L’accompagnement dans le théâtre d’amateurs Cet article reprend une partie de l’introduction du colloque de Rennes (novembre 2008) sur le Théâtre des amateurs, co-organisé par la FNFR, la FNCTA et l’ADEC, dont les responsables scientifiques (Marie-Madeleine Mervant-Roux, Marie-Christine Bordeaux, Jean Caune) ont posé les trois termes principaux : esthétique, collectif, accompagnement.. Il a paru, sous la signature de Marie Christine Bordeaux1, dans la revue de la FNCTA. Avec le même flou et les mêmes ambiguïtés que la notion de médiation, l’accompagnement envahit depuis quelques années le champ des discours sur l’éducation et le social : on l’invoque pour désigner de nouvelles formes de résolution de problèmes d’apprentissage ou d’insertion, mais aussi un nouveau regard sur la place de l’individu dans la société. L’accompagnement marque une attention particulière pour le sujet, et se distingue des formes instituées, classiques, de transmission, d’éducation et d’aide sociale. Ses synonymes sont nombreux (compagnonnage, tutorat, parrainage, appariement, coaching, etc.), au point que la diversité des pratiques désignées par le terme « accompagnement » risque de le vider de son sens. Comment cette notion se déploie-t-elle dans le théâtre des amateurs, monde où prime le collectif, où les individus sont dans une dynamique de projet, et non dans des difficultés d’apprentissage ou d’insertion ? Une notion ambivalente Marie-Christine Bordeaux est Maître de conférences à l’Université Stendhal Grenoble 3, chercheure au GRESEC 1 Article publié par la Confédération Nationale des Foyers Ruraux & associations de développement et d’animation rurale http://www.fnfr.org 1 Les organisateurs du colloque qui vient de se tenir à Rennes sur l’accompagnement du théâtre des amateurs2 se sont confrontés à l’ambivalence de cette notion dans le vocabulaire des politiques culturelles. Dans ce cadre, l’accompagnement a été distingué de ce qui en tient parfois lieu. Il ne s’agit pas simplement de formation aux techniques d’expression, même si la formation des amateurs est un des éléments possibles de l’accompagnement ; il ne s’agit pas d’une prestation de service duplicable dans n’importe quel contexte. Ce n’est pas non plus une mise en forme habile de pratiques maladroites ou mal abouties. L’accompagnement enfin ne consiste pas à substituer une assistance professionnelle rémunérée à des tâches qui doivent normalement être assumées par les amateurs : mise en scène, direction d’acteurs, travail dramaturgique. Une relation singulière Dans la plupart des terrains observés3, l’accompagnement se présente comme une relation singulière, toujours inédite et souvent innovante, sur la base d’un projet assumé par la troupe d’amateurs ou par ses membres les plus actifs : quelqu’un rejoint temporairement un collectif pour l’aider à rendre possible un projet qui était encore ouvert, en devenir. Ce lien est éphémère, il vient par surcroît, sur une partie ou un aspect du processus de création. L’accompagnement ne détermine pas la globalité du projet, qui se déploie en dehors des apports que les amateurs vont chercher auprès de professionnels. L’accompagnement est enfin toujours un symptôme : manifestation consciente d’un tournant, parfois d’une crise, dans la vie de la troupe ; mais le plus souvent la demande d’accompagnement correspond à un désir à peine formulé, plus ou moins conscient, d’un besoin de vivre autrement le théâtre. Dans ce sens, l’accompagnement poursuit un but qui ne peut être défini d’avance, et dont le sens se dégage, parfois, après le départ de ceux qui ont été invités à partager un moment la vie d’une troupe ou d’un collectif « Théâtre des amateurs. De l’écriture à la scène, quels accompagnements ? » Rennes, 21-22-23 novembre 2008 (http://www.theatredesamateurs.org/) 2 Le colloque était fondé sur l’observation préalable d’une quinzaine de créations d’amateurs, dans différents territoires et différentes configurations de relations entre amateurs et professionnels ; les observateurs (pour la plupart des étudiants de Master) ont travaillé durant une année sur la base d’un protocole commun de recherche. 3 Article publié par la Confédération Nationale des Foyers Ruraux & associations de développement et d’animation rurale http://www.fnfr.org 2 de projet. Dans son Anthropologie du projet4, Jean-Pierre Boutinet parle d’une « quasi horizontalité » entre des acteurs de statut voisin, mais différencié : appliquée au terrain qui nous intéresse ici, cette remarque permet de mieux comprendre le rôle du professionnel, qui est de donner à un groupe la distance nécessaire, à l’intérieur même de sa pratique, pour construire une vision compréhensive, multiple et partagée, qui permettra à un collectif d’avancer dans son projet. L’authenticité de sa présence, son expérience intime et familière de la difficulté de faire prendre corps aux choses, la justesse de sa place, bien plus que ses compétences techniques, sont la garantie d’une relation féconde avec les amateurs.5 4 Boutinet Jean-Pierre, 1993, Anthropologie du projet, Paris : PUF, 2e éd. 5 Cet article reprend une partie de l’introduction du colloque, dont les responsables scientifiques (MarieMadeleine Mervant-Roux, Marie-Christine Bordeaux, Jean Caune) ont posé les trois termes principaux : esthétique, collectif, accompagnement. Article publié par la Confédération Nationale des Foyers Ruraux & associations de développement et d’animation rurale http://www.fnfr.org 3