Mouvements occidentaux pro-nazis et antisémites. 1920

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Mouvements occidentaux pro-nazis
et antisémites.
1920-1945
Des crimes commis sans pression allemande.
Dans les Etats démocratiques, les partis fascistes on eu un rôle
important dans ce qu’un historien appelle « la rage antijuive ».1 Pendant
l’entre-deux-guerres, presque dans tous les pays de l’Europe occidentale
existe un parti fasciste antisémite qui se réclame du national-socialisme.
Ils sont certes minoritaires, mais chacun connaît le danger de minorités
bien organisées et déterminées, capables de déstabiliser un régime.
Pour nombre d’entre eux, le parti nazi se trouve juste au-delà de la
frontière, prêt à apporter son aide.
En Suède, c’est leSN Folkparti, au Danemark le parti National Socialiste
Danois, en Finlande le Mouvement agraire antisémite Lappo, en
Norvège le Rassemblement Nationaliste avec à sa tête Vidkun Quisling
qui deviendra le chef du gouvernement lors de l’occupation. En
Angleterre c’est Oswald Mosley qui dirige les Chemises noires de l’Union
Britannique des Fascistes.
Le Nationaal-Socialistische Beweging (NSB) en Hollande regroupe 100
000 membres, soit 1,25% de la population.2 En Belgique, le Vlaamsch
Nationaal Verbond (VNV) compte également 100 000 membres.3 Pour
se situer au même niveau, la France, dont la population est cinq fois plus
importante que celle de la Belgique ou de la Hollande, aurait dû compter
500 000 fascistes. On est loin du compte. Les principales organisations
fascistes, le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, le
Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, et le
Mouvement national révolutionnaire ne dépassent pas ensemble 65 000
membres à la vieille de la guerre.4
1
FRIEDLANDER, Saul, Les années d’extermination, l’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Seuil, Paris, 2008,
p. 161.
2
HIRSCHFELD Gerhart, Nazi Rule and Dutch Collaboration, Berg, New York, 1988, p. 285.
3
STEINBERG Maxime, L'étoile et le fusil, Volume 1, La vie ouvrière, Bruxelles, 1983, p. 138.
4
ZUCCOTTI Susan, The Holocaust, the French and the Jews. New York, 1993, p. 281. DREYFUS Francois
George, Histoire de Vichy, Perrin, Paris, 1990, p. 686 cite un chiffre de 70 000 à 80 000 pour la zone occupée.
Aucun des partis français n’a adopté les thèmes politiques du NationalSocialisme. Le fossé creusé vingt ans plus tôt par la Grande guerre dans
l’opinion publique est bien trop profond. Déat et Doriot sont à l’origine
des dirigeants marxistes militants. Or les pires ennemis des nazis ce
sont les marxistes. Les deux hommes ont été les soutiens déclarés de la
Ligue Internationale contre l’Antisémitisme (LICA), la grande
organisation philosémite. « Doriot fut le héros et le leader des grandes
campagnes antimilitaristes lancées par le parti communiste au cours de
la décennie 1920 ». « Déat, pacifiste depuis toujours. Figure de proue du
pacifisme français de la fin des années 1930 », écrit l’historien Simon
Epstein.5 Tous les deux sont en 1938 « munichois ». C’est le fameux cri
de Déat en 1939 : « Mourir pour Dantzig, non ! »6 Paradoxalement,
l’occupation de la France va les faire basculer dans le camp des
mouvements fascistes pro-nazis antisémites.
Aux Etats-Unis le soutien aux nazis prend au seuil de la guerre sa forme
la plus spectaculaire. Le nom même du principal mouvement fasciste,
German American Bund , affiche son allégeance à l’Allemagne. Des
cohortes d’Américains, bottés de noir, uniformes bruns, portant
brassards et drapeaux frappés de la croix gammée, descendent au pas
de l’oie la cinquième avenue à New-York. Plus impressionnant encore,
un rallye se tient le 20 février 1939 au Madison Square Garden à NewYork. Plus de 22.000 manifestants conspuent Roosevelt et se lèvent aux
cris de Heil Hitler. Des oriflammes à croix gammée flottent au vent. Les
orateurs glorifient Hitler et l’Allemagne nazie, condamnent le
communisme et appellent à l’élimination des Juifs.7
Avec l’occupation allemande, les mouvements fascistes passent des
déclarations et des manifestations à une action antisémite dure, souvent
meurtrière. En Hollande et en Belgique, dès l’automne 1940, aux côtés
de la police nationale, des unités fascistes nationales ont été le principal
soutien des activités antijuives de la Gestapo. Le 11 septembre 1940
déjà, Mussert, le chef du Nationaal-Socialistische Beweging (NSB), crée
une formation de SS hollandais. En août 1944 ces SS nationaux
comptent 4 000 membres et plus de 4 000 sympathisants.8
En février 1941, près d’une année avant le début de la Shoah, des unités
paramilitaires du NSB attaquent des restaurants et cafés juifs
5
EPSTEIN Simon, Un paradoxe français. Antiracistes dans la collaboration et antisémites dans la résistance,
Albin Michel, Paris, 2008, p. 368.
6
IBID. p.196.
7
LIPSTADT Deborah, Beyond Belief : The American Press and the Coming of the Holocaust, 1933-1945, The Free
Press, New York, 1986, p.123. WYMAN David, Paper Walls : American and the Refugee Crisis, 1938-1941,
Pantheon, New York, 1985, p.14-17.
8
HIRSCHFELD, op. cit. p. 287 et 288. 22 000 à 25 000 Hollandais rejoignirent les Waffen SS sur le front russe.
d’Amsterdam.9 La police n’intervenant pas, de jeunes Juifs organisent
leurs propres groupes de défense. Le 11 février 1941, lors d’une bagarre
entre les deux groupes, un membre du NSB est tué.10 La police
allemande intervient et 389 Juifs sont envoyés à Mauthausen. Aucun ne
survivra.11 Haans Albin Rauter, chef de la Gestapo en Hollande, crée en
mai 1942 une Police volontaire auxiliaire sous ses ordres directs. Forte
de 2 000 Hollandais, elle se compose de SS et de SA du NSB. Leur
seule mission, traquer et arrêter les Juifs.12 Rauter est satisfait. Il écrit à
Heinrich Himmler, le chef de la Gestapo à Berlin : « Les nouveaux
escadrons de la police hollandaise font merveille en ce qui concerne la
question juive et arrêtent des Juifs par centaines, jour et nuit ».13
De leur propre initiative des groupes de membres du NSB se constituent
dans le seul but de « débusquer » et de se « saisir » de Juifs qu’ils
remettent aux Allemands contre paiement de primes. Leur capacité à
produire un maximum de résultats est effarante. La Henneike Column
avec seulement 35 hommes est arrivée à arrêter ou faire arrêter 3 400
Juifs en moins de six mois. Ses méthodes sont si brutales, mêlant
chantages, tortures, extorsions, que les Allemands mettent fin à ses
activités en septembre 1943.14
En Belgique, des mois avant la Shoah, des centaines de militants du
Vlaamsch National Verbond (VNV) organisent un vrai pogrom à Anvers.
Ils mettent à sac le quartier juif d’Anvers, incendient deux synagogues,
brûlent les rouleaux de la Tora et mettent le feu à la maison du rabbin
Rottenberg.15
Les « Mouvements de l’ordre nouveau », lisez pronazis, nombreux,
particulièrement en pays flamand, comblent les insuffisances de la police
régulière. Les plus radicaux sont les membres de la VNV. Une série
d’organisations antisémites moins importantes les complète, telles que le
Volksverwering, le Anti-Joodsch Front, le Nationaal Volksche
Beweging.16 Ces activistes ne feront jamais défaut à la Gestapo. Les
9
MOORE Bob, Victims & Survivors : The Nazi Persecution of the Jews in the Netherland : 1940- 1945, Arnold,
New York, 1997, p. 66.
10
WARMBRUNN Werner, The Dutch under Occupation, Stanford University Press, Stanford, 1963, p. 107.
11
MOORE, op. cit. p. 71 et 72. Weerafdeling . Nom de ces groupes paramilitaires fascistes du NSB.
12
HIRSCHFELD, op. cit. p. 178 et 179. Proportionnellement aux populations respectives, ces 2 000 hommes
seraient l’équivalent de 10 000 hommes en France.
13
FRIEDLANDER 2008 op. cit. p. 507.
14
HIRSCHFELD, op. cit. p. 176. MOORE, op. cit. p. 207. Il en va de même pour un groupe intitulé
« Département Juif » dirigé par un SS hollandais, membre du NSP, Dalmen von Buchholz.
15
BRACHFELD Sylvain, Ils n’ont pas eu les gosses, Institut de recherches sur le judaïsme belge, Bruxelles
1989, p. 14 au 17 avril 1941.
16
SAERENS Lieven, Antwerp’s Attitude Towards the Jews from 1918 to 1940 and its Implications for the Period
of the Occupation, in MICHMAN Dan, Belgium and the Holocaust, Yad Vashem, Jerusalem, 1998, p. 193.
formations de combat du Rex de Léon Degrelle sont directement
rattachées aux SS. Elles s’occupent d’abord du repérage des Juifs avant
d’être autorisées à opérer des arrestations en fin 1943.17 « Une bande de
crapules, traîtres à la patrie belge » seconde la Gestapo dans sa triste
besogne, s’insurge en novembre 1943 Le Flambeau, une publication de
la résistance.18
En France les mouvements fascistes n’ont joué qu’un rôle secondaire
dans les arrestations. Leur principale intervention, ce sont les 300 à 400
militants du PPF de Doriot qui, en uniforme, participent à la rafle du Vel
d’Hiv le 16 juillet 1942.19 Les fascistes français prêts à rejoindre des
milices antijuives sont peu nombreux.
Copyrigth Marc-André Charguéraud. Genève. 2012. Reproduction autorisée sous réserve
de mention de la source.
17
STEINBERG,1983, op. cit. p. 143.
STEINBERG Maxime, L'étoile et le fusil, Volume 2, La vie ouvrière, Bruxelles, 1986, p. 123. La
Feldkommandantur actera plus tard : « Etant donné l’insuffisance des forces de police, l’arrestation de dizaines
de milliers de Juifs (sic) à Anvers n’a pu s’accomplir sans le concours des mouvements d’ordre nouveau pour les
dépister et les amener à la police de sécurité.»
19
IBID. p. 475.
18
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