II. Les écosystèmes terrestres
Selon le rapport de l’INRA « En principe, les traitements phytopharmaceutiques sont appliqués
uniquement sur les surfaces cultivées, ce qui réduit l'exposition aux populations présentes au
moment du traitement ou entrant dans la surface cultivée avant la dissipation des résidus de produit.
Les populations les plus directement exposées sont la faune (macro- et micro-faune) et les micro-
organismes de l'écosystème cultivé. L'exposition des populations qui nichent ou se nourrissent dans
les espaces semi-naturels avoisinant les surfaces cultivées est donc en théorie limitée. En pratique,
l'application de produits, en particulier par pulvérisation, conduit presque systématiquement à une
contamination des bordures des surfaces traitées (haies, buissons, cultures adjacentes, etc.) par la
dérive de brumes de pulvérisation ou de poussières de traitement de semences ou de granules (voir
par exemple Klöppel & Kördel, 1997; Koch et al., 2003, pour des études de terrain, et Rautmann et
al., 2001 pour la génération d'une base de données). »
A. Impact des pesticides sur les organismes du sol
L'exposition des organismes du sol est inévitable dans les parcelles cultivées soumises à des
traitements phytosanitaires. Un déclin est en général évoqué depuis que les pesticides sont utilisés
de façon intensive. Nombre de pratiques culturales (pulvérisation de pesticides, fertilisation, travail
du sol) exercent un effet sur ces populations.
Ainsi pour ce qui est des microorganismes du sol, on constate dans les sols cultivés chimiquement
une diminution des bactéries du sol et des vers de terre pourtant essentiels à la fertilité des sols.
La faune du sol regroupe trois ensembles d'organismes (Lavelle, 1997) : les micro-organismes, la
mésofaune et la macrofaune
1. Les micro-organismes
Les micro-organismes (bactéries, champignons mycorrhiziens, protozoaires, nématodes, rotifères et
tardigrades) sont impliqués dans le recyclage de la matière organique de faible poids moléculaire.
Un nombre important d’études montre une abondance et une activité accrues des micro-organismes
dans les systèmes biologiques par opposition aux systèmes conventionnels.
a) Nématodes
Des études mettent en avant une abondance des nématodes bactériophages favorables au
développement de la biomasse bactérienne dans les systèmes biologiques par opposition aux
systèmes conventionnels (Berkelmans et al., 2003, Ferris et al., 1996, Freckman & Ettema, 1993 et
Neher & Olson, 1999, in Hole et al., 2005)
b) Tardigrades
On note une plus grande abondance des tardigrades dans les systèmes biologiques par opposition
aux systèmes conventionnels (Yeates et al., 1997, in Hole et al., 2005)
2. La mésofaune
La mésofaune (enchytréides, collemboles, acariens, protoures et diploures) vit dans le réseau de
pores du sol. Outre des prédateurs, elle rassemble des organismes se nourrissant à partir des
champignons, des végétaux décomposés et des particules minérales, etc.
3. La macrofaune
La macrofaune (gastéropodes, lombrics, arachnides, isopodes, myriapodes, diptères (larves),
lépidoptères (larves) et coléoptères (larves et adultes), vit entre les micro-agrégats du sol et se
nourrit du sol, de la microflore et de la microfaune, des matières organiques solubles dans l'eau du
sol et de la faune et de la flore épigée. Ce groupe comprend également les vertébrés. L'ensemble de
ces organismes est donc impliqué dans le recyclage de la matière organique, le maintien des cycles
biogéochimiques des éléments et des qualités physico-chimiques de leur habitat.
a) Annélides (ver de terre ou lombric)
On trouve des populations plus abondantes de vers de terre dans les systèmes biologiques par
opposition aux systèmes conventionnels. Ainsi on trouve deux fois plus de vers (notamment les
juvéniles) dans les systèmes biologiques – sans pesticides de synthèse Pfiffner & Mader, 1997, in
Hole et al., 2005.
Certains fongicides peuvent induire des modifications de comportement chez les vers de terre, avec
des différences selon les espèces et le stade biologique (Christensen & Mather, 2004). Les
modifications de comportement, mesurées par l’abondance de vers retrouvés à différentes
profondeurs de sol, traduisent des réactions de fuite des parcelles traitées en réponse à l'exposition
aux pesticides.
Les effets des herbicides : Fox (1964, in Farenhorst et al., 2003), a observé un déclin au sein des
populations présentes dans des parcelles traitées à l’atrazine, en raison d’un couvert végétal diminué
par le désherbage chimique.
b) Insectes
On trouve une abondance des populations de carabes (Coléoptères Carabidae) plus élevée dans les
systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels (Hole et al. 2005)
c) Arachnides
Une richesse et une abondance supérieure des arachnides (araignées) dans les systèmes biologiques
que dans les systèmes conventionnels (Hole et al., 2005)
d) Acariens
Une abondance supérieure des acariens dans les systèmes biologiques que dans les systèmes
conventionnels (Hole et al., 2005).
e) Mollusques
Ces organismes sont rares dans les milieux agricoles du fait de leur grande sensibilité aux altérations
des écosystèmes associées aux cultures. (in Holland, 2004.)
f) Vertébrés du sol
Les vertébrés vivant dans le sol, comme les taupes par exemple, sont plutôt considérés comme des
organismes nuisibles aux activités agricoles et leur présence est relativement rare dans les terres
cultivées. De fait, ils ne font l'objet d'aucun suivi et d'aucune investigation d'ordre écotoxicologique
en ce qui concerne les effets non intentionnels des pesticides.
B. Impacts sur les invertébrés épigés (organismes qui ne sont pas du sol)
1. Généralités
On constate un déclin de ce groupe d’organismes dans le paysage agricole, associé à l’intensification
de l’agriculture depuis les 40 dernières années, qui concerne des groupes très variés. Ainsi, certaines
études ont mis en évidence une diminution des populations d'arthropodes. (Sotherton & Selft, 2000).
Cependant il est à noter que l’on constate une abondance et une diversité plus importantes des
populations d'arthropodes dans les systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels. De
même, les populations de fourmis et de punaises sont plus abondantes dans les systèmes
biologiques que dans les systèmes conventionnels. (Yeates, 1997, in Hole et al., 2005)
L’essentiel des données de terrain qui ont permis de mettre en évidence ce phénomène concerne les
insectes auxiliaires des cultures. L’utilisation d’herbicides en surfaces arables s’est avérée être une
source d’effets indirects sur certaines populations d’invertébrés par l’élimination d'espèces végétales
non visées en bordure de champ, entraînant la suppression de l’habitat et/ou de la ressource
alimentaire de certaines espèces. Ceci est particulièrement évident pour les populations
typiquement inféodées aux zones situées en bordure de champ, tels les papillons, pour lesquels 98 %
des populations sont localisées dans les 5 premiers mètres de haies qui bordent les champs de
céréales.
2. Pollinisateurs
Un tiers de l'alimentation humaine dépendrait, directement ou indirectement, du succès de la
pollinisation (in Richards, 2001). L'existence d'un déclin des populations de pollinisateurs est admis
au sein de la communauté scientifique. Il concerne aussi bien les espèces sociales que solitaires. Les
causes identifiées sont nombreuses. Pour ce qui est des abeilles sauvages diminution de 25% en 90
aux Etats-Unis et 50 espèces pollinisatrices menacées.
Les insectes pollinisateurs sont un maillon essentiel du vivant puisqu’ils transportent, en butinant, le
pollen des fleurs sauvages et cultivées. Les plantes peuvent donc se reproduire et abriter et nourrir la
faune : c’est toute la chaîne de la vie jusqu’à l’homme en passant par les vaches et les céréales qui
dépend donc de la diversité des insectes pollinisateurs.
a) Abeille
Au Canada et aux États-Unis, des programmes de régulation des pullulations des populations de
moustiques ont été associés à des dégâts importants dans des colonies d'abeilles, dégâts dont le coût
avoisinait 90 000 $ U.S. en 1981 et 850 000 $ U.S. en 1983 pour le seul état du Manitoba (Dixon &
Fingler, 1982, 1984 in Kevan, 1999).
70 000 colonies d'Abeilles en Californie ont été décimées, pour la seule année 1967, en raison de
traitements du coton avec du carbaryl encore utilisé.
Au Royaume Uni, un déclin des populations de bourdons dans les surfaces arables a pu être relié à
l’utilisation de pesticides (Stoate et al., 2001).
En France, des incidents chez l'abeille domestique ont été décrits à plusieurs reprises, se traduisant
par des chutes d'activité, associées ou non, à des mortalités au voisinage des ruches. Par exemple, le
déclin des populations de bourdons en France et en Belgique est attribué, en partie, au faucardage
précoce du foin et à l'utilisation d'herbicides pour éliminer les adventices à larges feuilles.
L’abeille pollinisent plus de 80% des espèces de plantes ! Ces dernières connaissent depuis quelques
années en France des surmortalités hivernales record : plus de 50% du cheptel. 500 000 colonies
d’abeilles ont disparu entre 1995 et 2000 en France, décimées par les insecticides en enrobage de
semences (Gaucho, Regent TS etc.), idem pour d’autres pays européens : 47 cas d’empoisonnement
de colonies en 1999 en Allemagne, 175 en 1996 aux Pays Bas….
b) Papillons
Des études ont comparé les communautés de papillons dans des systèmes de cultures différents.
Elles ont mis en évidence une abondance significativement plus importante de papillons dans les
systèmes biologiques (Hole et al., 2005). Les facteurs identifiés comme ayant joué un rôle bénéfique
dans la dynamique de fréquentation des parcelles expérimentales par les papillons étaient la
moindre contamination des bordures de champs par les pesticides, la diversité végétale et la
présence de trèfle dans la rotation des cultures.
L'analyse du cas assez connu de l'impact du traitement de forêts canadiennes contre la tordeuse des
bourgeons de l'épinette (Choristoneura fumiferana) par du fenitrothion a montré que l'effet des
insecticides sur les plantes exploitées par l'homme était d'autant plus visible que l'abondance (ou la
densité) des insectes impliqués dans leur pollinisation était faible.
Des hectares de forêts du Nouveau Brunswick ont été traités contre la tordeuse, résultant en une
chute importante des rendements de production de myrtilles. Les populations de nombreuses
espèces pollinisatrices ont diminué drastiquement affectant ainsi la reproduction de nombreuses
espèces végétales (in Kevan, 1999).
C. Impacts sur les vertébrés
Même des niveaux très faibles de résidus de pesticides dans les aliments consommés par les
vertébrés peuvent entraîner la mort. Les granulés de formulation ou les semences traitées
représentent également un risque d'ingestion plus important lorsqu'ils peuvent être utilisés par les
oiseaux comme nourriture ou comme particules de broyage. Des incidents impliquant des granulés
de carbamates sont ainsi courants (Mc Laughling & Mineau, 1995). Les mortalités de pigeons liées à
l'ingestion de semences de pois enrobées démontrent aussi l'existence de cette voie d'exposition
dans les conditions normales d'utilisation des pesticides.
1. Oiseaux
Il est largement reconnu que les populations d’oiseaux associées aux terres cultivées ont décliné en
Europe de l'Ouest. La comparaison des communautés d'oiseaux dans des zones de cultures conduites
en système biologique avec celles présentes dans des cultures conduites de manière conventionnelle
indique que les premiers systèmes réunissent des conditions environnementales plus favorables à
ces animaux.
Beecher et al. (2002, in Hole et al., 2005) et Freemark & Kirk (2001, in Hole et al., 2005) ont, lors
d'études réalisées en Amérique du Nord, observé une richesse et une abondance deux fois plus
élevées en systèmes biologiques que dans des systèmes conventionnels.
Christensen et al. (1996, in Hole et al., 2005) ont mis en évidence une abondance plus importante en
système biologique pour 31 des 34 espèces qu'ils ont suivies.
Le rôle joué par les pesticides dans le recul de certaines espèces d'oiseaux a pu être identifié par
quelques études. Outre les indications données par les corrélations établies par exemple par le
British Trust for Ornithology (Benton et al., 2002), il existe des informations déduites des incidents
impliquant des produits phytosanitaires recensés par les réseaux et dans la littérature scientifique.
Dans la plupart des cas, ces incidents décrivent des intoxications secondaires, mises en évidence par
des mortalités anormales faisant suite à la consommation d'aliments (proies, végétaux ou graines)
contaminés. Les substances incriminées sont le plus souvent des pesticides organophosphorés,
carbamates, organochlorés ou bien encore des rodenticides (Newton, 1976, Rostker, 1987 et Fox et
al., 1989, in Mc Laughling & Mineau, 1995 ; Berny et al., 1997). Ces incidents, fréquents en Europe
aux débuts de la lutte chimique à grande échelle, sont toujours d'actualité dans certaines régions du
globe où ces pesticides sont encore utilisés (Muralidharan, 1993).
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