Maladies infectieuses: quand, pourquoi et comment déclarer ?

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Maladies infectieuses:
quand, pourquoi et comment
déclarer ?
par les Drs Carole
SCHIRVEL et Stéphanie
JACQUINET*
* Médecins inspecteurs d’hygiène
de la Fédération Wallonie
-Bruxelles
1080 Bruxelles
ABSTRACT
The general practitioner has
an important role in public
health through reporting
and management of noti-
fiable infectious diseases.
This article briefly describes
the most common infec-
tious diseases encountered
by the practitioner, his role
and how to report.
Keywords: infectious
diseases, mandatory
reporting, public health,
prevention.
La déclaration obligatoire est d’une grande utilité en
santé publique. Tout médecin devrait garder à l’esprit que
chaque patient présentant une maladie infectieuse est
une source de contamination pour son entourage, mais
également qu’il peut avoir été contaminé par une source
environnementale ou alimentaire qui est encore active
et peut infecter d’autres personnes. Quelles maladies
infectieuses déclarer, pourquoi et comment les déclarer?
Cest à ces questions que le présent article se propose de
répondre.
La nécessité de déclarer certaines maladies infectieuses est souvent
méconnue des médecins généralistes (MG). Ces derniers ne reçoivent
pas ou très peu d’information sur ce sujet pendant leur cursus. Cela
demande également quelques minutes de leur précieux temps. De
plus, cette nécessité de déclarer reste assez floue pour le MG, plus cou-
tumier d’une vision de santé à l’échelle du patient qu’à celle de la popu-
lation. A noter que le manque de feed-back des médecins inspecteurs
ne stimule probablement pas non plus le MG à déclarer.
Pourtant, le MG a un rôle prépondérant dans la déclaration obligatoire
et dans la prise en charge des maladies concernées ou encore dans
l’accomplissement de mesures préventives telles que l’antibioprophy-
laxie ou la vaccination de rattrapage.
VRAI FAUX
1. Une toxi-infection alimentaire doit être déclarée
aussitôt que deux personnes en sont atteintes
2. L’hépatite A n’est jamais une maladie à risque
de complications
3. Toute déclaration nécessite la confirmation
préalable du diagnostic
Réponses ici.
PRÉTEST
MG & MALADIES INFECTIEUSES
MG & Maladies
infectieuses
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La Revue de la Médecine Générale n°298 Décembre 2012
Si une grande partie des maladies infectieuses à déclaration obligatoire
est à survenue exceptionnelle, il en existe par contre de nombreuses
pour lesquelles le praticien est souvent directement impliqué. Ces
maladies font partie du programme de vaccination (rougeole, coque-
luche, oreillons) et/ou d’un programme d’élimination (rougeole), ou
encore font l’objet d’une intervention urgente comme une enquête, des
mesures préventives ou des mesures correctrices (infection invasive
à méningocoques, toxi-infection alimentaire collective, tuberculose,
hépatite A, listériose).
Maladies infectieuses à déclarer
Sont présentées ici quelques-unes parmi les maladies infectieuses les
plus fréquemment rencontrées par le praticien, ainsi que les raisons
qui motivent l’obligation de leur déclaration, de même que les mesures
préventives qu’elles impliquent dans la pratique.
LA ROUGEOLE
Si cette maladie peut paraitre bénigne, elle peut provoquer des compli-
cations graves surtout chez les enfants de moins de 1 an et chez les
adultes, et 30% de ces complications entrainent une hospitalisation1.
L’élimination de cette maladie est demandée par l’OMS Europe pour
20152. La déclaration de rougeole permettra un suivi épidémiologique
de cette maladie et la prise de mesures prophylactiques auprès des
proches.
LES TOXI-INFECTIONS ALIMENTAIRES COLLECTIVES
Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont définies comme
étant des affections d’origine infectieuse ou toxique se présentant
principalement sous forme de gastro-entérite chez au moins deux per-
sonnes ayant consommé un aliment commun1. Les TIAC représentent
la 2e cause de morbidité parmi les maladies infectieuses en Europe1. La
déclaration à la cellule d’inspection d’hygiène d’une TIAC permettra de
remonter jusqu’à la source de la contamination et de prévenir d’autres
infections. De plus, la collecte et l’envoi au laboratoire de selles, de
vomissures et une demande au patient afin de conserver des restes
alimentaires seront d’une grande utilité lors de l’enquête épidémiolo-
RÉSUMÉ
Le médecin généraliste a
un rôle important en santé
publique via sa déclaration
et la prise en charge des
maladies infectieuses à
déclaration obligatoire. Cet
article décrit brièvement
les maladies infectieuses
les plus fréquemment ren-
contrées par le praticien,
son rôle et la manière de
déclarer.
Mots-clefs: déclaration
obligatoire, maladies
infectieuses, san
publique, prévention.
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gique. Celle-ci se fera en collaboration avec l’AFSCA (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne
alimentaire). Si le praticien rencontre un cas isolé en consultation mais que son patient lui décrit
d’autres personnes de son entourage dans le même cas, une déclaration est tout à fait appropriée.
LA COQUELUCHE
Elle reste encore endémique en Belgique avec 213 cas confirmés par les laboratoires de références
en 20113. Cette maladie est particulièrement dangereuse pour les nourrissons mal ou non vaccinés
ainsi que pour des patients présentant une pathologie cardiaque ou pulmonaire chronique. Un suivi
épidémiologique de cette maladie est donc important. Lors de la découverte d’un cas de coque-
luche chez un patient, le médecin généraliste sera amené à vérifier les vaccins chez les proches
du patient et à donner un antibiotique préventif en cas de vaccination incomplète ou inexistante.
L’antibiotique recommandé est l’azithromycinea 500 mg 1 fois par jour durant 3 jours chez les
adultes (>12 ans) ou 10 mg/kg 1 fois par jour durant 3 jours pour les plus jeunes4.
INFECTION INVASIVE À MÉNINGOCOQUES
Le médecin généraliste pourra être sollicité pour donner un antibiotique préventif aux contacts
proches du patient (famille, classe) atteint d’une méningite à méningocoque. La ciprofloxacine est
donnée en première intention dans les collectivités à raison d’une dose de 500 mg chez les adultes
(> 12 ans) et 15mg/kg chez les enfants en raison de la facilité d’administration5,6. La déclaration de
la maladie permettra de donner le plus rapidement possible cette prophylaxie. Le but premier de
celle-ci est d’éliminer le portage sain dans l’entourage du malade.
LES OREILLONS
Si cette maladie est sans conséquence pour les jeunes enfants, chez les hommes d’âge adulte par
contre, elle peut provoquer des orchites pouvant entrainer une diminution de la fertilité. Une épidé-
mie a débuté en mars 2012 en Flandres et s’est étendue à Bruxelles et en Wallonie. La déclaration
permet le suivi épidémiologique de cette maladie.
LA LISTÉRIOSE
Cette maladie sera rarement diagnostiquée ou rencontrée par le MG et plutôt déclarée par un micro-
biologiste. Elle se retrouve plus fréquemment chez les personnes âgées et immunodéprimées (35%
de décès) et chez les femmes enceintes (de 30 à 50% de mortalité chez le fœtus)1. Néanmoins, le
médecin généraliste sera parfois sollicité lors de l’enquête alimentaire, nécessaire à l’ASFCA pour
l’identification de l’aliment incriminé. Le médecin généraliste pourra également évaluer les facteurs
de risque parmi l’entourage du patient.
L’HÉPATITE A
Si elle est bénigne dans 99% des cas, l’ hépatite A peut parfois être fulminante, surtout chez les
personnes âgées1. La déclaration permettra de prévenir les contacts proches notamment dans
les collectivités (écoles, maisons de repos, ...), de prendre les mesures d’hygiène nécessaires et
de proposer une vaccination si plusieurs cas se présentent dans une même collectivité (écoles,
internats, ...).
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infectieuses
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LA TUBERCULOSE
Cette maladie est encore endémique en Belgique7. Elle se retrouve plus fréquemment dans les
grandes villes, parmi les demandeurs d’asiles, les personnes en séjour illégal, les personnes pré-
carisées et les prisonniers. Lors d’un cas contagieux, un dépistage des contacts proches (famille,
travail, classe...) doit être rapidement mis en place. Une déclaration rapide des cas est donc impor-
tante. Le médecin généraliste est également en première ligne pour le diagnostic et le suivi du
patient.
Quelques cas concrets
Un cas de rougeole au camp lutins
La cellule d’inspection d’hygiène de la direction de la surveillance et de la protection de la santé de
la Fédération Wallonie-Bruxelles a récemment été contactée, un dimanche, par un médecin généra-
liste pour une déclaration d’un cas de rougeole chez une jeune fille fréquentant un camp de lutins:
cet appel a permis de mettre en place différentes actions en concertation afin d’éviter la propagation
de cette maladie dans le camp: vérification du statut vaccinal de la collectivité, éviction de la jeune
fille, surveillance étroite permettant la détection d’autres cas éventuels, réalisation et distribution
d’une lettre d’information aux parents et éventuelle vaccination.
Trois cas de TIAC en garde
Un généraliste a déclaré lors d’une de ses gardes une intoxication alimentaire chez 3 patients. Ils
avaient tous consommé du thon acheté chez un poissonnier. Il s’agissait d’une intoxication à l’his-
tamine. Le distributeur de ce poisson a été identifié et les restes des lots contaminés ont été retirés
du marché.
Un cas de coqueluche dans une école
Un cas de coqueluche chez une petite fille fréquentant une école primaire a été déclaré par son
généraliste. Suite à une enquête par le médecin scolaire, il s’est avéré qu’il y avait déjà 2 autres cas
dans la classe. Des mesures ont pu être prises (antibioprophylaxie et vaccination) dans la classe et
chez les proches des malades pour éviter une extension de l’épidémie.
Un cas d’hépatite A dans un internat
Une déclaration d’hépatite A nous a été faite par un médecin généraliste pour un de ses patients fré-
quentant un internat. Un laboratoire nous a déclaré un 2e cas d’hépatite A pour un autre élève de ce
même internat. Cela a permis de se rendre compte plus rapidement de la présence d’une épidémie
et de proposer la vaccination rapide chez les autres élèves à risque afin de limiter sa propagation.
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MG &
Profession
MG & MALADIES INFECTIEUSES
Que déclarer ? Comment et à qui ?
Les maladies infectieuses concernées par la déclaration obligatoire sont très diverses (Tab.1). Elles
nécessitent la mise en place de mesures exceptionnelles, d’actions urgentes au niveau local, natio-
nal ou même international.
Pour certaines, la suspicion d’un cas suffit pour leur déclaration ! Pour d’autres, la confirmation bio-
logique est nécessaire.
La déclaration des maladies infectieuses en Wallonie se fait auprès des médecins inspecteurs de
la cellule d’inspection d’hygiène de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les cas survenant chez des
élèves fréquentant les écoles bruxelloises sont également du ressort de la Fédération Wallonie-
Bruxelles.
Des médecins inspecteurs bruxellois et flamands s’occupent également des maladies infectieuses
à déclaration obligatoire pour les patients à code postal bruxellois ou flamand.
Différentes options existent pour la déclaration:
Immédiatement par téléphone (070/246.046, 7 jours sur 7, de 9 à 22 heures pour la
Wallonie ; 0478/77.77.08 ou 02/552.01.67 pour Bruxelles):
- lorsque la maladie prend d’emblée une forme épidémique (par exemple des cas de toxi-
infections alimentaires) ;
- lorsqu'en raison des circonstances, le malade constitue un danger exceptionnel pour
l’entourage (comme par exemple les méningocoques).
Via le site Web (www.santé.cfwb.be, onglet
maladies transmissibles information et déclara-
tion pour la Wallonie
, www.wiv-isp.be/Matra/bru/connexion.aspx) pour Bruxelles au travers
du logiciel en ligne MATRA; celui-ci permet de déclarer rapidement et de manière sécurisée
les maladies infectieuses à déclaration obligatoire. Pour chaque déclaration de maladie
encodée nécessitant une action immédiate (comme la méningite à méningocoques par
exemple), le logiciel envoie automatiquement un SMS au médecin inspecteur de garde. Ce
dernier peut alors immédiatement en assurer le suivi. Pour ce faire, il suffit que le médecin
s’inscrive et le logiciel lui enverra un mot de passe.
Pour la Wallonie, soit par courriel ([email protected]), soit par fax au 02/600.04.90,
au moyen d’un formulaire (pdf à télécharger) qui reprend la nature de la maladie, l’identité, la
profession, l’âge, le sexe et les coordonnées du malade. Ce formulaire doit être envoyé dans
les 24 heures qui suivent la constatation du cas à la Direction de la surveillance de la santé
de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le médecin inspecteur d’hygiène est également disponible pour donner des informations concer-
nant les tests diagnostiques de laboratoire (coqueluche, rougeole) ou l’antibioprophylaxie.
Concernant la Flandre, les coordonnées sont disponibles sur le site internet suivant:
http://www.zorg-en-gezondheid.be/meldingsplichtigeinfectieziekten
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