Simone de Beauvoir, en donnant une réponse largement développée à ce texte de Merleau-Ponty, commente de manière ironique ce type de re‐
marque : « Le paradoxe de Sartre c’est qu’il ne pense pas ce qu’il pense »71. Tout se passe comme s’il fallait prendre au sérieux cette formule de
persiflage.
Bibliographie
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Notes
1 Une version remaniée de cet article a été publiée en russe sous le titre « La visibilité du sujet entre l’imagination et la perception. Sartre et
Merleau-Ponty » dans The Philosophy Journal (Filosofslii Zhurnal), Vol. 9, n° 3, 2016, p. 77-105.
2 Dans la version de cet article reprise dans son livre cf. Bernet R. « L’existence corporelle et le pouvoir du regard », Conscience et existence.
Perspectives phénoménologiques, Paris, PUF, 2004, p. 230.
3 De manière plus générale, il s’agit de faire apparaître que Sartre n’est pas cet ennemi du visible qu’on fait souvent de lui, bien qu’il donne
plusieurs occasions à ce type d’interprétations. Plus précisément, ses textes ne témoignent pas seulement de ce que le philosophe américain
Martin Jay a pu appeler « obsessive hostility to vision » (M. Jay, Downcast eyes. The Denigration of vision in twentieth-century French
thought,Berkley, Los Angeles, University of California Press, 1993, p. 276), « uncompromisingly relentless demonization of le regard » (Ibid., p.
275), et même « ocularphobia » (Ibid., p. 276).
4 Pourtant, on peut m’objecter en indiquant que, dans L’Être et le Néant, le regard peut être rencontré même dans le bruit du buisson, c’est-à-dire
au niveau de l’audible. Pour répondre à quoi il faut citer : « Or, le buisson, la ferme ne sont pas le regard. Ils représentent seulement l’œil, car l’œil
n’est pas saisi d’abord comme organe sensible de vision, mais comme support du regard » (J.-P. Sartre, L’Être et le Néant. Essai d’ontologie
phénoménologique,Paris, Gallimard, 2014, p. 297). De sorte que toutes les manifestations de l’autre qui ne relèvent pas du visible renvoient à la
« relation fondamentale de l’autre », où l’œil est un support du regard (ou faudrait-il dire, pour citer L’Imaginaire, un « analogon » ?).
5 J.-P. Sartre, L’Être et le Néant. Essai d’ontologie phénoménologique,Paris, Gallimard, 2014, p. 297.
6 Voir ce passage de L’Imaginaire, où l’opposition entre l’image et la perception est la plus tranchée : « Au début de cet ouvrage nous avons
montré les difficultés que soulevait toute tentative pour constituer la perception par un amalgame de sensations et d’images. Nous comprenons à
présent pourquoi ces théories sont inadmissibles : c’est que l’image et la perception, loin d’être deux facteurs psychiques élémentaires de qualité
semblable et qui entreraient simplement dans des combinaisons différentes, représentent les deux grandes attitudes irréductibles de la
conscience. Il s’ensuit qu’elles s’excluent l’une l’autre. Nous avons déjà remarqué que lorsqu’on visait Pierre en image à travers un tableau, on
cessait par là même de percevoir le tableau. Mais la structure des images dites “mentales” est la même que celle des images dont l’analogon est
externe : la formation d’une conscience imageante s’accompagne, dans ce cas comme le précédent, d’un anéantissement d’une conscience
perceptive et réciproquement. Tant que je regarde cette table, je ne saurais former l’image de Pierre ; mais si tout à coup Pierre irréel surgit devant
moi, la table qui est sous mes yeux s’évanouit, quitte la scène. Ainsi ces deux objets, la table réelle et Pierre irréel peuvent seulement alterner
comme corrélatifs de consciences radicalement distinctes : comment l’image, dans ces conditions, pourrait-elle concourir à former la
perception ? » (J.-P. Sartre, L’Imaginaire. Psychologie phénoménologique de l’imagination, Paris, Gallimard, 1986, p. 232).
7 Bien que le modèle de l’imagination pour Sartre soit l’écriture littéraire (cf. sur ce point une très éclairante analyse du travail de fin d’études de
Sartre consacré à l’imagination dans A. Flajoliet, La première philosophie de Sartre, Paris, Honoré Champion, 2008), ce qui permet à François
Noudelmann de parler de « l’imaginaire sans image » (F. Noudelmann, Sartre : l’incarnation imaginaire, Paris, L’Harmattan, 1996, p.189), cela
n’empêche que dans L’imaginaire Sartre n’utilise que des exemples de l’ordre du visible/visuel : photos, peinture, gravure, images hypnagogiques,
oniriques et mentales, etc. Ses exemples montrent qu’il tente d’élaborer la théorie des images visuelles, en les distinguant expressément (bien