"L'histoire universelle est la manifestation du processus divin, de la marche graduelle par
laquelle l'Esprit connaît et réalise sa vérité. Tout ce qui est historique est une étape de cette
connaissance de soi. Le devoir suprême, l'essence de l'Esprit est de se connaître soi-même et
de se réaliser. C'est ce qu'il accomplit dans l'histoire : il se produit sous certaines formes
déterminées, et ces formes sont les peuples historiques. Chacun de ces peuples exprime une
étape, désigne une époque de l'histoire universelle. Plus profondément : ces peuples incarnent
les principes que l'Esprit a trouvés en lui et qu'il a dû réaliser dans le monde. Il existe donc
entre eux une connexion nécessaire qui n'exprime rien d'autre que la nature même de l'Esprit.
L'histoire universelle est la manifestation du processus divin absolu de l'Esprit dans ses plus
hautes figures : la marche graduelle par laquelle il parvient à sa vérité et prend conscience de
soi. Les peuples historiques, les caractères déterminés de leur éthique collective, de leur
constitution, de leur art, de leur religion, de leur science, constituent les configurations de
cette marche graduelle. Franchir ces degrés, c'est le désir infini et la poussée irrésistible de
l'Esprit du Monde, car leur articulation aussi bien que leur réalisation est son concept même.
Les principes des Esprits populaires, dans la série nécessaire de leur succession, ne sont eux-
mêmes que les moments de l'unique Esprit universel : grâce à eux, il s'élève dans l'histoire à
une totalité transparente à elle-même et apporte la conclusion.".
La Raison dans l'Histoire, trad. K. Papaioannou, U.G.E. coll. 10 / 18, 1965, pp. 97-98.,
"La nature de l'esprit se reconnaît à ce qui en est le parfait contraire. De même que la
substance de la matière est la pesanteur, nous devons dire que la substance, l'essence de
l'esprit est la liberté. Chacun admet volontiers que l'esprit possède aussi, parmi d'autres
qualités, la liberté; mais la philosophie nous enseigne que toutes les qualités de l'esprit ne
subsistent que grâce à la liberté, qu'elles ne sont toutes que des moyens en vue de la liberté,
que toutes cherchent et produisent seulement celle-ci; c'est une connaissance de la philosophie
spéculative que la liberté est uniquement ce qu'il y a de vrai dans l'esprit. La matière est
pesante en tant qu'elle se dirige vers un centre; elle est essentiellement complexe; elle se
trouve hors de l'unité et la cherche, elle cherche donc à s'anéantir elle-même, elle cherche son
contraire; si elle l'atteignait elle ne serait plus la matière, elle aurait disparu, elle tend à
l'idéalité, car dans l'unité, elle est idéale. L'esprit au contraire a justement en lui même son
centre; il n'a pas l'unité hors de lui mais il l'a trouvée; il est en soi et avec soi. La matière a sa
substance en dehors d'elle; l'esprit est, l'être-en-soi-même. Cela est justement la liberté, car si
je suis dépendant je me rapporte à autre chose que je ne suis pas; je ne puis exister sans
quelque chose hors de moi; je suis libre quand je suis en moi. Cet état de l'esprit, d'être en soi,
c'est la conscience, la conscience de soi. Il faut dans la conscience, distinguer deux choses:
d'abord le fait que je sais et ensuite ce que je sais. Ces deux choses se confondent dans la
conscience de soi, car l'esprit se sait lui-même il est le jugement de sa propre nature, il est
aussi l'activité par laquelle il revient à soi, se produit ainsi, se fait ce qu'il est en soi."
Hegel (Leçons sur la philosophie de l'histoire, Vrin, page 27)