Le 10 décembre 2009 “Les progrès de la génétique : entre espoirs et craintes” Madame Isabelle MAYSTADT, docteur en médecine, docteur en sciences, généticienne a. Historique La génétique est une science très récente dans l’histoire de la médecine: • Hippocrate (5ème siècle ACN) est le père de la génétique. Selon lui, les maladies proviendraient d’un déséquilibre entre les 4 éléments, les 4 caractères et les 4 humeurs. • Hérophile (4ème siècle ACN) réalise les premières dissections ; il décrit l’anatomie de l’homme, les structures du système nerveux. • Il a fallu attendre le 16ème siècle pour que les dissections reprennent : Vésale réalise des dissections dans de grands amphithéâtres ; il recense les muscles et les nerfs. • Au 17ème siècle, Marcello Malpighi décrit pour la première fois des cellules humaines. • Au 19ème siècle, Gregor Mendel, actuellement considéré comme le père fondateur de la génétique, décrit la transmission des caractères génétiques de génération en génération, les lois fondamentales de la génétique. • En 1877, Walther Flemming visualise pour la première fois les chromosomes. • En 1953, Watson et Crick (et Rosalind Franklin) décrivent la double hélice d’ADN, qui constitue actuellement la base de la génétique. L’homme est composé 100 000 milliards de cellules. Chaque cellule contient un noyau, composé de 46 chromosomes (23 paires). Ceux-ci contiennent toute l’information qui nous fait fonctionner. Les deux derniers chromosomes sont des chromosomes sexuels. Un chromosome est constitué d’un long fil d’ADN, constitué d’une double hélice pelotonnée sur elle-même. L’ADN est composé de 4 nucléotides (A, C, T et G) suivant un code. L’ADN peut être recopié ; le fragment recopié se traduit en protéine qui nous fait fonctionner. Les défauts de l’ADN empêchent la production de protéines et sont à l’origine de dysfonctionnements, de maladies génétiques. b. Le diagnostic des pathologies génétiques a. Le diagnostic simple : • Les maladies chromosomiques (ex. trisomie 21): Actuellement, certaines techniques permettent de mettre en évidence des défauts beaucoup plus petits au niveau des chromosomes: la technique FISH (drapeaux fluorescents) ou la technique des micropuces à ADN. Cependant, l’interprétation des résultats est de plus en plus difficile, car certaines variations observées ne provoquent pas de dysfonctionnements. • Les maladies géniques : Un gène normal donne une protéine fonctionnelle ; par contre, suite à une mutation génique, une protéine devient non fonctionnelle et entraine une maladie. Les mutations peuvent être observées par l’analyse du séquençage (code) de l’ADN. Les maladies géniques peuvent concerner tous nos organes : sur 25000 gènes connus, 6000 maladies géniques ont été identifiées. Une collaboration internationale est indispensable pour échanger les savoirs et les techniques. 1/3 b. Le diagnostic prénatal : Différentes méthodes : • Amniocentèse (15-16 semaines de grossesse) : prélèvement de liquide, mise en culture et analyse des cellules. Malheureusement, diagnostic assez tardif. • Ponction des villosités choriales (11 semaines de grossesse) : analyse d’un prélèvement de placenta. Parfois risque d’interruption de grossesse. Indications de ces techniques de diagnostic : • Risque augmenté de trisomie 21 • Antécédents familiaux de maladie génétique débutant dans l’enfance, incurable à ce jour et caractérisée par un retard mental ou un handicap majeur • Anxiété maternelle Cependant, risque de dérive en cas de découverte fortuite d’une anomalie difficile à interpréter pour les patients (ex. Chromosome XYY ou Y surnuméraire = chromosome du crime ?). c. Le diagnostic préimplantatoire par fécondation in vitro et transfert des embryons sains : Cela pose encore beaucoup de problèmes techniques, mais les résultats sont bons dans certaines maladies. La fécondation in vitro est une technique lourde, très médicalisées pour les patients. Les indications sont identiques au diagnostic prénatal. Les risques de dérives (eugénisme) sont importants. d. Le diagnostic prédictif : Il permet de déceler un risque accru de développer une maladie et de traiter la maladie plus précocement. Ainsi, dans la maladie de Marfan, ce type de diagnostic permet grâce à des médicaments de protéger les jeunes enfants de la dilatation de l’aorte. Il permet également de mieux suivre les personnes plus susceptibles de développer un cancer du colon dans des familles à risque. Toutefois, il est parfois difficile de déterminer s’il est opportun de faire un diagnostic prédictif : ex. Maladie de Huntington. Etant donné les dérives possibles, le diagnostic prédictif est uniquement réalisé dans un cadre multidisciplinaire avec un encadrement psychologique; il n’est jamais réalisé chez des enfants. I.Maystadt met en garde contre les dérives des tests de génétique sur internet! Dans les centres de génétique, les tests de paternité se font uniquement sur ordonnance motivée d’un juge. c. Progrès de la génétique sur le plan thérapeutique a. Premier principe : Comprendre la maladie, c.à.d. comprendre le lien entre la maladie génétique et les symptômes, afin de ne pas agir uniquement sur les symptômes. b. Deuxième principe : Corriger les gènes par différentes méthodes : • Traitement enzymatique des maladies métaboliques, c.à.d. le remplacement de la protéine déficiente par perfusion. Cela permet de stabiliser la maladie au niveau de certains organes. • Transplantation : Greffe de moelle osseuse ou greffe hépatique. Le foie a une capacité de régénération très rapide. Mais risques de rejet. • Thérapie cellulaire : Greffe de cellules souches. Nous avons tous des cellules souches, qui ont la grande capacité de pouvoir se différencier dans différents organes. Cette différenciation peut être influencée. Les sources principales de cellules souches : la moelle osseuse et le sang de cordon. Les meilleures cellules souches sont celles de l’embryon. La thérapie cellulaire reste très onéreuse et pose certains problèmes éthiques (ex. embryons surnuméraires utilisés pour la recherche). • Le clonage « thérapeutique » : la technique consiste à inclure un noyau adulte dans un ovule énucléé pour obtenir, par division de la nouvelle cellule, un embryon dont le matériel génétique est identique (un clone). Cette technique trouve des applications dans certaines maladies : infarctus du myocarde (cellules cardiaques), diabète (cellules du pancréas) et maladie d’Alzheimer (cellules nerveuses, neurones). 2/3 • Risques de dérive du clonage reproductif. En Belgique, le clonage reproductif humain est interdit. La recherche sur des embryons (embryons surnuméraires ou résultant de clonage thérapeutique) est uniquement autorisée à certaines conditions : il n’existe pas d’autres méthodes avec une efficacité comparable ; elle peut uniquement être réalisée dans des centres universitaires agréés, sur des embryons dans leurs 14 premiers jours de développement. En revanche, en France, toute recherche sur les embryons est interdite. Les thérapies géniques : Un gène médicament va coloniser la personne par l’intermédiaire d’un vecteur et produire la protéine manquante. Autre méthode : des cellules malades sont prélevées, corrigées et réinjectées. Les difficultés de ces techniques sont : l’efficacité du transport et de l’expression des cellules cibles, la durée de présence des cellules cibles, l’innocuité et la réponse immunitaire du traitement. L’expérience ne peut être répétée en cas d’échec. Les meilleurs résultats sont obtenus en ophtalmologie, car l’œil est un organe bien circonscrit. Mais ces techniques restent très onéreuses. * * * * * Quelques réponses aux questions • • • • • • • Toutes les maladies génétiques ne sont pas héritées d’un parent. Les cellules souches parviennent à se différencier en fonction du milieu, mais on n’a pas encore découvert pourquoi. Toute une série de gènes servent à la différenciation et s’éteignent ensuite. C’est pourquoi, les cellules souches sont plus nombreuses chez l’embryon. Les gènes médicaments atteignent le bon organe parce qu’ils sont injectés dans l’organe malade. S’il s’agit d’organes plus généralisés tels que les muscles, les gènes médicaments sont injectés dans le sang. La dépression maniacodépressive et l’épidermis bulleuse ne sont pas des maladies génétiques pures, mais des maladies multifactorielles. L’hémophilie est une maladie purement génétique. Certains diabètes sont purement génétiques, d’autres sont multifactoriels. La neurofibromatose est une maladie génétique, dont les symptômes sont très variables d’un patient à l’autre. Une forme d’hémochromatose est récessive. Elle touche le plus souvent des fratries et ne se transmet que rarement de génération en génération. Tous les cancers du sein ne sont pas héréditaires. La plupart des cancers ne sont pas innés mais acquis. Dans un petit nombre de familles, il existe une prédisposition au cancer du sein. Site internet sur les maladies génétiques : www.orphanet.net L’information de ce site est fiable, car elle est validée par des scientifiques. 3/3