
Analyse
LES ÉCO AFRIQUE - MARDI 14 MAI 2013
Cahier de l’intégration
ments bilatéraux entre États, traditionnel-
lement considérés comme l’une des prin-
cipales voies de financement auxquelles
ont recours les économies africaines»,
constatent les experts de S&P. Le recours
aux emprunts internationaux tend ainsi
à supplanter les financements dans le
cadre des coopérations bilatérales.
À double tranchant
Si cet engouement pour les emprunts
internationaux est essentiel pour le fi-
Les économies africaines sont
en train de rattraper progressi-
vement leur retard sur le mar-
ché international des capitaux
en multipliant les sorties, mais sem-
blent prêter peu d’attention aux effets
boomerang de cette tendance : la pro-
gression des dettes extérieures. Tel est,
en substance, le constat du rating ser-
vice de l’agence internationale de nota-
tion Standard & Poor’s, récemment livré
à la presse. «Au moment où l’Afrique du
Sud était encore le seul État à multiplier
les recours au marché international en
termes d’émissions d’obligations, plu-
sieurs autres économies africaines se
sont aussi très vite lancées sur la même
voie durant les deux dernières années»,
relève-t-on dans la note de l’agence. Les
chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis
2007, sept États africains ont eu recours
aux emprunts à l’international, d’une
valeur totale estimée à 5 milliards de
dollars US et la tendance s’accentue
d’année en année. L’agence explique
cette situation par le fait que les faibles
retours sur investissement sur les mar-
chés européens et américains, en
l’occurrence, poussent les capitaux in-
ternationaux à se tourner vers les éco-
nomies en développement et émer-
gentes, en l’occurrence en Afrique. Les
économies du continent ont ainsi de
plus en plus de promptitude à émettre
des obligations d’États sur les marchés
internationaux, au détriment du marché
domestique. De plus, «les mesures d’aus-
térité prévalant dans la plupart des écono-
mies en développement, depuis l’éclate-
ment de la crise financière internationale,
pèsent beaucoup sur les prêts et finance-
S&P met en garde contre
l’eet «boomerang» !
●Eurobonds. L’agence de notation américaine constate une nette augmentation des recours
aux emprunts internationaux chez les économies africaines. La réorientation des capitaux
occidentaux vers les marchés en développement a accentué la tendance, mais cela n’est pas
sans impact sur les dettes extérieures des pays africains.
nancement de la dynamique de crois-
sance de la plupart des économies du
continent, cela constituerait cependant
un risque d’accentuation des dettes ex-
térieures de ces États, selon les appré-
ciations de l’agence de notation améri-
caine. Il faut dire que le volume des
emprunts commerciaux contractés par
les pays africains est loin d’être au ra-
lenti. «Nous estimons que pour les 16
pays étudiés dans la région subsaha-
rienne, les emprunts commerciaux de-
16
Emprunter pour inancer les infrastructures
Pour S&P, la forte demande en financement de projets d’infrastructures, impulsée par la dynamique économique soutenue du continent, est l’un des facteurs pous-
sant de plus en plus de pays africains à avoir recours aux capitaux internationaux. Une lecture qui rejoint la positon du cabin
et Ernst&Young (EY). Selon l’enseigne,
rien qu’en 2012, près de 800 projets d’infrastructures ont été lancés à travers le continent, dans plusieurs secteurs, pour une valeur combinée d’investissements
dépassant les 700 milliards de dollars US. L’Afrique du Sud est évidemment le premier marché en termes de projets d’investissements infrastructurels, avec une
valeur globale de près de 130 milliards de dollars US. «Le ministre sud-africain des Finances a également récemment annoncé que près de 100 milliards de dollars
US du Budget de l'État ont été alloués à la réalisation de projets d’infrastructures dans le pays sur les trois prochaines années
», annonce EY. Le Nigéria est le deuxième
plus important pays du continent dans le lancement de projets infrastructurels. À fin février dernier, le pays comptait 106 pro
jets d’infrastructures en cours de réa-
lisation, pour un montant global de près de 95,4 milliards de dollars US. L’Égypte talonne les deux premiers avec 82 projets, p
our 60 milliards de dollars US. En Afrique
de l’Est, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Mozambique
, viennent compléter le top 10 africain en termes de projets d’infrastructures lancés.
ÉTAT D’AVANCEMENT DES PROJETS D’INFRASTRUCTURES
LANCES SUR LE CONTINENT (EN %)
37% 299 projets
Conception et faisabilité
36% 293 projets
Closing financier,
pré-lancement
27% 225 projets
En cours, bientôt livrés
SOURCE : BUSINESS MONITOR INTERNATIONAL; ERNST & YOUNG ANALYSIS
ÉMISSIONS D’OBLIGATIONS D’ÉTAT SUR LES MARCHES
INTERNATIONAUX (EN MILLIONS $ US)
2007
0
200
400
600
800
1.000
1.200
1.400
1.600
1.800
2008 2009 2010 2011 2012 2013
Rwanda
400
Sénégal
500
Gabon 1000 Ghana 750
Sénégal 500
Nigeria
500 Namibie
500
Angola 1000
Tanzanie
600
Zambie 750
SOURCE : STANDARD & POOR’S 2013
vraient progresser de 25% en 2012,
pour atteindre la valeur de 56 milliards
de dollars US (emprunts internationaux
et domestiques compris). Même si
une bonne partie de ces emprunts a été
opérée sur les marchés domestiques, le
recours aux euro-obligations, en l’oc-
currence, se révèle de plus en plus un
réflexe partagé chez ces États. En 2007,
le Ghana et le Gabon ont été les pre-
mières économies de la région, hors
Afrique du Sud, à émettre des
Eurobonds. Une seconde vague d’émis-
sions a démarré depuis 2011. Sur les 12
derniers mois, sur une échéance plus
récente, trois autres économies afri-
caines se sont greffées à la tendance. Il
s’agit de la Zambie pour un montant de
750 millions de dollars, de l’Angola
pour 1 milliard de dollars US et du
Rwanda pour une valeur de 400 mil-
lions de dollars US.
Diversification
Les intérêts des pays africains recourant
aux capitaux internationaux ne se limi-
tent pas uniquement aux Eurobonds.
Selon le rapport de S&P, une bonne par-
tie de ces États envisagent également
d'émettre des «sukuks», des obligations
islamiques conformes aux règles de la
charia. Pour l’heure, la tendance à la fi-
nance islamique reste limitée. Seuls la
Gambie et le Soudan ont récemment
procédé, pour le moment, à des émis-
sions régulières de sukuks sur leur mar-
ché domestique respectif. Toutefois,
d’autres économies comme le Sénégal,
l’Afrique du Sud, la Mauritanie et le Ni-
géria, ont récemment manifesté leur in-
térêt pour ce type de recours au finance-
ment islamique à l’international, sans
qu’aucun de ces pays n’ait encore fait
réellement le pas. ●
Depuis 2007, les
recours aux emprunts
à l’international
s'accentuent d’année
en année.