risques sur les écosystèmes terrestres - Phyto

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II.
Les écosystèmes terrestres
Selon le rapport de l’INRA « En principe, les traitements phytopharmaceutiques sont appliqués
uniquement sur les surfaces cultivées, ce qui réduit l'exposition aux populations présentes au
moment du traitement ou entrant dans la surface cultivée avant la dissipation des résidus de produit.
Les populations les plus directement exposées sont la faune (macro- et micro-faune) et les microorganismes de l'écosystème cultivé. L'exposition des populations qui nichent ou se nourrissent dans
les espaces semi-naturels avoisinant les surfaces cultivées est donc en théorie limitée. En pratique,
l'application de produits, en particulier par pulvérisation, conduit presque systématiquement à une
contamination des bordures des surfaces traitées (haies, buissons, cultures adjacentes, etc.) par la
dérive de brumes de pulvérisation ou de poussières de traitement de semences ou de granules (voir
par exemple Klöppel & Kördel, 1997; Koch et al., 2003, pour des études de terrain, et Rautmann et
al., 2001 pour la génération d'une base de données). »
A.
Impact des pesticides sur les organismes du sol
L'exposition des organismes du sol est inévitable dans les parcelles cultivées soumises à des
traitements phytosanitaires. Un déclin est en général évoqué depuis que les pesticides sont utilisés
de façon intensive. Nombre de pratiques culturales (pulvérisation de pesticides, fertilisation, travail
du sol) exercent un effet sur ces populations.
Ainsi pour ce qui est des microorganismes du sol, on constate dans les sols cultivés chimiquement
une diminution des bactéries du sol et des vers de terre pourtant essentiels à la fertilité des sols.
La faune du sol regroupe trois ensembles d'organismes (Lavelle, 1997) : les micro-organismes, la
mésofaune et la macrofaune
1.
Les micro-organismes
Les micro-organismes (bactéries, champignons mycorrhiziens, protozoaires, nématodes, rotifères et
tardigrades) sont impliqués dans le recyclage de la matière organique de faible poids moléculaire.
Un nombre important d’études montre une abondance et une activité accrues des micro-organismes
dans les systèmes biologiques par opposition aux systèmes conventionnels.
a)
Nématodes
Des études mettent en avant une abondance des nématodes bactériophages favorables au
développement de la biomasse bactérienne dans les systèmes biologiques par opposition aux
systèmes conventionnels (Berkelmans et al., 2003, Ferris et al., 1996, Freckman & Ettema, 1993 et
Neher & Olson, 1999, in Hole et al., 2005)
b)
Tardigrades
On note une plus grande abondance des tardigrades dans les systèmes biologiques par opposition
aux systèmes conventionnels (Yeates et al., 1997, in Hole et al., 2005)
2.
La mésofaune
La mésofaune (enchytréides, collemboles, acariens, protoures et diploures) vit dans le réseau de
pores du sol. Outre des prédateurs, elle rassemble des organismes se nourrissant à partir des
champignons, des végétaux décomposés et des particules minérales, etc.
3.
La macrofaune
La macrofaune (gastéropodes, lombrics, arachnides, isopodes, myriapodes, diptères (larves),
lépidoptères (larves) et coléoptères (larves et adultes), vit entre les micro-agrégats du sol et se
nourrit du sol, de la microflore et de la microfaune, des matières organiques solubles dans l'eau du
sol et de la faune et de la flore épigée. Ce groupe comprend également les vertébrés. L'ensemble de
ces organismes est donc impliqué dans le recyclage de la matière organique, le maintien des cycles
biogéochimiques des éléments et des qualités physico-chimiques de leur habitat.
a)
Annélides (ver de terre ou lombric)
On trouve des populations plus abondantes de vers de terre dans les systèmes biologiques par
opposition aux systèmes conventionnels. Ainsi on trouve deux fois plus de vers (notamment les
juvéniles) dans les systèmes biologiques – sans pesticides de synthèse Pfiffner & Mader, 1997, in
Hole et al., 2005.
Certains fongicides peuvent induire des modifications de comportement chez les vers de terre, avec
des différences selon les espèces et le stade biologique (Christensen & Mather, 2004). Les
modifications de comportement, mesurées par l’abondance de vers retrouvés à différentes
profondeurs de sol, traduisent des réactions de fuite des parcelles traitées en réponse à l'exposition
aux pesticides.
Les effets des herbicides : Fox (1964, in Farenhorst et al., 2003), a observé un déclin au sein des
populations présentes dans des parcelles traitées à l’atrazine, en raison d’un couvert végétal diminué
par le désherbage chimique.
b)
Insectes
On trouve une abondance des populations de carabes (Coléoptères Carabidae) plus élevée dans les
systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels (Hole et al. 2005)
c)
Arachnides
Une richesse et une abondance supérieure des arachnides (araignées) dans les systèmes biologiques
que dans les systèmes conventionnels (Hole et al., 2005)
d)
Acariens
Une abondance supérieure des acariens dans les systèmes biologiques que dans les systèmes
conventionnels (Hole et al., 2005).
e)
Mollusques
Ces organismes sont rares dans les milieux agricoles du fait de leur grande sensibilité aux altérations
des écosystèmes associées aux cultures. (in Holland, 2004.)
f)
Vertébrés du sol
Les vertébrés vivant dans le sol, comme les taupes par exemple, sont plutôt considérés comme des
organismes nuisibles aux activités agricoles et leur présence est relativement rare dans les terres
cultivées. De fait, ils ne font l'objet d'aucun suivi et d'aucune investigation d'ordre écotoxicologique
en ce qui concerne les effets non intentionnels des pesticides.
B.
Impacts sur les invertébrés épigés (organismes qui ne sont pas du sol)
1.
Généralités
On constate un déclin de ce groupe d’organismes dans le paysage agricole, associé à l’intensification
de l’agriculture depuis les 40 dernières années, qui concerne des groupes très variés. Ainsi, certaines
études ont mis en évidence une diminution des populations d'arthropodes. (Sotherton & Selft, 2000).
Cependant il est à noter que l’on constate une abondance et une diversité plus importantes des
populations d'arthropodes dans les systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels. De
même, les populations de fourmis et de punaises sont plus abondantes dans les systèmes
biologiques que dans les systèmes conventionnels. (Yeates, 1997, in Hole et al., 2005)
L’essentiel des données de terrain qui ont permis de mettre en évidence ce phénomène concerne les
insectes auxiliaires des cultures. L’utilisation d’herbicides en surfaces arables s’est avérée être une
source d’effets indirects sur certaines populations d’invertébrés par l’élimination d'espèces végétales
non visées en bordure de champ, entraînant la suppression de l’habitat et/ou de la ressource
alimentaire de certaines espèces. Ceci est particulièrement évident pour les populations
typiquement inféodées aux zones situées en bordure de champ, tels les papillons, pour lesquels 98 %
des populations sont localisées dans les 5 premiers mètres de haies qui bordent les champs de
céréales.
2.
Pollinisateurs
Un tiers de l'alimentation humaine dépendrait, directement ou indirectement, du succès de la
pollinisation (in Richards, 2001). L'existence d'un déclin des populations de pollinisateurs est admis
au sein de la communauté scientifique. Il concerne aussi bien les espèces sociales que solitaires. Les
causes identifiées sont nombreuses. Pour ce qui est des abeilles sauvages diminution de 25% en 90
aux Etats-Unis et 50 espèces pollinisatrices menacées.
Les insectes pollinisateurs sont un maillon essentiel du vivant puisqu’ils transportent, en butinant, le
pollen des fleurs sauvages et cultivées. Les plantes peuvent donc se reproduire et abriter et nourrir la
faune : c’est toute la chaîne de la vie jusqu’à l’homme en passant par les vaches et les céréales qui
dépend donc de la diversité des insectes pollinisateurs.
a)
Abeille
Au Canada et aux États-Unis, des programmes de régulation des pullulations des populations de
moustiques ont été associés à des dégâts importants dans des colonies d'abeilles, dégâts dont le coût
avoisinait 90 000 $ U.S. en 1981 et 850 000 $ U.S. en 1983 pour le seul état du Manitoba (Dixon &
Fingler, 1982, 1984 in Kevan, 1999).
70 000 colonies d'Abeilles en Californie ont été décimées, pour la seule année 1967, en raison de
traitements du coton avec du carbaryl encore utilisé.
Au Royaume Uni, un déclin des populations de bourdons dans les surfaces arables a pu être relié à
l’utilisation de pesticides (Stoate et al., 2001).
En France, des incidents chez l'abeille domestique ont été décrits à plusieurs reprises, se traduisant
par des chutes d'activité, associées ou non, à des mortalités au voisinage des ruches. Par exemple, le
déclin des populations de bourdons en France et en Belgique est attribué, en partie, au faucardage
précoce du foin et à l'utilisation d'herbicides pour éliminer les adventices à larges feuilles.
L’abeille pollinisent plus de 80% des espèces de plantes ! Ces dernières connaissent depuis quelques
années en France des surmortalités hivernales record : plus de 50% du cheptel. 500 000 colonies
d’abeilles ont disparu entre 1995 et 2000 en France, décimées par les insecticides en enrobage de
semences (Gaucho, Regent TS etc.), idem pour d’autres pays européens : 47 cas d’empoisonnement
de colonies en 1999 en Allemagne, 175 en 1996 aux Pays Bas….
b)
Papillons
Des études ont comparé les communautés de papillons dans des systèmes de cultures différents.
Elles ont mis en évidence une abondance significativement plus importante de papillons dans les
systèmes biologiques (Hole et al., 2005). Les facteurs identifiés comme ayant joué un rôle bénéfique
dans la dynamique de fréquentation des parcelles expérimentales par les papillons étaient la
moindre contamination des bordures de champs par les pesticides, la diversité végétale et la
présence de trèfle dans la rotation des cultures.
L'analyse du cas assez connu de l'impact du traitement de forêts canadiennes contre la tordeuse des
bourgeons de l'épinette (Choristoneura fumiferana) par du fenitrothion a montré que l'effet des
insecticides sur les plantes exploitées par l'homme était d'autant plus visible que l'abondance (ou la
densité) des insectes impliqués dans leur pollinisation était faible.
Des hectares de forêts du Nouveau Brunswick ont été traités contre la tordeuse, résultant en une
chute importante des rendements de production de myrtilles. Les populations de nombreuses
espèces pollinisatrices ont diminué drastiquement affectant ainsi la reproduction de nombreuses
espèces végétales (in Kevan, 1999).
C.
Impacts sur les vertébrés
Même des niveaux très faibles de résidus de pesticides dans les aliments consommés par les
vertébrés peuvent entraîner la mort. Les granulés de formulation ou les semences traitées
représentent également un risque d'ingestion plus important lorsqu'ils peuvent être utilisés par les
oiseaux comme nourriture ou comme particules de broyage. Des incidents impliquant des granulés
de carbamates sont ainsi courants (Mc Laughling & Mineau, 1995). Les mortalités de pigeons liées à
l'ingestion de semences de pois enrobées démontrent aussi l'existence de cette voie d'exposition
dans les conditions normales d'utilisation des pesticides.
1.
Oiseaux
Il est largement reconnu que les populations d’oiseaux associées aux terres cultivées ont décliné en
Europe de l'Ouest. La comparaison des communautés d'oiseaux dans des zones de cultures conduites
en système biologique avec celles présentes dans des cultures conduites de manière conventionnelle
indique que les premiers systèmes réunissent des conditions environnementales plus favorables à
ces animaux.
Beecher et al. (2002, in Hole et al., 2005) et Freemark & Kirk (2001, in Hole et al., 2005) ont, lors
d'études réalisées en Amérique du Nord, observé une richesse et une abondance deux fois plus
élevées en systèmes biologiques que dans des systèmes conventionnels.
Christensen et al. (1996, in Hole et al., 2005) ont mis en évidence une abondance plus importante en
système biologique pour 31 des 34 espèces qu'ils ont suivies.
Le rôle joué par les pesticides dans le recul de certaines espèces d'oiseaux a pu être identifié par
quelques études. Outre les indications données par les corrélations établies par exemple par le
British Trust for Ornithology (Benton et al., 2002), il existe des informations déduites des incidents
impliquant des produits phytosanitaires recensés par les réseaux et dans la littérature scientifique.
Dans la plupart des cas, ces incidents décrivent des intoxications secondaires, mises en évidence par
des mortalités anormales faisant suite à la consommation d'aliments (proies, végétaux ou graines)
contaminés. Les substances incriminées sont le plus souvent des pesticides organophosphorés,
carbamates, organochlorés ou bien encore des rodenticides (Newton, 1976, Rostker, 1987 et Fox et
al., 1989, in Mc Laughling & Mineau, 1995 ; Berny et al., 1997). Ces incidents, fréquents en Europe
aux débuts de la lutte chimique à grande échelle, sont toujours d'actualité dans certaines régions du
globe où ces pesticides sont encore utilisés (Muralidharan, 1993).
Un autre insecticide organophosphoré, le diméthoate, pourtant réputé comme modérément toxique
pour les oiseaux (Smith, 1987) a néanmoins entraîné la mort de plusieurs dizaines d'individus de
Centrocercus urophasianus (espèce proche du coq de bruyère) dans les prairies de l'Idaho, ces
animaux ayant pour habitude de venir se nourrir dans les champs de luzerne aux périodes où ceux-ci
étaient traités (Blus et al., 1989). Le même type d'observation a été rapporté en Argentine pour des
buses (Buteo swainsoni) venues se nourrir au voisinage de champs de luzerne (Goldstein et al., 1996).
Parmi les carbamates, le carbofuran est un insecticide particulièrement dangereux pour les oiseaux
(Flickinger et al., 1980 ; Hill & Fleming, 1982). Dans divers cas, c'est l'ingestion simultanée de
plusieurs pesticides qui s'est avérée fatale pour les oiseaux : diméthoate + disulfoton + carbofuran en
traitement de semences pour des Oies du Canada (Blus et al., 1991) et carbofuran + diazinon pour
des Canards huppés (Stone & Gradoni, 1985) par exemple.
L’empoisonnement secondaire est également une réalité pour les prédateurs. De nombreux cas de
rapaces intoxiqués avec des organophosphorés ont été décrits par les réseaux de suivi et dans la
littérature scientifique, et certains exemples ont déjà été cités. Ils concernent par exemple la
chouette effraie, le faucon crécerelle, la buse à queue rousse, la buse variable, le grand duc
d'Amérique et le pyrargue à tête blanche.
Les réductions des ressources alimentaires ont probablement contribué au déclin observé chez les
oiseaux des agroécosystèmes au niveau européen.
L’augmentation de l’abondance de certaines espèces d’invertébrés et de plantes entre les systèmes
biologiques et les systèmes conventionnels a été évoquée par divers auteurs comme constituant
l'une des origines possible des différences observées entre les populations d’oiseaux de ces deux
types de systèmes.
Des effets indirects d'herbicides sur les oiseaux sont également suggérés par les travaux de
Moorcroft et al. (1997, in Boatman et al., 2004), qui ont observé un déclin dans les populations de
linottes (Carduelis cannabina) coïncidant avec une réduction de l'abondance d'adventices (ou de
plantes) sensibles à des herbicides. Les pesticides utilisés en sylviculture, et notamment les
herbicides, peuvent aussi avoir des effets indirects négatifs sur les oiseaux forestiers du fait de
changements dans la diversité et la structure de la végétation (Slagsvold, 1977 ; Santillo et al., 1989).
L’utilisation d'herbicides dans des zones buissonneuses entraînait une diminution des populations de
Pinson de Brewer (Spizella breweri) allant jusqu'à respectivement 67 et 99% des populations initiales
1 et 2 ans après le traitement.
Ainsi, les données du British Trust for Ornithology indiquent que 24 espèces sont en déclin au
Royaume-Uni dans les zones agricoles (Fuller et al., 1995) et que dans les différents groupes
d'oiseaux il existe des espèces déclinantes et des espèces en expansion (voir par exemple
Greenwood, 2003 ; Baillie et al., 2005 ; Fig. 3.3-1). Cette régression est estimée à 50 à 80 % selon les
espèces (Gregory et al., 2000), et elle est plus marquée chez les oiseaux granivores. A l'inverse,
l'interdiction des pesticides organochlorés en Europe est vraisemblablement pour partie à l'origine
de l'expansion de certaines espèces (pigeon colombin, épervier d'Europe et buse variable par
exemple).
La plupart des espèces en déclin au Royaume-Uni le sont aussi dans les autres pays d'Europe de
l'Ouest. Le déclin dans les agro-écosystèmes est associé à l’intensification de l’agriculture pour 42 %
des espèces (Tucker & Heath, 1994). L'attribution de cet impact aux activités agricoles est liée au fait
que de telles tendances ne sont pas observées pour des espèces associées à d’autres habitats
(Gibbons et al., 1993 et Crick et al., 1997 in Stoate et al., 2001 ; Gregory et al., 2000,). Ces
observations rejoignent celles effectuées par divers laboratoires aux États-Unis au sein notamment
du réseau MASTER (Midwest Agricultural Surface/subsurface Transport and Effects Research), qui
ont entre autres mis en lumière l’effet négatif des herbicides sur l’abondance des populations
d’oiseaux dans les parcelles traitées mais aussi dans les zones situées en bordure (Freemark & Csizy,
1993 in Freemark, 1995).
Les études du British Trust for Ornithology constituent un apport significatif puisque grâce à un suivi
sur plusieurs années des populations d'oiseaux, des populations d'arthropodes de douze groupes les
plus communément rencontrés et des pratiques agricoles, une relation claire a pu être établie entre
la densité des oiseaux en Écosse et l'abondance des insectes, elles-mêmes liées à l'évolution des
pratiques (Benton et al., 2002). De même, des suivis menés dans des exploitations au Danemark (31
exploitations conduites en système conventionnel et 31 exploitations conduites en système
biologique) ont mis en évidence un déclin pour 15 des 35 espèces communes observées, et ce
proportionnellement à la quantité de pesticides utilisés (Braae et al., 1988 in Mc Laughling & Mineau,
1995).
La population de bruant ou d’alouette a diminué de 60% au cours des 25 dernières années tant en
France qu’en Angleterre de plus 24 espèces sont en déclin au Royaume-Uni dans les zones
agricoles…Pour onze espèces sur les douze pour lesquelles une date de début du déclin des
populations a pu être estimée, il a été montré que le début du déclin coïncide avec une période
d'utilisation massive de pesticides et notamment d'herbicides (Liess et al., 2005).
En outre, 13 des 20 espèces qui ont le plus régressé en France dans les vingt dernières années sont
des espèces se trouvant dans les zones agricoles…
2.
Les mammifères
L'état des lieux des relations entre l'usage des pesticides et l'évolution des populations d'oiseaux est
aussi valable dans le cas des mammifères, bien qu'il soit moins documenté.
Brown (1999, in Hole et al., 2005) a observé une activité plus importante des petits mammifères dans
les systèmes biologiques.
L’abondance plus élevée des populations d’insectes dans les systèmes biologiques est invoquée pour
expliquer ce phénomène.
a)
Campagnol à queue grise
On note des mortalités anormales et une population moins abondante chez le campagnol à queue
grise (Microtus canicaudus) après exposition dans des parcelles traitées avec un pesticide
organophosphoré (guthion) par comparaison à des parcelles témoins, et ce durant 2 à 6 semaines
(Edge et al., 1996, in Story & Cox, 2001)
b)
Chauve souris
L’étude de Wickamasinghe et al. (2003, in Hole et al., 2005) pour des populations de chauve-souris,
montre une augmentation de l’activité de 61 à 84% de ces animaux dans les cultures biologiques
c)
Lièvre
Une baisse des effectifs de lièvre, dont l'intensité varie de quelques pourcents à quasiment 50 %
selon le pays européen considéré, a été enregistrée au cours des 40 dernières années.
L'intensification de l'agriculture et les pesticides sont parfois mentionnés comme des facteurs
influençant l'évolution des populations (Edwards et al., 2000 ; Lundström-Gilliéron & Schlaepfer,
2003).
d)
Renard
Des cas d'intoxications de renards à la bromadiolone ont été recensés (voir par exemple Berny et al.,
1997), et l'hypothèse du rôle de la consommation d'animaux intoxiqués par cet anti-coagulant est
tout à fait corroborée par des études expérimentales (la consommation d'un cadavre entier de
ragondin empoisonné peut entraîner la mort d'un renard dans 30 à 40% des cas).
e)
Chiens
Des études ont montré un risque accru de développer certains cancers (rate notamment) pour les
chiens ayant été exposé aux insecticides. Risque 3,5 fois plus important si l’animal était exposé 2 fois
ou plus par an.( Journal of Toxicology and Environmental Health; 28 (4). 1989. 407-414 et Journal of
the American Veterinary Medicine Association, April 15, 2004)
3.
Les reptiles
a)
Généralités
Les reptiles ont des représentants à différents niveaux trophiques et jouent un rôle non nul à divers
niveaux de la chaîne alimentaire. Ils constituent quelques fois les seuls prédateurs d’un certain
nombre d’invertébrés et d'autres vertébrés. Biologiquement, ils partagent avec les amphibiens la
particularité de présenter un métabolisme largement contrôlé par les conditions environnementales,
ce qui leur confère une vulnérabilité particulière dans certaines conditions.
La littérature scientifique témoigne d’un déclin en grandes proportions de certaines espèces
(serpents et alligators) dans des régions sujettes à des applications massives de pesticides (Fleet et
al., 1972, Fleet & Plapp, 1978 et Guillette et al., 1994, in Guillette, 2000). ). Des animaux morts ou
mourants ont été retrouvés sur des sites juste après des traitements (Koeman et al., 1978)
Une revue de Hall (1980, in Pauli & Money, 2000) a mis en évidence l’impact que pouvaient avoir
certains pesticides, en particulier les substances organochlorées, sur les populations de reptiles, en
induisant des mortalités et ce même aux doses d’utilisation recommandées.
En Ukraine, des suivis conduits suite à des applications aériennes de malathion sur des forêts ont mis
en évidence des mortalités anormales chez des reptiles ainsi que chez d’autres vertébrés (Karpenko
& Myasoedov, 1978, in Pauli & Money, 2000).
Diverses observations éparses font état de la mort d'individus exposés soit lors d'un traitement, soit
par ingestion de nourriture contaminée et ceci pour des molécules variées (DDT, endosulfan,
dieldrine, chlorpyrifos, cyanophos ; revue in Lambert, 1997).
b)
Tortues
Les herbicides 2,4,5-T et 2,4-D ont induit des impacts sur les populations de tortues en Grèce
(Willemsen & Hailey, 1989). Willemsen & Hailey (1989) ont observé un déclin de 44% dans des
populations de tortues en Grèce, lui conférant ainsi le même impact potentiel que le 2,4-D.
Sur les populations d’alligators et de tortues la mortalité et l’incidence des déformations sont en
général supérieures dans les populations exposées à certains composés (DDT, DDE et dieldrine) que
dans les populations non exposées
III.
Les écosystèmes aquatiques
Les milieux aquatiques sont typiquement des milieux extérieurs aux zones agricoles traitées et en
principe ils ne devraient donc pas recevoir directement de pesticides (à l'exception notable des
traitements de rizières et des applications destinées à l'entretien des milieux aquatiques euxmêmes). Dans la réalité, il est fréquent qu'une contamination se produise, que ce soit directement
(dérive des brouillards de pulvérisation, re-dépôt de molécules véhiculées par l'air après traitement),
soit via un transfert par le sol (érosion, ruissellement, drainage).
A.
Producteurs primaires
L'introduction d'herbicides dans les milieux aquatiques peut s'accompagner de modifications de la
structure des communautés de producteurs primaires (microalgues, cyanobactéries,
phytoplancton…) liées à la disparition/raréfaction des espèces sensibles.
B.
Invertébrés (zooplancton et benthos)
Les organismes du zooplancton et du benthos (organismes qui vivent à la surface des substrats
immergés – plantes, sédiments, etc., ou dans ces substrats) jouent un rôle fondamental dans le
fonctionnement des écosystèmes aquatiques en tant que compartiments intermédiaires entre les
producteurs primaires et les organismes situés au sommet des réseaux trophiques (poissons,
oiseaux).
Certaines espèces sont en déclin dans diverses régions d'Europe : odonates (demoiselles et libellules
dont les adultes sont aériens mais les larves sont aquatiques), coléoptères, mollusques bivalves, etc.
(IUCN, 2004). De par leur toxicité, certains pesticides peuvent avoir des effets nocifs sur ces
organismes. Comme dans le cas des producteurs primaires, l'introduction de pesticides dans les
milieux aquatiques peut en théorie s'accompagner de la prolifération d'espèces tolérantes au
détriment des espèces sensibles, la conséquence étant une modification de la structure des
communautés.
C.
Poissons
De nombreuses publications et divers ouvrages ont été consacrés au danger que présentent les
pesticides pour les poissons. Ces travaux font essentiellement référence aux effets toxiques aigus.
Par le passé, divers accidents se sont accompagnés d'une mortalité massive de poissons dans des
écosystèmes naturels : pentachlorophénol, insecticides organochlorés et organophosphorés dans des
milieux aquatiques de Californie au cours des années 1960, endosulfan dans le Rhin en 1967,
produits d'extinction de l'incendie d'un entrepôt de pesticides des usines Sandoz dans le Rhin en
1986, deltaméthrine dans le lac Balaton (Hongrie) en 1995 etc. Si les effets d'une intoxication aiguë
sont souvent faciles à mettre en évidence, il n'en est pas de même de ceux d'une intoxication
chronique. Des altérations du comportement en réponse à une intoxication par des insecticides
neurotoxiques ont ainsi été observées au laboratoire
Parmi les pesticides, les pyréthrinoïdes sont sans doute les substances qui sont a priori les plus
dangereuses pour les poissons du point de vue de leur toxicité aiguë,
Certains pesticides ou dérivés de pesticides présentent des propriétés de perturbateurs endocriniens
chez les poissons (revue in Arukwe & Goksøyr, 1998 et Brown et al., 2001).
Des observations réalisées en milieu naturel ont mis en évidence que certaines populations de
poissons d'eau douce ou estuariennes présentaient des anomalies susceptibles d'avoir été induites
par des perturbateurs endocriniens (intersexe, inversion de sexe, etc. ; voir par exemple Jobling et
al., 1988 ; Minier et al., 2000 ; van Aerle et al., 2001 ; Pickering & Sumpter, 2003 ; Beresford et al.,
2004),
Si la qualité des eaux ne cesse de s’améliorer, les spécialistes lancent une alerte au cocktail
pesticides-médicaments (source : fridolin wichser 11 novembre 2005)
La présence dans nos eaux de nouveaux micropolluants inquiète la Commission internationale pour
la protection des eaux du Léman (CIPEL).
«La qualité des eaux s'améliore, mais, dans nos rivières, des poissons changent de sexe ou attrapent
des maladies graves. Il y a de fortes présomptions que ce cocktail chimique y est pour quelque chose.
Or il faut comprendre d'abord la nature du problème avant de pouvoir le résoudre», résume Robert
Cramer (conseiller d'Etat genevois)
Il y a un an, les nouveaux moyens d'analyse du Service genevois de protection de la consommation
ont permis de constater la présence dans le lac d'une trentaine de pesticides. Les deux principaux
provenaient des usines chimiques valaisannes: Syngenta, à Monthey, et Lonza, à Viège. « ces
produits ont tendance à s'accumuler alors qu'ils sont censés être biodégradables. Connue en
laboratoire et à température ambiante, leur réaction ne l'est pas dans les eaux sombres et froides du
lac», s'inquiète Marc Bernard, du Service valaisan de la protection de l'environnement.
D.
Amphibiens
De nombreuses étude mettent en évidence la réduction de l'abondance de certaines populations,
voire la disparition totale de certaines espèces (voir par exemple Houlahan et al., 2000 ; Alford et al.,
2001). Les amphibiens sont considérés comme particulièrement sensibles à de nombreux pesticides.
Des mortalités ont été observées dans des populations naturelles de Rana pretiosa dans l'Oregon
après des épandages aériens de DDT (Kirk, 1988). Divers auteurs ont suggéré que le déclin de
certaines populations d'amphibiens en Californie étaient associé à l'utilisation d'organophosphorés
et d'autres pesticides dans des zones voisines (voir par exemple Aston & Seiber, 1997 ; Davidson et
al., 2001 ; Sparling et al., 2001).
Les potentialités qu'ont certains pesticides de se comporter comme des perturbateurs endocriniens
ont conduit divers auteurs à émettre l'hypothèse que l'exposition à ces substances pouvait être
responsable d'une altération de la reproduction des amphibiens (voir par exemple Stebbins & Cohen,
1995 ; Hayes, 2000). Ainsi par exemple, de nombreuses études ont été consacrées à l'évaluation des
effets de l'atrazine sur le système endocrinien et la reproduction chez les amphibiens (voir par
exemple Hayes et al., 2002a, 2002b, 2003 ; Tavera-Mendoza et al., 2002a, 2002b). Certains travaux
ont montré que des concentrations aussi faibles que 0,1 µg/L pouvaient induire des anomalies des
gonades et une démasculinisation chez le xénope (Hayes et al., 2002a, 2003), sans doute du fait
d'une induction de l'activité de l'aromatase, enzyme qui catalyse l'aromatisation de la testostérone
en oestradiol.
Des observations de terrain réalisées sur Rana pipiens et Acris crepitans ont mis en évidence que
l'abondance des individus mâles intersexués était plus élevée dans les zones d'agriculture intensive,
mais sans qu'il soit possible de mettre en évidence une corrélation entre le niveau de réponse et la
concentration en atrazine (Reeder et al., 1998 ; Hayes et al., 2002b).
Hecker et al. (2004) ont conduit une étude de terrain dans deux régions d'Afrique du Sud qui
différaient par l'intensité de la culture du maïs et l'usage des triazines. L'intérêt des sites retenus
était que des xénopes, animaux sur lesquels ont été réalisés l'essentiel des travaux de laboratoire, y
étaient naturellement présents. Cette étude a montré que les concentrations plasmatiques en
testostérone et en oestradiol étaient plus faibles chez les femelles provenant des zones de culture
intensive de maïs.
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