l`histoire - Abalo Awesso

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L’HISTOIRE
Distinction des concepts : nécessaire/contingent ; universel/singulier ; objectif/subjectif
INTRODUCTION : DEFINITION ET PROBLEME
Le mot histoire désigne à la fois le devenir historique et l’étude des faits et événements
qui marquent ce devenir. L’histoire est donc la succession des événements dans le temps et dans
l’espace. Par le terme histoire, on désigne ce qui arrive à un individu, un peuple ou une
civilisation, les événements qui surgissent dans leur vie aussi bien que la durée qui les affecte et
les transforme à un rythme bien déterminé. Mais la notion d’histoire renvoie aussi à l’étude ou à
la connaissance de ces événements. La réflexion que nous essayeront de conduire dans ce cours
portera essentiellement sur les questions suivantes : 1.) L’histoire est-elle contingente ou
nécessaire ? Autrement dit, les événements qui adviennent dans la vie des hommes ou des
peuples sont-ils des possibilités quelconques et donc contingents, ou alors y a-t-il au contraire
des lois ultimes qui les déterminent fondamentalement, des lois qui détermineraient donc
l’orientation de l’histoire ? 2.) Si l’histoire est objet de savoir, qu’est-ce qui montre que les faits
relatés par l’historien correspondent effectivement à la réalité historique ? Dans la mesure où
l’histoire est celle des hommes et donc chargée de valeurs, l’historien, qui est lui-aussi un
homme porteur valeurs, est-il toujours un témoin crédible ? Enfin, 3.) Quel est le sens et la
nature du développement de l’histoire ? Autrement dit, l’histoire est-elle faite de ruptures
successives, ou évolue-t-elle plutôt de manière linéaire et continue ?
I. COMPRENDRE L’HISTOIRE
L’histoire universelle est celle de l’humanité toute entière. Elle est l’ouvrage des
individus et peuples, dans leur liberté de penser, d’agir et de construire le monde à travers les
âges. Mais comment comprendre le processus historique du monde ? Sur cette question, les
positions sont divergentes.
1. La conception providentialiste de l’histoire
L’histoire ne peut se comprendre que si l’on lui attribue au départ un but, une finalité. Le
développement historique devient intelligible lorsqu’on considère que l’histoire tend vers une
fin, « fin » au double sens du mot, c’est-à-dire comme arrêt et comme accomplissement. Cette
manière de rendre compte de l’histoire est dite téléologique. Elle est particulièrement défendue
par les courants de pensée chrétiens qui estiment que l’histoire tend vers un bien suprême, c’està-dire Dieu. Tous les événements historiques sont expliqués à travers l’idée d’un Dieu considéré
ici comme le culminant. Bossuet, qui partage cette conception, affirme que « l’histoire, c’est le
retour des hommes à Dieu ». La conception de l’histoire sous-entend donc l’idée d’un certain
déterminisme ou du providentialisme. Même si elle est marquée par des mutations, l’histoire est
appréhendée au prisme de l’élément final qu’est la Providence. Mais si la Providence détermine
le cours de l’histoire, quel part faut-il accorder à la notion de progrès et comment peut-on
comprendre le rôle des acteurs qui concourent au devenir historique ? La conception
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providentialiste de l’histoire semble réductrice étant donné surtout qu’elle implique l’idée de
Dieu et donc de la croyance.
2. Histoire et progrès
Une autre manière de comprendre l’histoire consiste à la mettre en rapport avec l’idée de
progrès. Le devenir historique est alors considéré comme un perfectionnement indéfini de
l’humanité. Ici, l’histoire devient véritablement universelle, en ce sens qu’elle prend en compte
aussi bien le devenir global de l’histoire que les actions particulières des individus et des
peuples. C’est la position de Condorcet qui soutient que l’histoire est le « perfectionnement
indéfini de notre espèce » (Premier Mémoire sur l’instruction publique, 17, Arago, 1847, p.
183). La vie de chaque individu, quelle qu’elle soit, concourt au bien de la totalité historique.
Pour comprendre donc l’histoire, il faut examiner de près le processus de progression des
peuples et des civilisations. Car, objectivement, c’est le perfectionnement des figures
particulières de l’humanité qui travaille au progrès de l’histoire universelle. Chaque époque,
chaque peuple et civilisation constitue une figure particulière de l’universelle et œuvre, à sa
manière, à l’accomplissement de cette dernière.
Si l’histoire se définie par un perfectionnement, comment comprendre le mal à travers le cours
de l’histoire ?
3. Le bien et le mal dans l’histoire (Analyse du texte de Hegel sur les grands
hommes)
Si le progrès est supposé être le principe explicatif du devenir historique et si grâce au progrès
les sociétés et les peuples tendent vers le mieux-être, comment accorder progrès et mal,
perfectionnement et malheur ? Au nom de quel progrès saurions-nous justifier des événements
tristes et terribles de l’histoire comme les guerres, des atrocités commises dans l’histoire,
comme le Commerce des esclaves (traite négrière) ou encore la Shoah ? Face au mal qui accable
l’humanité, il paraît judicieux de considérer l’idée de progrès historique comme une utopie. Les
hommes inventent, construisent l’édifice de l’histoire par leur travail, mais sans jamais détruire
le mal. Kant s’est interrogé sur la question et voici la réflexion qu’il formule : « Car nous ne
devons pas non plus trop nous promettre des hommes dans leur progrès vers le mieux, pour ne
pas nous exposer à juste titre aux moqueries du politicien qui tiendrait volontiers cette
espérance pour la rêverie d’un cerveau exalté ». Vico poursuit dans le même sens en soutenant
que, très souvent, les preuves qui semblent rendre compte du progrès de l’humanité sont loin
« des desseins des hommes, quelquefois même contraires à ces desseins ».
Cependant, d’autres philosophes qui ont aussi abordé la question de l’histoire, enseignent le
contraire. Pour Hegel, tout comme pour Karl Marx, le mal et la violence font partie de l’histoire.
Le mal participe à la construction de l’histoire universelle. La raison qui gouverne le monde se
sert parfois du mal pour parvenir au bien. Le mal fait prendre conscience du bien, les ténèbres
annoncent et donnent raison à la lumière. Par exemple, de la Révolution française est née la
liberté de penser et d’agir. De la Seconde guerre mondiale est né un monde plus attentif à la
dignité et à liberté des peuples, une vigilance accrue face aux dangers et perversions qui guettent
le monde. Pour Hegel, comprendre l’histoire, c’est donc comprendre ce mouvement dialectique
(confrontation et dépassement progressif) entre le bien et le mal, mouvement qui concourt
forcément au progrès et donne toute sa signification à l’histoire universelle. Mais n’est-ce pas là
ignorer la mémoire et donc méconnaître l’histoire ? La question de la mémoire pose celle de
l’histoire comme objet de connaissance.
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II. LA CONNAISSANCE DE L’HISTOIRE
Le problème de la connaissance de l’histoire pose la question de l’objectivité. Dans la mesure où
celui qui rend compte de l’histoire est un homme (avec ses sentiments, ses préjugés, etc.),
comment définir la crédibilité de son récit ? Comment construire une connaissance objective
d’une réalité chargée de valeurs et relatée par un sujet engagé lui-même dans l’histoire ?
1. L’origine de l’histoire
L’étude de l’histoire en tant qu’analyse des événements passés et présents pose en premier lieu la
question de l’origine de l’histoire. Quand commence l’histoire ? Pour certains penseurs,
l’histoire commence avec l’écriture. Car, c’est grâce à l’écriture que les hommes sont en mesure
de rendre compte de leur histoire en tant qu’ils la reconstituent sous forme de mémoire et
d’archives. C’est pour cette raison qu’on parle ordinairement de la préhistoire pour caractériser
les périodes où l’humanité est restée sans écriture et donc sans histoire. « Préhistoire » signifie
justement avant l’avènement de l’histoire.
Mais cette position semble insoutenable. Pour Lévi-Strauss, « rien de ce que nous savons de
l’écriture et de son rôle dans l’évolution ne justifie une telle conception » (Lévi-Strauss, Tristes
Tropiques). L’écriture ne peut constituer le critérium de l’historicité d’un peuple. Que fait-on de
la tradition orale ? Certains peuples d’Afrique et d’Amérique latine, longtemps restés sans
écriture, seraient-ils sans histoire ? Quelle valeur accorderions-nous aux inventions culturelles,
aux outils de travail ou encore aux modes de vies qui restent la marque de ces civilisations ?
Pour Claude Lévi-Strauss, l’histoire commence dès l’apparition de l’homme qui a de tout temps
cherché à s’organiser et à maîtriser la nature. C’est sans doute l’idée qui se dégage du propos
suivant :
« Une des phases les plus créatrices de l’histoire de l’humanité se place pendant l’avènement du
néolithique : responsable de l’agriculture, de la domestication des animaux et d’autres arts.
Pour y parvenir, il a fallu que, pendant des millénaires, de petites collectivités humaines
observent, expérimentent et transmettent le fruit de leurs réflexions » Claude Lévi-Strauss,
Tristes Tropiques [1955], Editions Plon, 1962, p. 318.
Si l’histoire est de tous les temps, comment recueille-t-on les événements qui la marquent ? Peuton déterminer le degré de crédibilité des faits que relate l’histoire ?
2. La subjectivité de l’histoire
La tradition philosophique retient les noms des Grecs Hérodote (484 – 425 avant J.C.) et
Thucydide (460 – 400 avant J.C.) comme les premiers historiens. Ils ont eu le mérite d’établir et
de fonder la connaissance de l’histoire sur la recherche minutieuse des ressources, la
confrontation de celles-ci avec divers témoignages. Aussi, l’histoire devient-elle une
connaissance au sens où elle se démarque des mythes, des contes ou récits légendaires et des
poèmes épiques. Cette tradition s’est poursuivie à travers le cours de l’histoire. De nos jours nous
avons des historiens qui ont pour tâche de relater le passer garantissant ainsi aux générations
futures la possibilité de connaître les événements passés.
Cependant, il se pose toujours le problème de l’objectivité de l’histoire. D’une part il s’agit de
vérification des événements du passé. On ne peut appliquer la méthode de vérification
expérimentale aux faits passés. L’histoire se fonde parfois sur les témoignages. Or, rien ne
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garantit a priori la véracité des témoignages. D’autre part, l’historien est lui-même porteurs de
valeurs, de préjugés. Son impartialité est toujours mise à l’épreuve. Il semble donc que l’histoire
demeure une discipline subjective, exposée aux préjugés. Elle ne peut accéder au stade de
scientificité.
Schopenhauer soutient cette thèse en apportant des arguments plus solides. Pour lui, l’histoire est
tenue prisonnière par les faits particuliers. Elle ne possède pas de notions générales et
universelles susceptibles d’instruire les observations empiriques.
« Seule l’histoire ne peut vraiment pas prendre rang au milieu des autres sciences (…).
L’histoire est une connaissance, sans être une science, car nulle part elle ne connaît le
particulier par le moyen de l’universelle, mais elle doit saisir immédiatement le fait individuel,
et, pour ainsi dire, elle est condamné à ramper sur le terrain de l’expérience », Arthur
Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation.
L’histoire se contenterait donc de coordonner les faits, sans les intégrer à un système théorique.
Mais cette manière de concevoir l’étude de faits historiques provoque à son tour des objections.
3. L’histoire comme science
L’évolution de la science et l’élaboration par certains historiens du XIXème siècle d’une
méthode critique permettent certainement à l’histoire de se hisser une place parmi les sciences.
Avec le développement des sciences et des techniques, les historiens sont aujourd’hui en mesure
de vérifier certains faits avec précision. Il n’est pour s’en convaincre que de considérer les
recherches relatives à l’Egypte Antiques ou les études sur les dinosaures. Le traitement
informatique des données, les analyses chimiques et les procédés scientifiques de datation, la
radiographie, constituent des procédures scientifiques qui interviennent dans la connaissance
historique. Grâce à ses méthodes, l’histoire peut découvrir des vérités inédites sur l’humanité,
avec un haut degré de crédibilité.
Néanmoins, il faut rester prudent. On peut observer en effet qu’aujourd’hui, les études
historiques sont orientées vers des fins chargées d’intérêts. L’économie, la politique, l’évolution
des mentalités, sont forcément des facteurs qui influent sur la recherche historique. Dans ces
circonstances, l’humanité gagne en termes de diversité ou de variété des disciplines historiques,
certes ; mais elle risque de perdre en termes d’objectivité et de crédibilité au sens où les
recherches visent des intérêts particuliers, souvent inconnus du grand public.
III. NATURE ET SENS (ORIENTATION) DE L’HISTOIRE
Les considérations que nous avons acquises dans les paragraphes précédents révèlent que
histoire a forcément un sens, c’est-à-dire qu’elle a une orientation. Quelle que soit la
signification que l’on attribue à l’histoire, une chose est certaine, elle constitue le déploiement
des peuples et des civilisations dans le temps et dans l’espace. La question qu’on peut s’autoriser
devient la suivante : Quel est le sens de l’avancement de l’histoire ?
1. La nature du progrès historique
Le développement de l’histoire, est-il continu ou discontinu ? L’histoire, évolue-t-elle de
manière continue ou bien est-elle la succession d’épisodes radicalement différents les uns les
autres ? Pour certains penseurs, l’histoire progresse de manière continue et linéaire. Chaque
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événement nouveau, chaque nouvelle civilisation, apporte sa pierre à l’édifice général sans
troubler fondamentalement le cours de l’histoire. Quelles que soient l’ampleur et la marque d’un
événement, il s’inscrit dans l’ordre normal de la rationalité historique. Auguste Comte par
exemple, estime que l’ordre et le progrès sont deux principes inséparables :
« Aucun grand progrès ne saurait effectivement s’accomplir, s’il ne tend finalement à l’évidente
consolidation de l’ordre » (Comte, Cours de Philosophie positive, 46è leçon).
Pour d’autres philosophes, l’histoire ou le progrès de l’humanité s’effectue par des mutations et
ruptures. Ces penseurs s’inspirent de l’idée de discontinuité en vogue chez les épistémologues
qui estiment que la science progresse par sauts et ruptures. Selon Lévi-Strauss, l’avancement de
l’histoire « n’est ni nécessaire ni continu ; il procède par sauts, par bonds, ou, comme diraient
les biologistes, par mutations » (Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire, Editions Agora, Pocket,
1983, p. 46). A l’image du cavalier des échecs qui ne progresse jamais dans le même sens,
l’humanité progresse par des hauts et des bas.
Mais on peut aussi considérer que l’histoire évolue de manière continue malgré les discontinuités
apparentes qu’on observe. Sans doute la Seconde Guerre mondiale a tellement marqué les
peuples et a permis un changement profond de mentalité, au point où on dire qu’entre le monde
d’avant-guerre et celui de l’après-guerre il y a une rupture indéniable. Cependant on peut dire
que l’événement se succède dans un système de prolongement. On pourrait alors comparer
l’avancement de l’histoire à une marée montante.
2. La part du hasard
Quand on observe le spectacle de l’évolution de l’humanité, on est loin de penser vraiment que
l’histoire est le fait d’un déterminisme. Dans le même temps on est tenu de croire à l’idée que
l’ordre gouverne le processus historique. Si l’histoire est celle des hommes doués de raison, l’on
se saurait y voir l’expression du chaos. Apparaît alors la question du hasard, au sens où l’entend
le philosophe Cournot. Le hasard est défini ici comme la rencontre de séries causales
indépendantes, ainsi que l’écrit Cournot lui-même :
« Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre de phénomènes qui appartiennent
à des séries indépendantes, dans l’ordre de la causalité, ce sont ce qu’on nomme des événements
fortuits ou résultats du hasard ». (Antoine Augustin Cournot, Exposition, § 40)
Ce qui arrive dans l’histoire est le fait de causes ou d’enchaînements de causes, tantôt
indépendantes, tantôt solidaires. Le hasard n’est pas donc l’expression de la limite de notre
intelligence. Le hasard existe réellement dans la nature. La prise en considération du hasard
comme élément objectif interdit d’attribuer une orientation déterminée au progrès historique.
Nous voici donc en mesure d’admettre que l’histoire avance de manière libre.
3. L’histoire progresse de manière libre
Le devenir historique n’est pas dicté par quelque principe. Chaque peuple, chaque période
construit son histoire particulière et contribue par le fait même au devenir de l’histoire
universelle. L’homme ne peut pas déterminer le cours de l’histoire dans la mesure où, les séries
causales qui déterminent les événements ne se croisent pas nécessairement. On ne peut donc pas
assigner quelque loi au progrès de l’histoire. Le progrès historique peut être comparé à la
progression d’un fleuve : tantôt, le fleuve traverse la montagne et les rochers, tantôt, il rencontre
des vallées sablonneuses constatant la baisse de son débit, tantôt, le fleuve reprend vie en
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traversant un milieu pluvial, etc. Sur le chemin qui les conduit vers les océans, les fleuves font
l’expérience des « hauts » et des « bas », des crues et des reflux. Ainsi en va-t-il de l’histoire
universelle.
CONCLUSION
Certains philosophes comme Nietzsche ont critiqué l’étude excessive de l’histoire,
estimant qu’elle engendre le contraste entre l’intimité de l’homme et le monde extérieur, affaiblit
la personnalité et paralyse l’énergie créatrice de l’individu, et ce par l’illusion qu’engendre la
connaissance d’époques grandioses. De même, très souvent, les hommes racontent trop bien leur
propre histoire et trop mal celle des autres. Rousseau dira aussi qu’il est difficile de juger ses
semblables avec équité (L’Emile). Cependant, force est de constater qu’une étude éclairée sur le
sens et la valeur de l’histoire peut guider l’homme dans la connaissance de soi et dans la
recherche du bonheur. Et comme l’écrit Raymond Aron, « la suite des organisations sociales et
des créations humaines à travers le temps n’est pas quelconque ou indifférente, (…) elle
concerne l’homme en ce qu’il a d’essentiel ».
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TEXTE D’APPLICATION
Seule l’histoire ne peut vraiment pas prendre rang au milieu des autres sciences, car elle ne peut
pas se prévaloir du même avantage que les autres : ce qui lui manque en effet, c’est le caractère
fondamental de la science, la subordination des faits connus dont elle ne peut nous offrir que la
simple coordination. Il n’y a donc pas de système en histoire, comme dans toute autre science.
L’histoire est une connaissance, sans être une science, car nulle part elle ne connaît le
particulier par le moyen de l’universelle, mais elle doit saisir immédiatement le fait individuel,
et, pour ainsi dire, elle est condamnée à ramper sur le terrain de l’expérience. Les sciences
réelles au contraire planent plus haut, grâce aux vastes notions qu’elles ont acquises, et qui leur
permettent de dominer le particulier, d’apercevoir, du moins dans certaines limites, la possibilité
des choses comprises dans leur domaine, de se rassurer enfin aussi contre les surprises de
l’avenir. Les sciences, systèmes de concepts, ne parlent jamais que de genres ; l’histoire ne
traite que des individus, elle serait donc une science des individus, ce qui implique contradiction.
Il s’ensuit encore que les sciences parlent toutes de ce qui est toujours, tandis que l’histoire
rapporte ce qui a été une seule fois et n’existe plus jamais ensuite. De plus, si l’histoire s’occupe
exclusivement du particulier, et de l’individuel, qui, de sa nature, est inépuisable, elle ne
parviendra qu’à une demi-connaissance toujours imparfaite. Elle doit encore se résigner à ce
que chaque jour nouveau, dans sa vulgaire monotonie, lui apprenne ce qu’elle ignorait
entièrement ».
Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation, PUF, 1966, pp. 1179-1180.
Questions
1. Dégager le thème, la thèse et le plan du texte
2. En quoi les sciences réelles rassurent-elles contre les surprises de l’avenir ?
3. expliquez le passage suivant : « Les sciences, systèmes … ce qui implique
contradiction » (10 lignes maximum)
4.
a). Qu’est-ce que la méthode déductive ?
b). La déduction est-elle l’unique critère de scientificité ?
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