VITAMINE K ORALE COMPARÉ À SOUS-CUTANÉE
QUESTION : Quelle est la forme la plus efficace de vitamine K pour renverser un
INR trop élevé ?
AUTEUR : Danyèle Lacombe (FÉVRIER 2008)
P : patients anticoagulés avec INR sur-thérapeutique
I : vitamine K orale
C : vitamine K sous-cutanée
O : efficacité du renversement de l’INR, diminution des compications
hémorragiques pour le patient
CONTEXTE:
Un de mes patients hospitalisés avec un INR sur-thérapeutique a reçu une dose
de vitamine K s/c sans effet sur l'INR. Lorsque la vitamine K orale a été prescrite,
l'INR du lendemain avait diminué. Donc, perdons-nous notre temps en
prescrivant de la vitamine K s/c?
RECHERCHE:
Cochrane: aucune revue systématique de Cochrane mais on trouve 2 revues
systématiques dans « Other reviews ». .
BestBets: aucun.
Trip Database: 1 méta-analyse pertinente qui est une de celles trouvées ci-haut
RÉSULTATS :
1) DeZee K J,Shimeall W T,Douglas K M,Shumway N M,O'Malley P
G.Treatment of excessive anticoagulation with phytonadione (vitamin K): a
meta-analysis. Archives of Internal Medicine.2006;166(4):391-397.
Inclus dans la revue: études de patients avec INR > 4.0 dû à l'anticoagulation
(coumadin, acenocoumarol, phenprocoumon), sans hémorragies. Études
randomisées et prospectives non-randomisées. Recherche dans Medline,
Embase et Cochrane ad septembre 2004 sans restriction de language. Chaque
étude a été révisée par 2 auteurs.
En tout: 21 études (10 RCT avec 534 patients, 11 non-randomisées avec 449
patients). L'INR moyen à travers les études était de 5.4 à 8
Primary outcome: atteinte d'un INR de 1.8 à 4.0, 24 heures après la première
administration de vitamine K.
Résultats des groupes utilisant le Coumadin:
Avec INR de base entre 4.0-10.0: (% de patients ayant un INR cible 1.8-4.0
après 24 heures)
- vit K po: 82% (95% CI: 70-93)
- vit K IV: 77% (95% CI: 60-95)
- vit K s/c: 31% (95%CI: 7-55)
- placebo: 20% (95% CI: 0- 47)
Avec un INR de base >10.0: (% de patients avec un INR toujours supérieur à 4
après 24 heures)
- vit K s/c: 71%
- vit K po: 48%
- vit K IV: 30%
C’est seulement chez les patients ayant reçu de la vitamine K p.os qu’on a
retrouvé un nombre significatif de patients avec un INR sous 1.5: 6% (95% CI: 0-
12).
Cette étude ne répond pas de façon claire à la question de la dose adéquate de
vitamine K à donner. On note au tableau no 1, qui relate les RCT, qu'une dose
orale de 1-2 mg réduit l'INR de 2.6 à 2.8 tandis qu’une dose de 2.5 à 5 réduit
l’INR d'environ 4.8.
Conclusion des auteurs: Ces études suggèrent que la vitamine K orale et IV sont
équivalentes et plus efficaces pour renverser l'anticoagulation que le simple fait
de cesser le Coumadin. Par ailleurs, la vitamine K s/c est inférieure à la voie
orale ou IV pour renverser l'anticoagulation sur-thérapeutique, et performe
somme toute de façon similaire au placebo.
Toutefois, il n’y aucune évidence que la vitamine K diminue le nombre
d'hémorragies.
Limitation de cette revue: les auteurs ne semblent pas avoir cherché d'études
non-publiées, et l'inclusion d'études non-randomisées diminue la validité des
conclusions.
2) Dentali F et al. Treatment of coumarin-associated coagulopathy: a
systematic review and proposed treatment algorithms. Journal of
Thrombosis and Haemostasis.
2006;4(9):1853-1863.
Méthodologie: Recherche dans Medline et Embase mais limitée à la langue
anglaise. Littérature recherchée jusqu'à décembre 2005. Chaque article
a été révisé par 2 auteurs. Les termes utilisés pour la recherche ne
semblent pas laisser de côté quelque chose d'important et les critères
d'exclusions semblent raisonnables. 36 études retrouvées dont 24 sur
la vit K (toutes formes confondues). Sur ces 24 études,12 RCT, 11
études de cohorte prospectives et une rétrospective. Pour eux aussi la vitamine
K orale est aussi efficace à 24 heures que la vit K IV (sans les risques associés)
et la vit K s/c est moins efficace que les autres. Toutefois la diminution de l'INR
est plus rapide avec la vitamine K IV et devrait être utilisée lors de saignement
actif. Référence sur une étude où les patients avec un INR de 6 à 10 reçoivent
soit vit K 2 mg p.o. ou 0.5 IV : 6 heures après l'administration 11/24 IV et 0/23
p.o. (p<0.001) ont un INR entre 2 et 4. Pas de différence à 24 heures toutefois.
Les auteurs ont noté que plus de patients (en nombre absolu) traités avec la
vitamine K IV étaient surconvertis (INR<2) mais p=0.08 (NS).
Pas d'études trouvées qui comparait directement les différentes doses
de vit K orale mais la revue cite une analyse de la littérature qui suggère
une dose de vit K de 1 à 1.5 mg pour un INR entre 4.5 et 10 et une
dose de 2.5 mg pour les INR supérieurs à 10. Les auteurs recommandent donc
de ne pas utiliser la vit K orale chez les patients avec une valve mécanique
(risque associé à un INR sous-thérapeutique plus grand que chez les autres) à
moins que l'INR ne soit supérieur à 6 (vs leur recommandation générale du
tableau 3 qui débute le traitement à un INR de 4.5). Dans ces cas la seule petite
étude qu'ils citent avait utilisé une dose de 1 mg p.os.
Leur conclusion : Le traitement optimal des patients avec un INR sur-
thérapeutique est la vit K orale chez le patient asymptomatique et la vit K IV
(avec facteurs de coagulation ) chez le patient qui saigne. Cela devrait diminuer
la morbidité associée à ce problème mais il faudrait des études
randomisées qui évaluent l'impact clinique de ces recommandations sur
les saignements et les thromboses.
CONCLUSION :
Malgré les limitations de ces méta-analyses, les résultats sont quand même
convaincants et on peut dire que l'administration de vitamine K par voie PO est
préférable à la voie s/c comme première tentative pour renverser
l'anticoagulation.
Il serait intéressant d'obtenir des études randomisées de plus grande envergure
qui évalueraient aussi la réduction de saignement majeurs chez les patients
traités avec vitamine K orale vs. s/c.
Références sous forme de tableaux à consulter et à regarder à la lumière des
données citées dans ce PICO :
Ansell et al. The pharmacology and management of the vitamin K
antagonists. The seventh ACCP conference on antithrombotic and
thrombolytic therapy. Chest 2004 Sept; suppl 126 (3) 204S -233S
TABLEAU à la page 213S
Cloutier, Stéphane. Quand la coagulation s’affole. Le médecin du Québec.
Décembre 2007. P.53-60. TABLEAU à la page 58
Dentali F et al. Treatment of coumarin-associated coagulopathy: a systematic
review and proposed treatment algorithms. Journal of Thrombosis and
Haemostasis. 2006;4(9):1853-1863. TABLEAU no 3
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