HIGHLIGHTS 2015 19 Oncologie Inhibiteurs de points de contrôle immunitaires en cas de cancers thoraciques Alessandra Curioni- Fontecedro, Bernhard C. Pestalozzi Klinik für Onkologie, UniversitätsSpital Zürich Alessandra CurioniFontecedro Les interactions entre les tumeurs et le système immu- Ces molécules font partie des modulateurs de points de nitaire peuvent conceptuellement être divisées en contrôle immunitaires («immune checkpoint modula- trois phases. La première phase de ce processus dyna- tors»). Elles ont pour fonction physiologique de réguler mique est la phase de l’élimination, lors de laquelle les la réponse immunitaire des cellules immunitaires, au- cellules tumorales sont reconnues et détruites par le trement dit de la stimuler (molécules co-stimulatrices) système immunitaire. La deuxième phase est celle de ou de l’inhiber (molécules co-inhibitrices). Malheureu- l’équilibre entre la tumeur et le système immunitaire; sement, de nombreuses tumeurs parviennent à expri- durant cette phase, chaque partie tente de prendre mer des molécules co-inhibitrices et à échapper ainsi le dessus sur l’autre. Ces deux phases ne sont pas per- au contrôle du système immunitaire. ceptibles sur le plan clinique. Toutefois, la présence de Notre connaissance de ces molécules a permis le dé- cellules immunitaires spécifiques de tumeurs dans le veloppement de traitements qui agissent contre de tels sang de patients qui n’ont pas de tumeurs constitue par mécanismes inhibiteurs. Ces agents thérapeutiques ex. un indice. La troisième phase est celle de l’échappe- sont dès lors appelés «inhibiteurs de points de contrôle ment. Lors de cette phase, les tumeurs ne parviennent immunitaires» («immune checkpoint inhibitors»). Au plus à être reconnues ou éliminées par le système im- cours de ces dernières années, plusieurs thérapies de munitaire (fig. 1). Les mécanismes sous-jacents de cette ce type ont été développées, ciblant par ex. les molé- phase d’échappement sont médiés par des processus cules CTLA-4, PD-1 et PD-L1 (fig. 2). intrinsèques à la tumeur ou extrinsèques à la tumeur. Ces anticorps thérapeutiques ont été utilisés avec suc- Soit les cellules tumorales régulent vers le bas l’expres- cès dans plusieurs types de tumeurs. Pour le cancer du sion d’antigènes soit elles n’expriment plus suffisam- poumon, les premiers résultats portant sur un anti- ment les molécules du complexe majeur d’histocom- corps anti-PD-L1 ont été publiés en 2012 [1]. Les patients patibilité (CMH), qui devraient présenter les antigènes prétraités souffrant de cancer du poumon non à petites aux cellules immunitaires. L’expression de molécules cellules (CPNPC) à un stade avancé ont bien répondu à inhibitrices à la surface des cellules tumorales consti- ces traitements et ce, parfois de manière prolongée. tue un autre mécanisme essentiel de l’échappement. L’anticorps anti-PD1 nivolumab a été évalué dans deux études majeures pour le traitement de deuxième ligne du CPNPC, à la fois pour les carcinomes épidermoïdes TUMEUR Lésion prémaligne SYSTÈME IMMUNITAIRE (Checkmate 017) et pour les carcinomes non épidermoïdes (Checkmate 057). Dans l’étude Checkmate 017, une amélioration de la survie globale de 9,2 mois pour Elimination le nivolumab contre 6 mois dans le bras standard traité par docétaxel a été observée [2]; dans l’étude Checkmate 057, cette amélioration s’élevait à 12,2 mois pour le nivolumab contre 9,4 mois pour le docétaxel [3]. Ces Lésion maligne résultats ont conduit à l’autorisation du nivolumab pour le traitement de deuxième ligne du CPNPC par la Croissance tumorale Echappement FDA (Food and Drug Administration) américaine. Le pembrolizumab (un autre anticorps anti-PD1) a été évalué chez des patients atteints de CPNPC de stades avancés. Dans l’ensemble, le taux de réponse s’élevait Figure 1: Interactions entre les tumeurs et le système immunitaire. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(1):19 –20 uniquement à env. 20%. Toutefois, une réponse nette- HIGHLIGHTS 2015 20 A B Cellule T Cellule T CPA PD1 PD-L1 Cellule tumorale CTLA-4 Traitement Traitement Figure 2: Signaux inhibiteurs d’une réponse immunitaire en tant que cible thérapeutique. L’interaction entre le système immunitaire (cellules T) et les cellules tumorales se divise en une phase de présentation (A), au cours de laquelle les antigènes des cellules tumorales sont présentés au système immunitaire par les cellules présentatrices d’antigène (CPA), et en une phase effectrice (B), au cours de laquelle les cellules immunitaires attaquent et éliminent les cellules tumorales. Plusieurs molécules, qui peuvent stimuler ou inhiber ces interactions, sont impliquées dans ces deux phases. Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires bloquent les interactions inhibitrices (désinhibition durant la phase de présentation ou la phase effectrice). ment plus élevée a été observée chez les patients ayant pembrolizumab en contexte adjuvant après une opé- une expression accrue de PD-L1 au niveau des cellules ration curative dans le cadre du CPNPC (PEARLS). du stroma tumoral ainsi que des cellules tumorales [4]. Les premiers résultats des inhibiteurs de points de Malheureusement, l’expression immunohistochimique contrôle immunitaires en cas de cancer du poumon à pe- de PD-L1 est mesurée avec différents anticorps dans les tites cellules (Patrick A. Ott; Scott J. Antonia, ASCO 2015) différentes études et des valeurs seuils différentes sont et en cas de mésothéliome (Alley A AACR 2015) sont eux également utilisées. Par conséquent, la situation rela- aussi encourageants. Des études évaluant les inhibi- tive à l’utilisation de l’expression de PD-L1 comme fac- teurs de points de contrôle immunitaires dans le trai- teur prédictif pour l’immunothérapie est pour l’heure tement de ces maladies rares ont été débutées à la cli- confuse. nique d’oncologie de l’Hôpital universitaire de Zurich. L’atézolizumab est un anticorps anti-PD-L1 qui a mon- Le traitement par inhibiteurs de points de contrôle im- tré un avantage de survie globale de 12,7 mois contre munitaires semble non seulement prometteur en cas 9,7 mois sous docétaxel dans le traitement de deuxième de cancers thoraciques, mais également en cas de méla- ligne du CPNPC (ECC-ESMO 2015). Sous atézolizumab, le nome malin et d’autres tumeurs. La poursuite du déve- taux de réponse était de 27%, avec une réponse nette- loppement de ce traitement en tant que monothérapie ment plus élevée chez les patients ayant une forte ex- ou en association avec d’autres traitements (chimiothé- pression de PD-L1 dans le stroma tumoral et les cellules rapie, radiothérapie, thérapie ciblée) améliorera encore tumorales (ECC-ESMO 2015). Outre l’expression de PD-L1, davantage la prise en charge de nos patients atteints de qui n’est pour l’instant pas standardisée, il existe égale- cancers thoraciques. ment des corrélations de la réponse aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires avec le taux de mutation dans les tumeurs et avec l’expression de l’interféron gamma. Pour les stades localement avancés du CPNPC, les études ne sont pas encore terminées. En Suisse, des études sont initiées pour le CPNPC inopérable de stades IIIA et Correspondance: Dr Alessandra CurioniFontecedro IIIB et elles évaluent une radio-chimiothérapie combinée à une immunothérapie (étude SAKK 16/04 et étude Oberärztin NICOLAS). Klinik für Onkologie Dans le contexte adjuvant, il n’y a pas encore de résultats UniversitätsSpital CH-8091 Zürich alessandra.curioni[at]usz.ch disponibles pour l’instant. Prochainement, une étude internationale sera initiée en Suisse et elle évaluera le SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(1):19 –20 Disclosure statements Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article. Références 1 2 3 4 Bramer JR, Tykodi SS, Chow LQ, Hwu WJ, Topalian SL, Hwu P, et al. Safety and activity of anti-PD-L1 antibody in patients with advanced cancer. N Engl J Med 2012;366:2455–65. Brahmer J, Reckamp KL, Baas P, Crino’ L, Eberhardt WE, Poddubskaya E, et al. 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