les pratiques artistiques amateurs chez les jeunes et dans les associations 24 et 25 mai 2008 Introduction ············································································································ 4 Mot de la Présidente des Foyers Ruraux du Gard Présentation de Courants d’art ··········································································· 6 De balade d’artistes en herbe à Courants d'art Ouverture ················································································································ 8 De « Courants d’art » Première palabre ···································································································· 10 Pratiques amateurs, éducation populaire, territoires ruraux… des mots, du sens, des sens... Construisons ensemble un vocabulaire commun Intervention d'Olivier Douard Quelques réactions du public Intervention d’Olivier Douard ·············································································· 12 Création du Ministère de la Culture Réactions du public (Albert Roblès et le Maire de Barjac) Agitation philosophique menée par Alain Guyard ·········································· 16 Réactions du public après un temps d'échanges par petits groupes Réactions clownesques 2 Deuxième palabre ·································································································· 22 Sur la question du compagnonnage entre amateurs et professionnels témoignage d'Alain Rault et de Bernard Gapilhan Les pratiques artistiques et culturelles des amateurs à partir d’une étude du ministère de la culture par Alain Manac’h Troisième Palabre ·································································································· 30 Les jeunes ont la parole ! Paroles de jeunes ! Les Ateliers de pratique artistique ·································································· 32 Expressions artistiques : présentation de quelques activités Les Spectacles de Courants d’art ······································································ 36 Le « cirque à quatre mains » par La Fabrique des Arts d’à côté Soirée cabaret L'organisation de Courants d'art ········································································ 38 un compagnonnage collectif de bénévoles et professionnels Présentation des Foyers Ruraux du Gard Bibliographie ·········································································································· 42 Les concepteurs ····································································································· 43 L'ambiance sonore ·································································································· 44 3 Le mot de la présidente introduction L ancer « Courants d’art » l’année des 30 ans de la fédération des Foyers Ruraux du Gard, voilà une belle opportunité qui nous a permis d e m e ttr e e n r e lie f qu i n ou s s o mmes et c e qu e nous sommes dans les associations d’Éducation Popu lair e . C ourant s d ’ar t, u ne m anife s tation p l u ri c u l tu rel l e où c h a qu e assoc i ation d é montr e s e s s avoir-f a i re, éc h a n g e et p a rta g e ses c onnais s ance s , s a pr atiqu e , sa c réa ti v i té. Une rencontre associant jeunes et moins jeunes,amateurs et professionnels des pratiques artistiques, chercheurs et uni versi tair e s ou s ociologu e s po u r n ou s i n terro g er s u r n o s expéri ence s e t la cu ltu r e . Un merci tout particulier à tous ceux et celles professionnels et amateurs qui se sont joints à cette aventure collective et aux partenaires : Jeunesse et Sport, Conseil Régional, Conseil Général , fé d é r ation nationale d e s Fo y ers R u ra u x. N i c ol e F A B I A N I P ré s i d e n te d e l a Féd éra t io n Dép a rt emen tale d e s F oy e rs Ruraux d u G ard 5 De balade d’artistes en herbe à Courants d'art présentation de Courants d’art D epuis dix ans, la Fédération des Foyers Ruraux du Gard favorise le développement d’actions culturelles éducatives sur le territoire. Lors de la dernière rencontre annuelle des ateliers de théâtre jeunes « Balade d’artistes en herbe » en mars 2007 à Méjannes-le-Clap, les participants ont demandé à élargir la rencontre aussi bien au travers des disciplines artistiques proposées avec les artistes professionnels que de la participation du public. En 2008, la Fédération a souhaité associer à cette action, celle portée par la Fédération Nationale des Foyers Ruraux depuis 2003 et nommée « Courants d’art ». Courants d’art est une manifestation qui se réclame des Universités Rurales, c’est-à-dire le croisement des savoirs, de l’analyse, l’échange, la découverte, les ateliers de pratique sans oublier la fête. - chercher à leur donner sens et valeur en développant les savoirs mutuels. Ils peuvent être une manifestation thématique (les pratiques des amateurs en théâtre, en musique) ou une manifestation générale : la question des pratiques des amateurs en général. Les associations et la fédération des foyers ruraux du gard ont donc souhaité proposer deux jours de rencontre sur la thématique « Les pratiques artistiques amateurs chez les jeunes et dans les associations ». Cela s’est traduit par des ateliers de pratique artistiques, des conférences, des spectacles... C’est ce que nous vous proposons de découvrir à partir de ces restitutions écrites.. La thématique générale porte sur les pratiques des amateurs : imaginer et réaliser un temps fort culturel et festif sous l’angle de l’éducation populaire. C’est donc rendre acteur le participant sans hiérarchie ni d’a priori entre les disciplines. Courants d’art permet de : - travailler sur les pratiques, les échanges, l'analyse etla découverte, - nourrir ces pratiques de réflexion et d’apports « savants » sur ces pratiques, 7 Après la levée de sortilèges, le Maître du Temps a ouvert l’écluse libérant ainsi le flot des participants. ouverture de Courants d’art RHIZOME T O I BOUSSOLE S’ATTABLER PALABRE S'APPRIVOISER VISAGE PASSERELLE TACT JUBILATOIRE Atelier autour des dix mots de la francophonie anncophonie Pratiques amateurs, éducation populaire, territoires ruraux… des mots, du sens, des sens… Construisons ensemble un vocabulaire commun. Intervention d'Olivier Douard Quelques réactions du public première palabre O livier DOUARD est président de l’Observatoire Régional de la Jeunesse* et directeur du LERIS dans le Languedoc-Roussillon. Il est sociologue, spécialiste des questions de jeunesse et de l’éducation populaire. Le LERIS est un laboratoire transdisciplinaire dont la vocation est de conduire des études et des recherches et d’œuvrer à l’accroissement des connaissances dans les domaines suivants : - Politique Enfance / Jeunesse. - Travail Social - Animation et Éducation Populaire. *commission extra régionale créée par le Conseil Régional du LanguedocRoussillon dont l’enjeu est de parvenir à construire une politique jeunesse crédible, durable et lisible, en rassemblant toutes les connaissances chiffrées sur les questions concernant la jeunesse dans la région. 11 P arler de culture, ce n’est pas si courant que ça, sauf quand on parle des grandes œuvres de l’humanité ou des grands événements comme le Festival de Cannes. On nous montre des vedettes mais derrière tout ça, ce sont des logiques qui sont essentiellement liées à la commercialisation des films. La culture est souvent abordée par cette entrée là. Mais ce n’est pas que ça la culture, c’est au quotidien, c’est un certain nombre de pratiques qui ne sont pas réservées qu’à des artistes, à des peintres, à des cinéastes. Tout le monde est producteur de culture. J’ai envie d’avancer une autre idée importante : la culture, c’est le logiciel de l’autonomie, quand on a pris conscience qu’accéder à la culture c’est un très bon moyen de permettre progressivement aux enfants et aux autres d’accéder à l’autonomie. Qu’est-ce qu’on attend des jeunes aujourd’hui ? C’est de devenir adulte. À notre époque, c’était assez simple de devenir adulte. À un moment donné, on faisait des études, on partait de chez ses parents, on trouvait un boulot et on se mariait et tout cela arrivait en même temps. Cela se passait en quelques mois et du coup, on était devenu adulte. Aujourd’hui cela ne se passe pas du tout comme cela. On peut très bien trouver un petit boulot, avoir un peu d’argent, partir de chez ses parents, s’installer avec sa copine et puis perdre son boulot, ne plus avoir de moyens et devoir retourner chez ses parents. Et comme la copine ne supporte pas les parents, on se sépare de sa copine mais ce n’est pas pour cela qu’on redevient jeune. 12 Sinon cela se saurait. Aujourd’hui, devenir adulte, c’est quelque chose de compliqué. Cela ne se fait pas d’un seul coup. Tous ceux qui s’intéressent à la culture, à l’éducation, aux jeunes font tout pour que les jeunes puissent accéder à une autonomie pleine et entière. Et le levier central, c’est la culture. Mais quand on parle de culture, il faut savoir de quoi on parle. Et quand on parle de « politique culturelle », il faut comprendre que le Ministère de la culture, depuis qu’il a été crée par André Malraux dans les années 50, est toujours sur la même logique qui est certes, importante mais pas suffisante, qu’on appelle une logique de démocratisation culturelle. Ça veut dire que toutes les politiques culturelles ont pour but, et c’est Malraux qui avait conçu ça, de permettre à tout le monde d’accéder aux grandes œuvres de l’humanité, et particulièrement aux grandes œuvres françaises. Depuis, on fonctionne sur cette logique là. Certes, c’est très important que tout le monde puisse accéder aux musées, visiter des sites historiques, aller au spectacle, au cinéma, etc., mais ce n’est pas que ça la culture. La culture, c’est aussi reconnaître qu’on est chacun producteur de culture. Qu’on est capable à un moment donné de s’inscrire à un atelier qui va faire de la salsa, du théâtre, de pouvoir faire de la peinture chez soi parce qu’on en a envie. Et permettre ça, c’est travailler sur un autre registre qui n’est pas la démocratisation culturelle mais ce qu’on essaie de promouvoir dans l’éducation populaire : la démocratie culturelle. C’est-à-dire : comment on essaie de faire en sorte que chacun puisse être producteur de culture ? Je crois qu’aujourd’hui, c’est ça l’intérêt. Par exemple, avoir des moments comme ceux-là, où on propose - bon, là, c’est à grande échelle - mais ça peut être dans son village tous les jours. À un moment donné, on propose à des jeunes, à des adultes de pouvoir être producteurs de culture, de pratiquer des activités artistiques amateurs qui leur conviennent, leur plaisent. Elles vont avoir l’énorme avantage de créer du lien social, de permettre aux gens de se rencontrer, de discuter, de devenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des gens conviviaux, des gens qui vivent avec les autres. Le pire ennemi de la démocratie culturelle aujourd’hui, c’est la télé. Même si c’est bien, la télévision, ne serait-il pas mieux d’appuyer sur le bouton et d’aller se balader, rencontrer d’autres jeunes, d’autres adultes, faire des activités tout simplement ? Quelle alternative à la télévision ? Ça pourrait être un programme intéressant à travailler pour moi qui suis impliqué à l’Observatoire de la Jeunesse. Qu’est-ce qu’on pourrait proposer pour que les jeunes aient d’autres choix que de rester plantés devant un écran ? Ce sont des idées importantes. Quand on travaille sur l’autonomie des jeunes, la culture, c’est le logiciel de l’autonomie. C’est quand on est capable de produire des actes de culture qu’on devient citoyen, qu’on peut comprendre le monde. Par la culture, on peut comprendre le monde. On peut comprendre ce qui nous arrive, dans quelle situation on est. Et quand on a commencé à comprendre dans quelle situation on est, c’est le début de l’émancipation. Et être émancipé, c’est être citoyen. Donc la culture, c’est la condition de la citoyenneté. Ce n’est pas rien comme programme ! Est-ce que ça vaut le coup d’investir dans nos associations locales un peu de temps, d’énergie, pour proposer de pratiquer des activités culturelles ? Oui, ça vaut le coup même si ça peut paraître banal mais c’est essentiel car c’est comme ça qu’on devient adulte et c’est comme ça qu’on devient citoyen. Voilà ce que je peux dire rapidement. Merci de votre écoute. 13 T out cela interpelle fortement l’élu que je suis puisque je suis maire d’une commune de 1500 habitants. Je dois dire que la culture, le secteur culturel, en période de crise, de difficulté, de vaches maigres pour les budgets, que ce soient ceux des communes, des conseils généraux, des conseils régionaux, c’est ce qu’on appelle la variable d’ajustement. C’est-à-dire que s’il y a un budget que l’on fait maigrir, c’est celui là. Parce que cela part de l’idée que la culture, c’est secondaire ! Et si ce secondaire était le principal ? Et si, c’était à partir de cet enfant que l’on peut faire un homme nouveau, un acteur de sa propre élaboration, un individu qui s’autonomise, qui se prend en charge, bref qui se « citoyennise » ? Ce n’est pas simple à faire comprendre, y compris à un conseil municipal de gauche, que la culture doit avoir sa place comme élément moteur d’un dynamisme communal ou départemental. C’est effectivement dans des communes, des départements, des régions où l’on investira dans la matière grise, la sensibilité, le regard, l’ouïe, les papilles - on les oublie souvent qu’on pourra démarrer économiquement. L’économie n’est pas forcément première, elle découle aussi de tous les investissements, que l’on peut faire en l’homme, sous toutes leurs formes. Je suis très heureux qu’on ait interpellé l’élu. Je dois dire que les locaux, les efforts que l’on peut faire, comme cela vient d’être dit, cela ne sert à rien s’il n’y a pas cette âme ! J’ai un animateur pour la jeunesse dans mon village, je n’ai pas de garde champêtre. Chacun fait des choix, et la politique, c’est l’art des choix, surtout à quelques kilomètres de l’Ardèche… Nous avons une idéologie qui marque cette animation : qui dit « jeune » dit « sport » ! C’est bien le sport ! Mais il n’y a pas que cela. C’est un des aspects de la culture. D’ailleurs ne dit-on pas « culture physique » ? 14 Quelques réactions du public Dans mon village, les ados me disent : « il n’y a rien pour les jeunes à part le foyer avec la télé, une table de ping-pong ». Il n’y a rien pour les jeunes ? La bibliothèque, c’est pour qui ? Ce n’est pas pour les jeunes ? Et le cinéma, c’est pour qui ? Ce n’est pas pour les jeunes ? Et le court de tennis, c’est pour qui ? C’est pas pour les jeunes çà ? Oui, et pourtant il n’y a pas que les jeunes qui y jouent. Il y a plus de vieux sur les courts de tennis qu’il n’y a de jeunes qui viennent spontanément dans la bibliothèque, et je ne parle pas des enfants qui viennent avec l’instituteur. Voilà, la culture, c’est un tout. C’est à la fois le corps, l’esprit ! Il faudrait retrouver l’esprit grec qui voulait que l’individu soit épanoui sous toutes ses facettes, y compris la politique qui est une de ces facettes. A utre réaction après qu’un enfant présent ait demandé à interpréter des chansons qu’il a composé. « Après avoir écouté cet enfant qui a dit d’une façon si charmante, sa création, puisqu’il a précisé, « c’est moi qui l’ai inventée », je trouve que si il y a des adultes ici présents, qu’ils puissent prendre conscience qu’ils peuvent aider les enfants, c'est-à-dire faire de la culture dès le bas âge. Et quand ces adultes sont des politiques, ils ont encore un pouvoir beaucoup plus important car dans leurs communes, il ne suffit pas de donner à la population un local. Tout à l’heure j’ai été accueilli par un animateur de rue qui me menaçait avec un seau si je parlais trop. Au fond, je sentais bien que les paroles étaient tenues en suspect, c’est vrai qu’il y a eu beaucoup de bonimenteurs et que certains méritent cela. Je demande à considérer aussi cette chose, que la politique ce n’est pas autre chose que cet art, fait par des gens citoyens, et que cet art de la politique passe par la parole. Alors respectez la parole surtout quand vous êtes des gens de théâtre. Un local, c’est bien, le chauffage c’est bien, l’électricité c’est bien mais ce qui manque, c’est l’âme du bâtiment et cela ne s’improvise pas. Il faut que les gens aient envie d’y aller. Il faut qu’il y ait des aides d’État qui puissent faire que l’encadrement de ces jeunes qui vont faire que leurs propres créations puissent être soutenues et c’est ces soutiens municipaux et locaux qui sont capitaux dans nos villages ruraux. Il ne faut pas l’oublier et il faut que chacun de nous en prenne conscience. » Édouard Chaulet Albert Roblès Maire de Barjac, Conseiller Général du Gard Vice-président de la fédération des Foyers Ruraux du Gard (Propos en réaction au sein du débat et non pas dans le cadre d’un discours préparé) 15 Réactions du public après un temps d'échanges par petits groupes Réactions clownesques agitation philosophique menée par Alain Guyard Alain GUYARD : Professeur de philosophie, agitateur philosophique « DIOGENE CONSULTANTS » E xtraits d'intervention : est-ce qu’on peut soutenir une idée selon laquelle il y a d ’ un côté , l’ arti s an q ui p e ut ê t r e inscr it dans l’utilitaire, dans le pratique, dans l’appliqué, et de l’autre côté, l'artiste q ui lui , s ’ i n s cri t d an s l’ ord re du g énie ? De quelque chose qui transcende et qui dépasse l’ human i té ? 1 A u fon d , le p oè te , i ci p our P laton e t p ar ext ensio n, l’artiste, c’est pas seulement celui qui connaît la technique, c’est celui qui est capable de l’oublier e t d e s e me ttre d an s un é tat d ’ i n s p i rati on… Qu ’est ce q ue c’ e s t q ue ce t é tat d ’ i n s p i rati on ? Plat o n dit « c’ e s t le mome n t as s e z p roche d e la transe finale me n t. » Quand la nuit tombe autour des musées des Beaux Arts… ce sont les fantômes de Platon et c’est la même idée q ui n ous travai lle , n ous ob s è d e e t n ous fait cr o ir e q ue l’ A rt e s t d u d omai n e d e s d i e ux . Il s e rait r éser vé à ce ux - là mê me s q ui p arti ci p e n t d ’ un e autr e r éalit é q ue la ré ali té ord i n ai re q uoti d i e n n e , p rofane qu ’est l’ e x p é ri e n ce d e ce q ue j e vi s au q uoti d i e n. …à l’époque, on décroche le tableau de Manet en disant qu’il est scandaleux, et à la place, on met le tab le au d e Cab an e l e n d i s an t ce lui - là, il est t r ès corre ct. A lors on e s t é p até p arce q u’ on pense qu ’il e s t p lutôt i n d é ce n t ce tab le au ! 2 17 J ean Philippe Arthur Dubuffet, né au Havre le 31 juillet 1901 et mort à Paris le 12 mai 19 85, est un peintre, sculpteur et plasticien français. Il est également le premier théoricien de l 'Art Brut et l ’auteur de vigoureuses critiques de la culture dominante notamment dans son essai Asphyxiante culture. 18 Al or s pou r q uo i en 1 8 6 2 , o n d it q ue M a n e t e s t i n d é ce n t ? Parce que Manet, ce qu’il ose mettre dans le musée, c’est une scène de l a v i e o rd in a ire… I l est en t ra in d e d ire, le b e au p e ut ê tre là d an s l e qu oti di e n , d a n s l ’o rd in a ire 3 … en d y n a m i tan t l’ hé ri tage d e P laton … Il e s t e n tr a in d e n o us d ire… n o us a v o n s le d roi t n ous , i ci e t mai n tenant sans avoir reçu l’estampille, l’étiquette « artiste », nous autres, hommes du populaire, hommes modestes, hommes de ce m onde , no us a v o n s l e d ro it d a n s c e mo n d e , d e cé lé b re r la b e auté car elle est dans ce monde. Et nous autres qui sommes des hommes m ode s te s , n o us p o uv o n s n o us ex erc er à l’ A rt. … Dubuffet4 travaillant avec des enfants, va essayer de célébrer leur génie propre. Il va aussi travailler avec les prisonniers en disant ce n’est pas parce qu’ils ont été bannis et repoussés hors d e l a s oci é t é p o ur a ut a n t il s n ’o n t p a s l es cap aci té s à la s e n s i b i li té qu’ils vont essayer d’exprimer. Et il va aussi travailler avec les h a nd i ca pé s men t a ux et p o urq uo i n ’a ura ie n t- i ls p as accè s e ux aus s i , à l a s e ns i b il it é ? Alors il produit, il fait des œuvres. Il dit « c’est de l’art brut, ce n’est pas de l’art qui a été raffiné, trafiqué, sélectionné, pour faire plaisir aux autorités des classes possédantes mais ce n’est pa s pa r ce q u’il est b rut q u’il n ’est p a s de l’ art. » Et i l me t au p oi n t ce tte i dé e d e l ’A rt B rut . J e c ro is q ue ça marche p arce q ue ce s oi r v ou s a l l e z en f a ire. 5 L a pr e u v e q ue P l a t o n a p erd u et q ue Dubuffe t a gagn é . piste 04 digéré en philo 19 Public :« … il faut aimer la philosophie pour parler comme cela… ça fait réfléchir à ce qu'est l’Art. » « …nous sommes enchantés du parti pris de Monsieur Dubuffet mais par contre, on se demande s'il n'est pas un précurseur de la Star ac’? » « …à partir de quel moment on voit ou on sait ce que c’est que l’art et ce qui n’est plus de l’art d’après Dubuffet ?... » A. Guyard : « C’est très difficile d’être artiste. À la fin de « Asphyxiante culture », qu’il écrit en 1967, Dubuffet dit : « C’est la culture qui nous asphyxie, c’est l’art qui nous libère ». On est tous des oignons. Pour être artiste, il faut que j’ose être un oignon… il faut être prêt à désapprendre. Il ne faut pas être prêt à apprendre mais être prêt à se défaire de toutes ces vieilles peaux, de ces peaux mortes qui nous ont été inculquées et qui nous ont expliqué ce que c’était que la culture, les œuvres magistrales du patrimoine de l’humanité qui nous écrasent. Cela exige un gros travail de dépouillement de tout ces poids qui ont été déposés comme cela, toutes ces couches posées sur mon dos par la culture qui m’ont peu à peu ossifié, paralysé, ralenti. Très concrètement, comment cela marche ? Dubuffet dit que c’est à cause des mots. L’institution, la culture, les gens de culture vont nous dire ce qui est « art » ou pas. Elle nous détermine à voir l'art qu’elle veut nous signaler pour éviter que nous, nous nous consacrions à des choses qui peuvent être de l’art mais qui n’ont pas été désignées comme de l’art dans les grands dictionnaires de l’institution. » « Quand on s’inspire de quelque chose et qu’on veut l’exprimer en le dessinant, qui peut juger si c’est de l’art ou pas ? Les instits qui notent les dessins peuvent-ils vraiment le faire? » « Qui décrète que le dessin c’est de l’art et que la gribouille ce n’est pas de l’art ? Il y a des maitres quand tu es petit et il y a des maitres quand on est grand qui sont les maitres qui sont au Ministère. Je vais très vite mais c’est un peu ça. » « On a parlé de l’Art Brut, des gens qui font de l’art sans avoir l’idée que ce sera montré un jour. Par exemple, les œuvres faites sur l’instant par les handicapés mentaux dans les hôpitaux. Mais ne pourrait-il pas exister des lieux dans notre société pour montrer que l’art existe à travers le regard des autres sans que ce soit le regard de l’institution qui acquiesce ou pas que c’est de l’art ? Et on se disait que peut-être, il manque ces espaces là. » 20 T ous les jeudis soir, on fait de la peinture sur soie. Alors on ne sait pas ? On n’est pas sûres… C’est de l’art ou pas ce qu’on fait ? Est-ce qu’on le fait avec raison ou avec passion ? Est-ce qu’on est appliquées ou est-ce qu’on est inspirées ? Réactions clownesques Compagnie Nez au vent - Tu veux pas me mettre le cadre de Manet ? - Si c’est Manet, c’est « ordinaire » ou « extraordinaire » ? - On se rappelle plus… Pourtant, on était à la conférence ! Alors, Platon, c’est « extraordinaire » ! Et maintenant, 2000 ans ont passé, alors là, c’est « ordinaire » - Mais « brut » ou pas « brut » ? - Je vais faire la Muse qui descend, tu veux bien ? - Tu vas descendre sur moi, tu descends et je vais être possédée par toi. - Pas en vrai, c’est une sublimation. Les artistes sont décevants avec leurs techniques. C’est le point de vue des Muses. La culture, il faut l’abolir pour que l’art puisse exister. 21 Sur la question du compagnonnage entre amateurs et professionnels témoignage d'Alain Rault et de Bernard Gapilhan Les pratiques artistiques et culturelles des amateurs à partir d’une étude du ministère de la culture par Alain Manac’h deuxième palabre Pratiques amateurs ! Attention fragile ! Un bien précieux à accompagner ? Par qui ? Pourquoi ? Comment ? 23 A lain RAULT est directeur de l’Association Art Dramatique Expression Culturel (ADEC56). Depuis 1970, l’ADEC56, association loi 1901, suscite, développe, accompagne et questionne la pratique du théâtre amateur dans le Morbihan. Dans son approche du théâtre, elle cherche à partager avec des groupes, des individus, le plaisir du jeu en construisant avec rigueur des projets artistiques. Ses missions : - développer la fonction ressource information et la ressource documentaire théâtrale, - organiser des actions de formation à destination des amateurs en partenariat avec les équipes professionnelles de création, - favoriser la circulation et la diffusion des spectacles amateurs par la création de réseaux, - l’organisation d’évènements, l’accueil de spectacles, - structurer l’espace de la pratique amateur, - valoriser la pratique du théâtre dans sa structuration en troupe, lieu de création de projets collectifs, - favoriser tous les moyens de rencontre et de partenariat avec la création d’aujourd’hui et la profession, - observer et être à l’écoute des évolutions de la pratique sur l’ensemble du Morbihan, - maintenir et structurer les liens avec les autres régions par le biais de la Fédération Nationale des Compagnies de Théâtre Amateur (FNCTA), de la Fédération Nationale des Foyers Ruraux (FNFR) et leurs échelons régionaux. 24 O n vient de faire le 25e Festival de théâtre amateur du Morbihan. En 2003, nous avons accueilli le premier « courants d’art » national organisé par la Fédération Nationale des Foyers Ruraux et donc des ateliers et une relation assez forte avec les professionnels qu’ils soient des scènes nationales, qu’ils soient des compagnies de théâtre professionnel de la région, centres dramatiques. Cette relation avec les professionnels est un peu fondatrice aussi de notre structure puisque c’est une association qui est née à la période de la décentralisation théâtrale et à la période de la création de la première compagnie professionnelle en Bretagne. L’ADEC est née de la rencontre avec des professionnels et la volonté que des troupes de théâtre d’amateurs se forment et aillent voir des spectacles. Je vais vous présenter une expérience qui s’appelle « De l’écriture à la scène » à laquelle Bernard a participé et dont il témoignera tout à l’heure et sur laquelle il a beaucoup écrit. Il y a des choses assez fortes qui sont dites. On a aussi demandé aux gens qui ont participé à ces différents parcours, d’écrire à partir d’un petit canevas de questions et donc voilà, on a toute une matière qu’on est en train de mettre en forme aujourd'hui. Une des questions qu’on se pose, c’est comment reproduire cette action ? Le théâtre est un lieu de la répétition, pour autant, on se pose toujours la question de la reproductibilité des choses et des expériences sensibles que l’on peut mener. Elle est née d’une réflexion du groupe théâtre à la FNFR en 2003-2004 autour du processus de création artistique dans la pratique en amateur. En quoi cette pratique participe à l’éducation populaire ? Depuis le départ on cherche, à mettre en lien, en regard, ces deux questions là, pratiques artistiques et éducation populaire, et comment elles interagissent. Un autre objectif que l’on cherchait à atteindre était, en quoi le théâtre amateur peut se revendiquer du champ de la pratique artistique ? Comment nourrir la pratique artistique dans un souci d’autonomie des projets de création des troupes ? Et donc ça, c’est un élément extrêmement important. Nous croyons fondamentalement à la structuration en troupe. C’est-à-dire des gens qui se rassemblent, qui font le choix à un moment donné de se retrouver pour faire un travail autour du théâtre. Il y a un fort développement des ateliers aujourd'hui, c’est une pratique en amateur. Nous pensons qu’il faut en même temps garder présente à l’esprit cette structuration de troupes de gens qui s’organisent eux-mêmes et qui se mettent en capacité d’interpeller d’autres partenaires, éventuellement des professionnels. Ça c’est une des préoccupations que nous avions dans ce projet là. Alain Rault 25 Quel co m pagno n nage entre amateu rs et professio n nels ? Et un dernier point sur lequel on est en train de travailler : comment faire mémoire ensemble de cette pratique, de ce parcours, de ce processus de travail ? Donc pour essayer d’atteindre ces objectifs là, on a travaillé sur ce projet « De l’écriture à la scène ». On a une bibliothèque, on a une flopée de textes, d’auteurs qui écrivent. Il y a une matière importante. On s’est dit : partons de là et qu’est-ce qu’on fait avec un texte jusqu’à la scène, jusqu’à la représentation devant le public ? On a découpé un peu ce processus là en tranches, on a saucissonné, on a fait un travail sur la scénographie. C’était un parcours de formation sur la scénographie où on a invité un scénographe à venir travailler avec nous avec un groupe d’amateurs qui s’est constitué parce qu’ils avaient envie de travailler sur la question de la scénographie. On a fait un travail sur la mise en scène, parcours « mise en scène ». On a aussi invité un artiste à venir travailler pendant deux, trois, quatre week-ends avec des amateurs qui sont soit metteurs en scène dans leurs troupes, soit des gens qui ont envie de se poser des questions sur la mise en scène en tant que comédiens. Ce sont des gens qui sont issus de différentes troupes et qui se rassemblent avec un artiste pour et à partir d’un projet avec lequel ils viennent. 26 Par exemple Bernard a fait le parcours de « mise en scène ». Il est venu avec un texte. La posture de départ qu’on avait établie était que chaque personne qui participe au parcours « mise en scène » vienne avec un texte. Il a choisi un texte. Donc il l’a lu, il s’est déjà mis en travail avant d’arriver au stage. L’artiste que l’on a interpellé pour venir accompagner ce travail là, on ne lui a pas demandé de venir faire un cours sur la mise en scène mais on lui a demandé de venir accompagner un groupe de gens qui viennent chacun avec un projet. Comment l’artiste allait-il travailler avec eux pour que chacun aille le plus loin possible dans son texte ? On a fait un parcours sur la lumière. En quoi la lumière a une dimension artistique dans le projet ? Comment la lumière se met-elle aussi à la disposition du désir du metteur en scène d’un groupe qui monte un spectacle ? Donc, toute une série de parcours dans lesquels les gens pouvaient s’inscrire d’une façon autonome, pouvaient faire un parcours. Mais c’était aussi possible pour une personne de faire l’ensemble des parcours. Et puis le dernier parcours était le parcours de création. Un des textes a été travaillé dans le parcours de mise en scène de Bernard. Il a été le metteur en scène amateur accompagné par un metteur en scène professionnel pour aller au bout de sa démarche. Donc le metteur en scène professionnel n’était pas convoqué pour venir faire la mise en scène mais bien pour être dans une posture très précise qui est l’accompagnement d’un metteur en scène amateur. J’appuie un peu là-dessus parce que c’est la question de la posture à partir de laquelle on travaille. Parler d’autonomie des groupes, c’est comment se met-on chacun en chemin, autant le professionnel que l’amateur ? On est autour de questions, et la réponse se trouve dans des choses qui se fabriquent ensemble. Quelles sont les conditions à réunir pour qu’on soit en dialogue ? Comment accompagner ? Comment se met-on en jeu ? Mais quelle est la prise de risque quand on se met en jeu ? Et, comment on interpelle un professionnel pour venir aussi jouer ce jeu-là ? Quelle prise de risque il a, lui, à venir nous rencontrer ? Et donc c’est cette tension là, ce déséquilibre qui fait qu’il y a la rencontre humaine d’une part et d’autre part il y a des choses qui peuvent se fabriquer là parce qu’elles sont en devenir. Et elles ne sont pas là, à priori. La question que l’on a posée à Éric Houguet - le metteur en scène professionnel que l’on a sollicité pour accompagner Bernard - était justement là-dessus. Non pas sur un plan établi d’une manière précise mais sur cette incertitude là. Est-ce que ça t’intéresse de venir accompagner, non pas de faire une mise en scène mais d’accompagner quelqu'un ? Qu’est-ce que cela pose comme question ? Une chose importante à préciser. Ce travail a été soutenu par la FNFR d’une façon conséquente. On a également convoqué des chercheurs pour nous accompagner dans l’analyse, la réflexion, et la prise de distance par rapport à ce travail là. On a notamment Marie-Madeleine Mervant-Roux qui est chercheur au CNRS et qui a fait un travail important sur le théâtre des amateurs, Marie Christine Bordeaux qui est chercheur enseignante professeur à l’Université de Grenoble et Jean Caune. Ce sont des gens avec lesquels on continue à travailler et on est en train de travailler à la restitution de cela, à une écriture de ce travail là. Un compagnonnage réussi… Je fais partie d’une troupe de théâtre amateur dans le Morbihan qui adhère à l’ADEC et on fonctionne depuis à peu près trente ans. J’ai commencé le parcours en faisant le stage de scénographie sur trois week-ends avec un scénographe professionnel. Il travaillait avec le Centre Dramatique. La rencontre a été très intéressante parce qu’on s’est aperçu, nous les amateurs, que les questions qu’il se posait étaient très proches des nôtres notamment par rapport à un spectacle et à un texte : Comment on va le mettre en espace ? L’Adec proposait un parcours plus intense. J’ai alors choisi celui de la mise en scène où chacun devait travailler sur un texte. J’ai choisi « L’augmentation » de Georges Perec parce qu’il m’avait fait rire. J’ai eu envie d’aller plus loin avec ce texte et avec la question : Pourquoi a t-il écrit ça ? Qu’est-ce que c’est que ce truc là ? Et je me suis rendu compte que les questions que je me posais pouvaient être intéressantes pour le travail de mise en scène. Elles étaient un terreau, une base pour travailler. 27 L’opportunité nous a été offerte de réaliser un montage de spectacle à partir de notre texte. J’ai tout d’abord pensé que ça n’était pas pour moi et le travail qu’on a fait avec un professionnel m’a vraiment donné envie d’aller plus loin parce que j’ai découvert pourquoi j’avais rigolé. J’ai découvert aussi pourquoi ce texte m’avait touché. Du coup ça a lancé un processus. J’ai eu envie d’aller plus loin, je me suis renseigné sur l’auteur… J’habite dans un petit patelin de 800 habitants. J’avais des complexes mais aujourd’hui, je ne le vis plus comme ça. Puis vint le temps de réalisation avec la possibilité en tant qu’amateur de rencontrer un professionnel sur plusieurs week-ends, plus à la fin, un travail de dix jours non stop pour la réalisation du spectacle. C’était un travail qu’on ne faisait jamais dans notre troupe amateur. Eric Houguet, le professionnel qui nous accompagnait dans la réalisation, a été très présent. À partir du poste qu’on occupait, metteur en scène, régisseur lumière, comédien, il nous a montré des chemins dans des moments où on ne savait plus quoi faire. En même temps, jamais il ne nous a dépossédés de notre projet. Il y a eu des tensions, des virages, des descentes, des montées mais c’est resté notre projet. On est allé jusqu’à la réalisation en rencontrant plein d’écueils, distribution, relations dans le groupe parce que c’est un groupe qui s’est constitué autour du projet et non comme on avait l’habitude de travailler, avec une troupe, puis, son projet. Voilà pour résumer. On n’y serait pas arrivé sans le compagnonnage du professionnel parce qu’il a d’autres expériences, d’autres ouvertures et d’autres repères. Bernard Gapilhan comédien amateur 28 U ne étude approfondie du ministère de la culture datant de 1996 mais remise à jour régulièrement porte un éclairage tout à fait intéressant sur les pratiques des amateurs. On y apprend qu’ un français sur deux a déjà pratiqué un art au moins une fois dans sa vie et que 22% continue cette pratique tout au long de leur vie… Si on entre dans le détail on s’aperçoit que les pratiques les plus fréquentes sont celles des enfants, des jeunes, des femmes, des personnes plutôt diplômées. Et on n’échappe pas à la règle générale en matière d’action culturelle (vu sous la définition des politiques publiques) les pratiques des amateurs sont liées au niveau de diplômes et non de revenu. Toutefois les disparités sociales sont moins marquées entre les praticiens amateur d‘une activité culturelle et celle des publics, plutôt massivement classée dans la « moyenne bourgeoisie intellectuelle diplômée ». Plus on commence tôt plus on continue longtemps. Même si ces débuts sont encouragés de manière plus ou moins poussée par les parents comme faisant encore parti de la bonne éducation, la moitié des praticiens dans l’enfance abandonne à l’adolescence ou dans l’entrée de l’âge adulte… début des études, vie professionnelle sont les facteurs les plus important de l’abandon de ces pratiques. Et puis il y a ceux qui découvrent ces pratiques à l’adolescence et alors cette action est recherchée comme acte de sociabilité (faire avec d’autres) et aussi une recherche identitaire. Cela peut être une durée brève mais qui marque beaucoup les personnes. En revanche les découvertes à l’âge adulte sont très rares, exceptionnelles en ce qui concerne la danse et la musique. Les praticiens les plus nombreux sont, dans l’ordre décroissant : les musiciens, les auteurs (poésie, carnets intimes, romans etc.), les plasticiens, les danseurs (on devrait dire danseuse tant la pratique masculine est minoritaire dans ce domaine) et enfin les acteurs. Il est intéressant de noter le « mauvais » score des théâtreux, mais les chiffres dans ce domaine sont imparables… De toute évidence et nous le savons tous la proportion de femmes dans ces pratiques est considérablement élevée dans un rapport parfois deux tiers un tiers. L’enquête s’intéresse ensuite à l’image que les praticiens ont d’eux-mêmes la palette est grande de ceux qui se considèrent comme des professionnels dans l’exigence artistiques mais qui n’en vivent pas… On connaît l’exemple dans le mouvement des foyers ruraux de personnes qui travaillent à mi temps pour consacrer le reste du temps à la pratique de leur art. Mais la question la plus polémique et la plus intéressante est sans doute celle qui pose la relation des amateurs avec l’offre des professionnels… Les chiffres là sont ambiguës. La question est de savoir si le fait de pratiquer un art en amateur construit un public pour les productions professionnelles. Sans doute il y a plus de danseurs amateurs qui vont voir des spectacles de danse, que des non danseurs. Mais le phénomène est loin du raz de marrée… 32% des musiciens n’on vu aucun spectacle dans l’année et auquel il faut ajouter 47% qui ont vu un spectacle. C’est pour la danse que le chiffre est le plus éloquent 41% n’ont rien vu, plus 33% qui 29 ont vu un spectacle amateur (le gala de fin d’année ?) Question ardue donc… en tout cas cela prouve que les pratiques Les jeunes ont la parole ! Paroles de jeunes ! troisième palabre Une proposition de palabre différente pour la 3ème puisqu’elle était animée par les adolescents de l’atelier théâtre du Centre Expression jeunes : Social de St Quentin La Poterie et l'association Art Nature avec Carole Jolinon. et si on déboulonnait Construite sous forme de théâtre forum, sorte d’invitation à sortir des clichés à propos des jeunes et de leur engagement, elle a suscité un dialogue autour des pratiques culturelles et artistiques. les « à priori » Et quant à la question qui leur est posée sur les raisons de leur pratique artistique, ils répondent : « On grandit avec le théâtre et le théâtre nous fait grandir ! » ou encore « Le théâtre est une porte vers les autres, où on peut aller sans craindre le regard des autres », et c’est toute la salle qui applaudit dans un même élan. des adultes sur les jeunes et leur désengagement ? 31 Expressions artistiques : présentation de quelques activités les ateliers de pratiques artistiques JUBILATOILE « Faire vraiment prendre conscience que nous vivons » Si je pose en exergue, cette petite citation de John Cage, artiste complet (musicien, philosophe et plasticien) du 20ème siècle, initiateur du mouvement Fluxus (lequel a effectué « un minutieux travail de sape des catégories de l'art par un rejet systématique des institutions et de la notion d'œuvre d'art »* dans les années 60), c’est parce que notre « Jubilatoile » s’inscrit elle aussi dans cette démarche artistique encore contemporaine où l’art est acte et non plus œuvre. L’art devenu depuis DADA et les futuristes russes, un formidable outil d’émancipation, se met le plus efficacement en représentation, hors des systèmes marchands et des institutions. Il s’agit donc bien d’un art populaire s’il se donne les moyens d’interagir avec des publics variés et différents, dans le cadre d’une réflexion (ici le mot pris dans son sens optique) politique, spirituelle, idéologique ou autre. L’acte artistique participe alors émotionnellement à l’émergence du sens, au même titre que toute œuvre. Et c’est bien ainsi que j’ai conçu notre « Jubilatoile », une peinture de 10 m de long sur 5 m de haut, réalisée par les nombreux adhérents de tous âges, d’associations culturelles diverses, toutes liées au mouvement d’éducation populaire des Foyers Ruraux, et qui se sont appropriés dans un temps extrêmement court, les outils propres aux peintres de décors de spectacle, sous ma conduite professionnelle. L’acte de créer ensemble - picturalement, musicalement, théâtralement, et corporellement- répondait merveilleusement à l’objectif de ce Courant d’art gardois : « Croiser les pratiques culturelles ». Le résultat obtenu, dressé sur un écran géant en fin de manifestation, témoigne de la joie, du bonheur, d’un moment de liberté partagée, malgré et avec les contraintes de temps qui nous étaient imposées ! Paule Barbé Association la Clé des Arts *Wikipedia 33 PAR MOTS ET PAR BEAUX : Des mots qui se disent, des mots qui s’écrivent, des mots qui sont là pour que tu puisses dire. Dire quoi ? Dire ce que tu as à dire avec les beaux mots. Les mots qui se disent, les mots qui s’écrivent, les mots qui sont là portés par qui tu es. Un mot ça veut dire quoi ? Dis-le avec du papier et des couleurs. Peu à peu le mot se crée grâce à tes mains et tu découvres ainsi ce qu'il veut dire. Laissons les p’tits papiers nous dire les mots, laissons les mots nous exprimer, laissons nos expressions rejoindre celles des autres, et devenir nos histoires pour un jour. Elles se partagent, réjouissent tous les cœurs, avant que de rejoindre la toile qui jubile. Quel plaisir ! Marie Noël Esnault Centre de création du XIX Atelier autour des dix mots de la francophonie 34 ATELIER DANSE CONTEMPORAINE Pour « Courants d'art », j'ai pu développer un travail de composition instantanée, avec les trois jeunes filles présentes, inscrites à l'atelier Danse contemporaine. Nous avons expérimenté sur une structure de jeu et dans l'espace ensablé d'un lieu situé près du gymnase. Ce trio éphémère s'est déployé, utilisant le potentiel du moment, dans une grande écoute et justesse du rythme de chacune, et des consignes en jeu... Un plaisir ! Le vent a calmé la pluie le temps qui convenait pour être dehors... Une courte ballade de garrigue a clos cette rencontre. Delphine Desyeux Association A.X.I.S. ATELIER MARIONNETTES Dans ma pratique de comédienne au service du théâtre populaire de farce, de comédie bouffonne et de tragédie drame social, je manipule des marionnettes fabriquées par moi et, ou des membres de notre collectif : La Fabrique des arts d’à côté. Le partage de ce savoir-faire avec un groupe est toujours source de plaisir tant il renvoie à la magie créatrice de nos jeux d’enfants. D’une matière brute peu onéreuse et travaillée simplement, surgit rapidement la forme, puis le personnage à qui il suffira de deux mains pour prendre vie. Chacun repart avec l’objet qu’il a construit et qui incarne cette joie simple du bricolage presque divin qui consiste à faire des êtres bientôt vivants pour peu qu’on sache encore jouer. Juliette Prillard La Fabrique des Arts d'à côté TH ÉÂ TRE Carole Jolinon - Art Nature LECTURE À V O IX H A UTE Mireille Doucet, Farid Chebout et Madeleine Desmazières – Action Commedia P ERCUSSIO N A F RICA INE Julien Régis - Alasc TA I SCH I Virginie Loutrel - Alasc ATELIER AUTOUR DES DIX MOTS DE LA FRANCOPHONIE Marie Noël Esnaut - Centre de création du XIX STEEL DRUM Françoise Malaize - Asart RA DIO Christian Pierredon - La Grande Oreille SA LSA Isabelle Bourdille -Temps Libre F A BRICA TIO N DE M A RIO NNETTES Juliette Prillard ESP A CE LUDIQUE LUDO TH ÈQUE Martine Gazon – À vous de Jouer CO NTES Valérie Muller - Terre de Contes CIRQUE Elsa Bishop – Étincelle P O RTRA IT NUM ÉRIQUE Cyril Guilliot- Accès pour Tous CRÉA TIO N O EUV RE M O NUMENTA LE CO LLEC T I VE « P EINTURE JUBILA TO IRE » Paule Barbé– La Clé des Arts DA NSE Delphine Desyeux - A.X.I.S. 35 Le « cirque à quatre mains » par La Fabrique des Arts d'à côté Soirée cabaret les spectacles de « Courants d’art » A près le temps de l’apprentissage, vint celui de la représentation, celle donnée par « La Fabrique des Arts d’à côté », un duo de comédiens professionnels venus de Picardie. Ici, point de décor ultra sophistiqué, un espace restreint, une table, quelques accessoires, une guirlande de lumières et nous voilà projetés dans le plus petit cirque du monde. « Le Cirque à 4 mains », est un spectacle manuel où les deux protagonistes enchaînent contes traditionnels parodiés et numéros de cirque qui ont fait exploser de rire petits et grands ! Soirée cabaret avec les élèves de l’atelier théâtre du Centre Social de St Quentin la Poterie et de l’association Temps Libre de St Geniès de Malgoirès et la Compagnie professionnelle Batifol. Soirée cabaret présentant des saynètes, où l’occasion était donnée pour cette vingtaine d’adolescents de dévoiler le travail de toute une année. Entrecoupé de morceaux de musique et de danses traditionnelles, interprétés par la Compagnie Batifol, ce cabaret festif et convivial a rassemblé toutes les générations et s’est poursuivi très tard dans la nuit. 37 Un compagnonnage collectif de bénévoles et professionnels Présentation des Foyers Ruraux du Gard l'organisation de « Courants d’art » L ’automne est souvent le moment privilégié dans les associations pour commencer à aborder les projets de la saison suivante. Ainsi dès octobre 2007 et à la demande des participants de Balade d’Artistes en Herbe, les membres du conseil d’administration des Foyers Ruraux du Gard et les salariés savaient que cette rencontre artistique devait s’ouvrir à d’autres pratiques que le théâtre, et à d’autres participants et publics. Courants d’art de mai 2008, c’est 140 personnes qui se sont retrouvées sur deux jours dans le cadre d’une manifestation mais c’est aussi parmi elles, une cinquantaine de personnes qui ont pris part à petite ou grande échelle et sur une période plus ou moins longue à l’élaboration de ces journées. Être acteur d’une rencontre culturelle comme courants d’art, c’est s’impliquer dans des groupes de travail où chacun apportera sa contribution active à la réalisation. Cela a duré 7 mois. Un comité de pilotage avec coordination générale, des groupes de travail chargés de la partie Animation, Communication, Débats permettent à chacun de trouver sa place en fonction de son savoir-faire. Les échanges permettent de rebondir sur de nouvelles idées, de nouvelles personnes ressources. C’est ainsi que se retrouvent ensemble l’élu associatif, le bénévole associatif amateur d’une pratique culturelle, le professionnel artistique, l’animateur socioculturel. Il s’agit donc d’un processus de fabrication collectif où il est proposé aux associations et compagnies de venir s’inscrire dans une démarche de construction d’un projet culturel et dans lequel, que ce soit à titre bénévole ou professionnel, chacun s’implique en proposant et réalisant. 39 Être le plus acteur possible, s’engager mais aussi savoir être à l’écoute, ne pas avoir peur de l’inconnu, des diversités. Ce processus de « fabrication » où culture et éducation populaire s’associent pour fabriquer du lien social, du savoir, de l’apprentissage et donc de l’autonomie. De cette démarche, le public externe et les partenaires (financeurs ou logistiques), ne perçoivent que la partie visible, ici les deux jours de rencontre les 24 et 25 mai 2008 à Méjannes-le-Clap. De même qu’ils ne connaissent que le budget global de l’opération que l’on va d’abord élaborer pour estimer le coût financier mais aussi pour demander une aide financière aux partenaires, puis le résultat quand l’action sera terminée pour « rendre des comptes » et prouver le sérieux de l’action. Il n’en demeure pas moins que toute une partie sur l’acquis culturel, les effets induits notamment les prolongements vers de nouvelles actions, et la partie économique complémentaire n’est pas mesurable, quantifiable. C’est cette richesse complémentaire qu’il faut savoir reconnaître, soutenir et encourager, pour permettre à des hommes et des femmes de toute génération, de toute culture, de tous milieux de se connaître, de « fabriquer ensemble », sources d’épanouissement et d’autonomie individuelle mais aussi richesse collective. Quelle place existe t-il pour cela aujourd’hui dans notre société ? Marielle Vigne 40 L es Foyers Ruraux du Gard, fédération d’associations d’éducation populaire, créée en 1978, participe à l'animation et au développement du milieu rural. Elle est adhérente à la Confédération Nationale des Foyers Ruraux. La Fédération a pour rôle essentiel : - d’aider les Foyers Ruraux et Associations à la réalisation des buts qu’ils se proposent. - Soutenir les initiatives locales en jouant le rôle de médiateur dans les projets communs à plusieurs associations, en aidant dans la constitution de dossiers, en aidant à créer ou à développer les activités récréatives, sportives, éducatives et culturelles, activités pouvant trouver un prolongement vers les problèmes d’aménagement et de développement économique. - Susciter et encourager la création des Foyers et Associations. - Procurer à ses membres la documentation et les renseignements de tous ordres dont ils peuvent avoir besoin et mettre à leur disposition les moyens dont elle bénéficie. - Leur servir de centre permanent de relations, de réflexion et de recherche. - Organiser la formation et le perfectionnement des animateurs professionnels et bénévoles du milieu rural. - Participer et contribuer de façon active et permanente à toutes actions favorisant le développement culturel, économique et social du monde rural. - Contribuer et s’engager dans toute action d’accueil et de tourisme social et rural en favorisant la connaissance et la protection du milieu. - Favoriser la pratique des activités physiques sportives et de pleine nature. - Réaliser des études et enquêtes concernant l’animation et le développement du milieu rural. - Promouvoir les cultures populaires et de pays. De l'idée à l'action, depuis 30 ans au service des associations et des collectivités locales : - un réseau associatif dynamique et novateur pour le milieu rural, échanges d'actions et d'expériences dans un cadre départemental, national et international. - Des outils de communication : lettre d'info, site Internet. - Des actions jeunesse : « Rallye Mob », rencontres et séjours d'ados. - Des rencontres culturelles : « Balade d'artistes en herbe », Courants d'art. - Des centres de ressources de la vie associative : lieux de rencontre, d'échange et d'information favorisant le développement d'une politique associative de proximité. - Des services pratiques : création, information, conseil et soutien, montage de dossiers, recherche de financements, prêt de matériel, assurance, gestion administrative. - Des actions économiques et sociales : insertion sociale et professionnelle, réseau solidarité. - Un lieu de formation pour animateurs et bénévoles : BAFA, administration, gestion, Universités Rurales, Nouvelles technologies... - Des activités sportives et de pleine nature : organisation de rencontres et sorties « découverte », initiation aux pratiques sportives, formation de bénévoles. www.lesvillagesdugard.org www.portailcevennes.org 41 B I B LI O G R APH I E - Jean Dubuffet, « Asphyxiante culture », Les éditions de Minuit, 1968. http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ville/mediation-culturelle/op.pdf - Quelques définitions et réflexions sur la pratique artistique amateur : http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ville/mediation-culturelle/a.pdf - DONNAT Olivier, Les Amateurs. Enquête sur les activités artistiques des Français, département des Études et de la Prospective, ministère de la Culture, La Documentation françaises, 1996. - URFALINO Philippe, L’invention des politiques culturelles, La Documentation française, 2002. - CAUNE Jean, La Culture en action : de Vilar à Lang, le sens perdu, Presses universitaires de Grenoble, 1999. - CAUNE Jean, Pour une éthique de la médiation, le sens des pratiques culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 1995. SI TO G R A P H I E Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire : www.injep.fr Ministère de la Culture et de la Communication : www.culture.gouv.fr 42 CO M IT É D E R É D A C T ION Martine Dufaud – Valérie Sarrat - Marielle Vigne D IRECT EUR D E PU BL IC A T ION Nicole Fabiani D IRECT EUR É D IT OR IA L Marielle Vigne CO NCEPT IO N G R A PH IQ U E & R É A L IS A T ION Véronique Bénita CRÉ D IT S PHOT OG R A PH IQ U E S Jean-Serge Fensch - Mario Moino Martine Dufaud - Magali Recouly - Marielle Vigne RÉAL ISAT IO N S ON OR E Stéphane Pechmalbec Frédéric Rouziès IM PRES S ION L IV R E T C.I.A.M – Langlade D UPL ICAT IO N S C D A U D IO Céven Prod Dépôt légal : septembre 2008 Fédération des Foyers Ruraux du Gard Avenue de la Gare, B.P16 30190 St Geniès de Malgoirès Tél. : 04.66.81.78.58. Fax : 04.66.81.67.39. Courriel : [email protected] Site : www.lesvillagesdugard.org Ouvrage édité avec le soutien de la Confédération Nationale des Foyers Ruraux Confédération Nationale des Foyers Ruraux 1, rue Sainte Lucie 75015 Paris Tél. : 01.45.78.01.78. Fax : 01.45.75.68.94. Courriel : [email protected] Site : www.mouvement-rural.org 43 Liste des pistes CD 01 l' ou ve r tu r e 02 le choix d e s ate lie r s 03 apé r o s ocio ( a v eca O li vi e r Douard ) 04 d igé r e r e n philo ( a v ec A lai n G uy ard ) 05 le s ate lie r s ar tis tiques en p ra ti qu e 06 pe intu r e ju bilatoir e en oeu v re 07 inte r vie w d e J e an-M a ri e B eu rton ( p ré s i d e n t d e la F NF R) 08 la s oir é e cabar e t 09 fais ons u n point, au p eti t déjeu n er 10 la lu d othè qu e 11 par tage d ' e x pé r ie nce ( ave c l'A DEC 56 ) : la cr é ation ar tis tique da n s l a p ra ti qu e de th éâtre a ma teu r 12 le s ate lie r s ar tis tiques en p ra ti qu e ( s ui te e t fi n ) 13 le thé âtr e for u m 14 fin ju b ilatoir e m b i e a r n o c n e s o