La productivité des médecins: un symptôme, pas un diagnostic Par Fabienne Papin le 29 janvier 2015 Le Dr Joseph Dahine, président de la FMRQ. La Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) veut prendre le pouls de ses membres ET tendre la main à la population. Très (trop!) centré sur les médecins, leur productivité, le niveau de langage des intervenants, sans parler de leurs interprétations de moyennes de toute façon pas très parlantes, le débat actuel sur les réformes entreprises en santé a dérapé. On a, semble-t-il, perdu la prémisse de départ qui était d’améliorer l’accès et la qualité des soins pour les patients. La FMRQ pense donc se distinguer en se recentrant sur les patients. «On veut leur tendre la main. Leur demander de nous dire, selon leur expérience du réseau de la santé, où ils ont vu les freins à une médecine efficace», explique le Dr Joseph Dahine, président de la FMRQ. Tout le monde part du principe que la population en a contre les délais de toutes sortes ou que les Québécois veulent tous un médecin. «On se dit que le public a peut-être une perspective différente. En médecine, on suppose souvent des faits ou des émotions chez nos patients, et quand on prend la minute nécessaire pour leur demander pourquoi ils refusent leur chirurgie ou ne prennent pas leurs médicaments, on se rend compte qu’ils ont une crainte très justifiée», précise le Dr Dahine. Des craintes faciles à résoudre ou à démystifier. La FMRQ organise donc sa propre consultation. Elle a mis en ligne un sondage simple pour identifier les «problèmes majeurs qui minent notre système de santé, mais aussi les solutions qui pourraient les régler». À la recherche des problèmes et des solutions Parmi les problèmes relevés par le FMRQ: les délais d’attente, les difficultés à se faire référer à un médecin spécialiste ou à obtenir une place en centre de réadaptation, ainsi que les manques de ressources en soins à domicile par exemple ou dans les CLSC. Il ne s’agit pas de faire du cas par cas. Cette consultation vise à faire ressortir des thématiques sur lesquelles des groupes de travail se pencheront afin d’apporter des solutions concrètes que la FMRQ compte présenter ensuite au ministre de la Santé. Demander son point de vue au public est aussi une façon de dire à la population que les médecins ne vivent pas «dans un univers parallèle et que la relève médicale, celle qui dans cinq, 10, 20 ans, occupera la totalité ou presque des postes en médecine, cette génération donc, est intéressée à écouter les patients et à les mettre de l’avant, précise le Dr Dahine. Car au bout du compte ce qu’on veut, c’est qu’il ait la meilleure médecine possible.» Le statu quo n’est en effet pas une option. Le problème, selon la FMRQ, c’est qu’on a fait les choses à l’envers avec les projets de loi 10 et 20. «Il n’y a pas eu de dialogue avec les intervenants du milieu de la santé pour s’assurer que les solutions qui pourraient être mises en place soient applicables et répondent aux besoins de la population sur le terrain», affirme le Dr Dahine. Et l’on passe à côté de quelque chose d’important. Le projet de loi 20 semble en effet laisser supposer que le problème d’accès est lié à la productivité des médecins. Pour le Dr Dahine c’est, au mieux, réducteur. La productivité des médecins est peut-être une partie du problème, mais elle fait partie d’un tout beaucoup plus complexe. Bref, on parle ici d’un symptôme et non d’un diagnostic! Une loi qui ne changera rien pour le patient «Prescrire des antibiotiques à quelqu’un qui se sent mal n’a pas de sens. Il peut y avoir 10 000 raisons pour cela. Pour faire un diagnostic, le médecin commence par vous poser des questions et faire un examen avant de se faire une idée», souligne le Dr Dahine. Il n’achète pas la version selon laquelle on connaît les causes du problème de l’accessibilité depuis des années. «Le problème est probablement plus complexe que les généralités qui sont balancées depuis longtemps.» D’où l’importance de consulter la population pour déceler des problématiques que l’on ne suppose pas. En interrogeant ses membres, il pense que sa Fédération est à même de dresser un portrait plus réaliste que ceux qui circulent actuellement. «Les médecins résidents sont ceux qui pataugent dans le plus d’endroits à travers la province», explique-t-il. Lui-même travaille aux soins intensifs, et les problèmes d’accessibilité et de qualité des soins de ce milieu ne font jamais les manchettes bien qu’ils soient très réels au quotidien. Ainsi, il passe des heures au téléphone à essayer de trouver un lit aux soins intensifs pour des patients au lieu de s’occuper d’eux. «Comment se fait-il qu’en 2015, on n’ait pas un système qui nous donne les taux d’occupation des lits et un répartiteur qui pourrait s’occuper de trouver un lit à ceux qui en ont besoin?», interroge-t-il. Le Dr Dahine revendique cependant le droit de ne pas être en mesure de savoir quels sont les problèmes spécifiques rencontrés par un médecin de famille en Gaspésie! Il semble d’ailleurs persuadé que personne dans le réseau n’a une idée juste des problèmes qui minent tout le réseau. Cette consultation en ligne devrait donc permettre de faire ressortir les thèmes sur lesquels se pencher et proposer des solutions concrètes et applicables «pour qu’il y ait un changement ressenti par les patients». Selon le Dr Dahine, Gaétan Barrette lui-même ne croit pas que les médecins vont embarquer dans son projet. «En conférence de presse initiale, il a dit que la moitié des médecins de famille n’allait pas changer son profil de pratique et allait simplement accepter 30 % de pénalité», rappelle le président des résidents. Le médecin se demande donc comment ce projet de loi va pouvoir améliorer les choses pour les patients si la moitié de ceux qui sont concernés n’y adhèrent pas.