent les participants à leur expérience (Fortin et coll., 2006, p. 29). 39 L’objet de recherche sera centré sur la façon dont les participants perçoivent l’effet qu’a pu avoir l’intimidation sur leur propre parcours scolaire. Sur un plan phénoménologique et constructiviste, le terme effet réfère à ce qui succède l’épisode d’intimidation, et sa portée est considérée d’un point de vue diachronique. Il n’est donc pas question de relation de cause à effet. Dans ce contexte, les perceptions des participants et le sens qu’ils accordent à leur expérience deviennent centraux à la construction de nouveaux savoirs (Fortin et coll., 2006). La nouvelle connaissance qui est souhaitée est donc relative au contexte dans lequel se trouve la personne. On s’intéresse à la façon dont celle-ci a vécu une expérience bien précise, ce qui permet d’orienter la recherche vers « une compréhension totale du phénomène étudié » (Fortin et coll., 2006, p. 22) plutôt que vers une généralisation des expériences. Selon Marshall et Rossman (1989), la méthodologie qualitative est particulièrement utile lorsque l’on cherche à approfondir un phénomène ou un processus présentant un niveau élevé de complexité, ou lorsque peu de connaissances sont disponibles sur le sujet d’étude. Étant donné que cette recherche vise à explorer un phénomène peu étudié et d’une complexité apparente en raison des multiples facteurs en jeu, la méthodologie qualitative apparait tout à fait appropriée. La recherche qualitative peut être soit descriptive ou exploratoire. La recherche exploratoire vise à examiner une question bien précise à laquelle la recherche quantitative ne pourrait répondre en raison de l’angle d’analyse choisi, tandis que la recherche descriptive a pour but de décrire une situation d’intérêt (Deslauriers & Kérisit, 1997a). Dans ce cas-ci, une recherche exploratoire sera menée, en raison de la place qui est accordée à l’expérience subjective des participants pour répondre à la question de recherche. Comme le mentionnent Deslauriers et Kérisit (1997a), « une recherche qualitative de nature exploratoire permet de se familiariser avec les gens et leurs préoccupations » (p. 88), ce qui concorde directement avec la visée de la présente étude, soit d’examiner l’effet perçu de l’intimidation sur le parcours scolaire des d’étudiants ayant été victimes d’intimidation. 40 3.2 La population ciblée et les critères de sélection des participants La population visée se compose d’étudiants universitaires québécois qui ont vécu un épisode d’intimidation, à titre de victimes, à l’école secondaire. Ce choix de population a permis de s’intéresser à un groupe auquel peu d’études se sont intéressées jusqu’à maintenant, soit les gens qui ont vécu un épisode d’intimidation, mais qui parviennent à poursuivre des études universitaires. Alors que plusieurs études mettent en évidence que les élèves victimes d’intimidation sont plus sujets à être confrontés à des contrecoups négatifs sur leurs parcours scolaire tels que la chute des résultats scolaires ou le décrochage, les résultats de l’étude de Roberge (2008) sont tout autres. Cette chercheure a mis en lumière que la plupart de ses participants (huit des 10 participants rencontrés) avaient poursuivi leur cheminement scolaire jusqu’à l’obtention d’un diplôme post-secondaire. S’intéresser à la population universitaire semble donc être pertinent pour développer l’avenue de recherche mise en lumière par Roberge (2008). De plus, les étudiants universitaires disposent d’un recul plus grand que les adolescents qui sont directement confrontés à l’intimidation, ce qui leur permet d’avoir une meilleure vision d’ensemble de leur parcours scolaire et de la place que l’intimidation y a occupée. Par ailleurs, bien que les cégépiens aient également pu faire partie de cette population, le choix a été de privilégier les universitaires dans un souci d’homogénéisation (Pires, 1997). À partir de cette population cible, un échantillon non-probabiliste par choix raisonné a été constitué (Deslauriers & Kérisit, 1997a; Pires, 1997). L’échantillon non-probabiliste se base sur des caractéristiques précises de l’objet d’étude afin d’établir des critères pour la sélection des participants (Deslauriers & Kérisit, 1997a). Dans le cadre de cette recherche, le premier critère est d’avoir subi un épisode d’intimidation à l’école secondaire. Pour bien définir le concept d’intimidation sur les plans méthodologiques et théoriques, il faut s’intéresser à la fréquence à partir de laquelle les élèves qui ont subi des manifestations de ce phénomène sont considérés comme des victimes. L’étude de Solberg et Olweus (2003) est éclairante à ce sujet. Ces auteurs ont mené une étude auprès de 5 171 étudiants provenant de 37 écoles norvégiennes afin de comparer trois points décisionnels qui peuvent servir à délimiter l’intimidation à partir de la fréquence des actions commises. Les élèves 41 interrogés avaient entre 11 et 15 ans. Ces âges concordent avec les jeunes de l’école secondaire au Québec. En se basant sur des analyses empiriques et des arguments conceptuels, il en est ressorti que le point décisionnel le plus approprié et le plus significatif serait « de deux à trois fois par mois », au cours des mois précédents. Ainsi, les auteurs soutiennent que cette fréquence serait « un seuil raisonnable et utile pour classifier les filles et les garçons âgés entre 10 et 16 ans comme étant des victimes et/ou des intimidateurs dans le but d’estimer un taux de prévalence » (traduction libre, p.263). Ici, le seuil « de deux à trois fois par mois » sur une période ayant duré plus d’un mois sera utilisé comme critère afin de s’assurer que les participants aient subi de l’intimidation à une fréquence reconnue corroborée par le corpus scientifique. Par ailleurs, pour contrer la polysémie du concept d’intimidation, Smith et coll. (2002) suggèrent de recueillir de l’information à propos de gestes ou de situations en particulier au lieu d’utiliser le terme « intimidation » de façon globale. À partir de cette proposition, des critères pour définir l’intimidation scolaire ont été établis, plutôt que de se contenter d’utiliser le terme dans sa globalité. Ces critères ont été intégrés aux outils de recrutement et vérifiés au tout début de l’entretien. À la lumière de ces nuances et du chapitre théorique qui précède, les critères utilisés dans le cadre de cette étude pour définir l’intimidation scolaire sont : 1/ Que l’intimidation ait été vécue en milieu scolaire : en classe, à l’école ou sur le chemin de l’école (Institut de la statistique du Québec, 2012); 2/ Que les gestes d’intimidation aient été posés de façon répétitive et à une fréquence minimale de deux à trois fois par mois pendant une période ayant duré plus d’un mois (Solberg & Olweus, 2003); 3/ Qu’une inégalité ait existé dans le rapport de force ou de pouvoir entre la victime et l’agresseur, sur le plan physique, psychologique ou en raison du statut de l’une ou l’autre des personnes impliquées (Smith & Sharp, 2006); 42 4/ Que les comportements d’intimidation aient eu pour effet d'engendrer des sentiments de détresse chez la victime (Éditeur officiel du Québec, 2013). Les critères d’inclusion sont donc « d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire », en concordance avec les aspects nommés ci-haut, et « d’étudier à l’université ». Les critères d’exclusion sont « de ne pas répondre à cette définition de l’intimidation » ou « de ne pas poursuivre des études universitaires au moment de la collecte de données ». Le sexe des participants a également été consigné afin de tenter de représenter l’ensemble de la population universitaire, mais ne constitue pas un critère en soi. Le nombre de participants a été défini en fonction d’une règle intermédiaire (Savoie-Zjac, 2009). Un nombre initial de participants a été proposé au départ, mais il a été confirmé en cours de route en fonction de la saturation empirique des données. Selon Pires (1997), « [la] saturation empirique désigne […] le phénomène par lequel le chercheur juge que les derniers documents, entrevues ou observations n’apportent plus d’informations suffisamment nouvelles ou différentes pour justifier une augmentation du matériel empirique » (p. 67). Cette façon de faire permet d’assurer un corpus de données suffisant et satisfaisant au point de vue de l’analyse. Dans ce cas-ci, le nombre initial de participants a été établi à 15. En effet, pour ce type de recherche, Kvale (1996) suggère un échantillon de 10 à 15 personnes, ce qui correspond à l’ordre de grandeur généralement observé au sein de la communauté scientifique. 3.3 Le recrutement Le recrutement des participants a été effectué par voie électronique. Le principal mode de recrutement était l’utilisation de la liste d’envoi de courriers électroniques afin de rejoindre l’ensemble de la communauté universitaire (voir annexe B). Une annonce a aussi été affichée sur le réseau social Facebook (voir annexe C). Cependant, afin d'assurer la confidentialité sur les réseaux sociaux, les personnes intéressées ont été invitées à contacter 43 la chercheure uniquement via les coordonnées indiquées sur l'annonce, tel que suggéré par le Comité d’éthique et de la recherche de l’Université Laval.1 Une tournée des classes ainsi que l’installation d’affiches sur le campus avaient également été envisagées, sans toutefois être mises en œuvre étant donné que l’échantillon s’est composé rapidement via les modes de recrutement électroniques. 3.4 Les caractéristiques des participants À la suite du recrutement, un échantillon composé de 18 participants a été retenu pour l’analyse. Quinze entrevues ont d’abord été menées, comme le suggère l’ordre de grandeur défini par Kvale (1996). La saturation des données n’a commencé à être observée qu’après 16 entrevues. Deux entrevues supplémentaires ont tout de même été menées afin de s’assurer que ces nouveaux matériaux de recherche n’apportaient plus de nouvel éclairage théorique. Les caractéristiques des participants qui composent l’échantillon (n=18) sont présentées dans le tableau 1. Ces informations ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire préentrevue (annexe D), qui était rempli par tous les participants juste avant l’entretien de recherche. Au total, 14 femmes et 4 hommes composent l’échantillon. L’âge des participants variait entre 20 et 36 ans au moment des entrevues, qui ont eu lieu au cours des mois de novembre et décembre 2014. L’âge moyen des participants était de 24,7 ans. Les participants ont tous vécu de l’intimidation à l’école secondaire, mais à des moments différents. La durée de l’intimidation varie également pour chacun des participants. Toutefois, dans l’ensemble, la majorité des participants (n=17) ont subi de l’intimidation pendant plus d’une année. Un peu moins du tiers d’entre eux (n=5) ont déclaré avoir interrompu leurs études, pendant une période variant entre 12 et 30 mois. L’une de ces personnes n’a toutefois pas mentionné la durée de cette interruption. 1 Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval : No d’approbation 2014-214 / 14-10-2014 44 Tableau 1: Caractéristiques des participants Participant(e) Sexe Âge 23 Période où l’intimidation a été vécue Sec. 1 à 5 Interruption d’études (durée, s’il y a lieu) Non 1 F 2 F 35 Sec. 1 à 4 3 F 24 Sec. 1 à 4 Oui (durée nonspécifiée) Non 4 F 26 Sec. 4-5 Non 5 M 36 Sec. 1 à 3 Non 6 F 20 Sec. 1 à 3 Non 7 F 27 Sec. 1 à 5 Non 8 F 22 Non 9 M 20 Sec. 1-2 et sec. 45 Sec. 1 à 5 10 F 20 Sec. 3 à 5 Non 11 M 23 Sec. 1 à 5 Oui (24 mois) 12 F 25 Sec. 1 Non 13 F 22 Sec. 4-5 Oui (12 mois) 14 F 29 Sec. 2-3 Oui (24 mois) 15 F 20 Sec. 2-3 Non 16 M 27 Sec. 1 à 5 Oui (30 mois) 17 F 21 Sec. 1 à 5 Non 18 F 26 Sec. 1-2 et sec. 5 Non 45 Non Les participants sont issus d’une variété de programmes d’études des domaines des sciences humaines et sociales ainsi que des arts et lettres. Seulement deux d’entre eux ont une origine ethnoculturelle autre que québécoise. 3.5 La méthode de collecte de données La méthode de collecte de données utilisée a été les entrevues individuelles semi-dirigées en face à face, d’une durée approximative de 90 minutes. Ce type d’entrevue s’appuie sur la définition de Savoie-Zajc (2009), qui la décrit comme étant : « [u]ne interaction verbale animée de façon souple par le chercheur. Celui-ci se laissera guider par le rythme et le contenu unique de l’échange dans le but d’aborder, sur un mode qui ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux qu’il souhaite explorer avec le participant à la recherche » (p. 340). Dans la conception de Savoie-Zajc (2009), qui a été adoptée pour cette étude, l’entrevue de recherche sous-entend que chacun des acteurs détient un savoir d’expertise particulier. Le chercheur détient une expertise quant au processus de recherche, tandis que le participant détient une expertise quant aux expériences de vie pertinentes au sujet de recherche. L’entrevue a donc été réalisée de façon à mettre au premier plan le savoir d’expérience du participant ou de la participante, de façon à atteindre les objectifs visés. Un autre aspect qui a fait pencher le choix vers l’entrevue semi-dirigée est que l’un de ses buts est « de rendre explicite le monde de l’autre » (Savoie-Zajc, 2009, p. 343). Comme cette recherche s’intéresse à rendre explicite les liens qui peuvent exister entre le parcours scolaire et le fait d’être victime d’intimidation, il s’agit d’une méthode tout à fait appropriée. L’étude vise également à identifier des « liens entre des comportements antérieurs et le présent » (Savoie-Zajc, 2009, p. 343), c’est-à-dire de comprendre comment la personne a pu moduler son expérience antérieure d’intimidation afin d’en arriver à entreprendre des études universitaires aujourd’hui. En accord avec cette visée, l’entrevue s’est composée de questions ouvertes afin de « faire ressortir les points de vue des participants et d’avoir une idée plus précise de ce qui 46 constitue leur expérience » (Fortin et coll., 2006, p. 241). De plus, elle s’est inspirée de l’approche biographique du récit de vie en orientation de Francequin (2004). L’approche biographique peut se définir comme « un dialogue, un partage dans la production de la connaissance entre le sujet-acteur producteur de sens et un accompagnateur », dans ce casci la chercheure (Mercier & Rhéaume, 2007, p. 92). Dans cette optique, le récit de vie peut être décrit comme une démarche « pour tenter de découvrir la réalité sociale et comprendre la personne qui accepte de raconter des tranches de sa vie » (Francequin, 2004, p. 21). À propos des parcours de résilience étudiés sous cet angle (Gayet, 2007) affirme que : « Si nous suivons de plus près la trajectoire d’un sujet dit résilient, par exemple au travers d’un récit de vie, sa réussite nous apparait déjà moins mystérieuse. Nous découvrons ou soupçonnons des facteurs et des événements qui contrebalancent les éléments négatifs que nous aurions pu recenser. Et c’est ainsi que rétrospectivement la réussite ne nous parait plus aussi étrange dès lors que nous progressons dans la découverte des circonstances ayant aidé le sujet à surmonter son adversité » (p. 43). Le récit de vie nous permettra de mieux saisir les facteurs de protection qui ont permis aux participants de poursuivre leur parcours scolaire en dépit de leur vécu d’intimidation. Ainsi, il sera possible de mieux comprendre leur réussite, en ayant accès aux facteurs et aux évènements qui ont pu contrebalancer les répercussions négatives de leur vécu d’intimidé. D’abord utilisée dans le champ de la sociologie, l’approche biographique s’applique maintenant à plusieurs disciplines, dont la psychologie de l’orientation. La méthode du récit de vie a notamment été appliquée dans le domaine de l’intervention en orientation auprès des élèves du secondaire et avec les jeunes en difficulté (Francequin, 2004). Cette méthode semble particulièrement adaptée afin d’étudier la compréhension qu’a la personne de son propre parcours scolaire au regard de l’intimidation. Trois éléments distinctifs peuvent caractériser l’approche biographique, soit une narration, une temporalité biographique et une recherche de mise de sens (Mercier & Rhéaume, 2007, p. 93). La narration réfère à la capacité du participant de se raconter dans le cadre de l’entrevue de recherche. Dans ce cas-ci, il s’est raconté à l’oral, guidé par les questions de 47 la chercheure. La temporalité biographique se caractérise par les repères temporels qui encadrent le vécu de la personne, sur les plans individuel et sociétal. Finalement, l’entrevue de recherche qui s’inscrit dans l’approche biographique favorise une recherche de mise de sens de son expérience chez le participant. En se basant sur les principes d’une entrevue semi-dirigée s’inscrivant dans l’approche biographique du récit de vie, un guide d’entrevue (annexe F) a été rédigé. Ce guide s’appuie sur les trois moments-clés proposés par Savoie-Zajc (2009), soit « l’ouverture, l’entrevue proprement dite et la clôture » (p.351). Les entrevues ont débuté par l’accueil du participant ou de la participante. Ce premier contact était le moment de faire connaissance et de mettre la personne à l’aise, en plus de la situer au regard de la recherche et des objectifs de l’entrevue. Les éléments relatifs à la confidentialité et le formulaire de consentement étaient également présentés. Puis, le participant ou la participante était invité à remplir le formulaire « Profil du participant » (annexe E). Ensuite, l’entrevue proprement dite s’ouvrait sur une question de départ inspirée de l’approche du récit de vie, soit « Est-ce que tu peux me raconter ton parcours scolaire, depuis le primaire jusqu’à aujourd’hui? ». Le fait d’amorcer l’entrevue par une question d’ordre descriptif a permis d’introduire les questions de clarification de manière plus naturelle, dans le prolongement de la question de départ. Ce choix méthodologique permet également au sujet de se remettre en tête « un ensemble de facteurs lui permettant de faire des liens, des critiques, des synthèses au regard d’une expérience de vie […] particulière » (Savoie-Zajc, 2009, p. 354). Ensuite, le corps de l’entrevue a été construit à partir de trois grands thèmes, soit 1/ la description de l’incidence de l’intimidation sur le parcours scolaire, 2/ la description de l’incidence de l’intimidation sur l’identité et 3/ la résilience. Les questions relatives à chacun de ces grands thèmes se retrouvent dans le guide d’entrevue en annexe, et permettaient d’orienter la discussion vers l’objet d’étude. De plus, les questions étaient, dans la mesure du possible, « ouvertes, courtes, neutres et pertinentes » (Savoie-Zjac, 2009, p. 352). Une période de clôture était également prévue. Cette étape permettait de voir ce que le participant a retenu de l’entrevue et comment s’est déroulé son expérience. Les coordonnées d’une ressource de soutien psychologique appropriée, au cas où les participants auraient revécu des 48 souvenirs douloureux ou des émotions négatives laissées par l'intimidation, étaient également remises. Selon les recommandations de Deslauriers et Kérisit (1997), deux critères assuraient la validité du guide d’entrevue. Le premier visait à établir si l’instrument, dans ce cas-ci le guide d’entrevue, permettait d’aller chercher les informations voulues. Ce critère a été validé en prétestant le guide d’entrevue (Aktouf, 1992) auprès de trois étudiants universitaires. Le prétest s’intéressait aux informations que les questions du guide permettaient d’aller recueillir chez les participants, en plus de valider la compréhension des questions chez ces derniers. Le guide d’entrevue a ensuite été révisé pour en arriver à sa forme actuelle. Le deuxième critère, quant à lui, réfère à l’efficacité de l’instrument en question, notamment sur les plans du coût, de l’accessibilité et du temps qu’il demande (Deslauriers & Kérisit, 1997a, p. 97). Dans le cadre de la présente étude, tous ces critères sont satisfaits au regard des moyens et du temps disponibles. 3.5 L’analyse des données À la suite des entretiens de recherche, un corpus de données qualitatives regroupant 18 récits enregistrés sur bande audio a été bâti. En recherche qualitative, « l’étape de l’analyse consiste à trouver un sens aux données recueillies et à démontrer comment elles répondent à la question de recherche que le chercheur a formulée progressivement » (Deslauriers & Kérisit, 1997b, p. 99). Ainsi, en se basant sur la question de recherche et les objectifs, le sens que le vécu d’intimidé a revêtu pour les participants au regard de la poursuite de leur parcours scolaire et la façon dont cela s’est modulé pour eux sur le plan de la construction de leur identité ont été étudiés. Pour dégager ce sens, les données recueillies ont été ordonnées et suffisamment approfondies pour avoir accès à la signification des propos que les participants ont confiés (Fortin et coll., & 2006). 49 La première étape a été de retranscrire les entretiens en verbatim, et une lecture flottante (Binet & Shérif, 1992; Deslauriers & Kérisit, 1997b) a permis de s’imprégner de la signification globale des récits rapportés (Binet & Shérif, 1992). L’analyse s’est ensuite amorcée avec la codification des données, en s’appuyant sur le principe de condensation des données. Miles et Huberman (2010) décrivent ce principe comme étant « une forme d’analyse qui consiste à élaguer, trier, distinguer, rejeter et analyser les données de telle sorte qu’on puisse en tirer des conclusions « finales » et les vérifier » (p. 29). Étant donné que la collecte de données a été inspirée de l’approche du récit de vie dans la collecte de données, une analyse « entretien par entretien » (Blanchet & Gotman, 2007) a été privilégiée. Il s’agit d’analyser un par un chacun des récits afin de conserver les données dans leur contexte et ainsi préserver le sens de chacun des parcours étudié. Selon Bertaux (1980), « l’analyse approfondie de chaque récit est indispensable » lorsqu’il est question d’étudier des récits de vie (p. 214). Pour ce faire, chacun des entretiens a d’abord été codifié de façon systématique, à l’aide du logiciel d’analyse qualitative QRS NVivo. Une codification descriptive a été réalisée, ce qui a permis d’attribuer « une classe de phénomène à un segment de texte » sans toutefois tomber dans l’interprétation (Miles & Huberman, 2010, p. 113). Un livre de codes a été élaboré en concordance avec la question de recherche et les objectifs poursuivis, tout en tenant compte des thèmes récurrents qui ont été observés par la chercheure lors des entrevues. Les codes utilisés étaient, par exemple : « Forme d’intimidation vécue » (verbale, physique, relationnelle), « Aspirations aux études post-secondaires » (effet positif de l’intimidation, effet négatif de l’intimidation, sans effet), etc. Ce livre de codes (annexe G) a été intégré au logiciel NVivo, et chacun des entretiens a été codifié à partir de cette même liste. En cours d’analyse, la chercheure a également laissé place à l’émergence de nouvelles catégories de codes afin d’être en mesure de codifier tous les éléments qui semblaient significatifs dans le récit de chacun des participants. Cette étape d’analyse a permis de « trier les données recueillies de manière à ce que le matériel portant sur un sujet donné puisse être séparé des autres données non pertinentes » (Fortin et coll., 2006, p. 460). 50 Une fois chaque récit analysé individuellement et de façon approfondie, les récits devaient être travaillés dans leur ensemble (Binet & Shérif, 1992) afin d’arriver à des résultats intelligibles et porteurs de sens. Pour ce faire, la chercheure a choisi d’opter pour le regroupement de données. À l’instar de Pilote et Garneau (2011), une fiche-synthèse a été rédigée pour chacun des récits, à partir des données analysées. Les moments-clés du parcours ainsi que les répercussions de l’intimidation sur celui-ci ont été répertoriés pour chacun. Les données ont ensuite été examinées de manière à « mieux comprendre le phénomène en regroupant, puis en conceptualisant les objets représentants des patterns ou caractéristiques similaires » (Miles & Huberman, 2010, p. 445). Autrement dit, à partir des données analysées dans chacun des entretiens, une attention a été portée aux processus, aux parcours ou aux thèmes qui se recoupaient à travers les récits. La chercheure a ainsi pu regrouper les parcours des participants dans des catégories émergentes, qui ont résulté d’une mise en commun entre les données recueillies et les considérations théoriques sur lesquelles repose cette étude (Miles & Huberman, 2010). Le processus d’analyse s’est donc traduit en un processus itératif qui a établi des liens entre les données récoltées, le cadre conceptuel retenu et les récurrences observées. Cette démarche a permis d’arriver à une typologie provisoire, mais également à une description de l’incidence de l’intimidation sur chacune des sphères étudiées. Tout au long de cette étape d’analyse, une considération importante a été portée afin de ne forcer aucune catégorie; l’objectif étant de maintenir le sens de chaque récit tout en nous permettant d’arriver à des regroupements « où l’on atteint des niveaux plus élevés d’abstraction » (Miles & Huberman, 2010, p. 447). Ce processus s’est poursuivi jusqu’à ce que la chercheure sente que la représentation des parcours relatifs au vécu d’intimité des participants était « stabilisée » au travers de chacun des regroupements proposés (Bertaux, 1980), et que la typologie proposée était significative et porteuse de sens au regard des récits étudiés. 51 Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats Ce chapitre présentera les résultats du mémoire. En premier lieu, une typologie descriptive qui rend compte des trois types de parcours ayant été observés sera présentée. Puis, les éléments descriptifs recensés et analysés au regard de la question de recherche et des objectifs seront présentés sous quatre catégories, soit 1/ la description exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur la persévérance scolaire et l’aspiration aux études postsecondaires, 2/ la description exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur le choix de carrière, 3/ la description exploratoire de l’incidence de l’intimidation sur la construction identitaire et 4/ le développement de la résilience. Certaines de ces répercussions sont communes à tous les types de parcours, d’où l’intérêt de présenter d’abord la catégorisation et ensuite chacune des sous-sections. Des nuances à propos des liens observés seront ainsi apportées au regard des différents types de parcours identifiés dans notre typologie. 4.1 Une typologie descriptive Dans le cadre des entretiens de recherche, chacun des participants était invité à raconter son parcours scolaire dans son ensemble. La question d’amorce des entrevues était la suivante : Est-ce que tu peux me raconter ton parcours scolaire, depuis le primaire jusqu’à aujourd’hui? Par la suite, trois blocs de questions permettaient d’approfondir les aspects traitant des liens entre l’intimidation et le parcours scolaire, l’identité et la résilience. Cette façon de procéder a permis de recueillir une vision d’ensemble du parcours scolaire de la personne, tout en abordant les aspects de son cheminement personnel et professionnel qui étaient complémentaires et significatifs à la façon dont son parcours s’est modulé à la suite de son vécu d’intimidation. Trois types de parcours ont pu être dégagés afin de bâtir une typologie, soit : les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, les parcours axés sur la transition et les parcours axés sur la réussite. Il importe de mentionner que tous les étudiants rencontrés ont fait preuve de résilience en accédant à des études universitaires après avoir vécu cette expérience. Par ailleurs, le type d’intimidation, sa durée et le sexe des participants ont été considérés dans notre analyse. Aucune tendance ne s’est dégagée à cet égard. Par exemple, le fait de subir de l’intimidation sur une plus longue période 52 n’amenait pas nécessairement la personne à en subir les contrecoups à long terme sur son parcours. Inversement, le fait de subir de l’intimidation sur une plus courte période n’a pas toujours permis à la personne de se servir de cette expérience comme moteur pour aller plus loin dans son cheminement scolaire. 4.1.1 Les parcours où la persévérance scolaire a été compromise Dans les cinq parcours qui composent cette première catégorie, on remarque que l’intimidation a agi comme un frein à la poursuite du parcours scolaire des étudiants rencontrés. L’intimidation a ainsi eu des répercussions importantes et à long terme sur la persévérance scolaire et le choix de carrière des participants. Ces obstacles ne les ont toutefois pas empêchés d’accéder à des études post-secondaires, mais leur parcours comportait plus de défis : « […] d’essayer de se rendre à l’université quand tu as vécu ça…de pouvoir suivre un chemin, c’est difficile, parce que tu as souvent…tu as des étapes à surmonter, tu as des fois des embûches, tu as des marches qui sont plus dures à monter, tu as des beaux bouts, tu as des bons bouts, mais tu en as des mauvais, des moins bons. Pis des fois ce qui arrive ben tu as beaucoup de découragement. Des fois c’est dur, mais un moment donné tu te dis bon, regarde, je vais continuer. […] Mais on est tellement atteignables négativement… » Pour reprendre l’analogie de l’un des participants: « Au lieu de prendre l’autoroute, ben on va peut-être prendre notre chemin de campagne, le rang et le chemin de bouette, mais on va y arriver pareille. » Ces parcours mettent toutefois en lumière des répercussions liées à l’intimidation qui sont encore présentes à ce jour, tant sur le plan scolaire que professionnel : « Je suis encore jeune, j’ai juste XX ans, mais je veux dire, j’ai pas envie que ça me bouffe ma vie encore longtemps, je sais pas, je devrais, je veux dire, je devrais avoir plus confiance en moi, je devrais avoir plein de projets ». 53 « Oui ça joue encore souvent. Il y a des choses que je m’arrête encore de faire parce que je sens que je ne serais pas capable ». En somme, les répercussions de l’intimidation sont importantes et rendent plus difficile la poursuite d’un parcours scolaire et professionnel sain et positif, sans toutefois empêcher la réalisation de celui-ci. 4.1.2 Les parcours axés sur la transition Cette deuxième catégorie regroupe six des dix-huit entrevues. Ces récits laissent également entrevoir que l’intimidation a pu avoir une incidence négative sur la persévérance scolaire et le choix de carrière des élèves, tout comme pour la catégorie précédente. Cependant, dans ce cas-ci, les répercussions n’ont pas perduré à long terme. Pour la plupart, les manifestations ont cessé lorsque les élèves ont quitté le secondaire et qu’ils sont entrés au cégep : « Mais moi je l’ai vraiment vu comme un nouveau, ma nouvelle vie, tsé, Il y a tellement de points positifs que j’associe à [la ville où se situe le cégep], parce que, je suis arrivée au cégep […]. C’était vraiment, ça mettait un décalage […]. [C’était] plus l’idée de détachement, que je suis correcte avec ça maintenant. » « […] pis c’est la minute ou je suis rentrée au cégep que là j’ai changé d’environnement vraiment, complètement, pis là j’ai comme appris que j’avais une voix, que j’étais une personne, que je pouvais avoir des vrais amis, que j’avais le droit d’être moi-même et qu’il y avait des gens pour m’accepter pis y’en avait d’autres qui peuvent ne pas m’accepter, mais tsé c’est pas grave. Fait que, à partir du cégep, ça a mieux été. » Pour d’autres, ces manifestations ont cessé lorsque le contexte scolaire a changé, comme lors d’un changement de parcours de formation ou d’un changement d’école : « Ben en fait j’avais vraiment envie de tout arrêter, et c’est uniquement quand j’ai changé de parcours et que j’ai eu d’excellents professeurs, c’est eux qui m’ont donné envie de continuer. [C’est] ce qui m’a fait comprendre que je n’étais peut-être pas rien sur terre et c’est à partir de là que tout a changé. » « Ben juste le fait d’avoir changé d’école justement je me faisais pu écœurer et le désir d’avoir des bonnes notes justement, d’avoir un futur […]. Avoir été dans un 54 autre domaine, dans une autre école, mais avec du monde où j’étais acceptée […]. J’avais des bonnes notes pis justement, ça m’a donné envie d’aller au cégep pis d’intervenir auprès des gens plus démunis. » Il est possible de postuler qu’il s’agit de manifestations liés au contexte, car une fois que ces étudiants ont changé d’environnement, les manifestations se sont estompées ou ont disparues. Bref, on peut parler d’une transition dans leur parcours, qui leur a permis de tourner la page, d’aller de l’avant et de se bâtir une vision d’avenir et de nouveaux projets. 4.1.3 Les parcours axés sur la réussite Les sept derniers parcours ont en commun que l’intimidation a en quelque sorte agi à titre de déclencheur pour la poursuite d’un parcours scolaire positif. Certaines manifestations plus négatives ont tout de même été relatées par les participants, mais ils se sont servis de cette expérience pour pousser leur parcours scolaire plus loin et montrer ce qu’ils valaient réellement : « Ben c’est certain que si j’ai persévéré c’est parce que j’ai, j’ai toujours, tsé je te disais je voulais être meilleure que les autres […] je voulais toujours me surpasser, tsé voir jusqu’où j’étais capable d’aller. Tsé c’est pour ça que je suis au bacc., je vise la maitrise, si je suis capable je veux faire un doctorat tsé, fait que j’ai toujours voulu aller plus loin pour me monter que j’étais capable. » « Mon parcours d’intimidation et d’autres évènements personnels ont fait en sorte que je me suis sentie vraiment responsable pis de moi, mais aussi de vouloir le bien des autres, de vouloir l’avancement, de vouloir quelque chose de meilleur, la performance évidemment au plan académique, comme pour, probablement pour compenser en fait le manque d’estime de moi que j’avais, plus intérieur. Donc d’avoir des bonnes notes c’est sûr que ça renforce. » « Je suis assez têtue, donc le fait de, justement me faire rabaisser, [de] me faire dire que tu n’es vraiment pas fine pis t’es conne, ça m’a donné encore plus le goût de m’impliquer partout pis de…regarde, tout le monde autour trouve que je suis super impliquée, pis je fais ce que j’ai à faire, je suis bonne à l’école. » 55 Par ailleurs, ces étudiants voyaient l’intimidation comme une période difficile, mais temporaire. Ils savaient qu’il y aurait une fin, et cela n’a pas remis en question leur valeur en tant qu’individu : « Je dirais aussi ben tsé, au niveau personnalité, au niveau prédisposition entre guillemets, que je suis quand même quelqu’un qui est curieuse, qui est brillante, tsé qui aiment les gens veut veut pas, ça m’a amené dans des contextes justement ou j’ai pu rester avec une meilleure estime de moi dans ces moments-là fait que quand je vivais de l’intimidation, je savais que j’avais un dur temps à passer, mais qu’ailleurs ça allait bien. » « […] pis dire, je sais que fondamentalement je vaux quelque chose et je sais que c’est juste un bout qui est plus difficile pour moi. » Ils ont aussi eu tendance à se positionner de façon à ce que l’intimidation ne les empêche pas de poursuivre leur cheminement, tant sur le plan scolaire que personnel : « Tsé oui moi je sais que j’ai vécu quelque chose de difficile, mais, je [ne] voulais pas que ça m’empêche de vivre, d’avancer. » « Je le sais pas, tsé j’ai l’impression que je ne réagis pas comme les autres victimes, j’ai l’impression qu’il y en a beaucoup qui vont rester enfermé là-dedans, [… ], mais on dirait que je ne me suis jamais considéré comme une victime en tant que tel […]. J’ai comme pas voulu vivre en fonction de ça non plus. » Dans les parcours de ces étudiants, subir de l’intimidation a donc favorisé une plus grande implication sur le plan scolaire, et cette problématique était vue par les étudiants comme une période délimitée dans le temps, qui ne les empêcherait pas d’atteindre leurs buts et de poursuivre leur cheminement. Les trois types de parcours sont résumés dans le tableau suivant : 56 Tableau 2: Les types de parcours recensés Types de parcours Parcours où la persévérance scolaire a été compromise Parcours axé sur la transition Parcours axé sur la réussite Brève description L’intimidation a agi à titre de frein pour la poursuite d’un parcours scolaire positif. Les répercussions de l’intimidation sont demeurées contextuelles, et une transition a permis à la personne de recommencer à neuf et d’en minimiser les conséquences pour la suite du parcours. L’intimidation a agi à titre de déclencheur pour que la personne s’investisse davantage sur les plans scolaire et professionnel et poursuive un parcours positif. Nombre de participants 5 6 7 4.2 Les répercussions sur la persévérance scolaire et l’aspiration aux études post-secondaires La typologie présentée ci-haut a permis de mettre en lumière trois façons dont l’intimidation peut moduler le parcours scolaire et professionnel des élèves qui la subissent. Malgré cette diversité, on remarque des points communs à chacun de ces types de parcours. Les répercussions quant à la persévérance scolaire et à l’aspiration aux études postsecondaires ont été observées dans chacun des types de parcours, mais à différents niveaux. 57 4.2.1 L’aspiration aux études post-secondaires D’entrée de jeu, on constate que l’intimidation a eu très peu d’influence sur l’aspiration aux études post-secondaires des participants, et ce, sans égard au type de parcours qui s’en est suivi. Ce résultat peut être mis en lien avec le fait que, lors du recrutement, ce sont les étudiants universitaires qui étaient ciblés pour participer à cette étude. En fait, un seul participant a remarqué une répercussion à ce niveau : « Ben euh, avec tout ça, étant donné que j’avais pas envie d’étudier, j’avais pas envie d’aller plus loin. Je n’avais pas envie de travailler, j’avais envie de rien, vraiment rien du tout... » Pour les autres, ils visaient l’université afin d’accéder à une formation qui les intéresserait, et l’intimidation n’a pas nui à cette aspiration. Pour plusieurs, le désir de poursuivre des études universitaires était même déjà ancré en eux bien avant que ne survienne l’intimidation dans leur parcours : « J’ai pas senti que l’intimidation a joué là-dedans. […] Dans ma tête, je faisais secondaire, cégep, université. Je m’étais comme tracé un chemin d’avance. J’ai toujours voulu aller à l’université. Je pense que j’ai juste fait ce que j’avais envie de faire, sans l’influence de l’intimidation, je pense. » « J’aimais beaucoup le côté réflexion, j’étais une petite fille qui était quand même mature justement, pis j’étais moins à l’aise dans les trucs manuels qui m’auraient plus amené vers les DEP ou les techniques […]. Donc je ne sais pas jusqu’à quel point, l’intimidation a eu une influence là-dessus… » « J’avais comme toujours voulu aller à l’université, ça avait pas changé à cause de l’intimidation. Je pense que rendu au moment de m’inscrire à l’université […], j’avais juste envie de continuer, et je ne pensais pas à ce que j’avais vécu avant. » Ce constat concorde avec l’étude de Roberge (2008), dans laquelle neuf des 10 participants rencontrés, tous victimes d’intimidation, ont poursuivi des études à un niveau postsecondaire. Il semble donc que l’intimidation entrave peu le désir de poursuivre des études post-secondaires. Cela dit, le fait que les participants ont été choisis en fonction de leur statut d’étudiant universitaire amène à nuancer ces résultats. 58 4.2.2. La persévérance scolaire : abandon, absentéisme et résultats scolaires Il n’en demeure pas moins que la persévérance scolaire des participants a parfois été compromise avant qu’ils n’accèdent à des études post-secondaires. Certains facteurs de risque ont été relatés en ce sens lors des entretiens de recherche. Deux principales composantes de la persévérance scolaire semblent avoir été affectées par l’intimidation, et ce, sans égard au type de parcours des participants. La première est l’absentéisme, qui était la plupart du temps lié à un sentiment d’insécurité ou à un manque de motivation à se présenter en classe, en raison du contexte d’intimidation : « Quand j’avais 16 ans [j’ai commencé] à sécher. Je commençais à ne plus venir au cours parfois. Je faisais simplement le strict minimum parce que j’étais obligé. » « Fait que là, j’étais comme, là j’ai vraiment eu peur. Je me disais, là je vais en manger une volée, là c’est sûr que je vais me faire ramasser solidement. Fait que là j’ai commencé à me sentir vraiment, vraiment mal et il a fallu que je m’en aille de l’école tellement j’avais la nausée tellement j’avais peur qu’elle me sacre une volée. » « Pis j’ai « faké » d’être malade pour arrêter d’aller à l’école […]. » Cette insécurité que vivent les élèves victimes d’intimidation à l’intérieur des murs de l’école semble favoriser l’utilisation de stratégies d’évitement (MELS, 2010) et ainsi contribuer à l’augmentation du taux d’absentéisme pour éviter de se faire intimider davantage (Attwood & Croll, 2006; Kumpulainen et coll., 1998; O'Moore, 2000; Rigby, 1998). En outre, une baisse des résultats scolaires a été rapportée par près de la moitié des participants (n=8). Cette diminution survenait pendant la période d’intimidation, et s’est estompée par la suite pour la plupart d’entre eux. Il s’agit de la facette de la performance scolaire qui a été le plus souvent été affectée chez les participants : 59 « J’ai remarqué que quand je me faisais intimider, [j’avais] vraiment moins confiance en moi et mes notes étaient moins bonnes en tant que tel ». « C’est sûr que mes notes ont baissées un peu pendant ce temps-là, et d’ailleurs y’a un de mes professeurs qui était venu m’en parler. Elle s’en était rendu compte… » « Je ne pouvais pas vraiment me concentrer dans mes études quand je savais que j’allais tout le temps me faire écœurer […]. Mais au niveau académique je pense que ça m’a nui, parce qu'être bon à l’école c’était vu comme un nerd donc je ne voulais pas être trop bon. Fait que pour moi qu’est-ce qui était cool c’était de se foutre de l’école, fait que moi je me foutais de l’école parce que je pensais que c’était ça l’attitude qui fallait prendre pour être accepté. Mais en fait non, j’aime ça l’école dans le fond. » Cet aspect a contribué à faire diminuer la motivation scolaire des élèves, et parfois à leur faire remettre en question la poursuite de leur scolarité. Cela dit, il importe de mentionner qu’aucun des participants n’a décroché au cours de son secondaire. Toutefois, cinq des dixhuit participants mentionnent avoir ressenti le désir d’abandonner l’école ou de changer d’établissement scolaire : « […] et un moment donné j’étais tannée d’être avec des gens immatures qui écœuraient les gens, et un moment donné j’ai voulu lâcher l’école complètement. J’ai vraiment décroché [de mes cours], même si j’aimais ça apprendre, même si dans mes cours j’avais des bonnes notes, je voulais décrocher. J’étais pu capable du milieu. J’avais peur. Je n’avais pas confiance en moi. Fait que dans le fond c’est ça, oui j’ai voulu décrocher. » « Je n’aimais pas l’école, j’avais toujours peur d’aller à l’école, je sais qu’au primaire je revenais chez nous, à tous les midis et je pleurais parce que je me faisais écœurer. Fait que un moment donné je devenais que je n’aimais pas l’école en tant que tel, et j’ai pensé à décrocher. » « Mais en secondaire 5, […] j’ai voulu changer d’école, vraiment. Ça faisait 2 jours que l’école était commencée, et je voulais aller dans l’autre école. Je vais finir mon secondaire 5 là-bas là, ici je ne suis plus capable. » À ce stade, le soutien des parents, les contraintes organisationnelles ou la méconnaissance du processus d’abandon ont fait en sorte qu’ils ont tout de même poursuivi leur scolarité. Toutefois, pour certains d’entre eux, les répercussions liées à la persévérance scolaire se sont manifestées au-delà du secondaire, et ont pu affecter leur parcours collégial ou 60 universitaire. Pour les uns, l’inquiétude ou l’atmosphère scolaire leur rappelait le secondaire, et a mené à l’abandon. Pour les autres, le manque de confiance les a empêchés de poursuivre dans le domaine choisi : « Tsé lorsqu’un des profs a émis l’idée qu’il encourageait les deux gars avec qui je me tenais [à me] taquiner parce que quand j’allais être sur le marché du travail j’allais probablement peut-être me faire écœurer, tsé je me suis comme mis à anticiper un peu ce que ça pourrait être sur le marché du travail, pis là je me suis dit ouin…je n’étais plus sûre d’avoir envie. […] C’était d’anticiper peut-être qui m’a découragée de poursuivre là-dedans. » « Un moment donné, j’ai lâché parce que je me suis rendu compte que ce n’était pas ma…ma tasse de thé, tsé. Mais peut-être que si j’avais été dans un autre…une autre philosophie, dans un autre état d’esprit surtout… si j’avais eu confiance en moi aussi, je pense que j’aurais terminé mon bacc […]. Parce que je ne hais pas ça. » La persévérance scolaire a ainsi pu être compromise lorsque les participants étaient à l’école secondaire, mais c’est quelques années plus tard que le plus de manifestations ont été observées sur le plan de l’abandon scolaire. Ce constat concorde avec les résultats de recherche de Cornell et ses collaborateurs (2013), qui postulent que la prévalence des moqueries et de l’intimidation prédisent une augmentation du taux de décrochage scolaire quatre ans plus tard. Par ailleurs, cette répercussion semble être exclusive aux parcours axés sur la persévérance. Pour les deux autres groupes, les répercussions de l’intimidation sur les persévérances scolaires telles que l’absentéisme et la baisse des résultats scolaires se sont seulement manifestés lorsqu’ils étaient encore au secondaire. Qui plus est, pour les participants qui ont poursuivi un parcours axé sur la réussite, le lien inverse est observé ; le fait d’avoir subi de l’intimidation a favorisé un désir de poursuivre les études et de s’y investir pleinement : « En secondaire 2, j’ai comme, je me suis dit, si au moins je peux avoir des meilleures notes que quasiment tout le monde, ben au moins je vais me sentir valorisé. J’ai commencé à beaucoup, beaucoup travailler et depuis ce temps-là, je suis toujours de même. Je suis comme perfectionniste en quelque sorte. » « Ma motivation d’aller à l’école, elle n’était pas tant sociale comme c’est souvent au secondaire, mais c’était vraiment plus de performer au niveau académique. » 61 « […] Je me mettais dans mes livres pis j’étudiais, pis j’apprenais des choses. Pis c’était comme ça que je venais à bout de rentrer dans mon monde et d’oublier un peu ce qui se passait. Fait que oui j’ai voulu continuer mes études, pis surtout que tu découvres qu’il y a plein de choses que je pourrais aimer, pis là tu viens que tu rentres dans ce moule-là et que tu ne veux pas lâcher. Surtout rendue-là, je vois justement les jeunes filles qui ont ri de moi, qui m’ont vraiment descendu et je les vois aujourd’hui avec pas vraiment une carrière, pis moi je me vois, tsé comme avec une bonne carrière dans les mains, tsé je me dis, d’une manière j’ai réussi, pis ça me pousse à continuer pour me dire regarde, je suis capable et je ne lâcherai pas. Je ne peux pas baisser les bras, pas là-dessus. » Ce constat tend à valider les résultats de l’étude de Roberge (2008) à propos du développement de la résilience chez les élèves victimes d’intimidation. Dans ces deux cas, ils semblent avoir réussi à rebondir de cette expérience difficile et à en retirer une motivation sur le plan scolaire. S’investir sur le plan scolaire parait avoir été une stratégie pour poursuivre leur parcours; plutôt que de se laisser démotiver, ils ont démontré l’attitude contraire et se sont valorisés par de meilleurs résultats scolaires. Mais est-ce que cette valorisation a pu se transmettre dans d’autres sphères que celle de l’école? Cela ne semble pas être le cas pour tous : « Pour moi, c’est deux choses complètement distinctes l’une de l’autre. Tsé, l’intimidation scolaire ça a eu un impact au niveau personnel et non, sur la réussite scolaire. J’ai toujours été excellent à l’école malgré tout ça, j’ai été capable de me concentrer dans mes cours, mettre ça de côté, pour au moins comprendre, parce que ça m’intéressait. » En somme, bien qu’une des stratégies utilisées pour faire face à l’intimidation fût de s’investir sur le plan scolaire, cela ne signifie pas que les étudiants n’ont pas subi de répercussions sur d’autres sphères de leur vie, comme nous le verrons dans les prochaines sections de ce chapitre. 4.2.3 Problématiques associées et répercussions sur le parcours scolaire En recueillant et en analysant les parcours de chacun des participants, une autre tendance s’est dégagée de l’analyse. De prime abord, elle ne constituait pas un objet d’étude. 62 Toutefois, afin de transmettre la vision la plus proche de celle que nous a rapporté les participants, et parce que la recherche qualitative constitue un processus itératif, cette tendance a été considérée dans les résultats. Il s’avère que la majorité des participants, tous types de parcours confondus, ont connu des problématiques connexes découlant de l’intimidation, telles qu’un trouble d’anxiété généralisée, une dépression ou de l’anxiété sociale. En outre, la moitié des participants (n= 9) ont confié avoir eu des idées suicidaires ou commis des tentatives de suicide, bien que cela ne faisait pas partie des questions qui avaient été ciblées lors de la construction du guide d’entrevue. Dans le cadre d’une analyse de parcours, il s’agit d’un élément à prendre en considération, car ces difficultés entraînent inévitablement des effets collatéraux sur le cheminement scolaire, professionnel et personnel. Ces problématiques peuvent entraîner des difficultés diverses, notamment sur le plan de la concentration, de la prise d’une médication causant des effets secondaires, ou même une hospitalisation, dans certains cas. En somme, plusieurs conséquences relatives à l’intimidation ont été observées au regard de la persévérance scolaire. Ces résultats concordent avec d’autres recherches, telles que mentionnées dans les paragraphes ci-haut. La typologie élaborée permet toutefois d’apporter un éclairage supplémentaire : certaines répercussions sont communes aux trois types de parcours, alors que d’autres sont exclusives à l’un d’eux. Elles sont résumées dans le tableau ci-dessous : 63 Tableau 3: L’intimidation et la persévérance scolaire : manifestations selon les différents types de parcours Types de parcours Parcours où la persévérance scolaire a été compromise Parcours axés sur la transition Parcours axés sur la réussite Baisse des résultats scolaires Absentéisme Désir de quitter l’école Manifestations à long terme sur le plan de la persévérance X X X X X X X X Manifestations positives sur le plan académique Autres problématiques associées X X X 4.3 Les manifestations sur le choix de carrière Les entrevues de recherche ont également permis de mettre en lumière certaines répercussions de l’intimidation au regard du choix de carrière et de la poursuite du parcours professionnel. D’entrée de jeu, il importe de mentionner que seuls deux participants ont soulevé que l’intimidation n’avait eu aucune influence sur leur choix de carrière. Ces deux participants ont d’ailleurs poursuivi un parcours axé sur la réussite. 4.3.1 Un intérêt nouveau ou renouvelé pour la relation d’aide Pour la majorité des participants, la répercussion qui a été abordée le plus fréquemment est que l’intimidation a renforcé ou fait naître un intérêt pour la relation d’aide. En fait, la 64 X moitié des participants (n=9) ont mentionné cet aspect lors des entretiens, bien qu’ils n’exercent pas tous dans des domaines directement axés sur la relation d’aide. Cet intérêt a été pris en considération au moment de leur choix de carrière, en se manifestant de différentes façons. Par exemple, l’une des participantes rencontrées souhaitait aider les autres en travaillant sur des recherches qui pourront améliorer leur qualité de vie. Bien qu’il ne s’agisse pas directement de relation d’aide, le désir d’aider les autres a tout de même été mis de l’avant dans son choix de carrière. Ce constat va de pair avec ce qui avait été observé dans l’étude de Roberge (2008), où la plupart des participants avaient fait leur choix de carrière en se basant sur un intérêt pour aider les autres, plutôt que de faire un choix pour des raisons financières ou familiales. Pour les participants de cette étude, trois différentes raisons se sont manifestées pour expliquer cet intérêt. Premièrement, certains participants étaient déjà sensibles aux autres avant même qu’ils ne vivent de l’intimidation, et cette expérience n’a fait que renforcer leurs aptitudes à cet égard : « Déjà j’étais une personne sensible, j’étais très empathique. Ma mère me montrait beaucoup ce chemin-là d’indulgence et d’amabilité, de partage, de générosité tout ça. […] Fait qu’elle m’a appris cette sensibilité-là, d’être à l’écoute des besoins, des sentiments des autres. Pis tsé de l’avoir vécu moi-même, c’est sûr que ça m’a rendu beaucoup plus sensible évidemment aux autres personnes qui avaient des difficultés, [à ce qu’ils] pouvaient ressentir. Tsé j’imagine [que] veut, veut pas, ça a eu une influence nette sur mon choix de carrière. » « Interviewée : Pis tsé c’était sûr que je m’en allais en relation d’aide parce que depuis que j’étais toute petite, tout le monde me…tsé, me valorisaient là-dedans, tsé le tempérament que j’avais, c’était comme naturel là. Ça allait de soi que j’allais m’en aller dans…j’avais le tempérament. Tsé à deux ans je consolais tous les amis à la garderie, tsé on voit un peu le genre. Je protégeais tout le monde, pis tsé je préparais les napperons, j’aidais les amis…Rires. Chercheur : Fac c’était vraiment des aptitudes que tu avais là… Interviewée : Ouais, ouais. Rires. J’étais de même toute petite, fac c’était comme…c’est ça, c’était assez tracé comme carrière. Chercheur : Pis le fait d’avoir vécu de l’intimidation au secondaire, est-ce que ça l’a eu une influence à un certain moment sur ce choix-là? Interviewée : …on dirait que ça m’a juste plus crinquée. » 65 Pour d’autres, entreprendre des études axées sur la relation d’aide leur permettrait de mieux se comprendre, ou de développer de nouvelles stratégies : « Pis je suis contente justement d’avoir étudié dans un domaine lié à la psychologie parce que ça m’aide justement à gérer cette situation-là aujourd’hui et voir comment ça fonctionne. Ça m’aide à me protéger, et je pense que je l’ai peut-être fait pour ça aussi, étudier là-dedans. Pour me protéger, [pour] apprendre à développer des stratégies. » « Pour le parcours, moi j’ai toujours voulu aller en psychologie parce que j’ai compris que c’était pour comprendre mes problèmes et peut-être me guérir… » Mais, pour la majorité d’entre eux, il s’agissait de se donner les moyens de faire une différence concrète et altruiste dans la vie des gens. Dans une certaine mesure, ils aimeraient éviter que d’autres personnes aient à vivre une souffrance comme ils ont vécu, ou du moins de pouvoir les aider : « J’ai envie d’intervenir avec les gens, pis d’aider ceux qui en ont de besoin. Parce que j’étais une personne qui en avait besoin, pis je ne m’en rendais pas compte. Pis j’ai envie d’aller vers ces gens-là, pis les aider à…à améliorer…peu importe qui, mais les gens qui ont besoin d’aide […], de sauver des gens qui en ont besoin. » « Mais c’est sûr que quand tu vis des choses de même, tu te dis…ben en tout cas, pour ma part à moi, il faut dire que j’ai des aptitudes au niveau social et tout là, à ce niveau-là, mais je me disais il faut que je permette aux gens…il faut que je trouve une carrière ou quelque chose qui me permette de pouvoir dire aux gens ce que j’ai vécu, mais de dire aux gens aussi que ce n’est pas parce que tu vis ça que tu n’es pas capable d’être quelqu’un, d’avoir une profession, de t’épanouir, de pouvoir avoir une vie personnelle, amoureuse, professionnelle qui te convient. » « […] pis en gros ils disaient qu’on sait c’est quoi la souffrance, qu’on veut éviter aux gens de vivre les mêmes choses que nous. Et c’est en plein pour ça que je suis dans le domaine de la relation d’aide. » Ces derniers témoignages mènent à un autre constat : le désir de ces étudiants à vouloir aider les autres semble lié, dans certains cas, au fait qu’ils n’ont pas eu la chance de recevoir une aide adéquate lorsqu’ils ont vécu de l’intimidation, et qu’ils aimeraient éviter que d’autres aient à vivre une telle situation. En effet, dans la moitié des entretiens de recherche (n=9), les participants ont mentionné que leur situation d’intimidation n’avait pas été reconnue, voire 66 même banalisée, que ce soit par le personnel enseignant, par la direction de l’école, ou par leur famille. Ce manque de reconnaissance de la problématique semble les avoir menés à vouloir s’impliquer afin d’éviter la banalisation. Ces projets prennent tantôt la forme d’un projet de carrière, comme mentionné ci-haut, tantôt la forme d’un projet personnel ou d’actions concrètes pour réagir à un comportement d’intimidation: « Ben c’est ça, j’ai pensé faire des conférences sur l’intimidation, ou je sais pas encore exactement dans quelle optique, ou peut-être partir une affaire.. » « Tsé un moment donné ils s’en sont pris justement à un autre garçon de ma classe et il y un des gars de la gang des méchants qui le tabassait dans les coins de l’école pis, il allait le tabasser et criait des noms au gars, fait que moi j’ai dénoncé ça, je trouvais ça horrible, fait que tous les autres riaient et embarquaient là-dedans, j’en ai parlé à ma mère et finalement on a décidé de dénoncer le geste. » « […], et j’étais devenu comme l’exemple [positif]. Et c’est pour ça que j’aimerais, si possible, faire la même chose en ce qui concerne l’intimidation. On est capable d’en sortir en fait. Et je n’ai jamais vu ce genre d’exemple jusqu’à maintenant. » 4.3.2 Un manque de confiance envers sa capacité à réaliser son choix de carrière Les entretiens de recherche ont révélé des répercussions plutôt positives de l’intimidation au regard du désir d’aider les autres et de faire une différence quant à cette problématique. Toutefois, d’autres types de constats ont également émergé des entretiens, et étaient communs à tous les types de parcours. En premier lieu, les participants témoignent d’un manque de confiance envers leur capacité à réaliser leur choix de carrière : « Moi je n’ai pas confiance en moi. […] Pis je ne crois pas en mes compétences non plus. Fac c’est sûr que quand tu vas pour choisir un programme, ou choisir n’importe quoi dans ta vie, [tu te dis] est-ce que je vais être à la hauteur? […] Pis un moment donné c’est sûr que tous les choix, même à petite échelle, tu te dis non je ne serais pas capable de faire ça. » « Par rapport aux choix, je veux dire, à mes capacités à me débrouiller ou juste me faire confiance en général, je pense que c’est venu jouer là-dessus aussi […]. On n’ose pas se lancer, on se dit ah je ne suis pas capable. » 67 « Je pensais que je serais pas capable…pas capable d’avoir mes maths 436, pas capable de rentrer au cégep, je ne serais pas capable d’avoir une bonne job, pas capable de trouver une job, tsé des affaires de même. » « […] Parce que oui, je voulais aider les gens, mais d’un autre côté je me dis, est-ce que je vais être bonne pour faire, pour aller vers ce choix-là? » Ce résultat va de pair avec le fait que les élèves ayant vécu de l’intimidation « présenteraient des conceptions de soi plus affaiblies que les autres » (Houbre et coll., 2012, p. 2). En ce sens, ils pourraient avoir davantage de difficulté à croire en leurs capacités à exercer un métier ou à entreprendre des études. Par ailleurs, tout comme le suggère Roberge (2008), certaines des personnes victimes d’intimidation pourraient avoir des difficultés à s’identifier dans une sphère où ils se sentent compétents en raison d’une estime de soi plus faible. 4.3.3 Le besoin de s’éloigner des intimidateurs lors d’un choix d’études En ce qui concerne le choix d’un établissement scolaire, il s’avère que près du quart des participants (n= 4) ont pris en considération l’endroit où les intimidateurs iraient étudier afin de ne pas se retrouver au même endroit qu’eux, ou afin de s’en éloigner. Cet aspect a aussi été pris en considération pour le choix de programme, dans certains cas : « À chaque programme que tu t’inscris tu te dis bon, quel pourcentage des gens que j’ai connus vont-là? Mais c’est vraiment très illogique, mais n’empêche que ça te tente pas, tu te dis mettons, comme exemple bon, la fille qui m’intimidait était [dans un domaine lié à la santé]. C’est sûr et certain que je n’irai pas [dans ce domainelà]. C’est sûr et certain que je n’irai pas dans ces domaines même si exemple ça m’intéresserait. » « Je ne voulais pas aller dans le cégep de ma ville natale parce que je savais qu’il y avait plein de gens qui allaient y aller et je voulais vraiment faire une rupture, recommencer à neuf et pas avoir le poids de ça qui me suis tout au long de mes études […] » « J’allais au cégep, et je me suis même pris un programme de formation que je savais que je n’aurais pas eu de gens du secondaire avec moi, tsé… » 68 Au-delà du besoin de faire une coupure et de recommencer à neuf dans un nouvel environnement, ces constats semblent témoigner d’un sentiment d’insécurité. Ce sentiment pourrait être mis en lien avec les stratégies d’évitement que les élèves victimes d’intimidation utilisent parfois pour éviter de se présenter en classe lors des épisodes d’intimidation (MELS, 2010). Le besoin de poursuivre son parcours loin du regard des intimidateurs pourrait ainsi être une façon de diminuer ce sentiment d’insécurité. 4.3.4 Un projet d’avenir occulté par l’intimidation En outre, l’analyse des différents parcours a permis d’identifier deux répercussions exclusives aux parcours où la persévérance scolaire a été compromise. Il s’agit d’une vision d’avenir inexistante lors des études secondaires, ainsi que des répercussions sur le plan des expériences professionnelles. D’une part, bien que plusieurs participants aient poursuivi leur parcours scolaire de façon positive, les entretiens dégagent une difficulté pour les étudiants pour qui la persévérance scolaire a été compromise à avoir une vision d’avenir claire lorsqu’ils étaient au secondaire : « Moi dans ma tête là, 25 ans c’était le top de ma vie. Quand qu’on me disait [nom] tu vas faire quoi de ta vie? Je vais aller à l’université. Après? Je ne sais pas. Je n’ai jamais pensé…je ne pensais pas que j’allais me rendre là. Je ne pensais pas que j’allais vivre jusqu’à cet âge-là, tsé. Fac c’est dur de te bâtir quelque chose. C’est dur de penser plus loin. D’avoir une vision d’avenir. Fac tu vis un peu au jour le jour. Tu es en mode survie, définitivement. » « Quand tu regardes, peut-être justement avec un certain recul, je suis pas mal certaine que, le point unanime des gens qui sont victime d’intimidation c’est, ben je ne suis pas capable de me voir dans le futur […]. Je pensais juste au moment présent, j’étais juste comme en automatique ou j’avais d’autres préoccupations. Tout le monde le dit, quand tu es intimidé, quelles préoccupations tu peux avoir, mis à part intimidé? Ils le disent, y’en a pas d’autres. Fait que ta carrière, tu ne le sais pas. » Ces étudiants étaient préoccupés par ce qu’ils vivaient et devaient déployer beaucoup d’énergie pour terminer leurs études secondaires. Ils n’avaient donc pas d’espace pour réfléchir à un plan d’avenir. À ce sujet, les élèves victimes d’intimidation auraient tendance 69 à retarder la planification de leur carrière, en comparaison à d’autres élèves n’ayant pas vécu d’intimidation, en plus de vivre une diminution du sentiment d’efficacité personnelle liée à la planification de leur futur (Rayle et coll. (2007). Ainsi, il s’avérerait probable que ce retard au niveau de la planification du futur soit lié aux effets de l’intimidation et aux préoccupations qu’elle cause qui, à ce stade, pourraient être plus importantes pour l’élève que de réfléchir à sa carrière. 4.3.5 Une généralisation des répercussions à d’autres sphères de vie D’autre part, des répercussions dans d’autres sphères de vie se sont manifestées pour plusieurs étudiants qui ont poursuivi un parcours axé sur la persévérance, notamment dans le cadre d’emplois étudiants ou encore de stages : « […] j’ai travaillé pour une compagnie XXX, et ça m’a jeté à terre parce que je revivais exactement ce que j’avais vécu. Parce que j’étais au centre d’appel, pis les gens…même si ce n’était pas moi qu’ils attaquaient là, c’était la compagnie, c’était…ils étaient tellement méchants là envers moi là. J’étais comme…je revivais là, même si je n’avais pas la personne en avant de moi, les paroles étaient pires que si elle m’avait sacré un coup de poing. » « […] pis là je me suis rendu compte qu’il se faisait intimider et tout ça. Ça venait tellement me chercher là, ces situations-là venaient tellement me chercher, j’ai dit je ne ferais pas ça toute ma vie là. Ça ne marchera pas. Je ne serais pas capable, tsé. » « Chaque fois que je travaillais avec du monde, j’étais toujours un petit peu paranoïaque, j’avais toujours peur de me faire juger. Mon estime de moi-même n’était pas là, et ça paraissait certainement. Je n’étais jamais bien en fait. Souvent les jobines, c’est moi qui a sacré mon camp parce que je n’étais pas bien, que je ne m’entendais pas avec les gens […] » Ces répercussions ont parfois mené à des départs ou des réorientations de carrière, ayant un effet important sur la poursuite d’un parcours scolaire et professionnel positif. Finalement, certaines répercussions plus singulières de l’intimidation ont aussi été rapportées à propos du choix de carrière, mais n’étaient pas généralisées chez plus d’un 70 participant. On note entre autres le fait de vouloir se démarquer par sa carrière, un degré d’estime bas envers son choix de carrière et le désir d’exercer un métier solitaire. Les répercussions de l’intimidation relativement au choix de carrière sont donc nombreuses et diversifiées. Elles sont résumées dans le tableau ci-bas : Tableau 4: L’intimidation et le choix de carrière : manifestations selon les types de parcours Types de parcours Doutes à propos de ses compétences Besoin de s’éloigner des intimidateurs X X X Parcours axés sur la transition X X X Parcours axés sur la réussite X X X Parcours où la persévérance scolaire a été compromise Intérêt pour la relation d’aide Projet Répercussions d’avenir sur d’autres occulté par sphères de vie l’intimidation au secondaire X X 4.4 Les répercussions sur la construction identitaire Sur le plan scolaire et professionnel, une certaine variance quant aux répercussions de l’intimidation et à son ampleur est constatée chez les participants. Sur le plan de la construction identitaire, il en est tout autre: tous les participants, sans égard au type de parcours poursuivi, ont vécu un changement à propos de leur construction identitaire. 71 4.4.1 Estime de soi et perception de soi Pour la majorité des participants (n=14), l’intimidation est liée une diminution de leur estime de soi : « Moi je n’ai pas confiance en moi. J’essaie là, j’ai travaillé fort, mais je n’ai pas confiance en moi. » « Tsé, quand tu vis ça tous les jours, tsé, veut veut pas, ça laisse des traces. Tu te sens comme une marde continuellement. C’est dur de développer une confiance en soi, pis une bonne estime personnelle ». « […] des fois je commençais à être confuse et à me dire, est-ce qu’il y a quelque chose que je fais de correct? Fait que, l’estime de moi a rebaissé pas mal. » « J’ai remarqué que quand je me faisais intimider, j’avais vraiment moins confiance en moi. » Ce constat va de pair avec de nombreuses études qui ont mis en lumière que les élèves victimes d’intimidation sont susceptibles de souffrir d’une estime de soi plus basse (CaseyCannon, Hayward & Gowen, 2001; Grills & Ollendick, 2002; Ministère de l'Éducation, 2010). Dans le cadre de cette étude, on remarque que la diminution de l’estime de soi s’est aussi manifestée dans la perception de soi, créant un écart ou une distorsion entre la perception que les participants ont d’eux-mêmes et celle des autres. Cet écart s’est manifesté tant sur les plans scolaire et personnel, qu’à propos de leur façon de se percevoir dans leur travail étudiant : « Entre l’image que j’avais de moi-même pis celle des autres, on dirait que, même encore aujourd’hui, j’ai encore l’impression d’être un peu déphasée des fois parce que j’ai cette perception-là. Pis là quand je dis ma perception c’est comme voyons, tu penses ça de toi? » « Pourtant, tsé je le sais que je suis intelligente, je le sais que je suis belle, je le sais que j’ai plein de qualités, mais pourtant je doute tout le temps de moi pareil. » « […], mais c’est dur mettons de me regarder dans le miroir et me dire, ok, je suis à la maîtrise, faut que je sois fière de moi, je suis une personne, je suis belle, j’ai de la difficulté et encore là, quand mon chercheur m’a choisi, il m’a dit tu es bonne, tu as des bonnes notes, mais même si j’ai des bonnes notes, je me crois pas bonne, je ne me crois pas. » 72 « Je pense que j’ai une perception, j’ai plus tendance à vouloir minimiser ce que le monde dise […]. C’est probablement side effect de ce qui est arrivé au secondaire. » « Pis quand j’ai fait mon auto-évaluation, ben j’ai fait comme je pensais là. Bon ça, ça, ça, il y aurait ça à améliorer. Tsé je suis un peu perfectionniste. Fac là elle est arrivée pis elle a dit là, tu vas me refaire ça là. J’ai dit ah ben pourquoi? Elle a dit tsé tu ne peux pas te donner des 2 pis des 3 sur 5. C’est quoi cette affaire-là? J’ai dit ben il y a toujours place à l’amélioration. Elle a dit non, non, franchement là. Le seul 4 que je vais te donner là, c’est pour ton autocritique. Rires. Elle dit regarde, elle dit prends conscience du potentiel que tu as. Mais je n’arrive pas à prendre ça. » Pour reprendre l’analogie de l’une des participantes, on pourrait comparer cette distorsion à un « miroir cassé », dans le sens où la personne ne se voit pas à sa juste valeur, ou n’arrive pas à voir en elle les aspects positifs que les autres lui attribuent. Selon Hourbre et ses collaborateurs (2012), les élèves victimes d’intimidation auraient effectivement tendance à se percevoir de façon plus négative sur le plan de la compétence scolaire et de l’estime de soi globale, entre autres. Or, cet écart ne signifie pas que les participants ne s’accordaient aucune valeur. Pour la plupart, ils savaient que, fondamentalement, ils valaient quelque chose. Cependant, ils avaient de la difficulté à le transposer pour se doter d’une meilleure perception d’euxmêmes et de davantage de confiance : « Je sais ce que je vaux. Fondamentalement, je sais qui je suis et ma valeur personnelle à moi-même. Ma valeur pour les autres, maintenant là, je m’en contrefiche […] » « Pis même si je l’ai pas, même si je l’ai pas démontré directement aux personnes qui étaient dans ma face finalement, tsé j’ai quand même été capable d’aller voir des profs, pis dire, je sais que fondamentalement je vaux quelque chose et je sais que c’est juste un bout qui est plus difficile pour moi. » 73 En outre, pour plus du quart des participants (n=5), l’intimidation a eu des répercussions identifiées comme étant positives sur la construction identitaire : « Pis à quelque part, c’est sûr que ça fait la personne que je suis aujourd’hui, pis, étrangement ça peut avoir eu des impacts positifs dans le sens où on devient quelqu’un de plus fort. » « Ce n’est pas que j’apprécie [d’avoir été] intimidée, mais c’est que je vois la vie autrement que les gens qui n’ont pas vécu ça. Tsé je suis capable d’accepter les gens, je suis capable de me dire, chacun ces goûts […]. Je suis capable de prendre du recul, de penser à mes choses, d’être plus posée. Je pense que j’ai appris de ça aussi, à grandir avec ça et j’aimerais ça que les gens puissent voir ce que je vois parfois, dans les relations, dans les équipes tsé, je suis capable de voir les faiblesses, pis tsé, les bons côtés des gens. » « Tsé je pense que, surtout, je ne regrette pas de m’avoir fait intimidée parce que je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui. […] Ça fait que je suis une personne qui veut toujours évoluer, pis qui veut être bien dans sa peau […]. L’ouverture d’esprit, pis la critique, tsé je pense que, je suis contente d’être, ça m’a beaucoup aidé. » « En fait, je me dis que si je n’avais pas vécu ce que j’ai vécu, je n’aurais probablement pas été la personne que je suis aujourd’hui. » Avec le recul, plusieurs étudiants ont constaté que l’intimidation a eu une influence positive, dans une certaine mesure, dans la façon dont ils se sont construits. Cet aspect ne semble pas, à notre connaissance, avoir été documenté dans d’autres recherches, et apporte donc un éclairage empirique supplémentaire. L’une des pistes d’explication possible à ces résultats serait la variance dans les caractéristiques personnelles, psychologiques et sociales de chaque élève victime d’intimidation, et notamment la façon dont la résilience de chacun peut se développer dans l’adversité. 4.4.2 La construction identitaire et le regard des autres À la suite d’un épisode d’intimidation, les élèves sont donc susceptibles de vivre certains changements sur le plan identitaire. Mais d’où viennent ces changements? Qu’est-ce qui fait en sorte que, lorsqu’on vit de l’intimidation, de tels changements peuvent se dessiner? 74 L’application de la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1998) à la problématique de l’intimidation s’avère particulièrement éloquente en ce sens et semble se confirmer. La présente étude révèle que le regard des autres semble être la pierre angulaire de ces changements et que, de fait, l’aspect relationnel de la construction identitaire à l’adolescence serait affecté par l’intimidation. Dans cette application de la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll. 1998), il est postulé que le fait de recevoir des rétroactions négatives de son environnement social de façon répétée pourrait mener à activer un processus de contrôle qui viserait à rétablir une congruence entre sa propre perception de soi et celle que les autres nous renvoient. Si les autres stratégies que la personne a mises en application pour retrouver une congruence n’ont pas fonctionné, le standard identitaire pourra alors être ajusté afin qu’il soit congruent avec les rétroactions sociales reçues. Dans ce cas, l’élève qui subit de l’intimidation en viendrait à intérioriser la perception négative que ses pairs lui renvoient, comme le démontrent ces extraits : « […], mais c’est ça, je pense, comment ça se construit, tu vas [à l’école] tous les jours, tu te fais juste crier des noms, fait que finalement tu te mets à croire que c’est vrai que tu es une petite marde, que tu es ci ou ça. Finalement tu finis par le croire et, à force de te le faire dire tous les jours pendant des années, tu finis par le croire, tu finis par te voir de la façon dont les autres te le disent, que tu es ci et ça tout le temps. Finalement tu finis par te voir comme ça. Moi j’ai l’impression que c’est ça qui se passe. » « Et quand ça a commencé, évidemment quand on nous dit toute la journée qu’on ne comprend rien, qu’on est moins que rien, etc., quand on dit ça, littéralement ça fini un peu par rentrer dans la tête, un peu lavage de cerveau. Et il y a un moment où on se dit c’est peut-être vrai, et finalement ben on n’osera rien faire. […] on pense qu’on n’est rien, on s’excuse d’exister. » « J’avais commencé à bâtir, j’avais comme commencé à modifier l’identité que j’avais en fonction de ce que les autres me disaient. » En outre, les propos des participants révèlent que les rétroactions de la famille et des pairs sont distinctes et que, bien que la famille peut renvoyer des rétroactions positives au regard 75 de l’identité de l’adolescent intimidé, les rétroactions des pairs auraient davantage de poids : « On ne m’a jamais dit, pendant la période où tu te forges une identité, une confiance en toi, que tu étais…que tu valais quelque chose. Se le faire dire de ses parents, c’est une chose. Se le faire dire de sa communauté immédiate, ça en est une autre. » En somme, il est possible d’affirmer que l’aspect relationnel de la construction identitaire à l’adolescence est affecté lors d’un épisode d’intimidation. Les commentaires des pairs peuvent alors être intériorisés et ainsi entraîner des changements importants, notamment sur le plan de la perception de soi et l’estime de soi, à court et moyen terme. 4.4.3 Un changement dans la façon de percevoir les autres et d’interagir avec eux Les participants ont révélé que les changements vécus sur le plan identitaire ont parfois mené à modifier la façon qu’ils avaient d’entrer en relation avec les autres et de les percevoir. Deux principales répercussions ont été identifiées, soit une diminution de la confiance portée aux autres, et le fait d’accorder une grande importance à l’opinion externe. Pour plus du quart des participants (n=5), l’intimidation les a amené à être davantage refermés sur eux-mêmes, à faire moins confiance aux autres, voire à être méfiants envers eux, et à se sentir mieux seul : « C’est sûr que, au niveau de mon comportement, je pense que ça, ça m’a encore plus renfermé des autres, et je me méfiais des autres encore plus. » « Je n’ai pas confiance aux gens autour de moi non plus, parce que tsé, dans ces âgeslà, on dirait, moi j’avais très peu d’amis à cause de ça, personne ne voulait s’associer avec moi à cause de ça, j’étais dans la cible de tout le monde en fait. J’avais quelques amis, mais ce n’était pas beaucoup, pis souvent en public ils se distançaient de moi, ils voulaient comme pas manger avec moi pis euh, ils me voyaient juste quand il n’y avait personne autour pis bon, ils ne voulaient pas eux autres être la cible, à cause qu’ils étaient avec moi. Fait qu’à cause de ça, j’ai développé comme une grosse méfiance. J’ai comme eu l’impression que, tsé quand je rencontre quelqu’un je suis toujours : c’est-tu quelqu’un qui va être de mon bord ou pas? » 76 « Je crois que ça m’a porté à être vraiment plus centrée sur moi-même. J’ai vraiment du mal à faire confiance aux autres, pis j’ai tendance à toujours vouloir rester seule. À mettons, la semaine passée, je me suis fait des amis dans mon programme, et on était censées sortir prendre une bière et ça arrive souvent qu’à la dernière minute, ah je peux pas y aller, même si c’est pas vrai, parce que je me sens mieux seule, je me sens plus en sécurité, moins vulnérable. « Tsé je faisais pas confiance aux gens. Tsé, je n’aimais pas les travaux d’équipe, j’aimais juste faire les travaux par moi-même. » Pour plusieurs autres (n=7), le regard des pairs a occulté leur perception d’eux-mêmes. Ils se demandent quotidiennement quelle est l’opinion des gens à leur sujet, et ont peur de ce que les autres peuvent penser d’eux : « […] comme je reviens toujours, souvent, avec les épisodes du secondaire. Les gens, qu’est-ce qui vont penser de moi si je fais telle chose? Pis tsé, les gens là-bas, je les voyais me juger pis tsé, ça revient souvent. » « Pis mettons, dans mon attitude, ce que les gens peuvent penser de moi ça m’influence. Même des fois je me dis crime, elle ne me parle pas, c’est parce qu’elle ne m’aime pas. » « […] J’ai dit ok oui j’ai peur de ce que les autres pensent de moi, mais je n’ai pas le choix si je veux avancer. » « Pis un moment donné là, c’était trop. De toujours se demander : Est-ce qu’on est en train de rire de moi? Est-ce qu’on est en train de me niaiser? Je suis-tu…? Je n’arrivais plus à bien conjuguer avec ça. » En somme, l’intimidation semblerait être liée à un changement dans la perception que les participants ont d’eux-mêmes, mais aussi dans leur rapport aux autres, notamment sur le plan des relations et des perceptions sociales. Pour reprendre l’analogie du miroir brisé, on pourrait dire que l’intimidation a des répercussions autant sur le reflet que le miroir renvoie à ces étudiants qu’à la façon qu’ils ont d’entrer en contact ou de percevoir les autres à travers ce miroir brisé. 77 4.5 La résilience Les parcours recensés ont permis de mettre en lumière les manifestations de l’intimidation sur le parcours scolaire et sur le développement identitaire des participants. Peu importe le type de parcours et les répercussions de l’intimidation sur leur cheminement, nous pouvons affirmer que tous ces étudiants ont fait preuve de résilience afin de surmonter leur vécu d’intimidé et d’entreprendre des études universitaires. Selon Roberge (2008), la résilience doit être prise en considération pour expliquer la diversité des parcours et le fait que certains élèves qui subissent de l’intimidation accèdent à des études universitaires. Cette facette a donc été explorée avec les participants. 4.5.1 Les facteurs de protection Dans l’étude de Roberge (2008), les cinq facteurs de protection mesurés étaient 1/ le soutien reçu et la capacité à prendre soin de soi-même, 2/ des attentes élevées de succès, notamment au niveau de la carrière, 3/ des possibilités de participer à des activités parascolaires ou à des groupes communautaires, où les participants avaient le sentiment d’y contribuer positivement, 4/ les relations positives avec des personnes de l’entourage professionnel, social et familial et 5/ la conscience de ses forces et ses limites personnelles. Dans la présente recherche, plusieurs facteurs de protection ont été notés dans les récits des participants et rejoignent ceux mesurés par Roberge (2008). 4.5.1.1 Du soutien Huit des 18 participants ont abordé le fait d’avoir reçu un certain soutien comme étant un facteur de protection. Ce soutien est souvent venu de la famille, qu’elle soit au courant ou non de la situation d’intimidation qui était vécue : « Mes deux parents m’ont toujours soutenue, en fait ça a été les premières personnes à qui j’ai raconté mon histoire, de ce que je vivais à l’école. Fac c’était…ils m’ont soutenue, ils sont même allés plusieurs fois rencontrer la directrice. » 78 « Heureusement, ma mère était vraiment là pour moi. J’arrivais le soir, je sortais de l’école j’étais tout le temps super triste, et on faisait des scénarios. » « Je pense que même si mes parents n’étaient pas au courant de ce que je vivais, tsé j’avais quand même de l’amour à la maison. Pis une stabilité à la maison aussi, une sécurité. Je savais que quand j’étais là, il n’allait rien m’arriver, fait que, tsé j’avais ce centre-là. Je pouvais m’accrocher, mon chez nous, je savais que j’avais ça même si mes parents ne savaient pas ce que je vivais. » Le soutien est aussi parfois venu de l’école ou d’une intervention externe : « D’ailleurs, il y a une de mes professeurs qui était venu m’en parler, elle s’en était rendue compte. Elle m’avait dit : Qu’est-ce qui se passe? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi? » « Pendant quatre des cinq années du secondaire, j’ai vu une… à l’époque il y avait deux psychologues pour la commission scolaire au complet, fac j’ai vu une travailleuse sociale. C’était une intervenante que j’ai vue pendant cinq ans. Heureusement qu’elle était là, parce que sinon…je la voyais une fois par semaine. » Dans les deux cas, le soutien reçu était perçu de façon positive par les participants, dans le sens où ils considèrent que ce soutien a joué un rôle important dans leur capacité à rebondir de l’expérience d’intimidation vécue. 4.5.1.2 Des attentes personnelles élevées de succès Certains participants ont également mentionné avoir des attentes élevées de succès, surtout concernant leurs études et leur future profession : « Je voulais toujours me surpasser, tsé voir jusqu’où j’étais capable d’aller. Tsé c’est pour ça que je suis au bacc., que je vise la maitrise, si je suis capable je veux faire un doctorat tsé […] » Ce facteur de protection a été presque exclusivement abordé par les participants qui ont poursuivi un parcours axé sur la réussite. Par ailleurs, les effets positifs et probables des environnements social et familial pourraient être mis en lien avec ce facteur. 79 4.5.1.3 Des activités intéressantes et valorisantes L’un des facteurs de protection qui a le plus souvent émergé des récits de parcours est l’accès à des activités valorisantes et qui suscitaient un intérêt (n=14). À la différence des observations de Roberge (2008), le type d’activité (par exemple, la musique, le sport, le théâtre, etc.) importait peu pour les participants, à la condition qu’elle permette aux élèves de s’investir dans une passion, ou simplement de se changer les idées. Certaines activités étaient donc parascolaires ou permettaient une implication dans un groupe social ou communautaire, alors que d’autres pouvaient prendre la forme d’un passe-temps, ou d’une passion dans laquelle l’élève s’était investi : « J’ai fait du Taekwondo pendant longtemps, ça je pense c’est quelque chose qui m’a aidé beaucoup, parce que j’avais un milieu à l’extérieur du primaire ou du secondaire où est-ce que j’avais des amis pis où est-ce que j’excellais. Je réussissais, et ça m’a donné des projets. » « Le fait d’avoir des cours de musique, ça m’a, ça m’a valorisé. On a fait des spectacles, j’étais comme le meilleur élève avec le meilleur solo, tout le monde m’applaudissait, je n’avais jamais vécu ça avant. Pis mon prof était ben fin, j’aimais ben ça aller à son cours pis toute, c’était comme… ça a aidé. » « C’est surtout au secondaire que j’écrivais, j’écrivais vraiment. Ça me rejoignait, et à quelque part je pense que c’était une forme de thérapie. Je me sentais bien là-dedans pi, je veux dire, j’exprimais vraiment mes idées à travers quelque chose que j’aime. » « Moi c’était la musique, définitivement. M’impliquer. M’impliquer, faire…c’était aller chercher je pense…peut-être pas un sens à sa vie, mais une valorisation que je n’avais pas. Tsé de pouvoir dire que je fais des choses pis ça permet de mettre en lumière, de façon peut-être pas…tsé ils n’applaudissaient pas à chaque fois que je faisais mes affaires là, mais juste le fait de me dire je suis capable de faire ça même si on me dit que je ne suis pas capable. Tsé c’est ça, les journaux étudiants, la radio étudiante, des affaires de même, tsé j’ai toute fait ça. Tsé l’implication. » Un point commun demeure toutefois : l’activité permettait à ces étudiants de s’investir de façon positive dans quelque chose. Ils y retrouvaient également une valorisation qu’ils n’arrivaient pas à obtenir par les rétroactions sociales de leurs pairs à l’école. 80 4.5.1.4 Des relations familiales et amicales positives À l’instar de Roberge, les relations positives sur les plans familial et social ont aussi été observées comme étant des facteurs de protection importants dans le parcours des participants. En outre, il s’agit du facteur qui a été le plus souvent abordé dans les entretiens (n=16) : « Ouais, pis tsé, j’aimais mes parents, j’aimais mon frère, pis tsé sans ça je ne sais pas pour vrai… » « Mais au moins, à la maison, l’ambiance familiale était en général bonne. […] Avec ma mère, ça allait très bien. Je ne me suis jamais vraiment chicané avec mes sœurs à la maison, l’environnement était bon. » « […] j’avais quand même des amis pareil, même si je me faisais beaucoup intimider sur ce que j’avais de l’air, sur ce que j’étais et sur ce que je portais. Mais j’ai toujours eu des amis quand même, fait que je pense que je me rattachais à ça, à quelque part. Tsé ça me…je restais accrocher à l’école parce que j’avais hâte d’aller voir mes amis. » « […] donc en secondaire 2, quand j’ai trouvé qu’il y avait des gens qui étaient un peu comme moi, [qui avaient] les mêmes intérêts que moi, que, c’est ça, la force de la gang pouvait protéger d’une certaine façon, qu’ils pouvaient faire une forteresse et qu’ils allaient me soutenir pis que, se développer ensemble finalement des intérêts et ne plus être finalement avec ces autres personnes-là, c’est sûr que ça, ça m’a propulsé et renforcer mon estime. » « J’ai vécu admettons dans le brouillard durant la fin de mon secondaire. Le brouillard était dense. Mais c’était vraiment, oui ma famille, mes amis à l’extérieur de l’école, qui m’ont vraiment…qui étaient mes piliers. » Toutefois, les participants n’ont pas abordé les relations positives sur le plan professionnel comme étant un facteur ayant eu de l’importance. Le fait que les entrevues étaient davantage axées sur l’épisode d’intimidation vécu au secondaire et les facteurs de protection présents dans l’environnement de la personne à ce moment pourrait expliquer la variance avec ce qui avait été observé par Roberge (2008). 4.5.1.5 Une conscience de ses forces et limites personnelles Ce facteur n’a pas été abordé directement par les étudiants lors des entrevues de recherche. Cependant, certains d’entre eux ont été en mesure d’identifier les caractéristiques 81 personnelles qui leur ont permis de poursuivre leur parcours scolaire en dépit des épisodes d’intimidation vécus. Ces facteurs sont la détermination (n=6), la capacité à faire preuve d’humour (n=2), l’optimisme (n=2) et la capacité à s’affirmer (n=1). Ces caractéristiques pourraient s’avérer être des éléments personnels favorisant le développement de la résilience chez les participants ayant subi de l’intimidation par leurs pairs à l’école. 4.5.2 Le développement de la résilience en fonction des types de parcours En plus d’avoir permis d’identifier les facteurs de protection présents dans l’environnement des étudiants rencontrés, une piste interprétative s’est dégagée lors de notre analyse. En fait, il semblerait que plus la situation des élèves présente de facteurs de protection, moins les répercussions de l’intimidation seraient importantes. Ces facteurs de protection viendraient en quelque sorte contrebalancer le facteur de risque que constitue l’intimidation. Le cheminement scolaire et professionnel qui en découle serait alors empreint de résilience. Les résultats de Roberge (2008) convergent également en ce sens, étant donné que les 10 participants rencontrés présentaient tous un nombre élevé de facteurs de protection dans leur environnement. Autrement dit, la résilience, ou la capacité à rebondir à la suite d’une épreuve ou d’une expérience traumatisante, se serait développée différemment d’un type de parcours à l’autre. Pour les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, un nombre de facteurs de protection moins élevé a été observé. La résilience semble s’être construite sur une plus longue période, et s’être développée au fur et à mesure de leur parcours. Pour les parcours axés sur la transition, bien qu’un nombre important de facteurs de protection étaient présents, la résilience se serait construite lors d’un changement d’environnement. Ce nouveau contexte aurait permis à la personne d’aller chercher des rétroactions sociales positives dans un autre environnement que celui de l’école secondaire. Puis, pour les parcours axés sur la réussite, de nombreux facteurs de résilience ont été identifiés dans l’environnement de la personne, que ce soit sur le plan familial, social ou scolaire, en plus d’avoir bénéficié d’un support immédiat de la part de la famille ou de l’école lors de 82 l’épisode d’intimidation. La résilience semble ainsi s’être développée au moment même où la personne vivait de l’intimidation. Le tableau de la page suivante résume les principaux aspects du développement de la résilience pour chacun de ces types de parcours : Tableau 5: Le développement de la résilience, selon les types de parcours Types de parcours Développement de la résilience Parcours où la persévérance scolaire a été compromise Un nombre moins élevé de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement de l’élève. La résilience s’est développée sur une plus longue période. Parcours axé sur la transition Un nombre important de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement de l’élève. La résilience s’est développée lors d’un changement d’environnement, qui a permis à l’élève de recevoir des rétroactions sociales positives. Parcours axé sur la réussite Un nombre élevé de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement de l’élève, en plus de recevoir un support immédiat. La résilience semble s’être développée au moment même où l’élève subissait de l’intimidation. En somme, ces résultats reflètent bien la complexité et la singularité de chacun des parcours recensés. Au-delà des points de convergence et de divergence, il demeure que chaque personne a modulé son parcours différemment et a démontré une résilience afin de « rebondir » de son expérience d’intimidation pour poursuivre son cheminement scolaire, professionnel et personnel. 83 Chapitre 5 : Discussion Dans ce dernier chapitre, les résultats du mémoire seront discutés afin de répondre à la question de recherche, soit : Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a-t-il influencé la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? Puis, les implications théoriques et pratiques de la recherche seront présentées, ainsi que les critères de rigueur scientifiques qui ont été respectés et les limites de l’étude réalisée. Finalement, des pistes pour la réalisation d’études futures seront suggérées. 5.1 Trois types de parcours, mais des points d’ancrage communs Les résultats ont donné lieu à l’élaboration d’une typologie où trois types de parcours ont pu être recensés, et où, dans chacun de ces parcours, l’intimidation à l’école secondaire a bel et bien influencé la construction identitaire et la poursuite du parcours scolaire des étudiants et étudiantes rencontrés. L’incidence de l’intimidation a touché autant la persévérance scolaire que le choix de carrière, mais s’est modulée différemment en fonction du type de parcours qui en a découlé. Pour le premier type de cheminement, où la persévérance scolaire a été compromise, l’intimidation a freiné la poursuite d’un parcours scolaire positif, sans toutefois en empêcher sa réalisation. Les répercussions de l’intimidation sont marqués, tant sur le plan de la persévérance scolaire que du choix de carrière. Ce type de parcours concorde avec les résultats de plusieurs études qui mettent l’accent sur les facteurs de risque inhérents au fait de subir de l’intimidation en milieu scolaire (Beran et coll., 2008; Casey-Canon et coll., 2001; Cornell et coll. 2013; Graham et coll., 2010; Grills & Ollendick, 2002; Houbre et coll., 2012; Juvonen et coll., 2010; MELS, 2010; Rayle et coll., 2007; Yang et coll., 2006), tel que définis dans les chapitres précédents. 84 Pour le deuxième type de parcours, celui axé sur la transition, les manifestations recensées sont semblables au premier type de cheminement, c’est-à-dire que des répercussions ont été observées sur le plan de la persévérance scolaire et du choix de carrière, mais elles sont demeurées contextuelles. En fait, un moment de transition permet à l’étudiant de recommencer à neuf et de minimiser les manifestations de l’intimidation sur les plans de la persévérance et du choix de carrière pour la suite de son parcours. Par exemple, le passage du secondaire au collégial peut permettre cette transition. Cet aspect est, à notre connaissance, un élément qui n’a pas été abordé dans le corpus scientifique à ce jour, et constitue donc un nouvel éclairage empirique. Finalement, pour le parcours axé sur la réussite, l’intimidation pousse certains étudiants à s’investir davantage sur les plans scolaire et professionnel. Les étudiants ont notamment tendance à avoir de meilleurs résultats scolaires et avoir des aspirations de carrière plus élevées que s’ils n’avaient pas subi d’intimidation. Peu de manifestations négatives ou pouvant brimer le parcours scolaire sur le plan de la persévérance ou du choix de carrière sont donc observées dans ce type de parcours. Ce type de parcours fait écho aux résultats de l’étude de Roberge (2008), dans laquelle neuf des dix participants avaient entrepris des études universitaires en dépit de l’épisode d’intimidation qu’ils avaient vécu. La présente recherche permet de mettre en lumière un nouvel aspect à cet égard, soit le cheminement que les étudiants peuvent emprunter pour accéder à des études universitaires. Mais au-delà des manifestations recensées pour chacun des parcours, deux constantes se dégagent et méritent d’être soulignées. Premièrement, tous les étudiants rencontrés affirment avoir observé un changement relatif à la perception de soi et à la construction identitaire à un certain moment de leur cheminement. De plus, chacun des parcours étudiés constitue un parcours de résilience, dans le sens où chacun des étudiants rencontrés a su rebondir de l’expérience d’intimidation vécue pour accéder à des études universitaires. Ces deux constantes seront donc discutées afin d’étayer davantage la réponse à la question de recherche proposée. 85 5.1.1 Une construction identitaire qui se module en fonction de l’intimidation L’un des principaux constats qui se dégagent de la présente étude est que, peu importe le type de parcours poursuivi, la victimisation semble avoir affecté la construction identitaire des participants. En effet, nous avons appliqué la théorie du contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1998) à la construction identitaire d’élèves victimes d’intimidation. Ce cadre théorique repose sur le postulat que la construction identitaire est relationnelle, et que les rétroactions sociales jouent un rôle dans la façon dont la personne module sa perception d’elle-même. L’application de cette théorie à la problématique de l’intimidation tend à se confirmer dans les propos que rapportent les participants qui en ont été victimes. Les élèves qui subissent de l’intimidation et qui reçoivent des rétroactions sociales négatives et répétées à propos d’eux-mêmes pourraient en venir à changer leur standard identitaire pour qu’il y ait une cohérence entre la vision qu’ils ont d’eux-mêmes et celle que leurs pairs leur renvoient. Par exemple, certains étudiants en sont venus à intégrer une perception négative d’euxmêmes, à la suite des rétroactions sociales négatives provenant de leurs pairs. À force de se faire dire qu’ils ne valaient rien, ils l’ont en quelque sorte intégré dans leur perception. La vision qu’ils avaient d’eux-mêmes a donc été modulée par le regard des autres. Ce constat va de pair avec l’étude de Houbre et ses collaborateurs (2012), où il a été mis en lumière que les élèves qui subissent de l’intimidation auraient une conception de soi plus affaiblie que les autres. Au-delà de consolider ce constat, ce mémoire permet aussi de mieux comprendre le processus qui sous-tend la façon dont l’intimidation peut influencer la construction identitaire. Les répercussions sur le plan identitaire semblent donc plus difficiles à éviter ou à moduler que les manifestations que l’on peut observer sur le plan scolaire et au niveau du choix de carrière, où on observe une plus grande variabilité en fonction des parcours recensés. Il est donc possible de croire que le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a 86 bel et bien influencé la construction identitaire des étudiantes et étudiants universitaires rencontrés, et qu’il s’agit d’un élément majeur à considérer pour la poursuite de leur parcours scolaire. Toutefois, cela ne signifie pas que les élèves qui subissent de l’intimidation seront nécessairement amenés à ajuster leur perception d’eux-mêmes en une vision négative. En fait, il semblerait que l’une des façons d’éviter cela serait de les placer dans des situations où les rétroactions sociales reçues seraient plus positives, et qui les confirmeraient dans une perception positive d’eux-mêmes. Par exemple, il pourrait s’agir de changer de groupe d’amis, ou de s’investir dans des activités valorisantes, de redoubler d’efforts dans ses études pour bien réussir, etc. Ces pistes concordent d’ailleurs avec deux des facteurs de protection identifiés par Roberge (2008), soit 1/ la possibilité de participer à des activités parascolaires ou à des groupes communautaires et d’y contribuer positivement, ainsi que 2/ d’entretenir des relations positives avec des personnes de l’entourage professionnel, social et familial. 5.1.2 Des parcours de résilience porteurs d’espoir En plus des deux facteurs mentionnés ci-haut, trois autres facteurs de protection ont été étudiés, soit : des attentes personnelles élevées de succès, notamment au niveau de la carrière, la conscience de ses forces et ses limites personnelles, ainsi que le soutien reçu et la capacité à prendre soin de soi-même (Roberge, 2008). L’analyse des entrevues de recherche révèle que les participants rencontrés présentaient un nombre important de facteurs de protection dans leur environnement familial et scolaire, ce qui a donné lieu au développement d’une résilience, et ce, sans égard au type de parcours qui suivi. Tous les parcours analysés constituent donc des parcours où la résilience s’est développée, ce qui a permis aux étudiants rencontrés de rebondir et de poursuivre leur parcours scolaire à la suite d’une expérience d’intimidation à l’école secondaire. 87 La présence de ces facteurs de protection dans l’environnement des participants pourrait leur avoir permis de contrer les facteurs de risque relatifs à l’intimidation vécue. Par exemple, dans le cas de la construction identitaire, le fait d’avoir accès à des activités parascolaires valorisantes et de maintenir un réseau d’amis aurait permis à certains participants d’aller chercher des rétroactions sociales positives et de maintenir un standard identitaire positif. Ainsi, les manifestations de l’intimidation sur la construction identitaire étaient moindres, ou de moins longue durée. Ces facteurs de protection ont tous été mentionnés dans les récits étudiés, à l’exception de la capacité à prendre soin de soi-même qui n’a pas été abordée par les participants. Cela ne signifie pas nécessairement que ce facteur n’était pas présent, mais il n’a pas été identifié et reconnu comme tel par les participants. Des nuances peuvent toutefois être apportées pour chacun des types de parcours. Pour les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, la personne présentait moins de facteurs de protection dans son environnement scolaire et familial. On remarque également que la résilience semble s’être développée sur une plus longue période, par exemple sur une période allant du secondaire à l’université. Pour les parcours axés sur la transition, un nombre plus important de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement familial, social ou scolaire de l’élève. La particularité de ce parcours tient cependant au fait que la résilience s’est développée lors d’un changement d’environnement, par exemple l’arrivée au cégep ou un changement d’école, qui permettrait à la personne de recevoir des rétroactions sociales positives sur sa perception de soi. Cela concorde avec le cadre théorique de la théorie du contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1998). Par ce changement d’environnement, la personne est placée dans un contexte où elle reçoit dorénavant des rétroactions sociales positives sur soi. Elle pourra donc redéfinir son standard identitaire, et l’ajuster en une perception de soi plus positive. Puis, les parcours axés sur la réussite se caractérisent par le fait que la résilience s’est développée au moment même où la personne subissait de l’intimidation. Ces élèves 88 présentaient de nombreux facteurs de protection dans leur environnement social et familial, et ont reçu un soutien immédiat de la part de l’école ou de la famille lors de la période d’intimidation. Cette analyse de parcours fait ressortir une tendance : plus l’élève aurait de facteurs de protection présents dans son environnement familial, social ou scolaire, plus la résilience semblerait se développer tôt. Ce constat constitue une piste interprétative qui gagnerait à être explorée davantage au regard du développement de la résilience chez les adolescents qui subissent de l’intimidation. 5.2 Les retombées potentielles À la lumière de ces résultats, il est possible de mettre en lumière des retombées sur le plan théorique, mais également sur le plan de la pratique professionnelle de l’orientation, quant à la problématique de l’intimidation à l’école secondaire. 5.2.1 Des retombées théoriques Tout d’abord, l’angle d’approche sous lequel la problématique a été étudiée a permis de comprendre l’intimidation subie comme un processus dont les manifestations sur les plans scolaire et professionnel sont bien présentes, mais qui se modulent dans le temps, en fonction des types de parcours. Cela a permis de dégager une typologie descriptive des parcours de résilience qui contribue à faire avancer les connaissances sur le sujet. Le fait de s’intéresser à la construction identitaire des élèves victimes d’intimidation et d’y appliquer la théorie du contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1998) constitue également un nouvel angle d’approche quant à cette problématique. Puis, les entrevues de recherche ont permis de décrire « la vie après l’intimidation subie au secondaire » en montrant le processus de résilience qui s’est opéré, les facteurs de protection et le moment où cette résilience se construit. 89 5.2.1 Des retombées pour la pratique professionnelle de l’orientation Sur le plan de la pratique professionnelle, ces constats contribuent à mettre en lumière l’importance de prendre en considération les répercussions de l’intimidation sur le plan de la construction identitaire avec les élèves victimes d’intimidation en milieu scolaire. Pour y arriver, les conseillers et conseillères d’orientation pourront se référer à la théorie du contrôle identitaire et la façon dont elle s’applique dans la situation des élèves qu’ils rencontrent. Les manifestations de l’intimidation sur les plans scolaires et professionnels doivent également être prises en considération par tous les intervenants scolaires. En ce sens, les conseillers et les conseillères d’orientation pourraient devenir des acteurs-clés dans l’intervention auprès des jeunes qui subissent de l’intimidation. En plus d’être attentif aux épisodes d’intimidation rapportés par les élèves et de ses répercussions sur leur cheminement personnel, identitaire, scolaire et professionnel, notamment dans le cadre de consultations individuelles, ils pourraient faire du counseling auprès des élèves intimidés, diriger les parents vers de bonnes ressources, voire guider le milieu scolaire dans la mise en œuvre de méthodes visant l’amélioration du climat scolaire, notamment en offrant de la formation au personnel scolaire (Bauman, 2008; Bauman & Jacobsen, 2007). Par ailleurs, l’identification de facteurs de protection qui contribuent à contrer les facteurs de risques associés au fait de subir de l’intimidation est porteuse pour la pratique, et ce, tant au niveau de la prévention que de l’intervention. Sur le plan de la prévention, il serait bénéfique de prôner des relations positives entre toutes les personnes qui font partie de l’environnement scolaire. En ce sens, l’instauration d’un climat scolaire positif et sécurisant pourrait agir à titre de facteur de protection afin de diminuer les effets de l’intimidation (Poulin, Beaumont, Blaya et Frenette, 2015). Sur le plan de l’intervention, le soutien que l’élève reçoit demeure primordial pour réduire les répercussions de l’intimidation et l’aider dans son développement identitaire. En milieu scolaire, ce soutien peut notamment passer par un enseignant qui est sensible à la situation vécue par un élève qui subit de l’intimidation, par une personne-ressource bien identifiée qui prend en charge la situation et en assure le suivi, ou encore par le fait d’offrir un suivi en relation d’aide à l’élève touché. Le milieu scolaire gagne aussi à offrir des activités parascolaires et à 90 favoriser les possibilités de participer à des groupes communautaires. Ces activités peuvent prendre diverses formes, et si les participants ont l’impression d’y contribuer positivement et de développer leurs passions, il peut s’agir d’une stratégie d’intervention ou même de prévention efficace. Pour ce qui est de l’intervention en orientation plus spécifiquement, les conseillers et conseillères d’orientation peuvent contribuer à ce que les élèves prennent conscience de leurs forces et de leurs limites personnelles, et qu’ils développent des attentes élevées de succès sur le plan de la carrière. De plus, la formation scolaire des conseillers et conseillères d’orientation, qui est axée sur l’écoute empathique et le développement d’attitudes favorisant l’établissement de liens de confiance avec les élèves, leur permettrait de concevoir l’intimidation différemment des enseignants et du personnel administratif, et utiliseraient des approches d’intervention différentes centrées sur la relation d’aide (PowerElliott & Harris, 2012). De façon plus concrète, la typologie présentée pourrait également servir de point de départ pour dresser un guide ou une liste de questions pour les professionnels de l’orientation qui voudraient déceler les répercussions de l’intimidation sur le parcours scolaire et professionnel d’un élève. La typologie pourrait aussi servir de point de départ pour un atelier de sensibilisation à l’intimidation, ou encore dans le cadre d’une intervention de groupe auprès des élèves qui en sont victimes. Les intervenants scolaires auraient donc tout à gagner à favoriser le développement de facteurs de protection, afin que les élèves victimes d’intimidation puissent rebondir de cette épreuve et poursuivre un parcours de résilience pour la suite de leur cheminement scolaire et professionnel. En ce sens, l’éducation de toute la communauté scolaire, principalement des témoins, pourrait s’avérer bénéfique pour réduire les risques d’intimidation. En outre, il importe de mentionner que la famille joue également un rôle dans le développement des facteurs de protection énumérés ci-haut. Par exemple, le fait de maintenir des relations familiales saines ou d’apporter un soutien immédiat si un adolescent subit de l’intimidation pourrait contribuer à réduire les répercussions potentielles de cette problématique chez un adolescent qui en est victime. D’ailleurs, l’intimidation est perçue 91 par plusieurs chercheurs comme s’intégrant dans une approche multicontextuelle où les interventions devraient tenir compte des individus touchés, de la famille, des pairs, de l’école et de la communauté pour assurer des interventions efficaces (Swearer et coll., 2010; Rahey et Craig, 2002; Ttofi et coll., 2008). 5.3 Les critères de rigueur scientifique et les limites observées Pour arriver aux résultats de ce mémoire et aux retombées qui en découlent, un souci particulier a été porté afin de respecter des critères de rigueur scientifique s’appliquant aux données qualitatives et de minimiser les limites potentielles de la recherche. 5.3.1. Les critères de crédibilité et de transférabilité Deux critères concernant la rigueur des données qualitatives ont été considérés, soit la crédibilité et la transférabilité (Savoie-Zajc, 2009). Pour ce qui est du critère de crédibilité, défini comme étant « l’exactitude dans la description du phénomène vécu par les participants » (Savoie-Zajc, 2009, p.358), un soin particulier a été porté à analyser chacun des récits un à un et à en préserver le sens avant d’entamer une classification des données et d’en arriver à l’élaboration de la typologie présentée. Les parcours étudiés ont donc été analysés en fonction de ce qui a été vécu et rapporté par les participants. Le deuxième critère, la transférabilité, est défini par Savoie-Zajc (2009) comme étant une application ou une transposition possible des résultats « à d’autres milieux, à d’autres populations ou à d’autres contextes » (p.358). Bien que le but de ce mémoire ne soit pas d’en arriver à des résultats généralisables, il est tout de même possible de penser que les résultats présentés pourraient être valides dans différents contextes, notamment auprès d’étudiants universitaires d’une autre région. Par ailleurs, l’échantillon a été composé de façon à interroger des hommes et des femmes d’âges différents et de programmes d’études 92 divers, ce qui lui confère une certaine diversité qui permet d’apporter un éclairage auprès de différentes populations. Il demeure néanmoins que les résultats obtenus dans le cadre de ce mémoire s’appliquent spécifiquement dans le contexte d’étudiants universitaires ayant vécu un épisode d’intimidation à l’adolescence, faisant d’eux des participants résilients au départ. 5.3.1. Les limites de l’étude Bien que les dispositions nécessaires aient été prises pour assurer la rigueur scientifique de chacune des étapes du mémoire, certaines limites demeurent et doivent être mises en lumière. D’abord, l’utilisation de l’approche biographique et de la méthode du récit de vie comporte certaines limites en soi, notamment la possibilité de tomber dans l’illusion biographique, ou autrement dit l’illusion « que “la vie” constitue un tout, un ensemble cohérent et orienté, qui peut et doit être appréhendé comme expression unitaire d’une intention subjective et objective, d’un projet » (Bourdieu, 1986, p. 69). Ainsi, les étudiants interrogés étaient à risque de reconstruire et de raconter leur parcours de façon à ce que des liens soient faits entre leur expérience d’intimidation et la poursuite de leur parcours scolaire pour que leur vécu devienne unifié et davantage cohérent pour eux. Ils étaient alors susceptibles de présenter leur vécu de façon plus linéaire, ou encore de faire abstraction de certains évènements afin de raconter leur histoire autour d’une ligne directrice. Cependant, les sousquestions posées par la chercheure ont pu minimiser ce biais et recentrer les étudiants sur les manifestations de l’intimidation sur leurs parcours scolaires. Dans le même sens, le choix méthodologique de s’intéresser à une population ayant un certain recul sur la problématique étudiée a permis de mieux comprendre la façon dont la personne poursuit son parcours. Cependant, le fait que l’intimidation était parfois terminée depuis une longue période pouvait faire en sorte que les souvenirs de certains étudiants étaient moins ancrés, notamment sur la façon dont ils se sentaient à tel ou tel moment de leur parcours. 93 Par ailleurs, le fait que notre échantillon soit composé exclusivement d’étudiants universitaires peut induire un biais, dans le sens où plusieurs des participants mentionnaient avoir un intérêt marqué pour l’école. De plus, plusieurs d’entre eux avaient déjà dans leur environnement des facteurs de protection tels qu’une famille soutenante. Il pourrait donc y avoir d’autres types de parcours qui pourraient se dégager d’une expérience d’intimidation à l’adolescence, mais qui n’ont pas été observés dans le cadre de cette étude. Un autre élément à considérer est le fait qu’il n’y a pas eu de distinction entre l’intimidation physique, verbale ou relationnelle pour le recrutement des participants. Cela dit, il n’y a pas eu de différences significatives observées dans les résultats à ce sujet. En outre, étant donné que le terme intimidation peut être utilisé dans différents contextes, il importe de mentionner que l’une des limites potentielles de l’étude était la possibilité de recruter des gens ayant vécu des expériences de violence ou de harcèlement qui ne correspondent pas en tous points à la définition de l’intimidation retenue. Pour contrer cet éventuel biais, la chercheure a pris le soin d’intégrer des critères de définition aux moyens de recrutement utilisés et de les vérifier avec chacun des participants avant de débuter les entrevues. La durée de la victimisation n’a pas non plus été prise en compte, ce qui aurait peut-être pu apporter un éclairage supplémentaire sur les parcours des participants. 94 Conclusion De nombreuses recherches se sont intéressées à l’intimidation, sous différents angles. Cependant, aucune étude n’avait encore exploré cette problématique en tenant compte de la façon dont les facteurs de risque et les facteurs de protection relatifs au parcours scolaire et professionnel se modulent à la suite d’un tel vécu à l’école secondaire. De plus, à notre connaissance, aucun modèle portant sur la construction identitaire n’avait encore été appliqué aux adolescents et aux adolescentes qui subissent de l’intimidation en milieu scolaire. Ce constat a mené à explorer l’intimidation sous un nouvel angle dans le cadre de ce mémoire, soit en examinant le parcours scolaire ainsi que la construction identitaire d’étudiants universitaires qui ont subi de l’intimidation, afin de décrire « la vie après l’intimidation ». Le présent mémoire avait pour but de répondre à la question suivante : Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a-t-il influencé la construction identitaire d’étudiantes et d’étudiants universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? Après avoir réalisé dix-huit entrevues semi-dirigées inspirées de l’approche biographique du récit de vie (Francequin, 2004) auprès d’étudiants universitaires ayant vécu de l’intimidation à l’école secondaire, une analyse « entretien par entretien » (Blanchet et Gotman, 2007) a été menée. Les conséquences de l’intimidation sur les plans de la persévérance scolaire, du choix de carrière et de la résilience ont donc été étudiées sous une perspective qualitative. Sur le plan de la persévérance scolaire, l’analyse en lumière que l’intimidation avait peu d’influence sur les aspirations aux études postsecondaires des participants, car leur désir d’entreprendre des études universitaires était déjà bien ancré pour la plupart d’entre eux. Le désir d’abandon, l’absentéisme et la baisse des résultats scolaires étaient, pour leur part, des conséquences du vécu d’intimidation rapporté par certains participants. Par ailleurs, des problématiques connexes telles que des troubles anxieux, un épisode dépressif ou 95 encore une tentative de suicide ont eu une incidence négative sur leur persévérance scolaire. Sur le plan du choix de carrière, un intérêt nouveau ou renouvelé pour la relation d’aide, un manque de confiance envers sa capacité à réaliser son choix de carrière, le besoin de s’éloigner des intimidateurs lors d’un choix d’études et un projet d’avenir occulté par l’intimidation ont été observées, à différents niveaux, chez les participants rencontrés. Par ailleurs, l’épisode d’intimidation semble aussi lié à la consolidation d’un intérêt pour la relation d’aide. L’analyse des résultats a également mené à explorer l’intimidation sous l’angle de la résilience. Pour ce faire, cinq facteurs de protection ont été étudiés, soit : 1/ le soutien reçu, 2/ des attentes élevées de succès, 3/ l’accès à des activités parascolaires et communautaires valorisantes 4/ des relations familiales et amicales positives et 5/ la conscience de ses forces et limites personnelles. Le processus de résilience qui s’est opéré ainsi que le moment où cette résilience s’est construite ont également été examinés. La mise en commun de ces trois composantes a donné lieu à l’élaboration d’une typologie descriptive présentant trois types de parcours, soit : les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, les parcours axés sur la transition et les parcours axés sur la réussite. Cette typologie permet de mieux saisir la façon dont les facteurs de risque et de protection énumérés ci-haut se sont modulés dans le cheminement des participants, de façon à ce qu’ils poursuivent leur parcours scolaire jusqu’à l’université. Pour les parcours où la persévérance scolaire a été compromise, un nombre peu élevé de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement. L’intimidation a alors agi comme un frein pour la poursuite du parcours scolaire de ces étudiants, et plusieurs conséquences négatives de l’intimidation ont ponctué leur cheminement. La résilience s’est ainsi développée sur une plus longue période. 96 Pour les parcours axés sur la transition, un nombre important de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement de l’élève, mais la résilience s’est développée lors d’un changement d’environnement, notamment le passage de l’école secondaire au cégep, ou encore lors d’un changement d’école. Des conséquences négatives sur le parcours scolaire et professionnel ont également été observées, mais elles n’ont pas perduré dans le temps et ont pris fin lors du changement d’environnement qui a été significatif pour eux. Pour les parcours axés sur la réussite, l’intimidation a plutôt agi comme un déclencheur pour la poursuite d’un parcours scolaire positif. Les étudiants ont tout de même relaté certaines conséquences négatives de leur vécu d’intimidé, mais ils ont décidé de montrer ce qu’ils valaient réellement en s’investissant davantage dans leur parcours scolaire. Un nombre élevé de facteurs de protection étaient présents dans l’environnement de l’élève au moment de l’épisode d’intimidation, ce qui a permis à ces élèves d’avoir accès à du soutien rapidement. Pour ce type de parcours, la résilience semble s’être développée au moment même où l’élève subissait de l’intimidation. Or, tous les participants, sans égard au type de parcours poursuivi, ont vécu un changement sur le plan de leur construction identitaire. Ce changement s’est notamment manifesté par une diminution de l’estime de soi ou un changement dans la perception de soi. Le regard des autres pourrait être à la source de ces changements. L’aspect relationnel de la construction identitaire à l’adolescence pourrait ainsi être affecté lors d’un épisode d’intimidation. Afin de rétablir une concordance entre leur définition personnelle d’euxmêmes et les rétroactions sociales de leur environnement, comme le suggère la théorie du contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1997), les commentaires des pairs pourraient être intériorisés, entraînant des changements importants quant à la perception de soi. L’application de la théorie de contrôle identitaire tend donc à confirmer la pertinence son application au regard de la problématique de l’intimidation. En somme, les manifestations de l’intimidation sur la persévérance scolaire, le choix de carrière et la construction identitaire sont bien présentes (parfois positives, parfois négatives), mais peuvent se moduler différemment chez les élèves qui en sont victimes. 97 Les trois types de parcours qui se sont dégagés de cette étude témoignent d’ailleurs en ce sens, et constituent une avancée sur le plan théorique au regard de la problématique de l’intimidation. L’application de la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1997) à la problématique de l’intimidation à l’adolescence contribue également à l’avancement des connaissances dans ce domaine. Figure 7: Résumé de l’étude exploratoire À la lumière de ce qui précède, ce mémoire ouvre la porte à des pistes pour de futures recherches sur la problématique de l’intimidation. D’abord, il pourrait être intéressant, dans le cadre d’une prochaine étude, de comparer un groupe d’étudiants universitaires ayant subi de l’intimidation avec un groupe de jeunes adultes du même âge qui ont décroché des études en raison de l’intimidation. Cela pourrait contribuer à mettre davantage en évidence les facteurs de protection et le développement de la résilience dans le cadre de différents parcours de vie. 98 En outre, les prochaines études sur le sujet pourraient tenir compte des facteurs familiaux et socioculturels des étudiants. En effet, il est possible que le fait d’avoir eu des parents qui soient allés à l’université, donc une valeur forte inscrite dans la famille en ce qui touche les études universitaires, ait joué comme facteur de protection pour prévenir le décrochage. Ce serait une variable à contrôler dans les études futures. Puis, l’application de la théorie de contrôle identitaire (Kerpelman et coll., 1998) pourrait être explorée davantage, en réalisant une étude centrée exclusivement sur le développement identitaire des adolescents qui subissent de l’intimidation. Il pourrait également être intéressant d’en tester son application auprès d’autres populations étudiantes, notamment au primaire. Finalement, la mise sur pied d’une étude quantitative permettrait d’évaluer si certaines retombées théoriques de la présente étude sont généralisables et d’en tester la portée. 99 Références Aktouf, O. (1992). Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations. 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La présente recherche a pour but d’explorer dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a influencé la façon dont vous vous percevez sur le plan de l’identité (ex : changement dans la perception de soi, estime de soi, etc.) ainsi qu’aux effets de l’intimidation sur le choix de carrière et sur la persévérance aux études. Pour participer, vous devez être étudiant ou étudiante de [nom de l’université] et avoir été victime d’intimidation2 en milieu scolaire lors de votre passage à l’école secondaire. Votre contribution à cette recherche consiste en une rencontre individuelle d’une durée d’une heure trente au maximum pendant laquelle vous serez invités à partager sur votre expérience et à raconter votre parcours. Elle aura lieu dans les locaux de [lieu choisi]. Toutes les précautions nécessaires seront prises afin d’assurer la confidentialité. De plus, le tirage d’une paire de billets de cinéma sera effectué parmi les personnes qui auront participé à l’étude. Pour toute question ou pour manifester votre intérêt à participer, vous pouvez communiquer avec moi aux coordonnées ci-dessous : Suzy Patton Étudiante à la maîtrise en sciences de l’orientation – Profil recherche et intervention [email protected] Dans le cadre de la présente étude, l’intimidation doit avoir été vécue en milieu scolaire et les gestes d’intimidation doivent avoir été posés de façon répétitive à une fréquence minimale de deux à trois fois par mois. De plus, elle suppose une inégalité de rapport de pouvoir entre la victime et de l’agresseur et elle est susceptible d’avoir engendré des sentiments de détresse. 2 109 Annexe B : Recrutement sur les réseaux sociaux PARTICIPANTS RECHERCHÉS! Vous avez vécu de l’intimidation à l’école secondaire? Vous aimeriez que votre expérience serve à développer de nouvelles connaissances sur le sujet? Cette annonce s’adresse à vous! ** Afin de préserver la confidentialité, veuillez ne pas répondre directement à cette annonce. Merci aux personnes intéressées de me contacter uniquement via les coordonnées indiquées ci-dessous. ** Vous étudiez présentement à [nom de l’université] et vous aimeriez partager votre point de vue sur l’effet qu’a pu avoir le fait de vivre de l’intimidation sur la poursuite de votre parcours scolaire? La présente recherche vous en offre l’opportunité! Menée par Suzy Patton, étudiante à la maîtrise en sciences de l’orientation, sous la direction de France Picard et de Nancy Gaudreau, professeures à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, la présente recherche a pour but d’explorer dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a influencé la façon dont vous vous percevez sur le plan de l’identité (ex : changement dans la perception de soi, estime de soi, etc.) ainsi qu’aux effets de l’intimidation sur le choix de carrière et sur la persévérance aux études. TITRE DE LA RECHERCHE : Les effets de l’intimidation sur le parcours scolaire d’étudiants universitaires POUR PARTICIPER : Vous devez être étudiant ou étudiante à [nom de l’université] et avoir été victime d’intimidation en milieu scolaire lors de votre passage à l’école secondaire. Dans le cadre de la présente étude, l’intimidation doit avoir été vécue en milieu scolaire, les gestes d’intimidation doivent avoir été posés de façon répétitive à une fréquence minimale de deux à trois fois par mois. De plus, elle suppose une inégalité de rapport de pouvoir entre la victime et l’agresseur et elle est susceptible d’avoir engendré des sentiments de détresse. VOTRE CONTRIBUTION : Elle consiste en une rencontre individuelle d’une durée d’une heure trente au maximum pendant laquelle vous serez invités à partager sur votre expérience. Elle aura lieu dans les locaux de [lieu choisi]. Toutes les précautions nécessaires seront prises afin d’assurer la confidentialité. De plus, le tirage d’une paire de billets de cinéma sera effectué parmi les personnes qui auront participé à l’étude. 110 Pour toute question ou pour manifester votre intérêt à participer, vous pouvez communiquer avec moi aux coordonnées ci-dessous : Suzy Patton Étudiante à la maîtrise en sciences de l’orientation – Profil recherche et intervention [email protected] 111 Annexe C : Formulaire de consentement Présentation du chercheur Cette recherche est réalisée dans le cadre du projet de maîtrise de Suzy Patton, dirigé par France Picard, du département des fondements et pratiques en éducation et Nancy Gaudreau du département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, à l’Université Laval. Avant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de ce projet de recherche, ses procédures, avantages, risques et inconvénients. Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à la personne qui vous présente ce document. Nature de l’étude La recherche a pour but d'étudier si le fait d’avoir subi de l’intimidation à l’école secondaire a eu un effet sur le parcours scolaire d’étudiants universitaires, sur les plans de la persévérance scolaire et du choix de carrière. Déroulement de la participation Votre participation à cette recherche consiste à nous accorder une entrevue, d’une durée d’une heure trente au maximum, qui portera sur les éléments suivants: éléments d'information sur les répondants et sur leur parcours scolaire; description de l’effet qu’a pu avoir l’intimidation sur la persévérance scolaire, le choix de carrière et les aspirations scolaires des répondants; description de l’effet qu’a pu avoir l’intimidation sur la construction identitaire (ex. : changement dans la perception de soi, faible estime de soi, etc.) des répondants ; description de l’adaptation qui a permis de poursuivre son parcours scolaire en dépit du fait d’avoir subi de l’intimidation. Avantages, risques ou inconvénients possibles et compensation liés à votre participation. Le fait de participer à cette recherche vous offre une occasion de réfléchir et de discuter en toute confidentialité de votre parcours scolaire en tenant compte de l’effet possible qu’a pu avoir le fait de vivre de l’intimidation sur ce dernier. Les inconvénients possibles sont le déplacement pour venir à l’entretien, le temps que vous y consacrerez ainsi que la fatigue que cette rencontre pourrait engendrer. De plus, il est possible que le fait de raconter votre expérience suscite des réflexions ou des souvenirs émouvants ou désagréables. Si cela se produit, n’hésitez pas à en parler avec la personne qui mène l’entrevue. Celle-ci pourra vous mentionner le nom d’une ressource en mesure de vous aider, au besoin. Pour vous remercier de votre participation, le tirage d’une paire de billets de cinéma sera effectué parmi les personnes qui auront participé à l’étude et nous vous en informerons. 112 Participation volontaire et droit de retrait Vous êtes libre de participer à ce projet de recherche. Vous pouvez aussi mettre fin à votre participation sans conséquence négative ou préjudice et sans avoir à justifier votre décision. Si vous décidez de mettre fin à votre participation, il est important d’en prévenir le chercheur dont les coordonnées sont incluses dans ce document. Tous les renseignements personnels vous concernant seront alors détruits. Confidentialité et gestion des données Les mesures suivantes seront appliquées pour assurer la confidentialité des renseignements fournis par les participants: les noms des participants ne paraîtront dans aucun rapport; les divers documents de la recherche seront codifiés et seul le chercheur aura accès à la liste des noms et des codes; les résultats individuels des participants ne seront jamais communiqués; les matériaux de la recherche, incluant les données et les enregistrements, seront conservés sur un ordinateur protégé par un mot de passe ou dans un classeur sous clé. Ils seront détruits dix ans après la fin de la recherche, soit en août 2024 ; les données de recherche pourront être conservées jusqu’en août 2030 pour utilisation ultérieure dans le cadre de d’autres projets de recherche. Ils seront anonymisés (avec dénominalisation irréversible), consécutivement à la destruction de tout document (papier ou électronique) et de tout matériel brut contenant des renseignements personnels ou permettant une future réidentification; la recherche fera l’objet d’un mémoire et être publié dans des revues scientifiques, et aucun participant ne pourra y être identifié ; un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document, juste après l’espace prévu pour leur signature. Remerciements Votre collaboration est précieuse pour nous permettre de réaliser cette étude et nous vous remercions d’y participer. Signatures Je soussigné(e) ______________________________consens librement à participer à la recherche intitulée : «L’effet de l’intimidation sur le parcours scolaire d’universitaires québécois ». J’ai pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que le chercheur m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet. __________________________________________ ____________________ Signature du participant, de la participante Date 113 Un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document. Les résultats ne seront pas disponibles avant le mois de janvier 2016. Si cette adresse changeait d’ici cette date, vous êtes invité(e) à informer la chercheure de la nouvelle adresse où vous souhaitez recevoir ce document. L’adresse (électronique ou postale) à laquelle je souhaite recevoir un court résumé des résultats de la recherche et les billets de cinéma si je suis gagnant au tirage est la suivante : J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant. __________________________________________ ____________________ Signature du chercheur Date Renseignements supplémentaires Si vous avez des questions sur la recherche, sur les implications de votre participation ou si vous souhaitez vous retirer de la recherche, veuillez communiquer avec Suzy Patton, étudiante à la maîtrise en sciences de l’orientation au profil recherche et intervention, à l’adresse courriel suivante : [email protected], ou au numéro de téléphone suivant : XXX-XXX-XXXX. Plaintes ou critiques Toute plainte ou critique sur ce projet de recherche pourra être adressée au Bureau de l'Ombudsman de l'Université Laval : Pavillon Alphonse-Desjardins, bureau 3320 2325, rue de l’Université Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Renseignements - Secrétariat : (418) 656-3081 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Courriel : [email protected] Copie du participant 114 Annexe D : Questionnaire pré-entrevue Les effets de l’intimidation sur le parcours scolaire d’étudiants universitaires Profil du/de la participant(e) Nom : ___________________________ Âge : ____ Sexe : ____ Programme d’études : ________________________________________ Année : ____ Identifiez à quelle période vous avez vécu de l’intimidation à l’école secondaire (vous pouvez cocher plus d’un choix) : Secondaire 1 Secondaire 2 Secondaire 3 Secondaire 4 Secondaire 5 Avez-vous déjà interrompu vos études? _____ Si oui, indiquez la durée : _____ mois. Commentaires : _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ 115 Annexe E : Guide d’entrevue Section A : Accueil du participant et présentation - Accueillir le/la participant(e) et présentation de chacun. - Présenter le projet de recherche au participant, répondre à ses questions et discuter de ses appréhensions, s’il y a lieu. Rappel des critères d’échantillonnage ayant servi au recrutement pour s’assurer que la personne y répond bien. Lui faire signer le formulaire de consentement. - Laisser du temps à la personne rencontrée pour remplir le formulaire « Profil du participant ». Section B : Guide d’entrevue semi-dirigée (inspiré de la méthode du récit de vie) Question de départ : Est-ce que tu peux me raconter ton parcours scolaire, depuis le primaire jusqu’à aujourd’hui? Thèmes à explorer : 1. Effets de l’intimidation sur le parcours scolaire - 2. Pourrais-tu me raconter l’expérience d’intimidation que tu as vécue lorsque tu étais au secondaire (quelle forme, à quel moment, durée)? Dans quelle mesure l’expérience d’intimidation que tu viens de me décrire a eu un effet sur ton désir de poursuivre ou d’abandonner tes études? Comment cela s’estil manifesté? Sur ton choix de carrière? Comment? Sur le niveau d’étude que tu visais (ex : DEP, cégep, université)? Comment? Effets sur l’identité - - Est-ce que tu as remarqué un changement dans la perception que tu avais de toi suite à l’épisode d’intimidation que tu as vécu (ex : sur le plan de l’estime de soi, de tes intérêts, de tes comportements, de tes sentiments)? Dans quelle mesure? Qu’est-ce qui, dans ton expérience d’intimidation, a mené à ces changements? 116 - 3. Est-ce que les paroles ou les comportements que les intimidateurs avaient envers toi (interactions) ont joué un rôle dans ces changements? Résilience - 4. Lorsque c’est arrivé, comment as-tu fait pour poursuivre ton parcours scolaire malgré l’épisode d’intimidation que tu as vécu? Quels moyens (stratégies) t’ont permis de poursuivre ton parcours? Selon toi, quels facteurs ont pu contribuer à faire en sorte que tu étudies maintenant dans un programme universitaire malgré l’épisode d’intimidation que tu as vécu? Autres commentaires ou précisions? - Éléments de tout ordre que le/la participant(e) souhaiterait ajouter avant de terminer l’entrevue. Section C : Conclusion - Remettre à tous les participants les coordonnées [de la ressource d’aide]. - Remerciements et informations concernant le tirage de la paire de billets de cinéma. 117 Annexe F : Guide d’analyse Question de recherche : Dans quelle mesure le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école secondaire a-t-il influencé la construction identitaire d’universitaires québécois et, de là, la poursuite de leur parcours scolaire? Objectifs : 1) Comprendre l’incidence de l’intimidation sur le plan de carrière des jeunes qui en ont été victimes au secondaire ; 2) Analyser dans quelle mesure l'intimidation affecte la persévérance aux études postsecondaires ; 3) Explorer les liens possibles entre le vécu d'intimidé et les aspirations aux études postsecondaires ; 4) Explorer dans quelle mesure le fait de vivre de l’intimidation à l’école secondaire affecte la construction identitaire. Livre de codes : Forme d’intimidation : o Verbale o Physique o Relationnelle o Autre Durée de l’intimidation : o Une seule année o Plusieurs années Moment où la personne a subi de l’intimidation : o Forme d’intimidation vécue Primaire et secondaire o Premier cycle du secondaire (secondaire 1 et 2) o Deuxième cycle du secondaire (secondaire 3 à 5) 118 Plan de carrière : o Effet positif de l’intimidation (ex : l’intimidation a servi de tremplin à la personne) o Effet négatif de l’intimidation o Sans effet Persévérance aux études : o Désir de poursuivre les études o Désir d’abandonner les études o Abandon réel des études Aspirations aux études postsecondaires o Effet positif de l’intimidation o Effet négatif de l’intimidation o Sans effet Construction identitaire o Changement dans la perception que la personne avait d’elle-même o Aucun changement dans la perception que la personne avait d’elle-même o Aspect ayant mené à un changement dans la perception que la personne avait d’elle-même (ex : baisse d’estime de soi, paroles des intimidateurs, interactions négatives, etc.) Résilience o Moyen ou stratégie mis en place par la personne pour lui permettre de réduire l’effet de l’intimidation et poursuivre son parcours (ex : se concentrer sur un aspect positif de l’école, ignorer les comportements, etc.) o Facteur de protection de la personne (ex : famille, amis, le fait d’avoir une passion ou de participer à d’autres activités, etc.) 119