Quel risque infectieux lié aux soins en EHPAD et dans la communauté ? Formation Prévention des infections associées aux soins Dr Emilie Poirier ARLIN Lorraine Le « Risque Patient » Susceptibilité à l’infection • Le risque d’infection augmente avec l’âge (> 65 ans) Baisse des défenses immunitaires Diminution de l’acidité gastrique Baisse des sécrétions muqueuses Baisse de la motilité intestinale Fragilité cutanée Vieillissement cellulaire Altération de l’immunité Maladies → Causes de morbidité Mortalité infectieuse • Polypathologies : cancer, diabète, pathologies vasculaires, trouble de la déglutition… • Immobilisation : escarres, encombrement bronchique, stase vésicale • Médication : antibiotiques, corticothérapie, psychotropes… • Dénutrition : déshydratation, hypoalbuminémie • Troubles sphinctériens : rétention et incontinence • Troubles comportementaux Patient à risque d’infections associées aux soins Les conditions de soins : • Présence de dispositifs médicaux : sonde urinaire, aérosolthérapie, oxygénothérapie, sonde gastrique, cathéter veineux périphérique ou sous cutané… • Réhospitalisations • Durées de séjour longues • Promiscuité avec d’autres résidents • Contacts à risque de contamination • Personnes dépendantes (domicile, institution+++) • Socialement • Médicalement Groupes Iso-Ressources de la grille AGGIR en Ehpad(Autonomie Gérontologie Groupe Iso-Ressources) Les spécificités du risque en EHPAD Le « Risque Structure » La structure • Charge, conditions de travail des agents Taux interventions et manipulations/patient Nb soignants ETP/1000 JH et /lit (SAE 2005): Long séjour : 1,5 ‰ JH 0,56 /lit Court Séj (méd) : 3,6 ‰ JH 1,29 /lit Ehpad : <0,30 /lit • Une architecture parfois mal adaptée • Moindre sensibilisation/formation des professionnels vis-à-vis du risque infectieux La structure: lieu de vie « chez soi » • L’organisation des soins: • Les soignants de la structure • – le médecin coordinateur ou responsable – Les IDE, AS, AMP, animateurs, … – Les filières de soin Les soignants « de famille » – – – – Le médecin traitant Les IDE, AS libérales Le laboratoire « du patient » L’habitude d’un établissement de soin Coordonner le parcours des soins !!! Chaine de risque Tâches Multiplicité des intervenants Dépendance Fragilité +/- Contexte institutionnel Soins Organisation Transmission Croisée (manuportée dans 80 % des cas) Conditions de travail Colonisation Infection Quel risque infectieux ? : Analyse de la littérature (1) En Ehpad (1) • Prévalence de 4 à 22% (1,2,3) • Conséquences en termes de morbi-mortalité (4-5) • Conséquences économiques(5) • Favorisent la diffusion d’épidémies d’infections ou de colonisation de bactéries multi-résistantes (6-9) (1) Goldrick - 1994 ; (2) Jacobson – 1990; (3 )Moro-2007; (4) Irvine – 1984 ; (5) Rudman - 1988(6)Nicolle – 1996 ; (7)Bonilla - 1997 ; (8)Revualta – 1995 ; (9)Strausbaugh - 2000 En Ehpad (2) • Infections les plus fréquentes (1) : • infections urinaires (sondes à demeure +/-) • infections de la peau et tissus mous • infections respiratoires • Cause importante morbidité et mortalité malgré les efforts de prévention et de traitement (2,3) • Littérature sur le sujet relativement pauvre • Aucune donnée sur les EHPAD en France avant 2005 (1) Jackson, 1988 (2) Yates 1999 (3) Boockvar 2005 Enquête PRIAM : Enquête nationale de prévalence en EHPAD • Objectif • Mesurer les taux de prévalence bruts et spécifiques des infections sur 10 % des lits en France • Méthode • Étude transversale périodique (un mois donné), descriptive, prospective • 5 périodes différentes entre 2006 et 2007 • Toutes les infections : 2 définitions (cas certains et cas probables) Enquête PRIAM : Résultats (1) • 577 structures participantes Nombre de lits moyen : 83 Fréquence moyenne de chambres à 1 lit : 80.6% Présence d’un « hygiéniste » : 31.97% • Caractéristiques des résidents 44 870 résidents inclus au total sex ratio (F/H) de 3 Age moyen : 85.5 ± 8 4.83% sont porteurs d’escarres 2.21% de sondés dont 72% de sondes à demeure Vaccination 93.39% sont vaccinés contre la grippe 13.02% sont vaccinés contre le pneumocoque Enquête PRIAM : Résultats (2) Répartition des résidents par groupe GIR Enquête PRIAM : Résultats (3) • Taux de prévalence des infections 11,23% • Décès et hospitalisations (toutes causes confondues) Décès : 1.93% (vs 1,5% chez les infectés) Hospitalisations : 3.19% (vs 8,3% chez les infectés) Enquête PRIAM : Résultats (5) Infections respiratoires hautes et basses confondues : 41% Répartition proportionnelle des infections par site infectieux Enquête PRIAM : Résultats (6) Infections respiratoires hautes et basses • 2 087 infections • Réparties en 589 cas confirmés et 1 498 cas probables. • 41% des infections • Taux de prévalence : 4.65% • Taux de létalité : 57.50% (plus d’un décès sur 2 en Ehpad) • Taux d’hospitalisation : 42.75% Enquête PRIAM : Résultats (7) Infections urinaires • 1 184 infections urinaires • Réparties en 1 091 cas confirmés et 93 cas probables • 24% des infections • Taux de prévalence est de 2.64%. • Le taux d’infections urinaires chez les sondés est de 18.44% vs 2.18% chez les non sondés (p<0.001). • Taux de létalité des infections urinaires : 6.25% • Taux d’hospitalisation : 12.83% Enquête PRIAM : Conclusion Quel est le risque infectieux en EHPAD ? D’après l’enquête nationale le taux de prévalence est de 11.2% (Etude PRIAM) Peut-on prévenir ce risque infectieux ? Rédaction de recommandations adaptées à ces institutions (Consensus Formalisé d’experts) Ce risque infectieux est-il évitable ? Etude complémentaire de l’ORIG : ENLIL Quel est le coût socio-économique de ce risque infectieux ? Etude complémentaire de l’ORIG : MELISSA Autre enjeux : Les Bactéries multi résistantes dans la communauté Le SARM communautaire • Avant 1950 : hautement pathogène (mortalité des bactériémies 80%) • 1950 : Diffusion de la Pases + (souches hosp., puis communautaires) • 1960 : émergence résistance à la méticilline à l’hôpital • 1970 : épidémique (1ère épidémie en 1963) • 1980 : multi-résistant (SARM) • Années 2000 : • communautaire (SARM Co) • résistance à la vancomycine (VISA, VRSA) Vous avez dit communautaire? • Progrès des biotechnologies : typage • Acquisition communautaire de SARM – Évadés de l’hôpital – Natifs de la communauté • Situation complexe – Acquisition communautaire de SARM hospitaliers (transmission dans la communauté d’une souche hospitalière) • Secteur médico-social • Soins en secteur libéral • Transmission familiale – Acquisition hospitalière de SARM communautaires (épidémie hospitalière de souche communautaire) – Diversification des souches de SARM communautaires Infection à SARM Co •Autres infections possibles (très rarement) – Pneumonie nécrosante – Ostéomyélite – Empyème – Arthrite septique – Fasciite nécrosante Remerciements : Dr J. C. Lucet Description des patients Enquête prospective ONERBA 2004 (38 hôpitaux et 21 LABM) • Age médian = 27 ans (0.1-93) » 1 / 3 ≤ 13 ans • Femme : 61% • Consultants : 23% (n=13) • Hospitalisés : 77% (n=43) – 79% (n=34) isolées à l’admission – 7% (n= 3) isolées dans la première semaine – 14% (n= 6) considérées comme nosocomiales • 43 (77%) infections cutanées nécrosantes (abcès, panaris, furoncles) Remerciements : Dr X Bertrand Quelles recommandations en ville ? • Protection des plaies suintantes avec pansement propre et sec • Hygiène des mains régulière, notamment après contact avec un site infecté • Nettoyage des matériels et les surfaces partagés en contact avec la peau • Maintien d’un « bon niveau d’hygiène » • Pas de partage des matériels possiblement contaminés (serviettes, vêtements, savons, rasoirs, , …) • Lavage des vêtements en contact avec la plaie et séchage soigneux • Si plaie non couverte, pas d’activité entraînant des contacts peau à peau Gorwitz RJ, http://www.cdc.gov/ncidod/dhqp/pdf/ar/CAMRSA_ExpMtgStrategies.p df • Evoquer le diagnostic, et prendre en charge rapidement • Transposer en ville les règles d’hygiène de l’hôpital • Usage raisonné des antibiotiques • Améliorer les conditions d’hygiène Le nouveau péril fécal : Les entérobactéries BLSE EBLSE •Phénomène en forte augmentation => résistance à toutes les ßlactamines hormis carbapénemes et cephamycine Pitout Lancet Infect Dis 2008 •BLSE plasmidiques partagent résistances avec d’autres familles d’antibiotiques : cotrimoxazole, aminosides et fluoroquinolones Azap Clin Microbiol 2009 •MDR bacilles à Gram négatif(BGN) => antibiothérapie initiale non efficace associée à une mortalité accrue Schwaber J Antimicrob Chemother 2007 •Identification précoce infection avec BGN MDR nécessaire pour traitement antibiotique adéquat et mesures hygiène Ben-Ami Clin Infect Dis 2009 Epidémiologie de la résistance des E. coli et K. pneumoniae aux C3G en France Circulation EBLSE dans la communauté => implication dans des infections communautaires (cas groupés) Caractéristiques des infections à BLSE Communautaire Hôpital Espèce Escherichia coli Escherichia coli et Klebsiella spp Type de BLSE CTX-M SHV et TEM Infection •Infections urinaires +++ •Mais aussi bactériémies et gastroentérites •Infections respiratoires , •intra-abdominales…… Multirésistance Multirésistance Epidémiologie moléculaire Généralement pas de relation clonale entre les isolats bien que des épidémies aient été décrites La plupart du temps clonale Facteurs de risques •Infections urinaires à répétition •Pathologies sous-jacentes •Antibiothérapie préalable (céphalosporines et fluoroquinolones), •Hospitalisation préalable, diabète … •Durée d’hospitalisation, •Sévérité de la maladie, •Durée de séjour en réanimation (intubation cathétérisation, ventilation mécanique..), •Antibiothérapie préalable Résistance antibiotiques EBLSE et portage fécal •270 personnes d’âge ≥ 65 ans en Chine. 7% E coli avec BLSE portage fécal. Antibiotiques dans les 3 mois = FR Tian Can J Microbiol 2008 •40 patients infectés dans la communauté (37 IU) avec entérobactéries BLSE +: 70% des cas portage fécal (même pulsotype) Valverde J Clin Microbiol 2008 •53 patients avec IU « communautaires » : 36 patients avec portage fécal. Prendre repas principal un jour sur 2 en dehors de la maison diminue le risque de portage fécal. Rodriguez-Bano J antimicrob chemother 2008 •24 patients colonisés au niveau digestif par E. coli ou K. pneumoniae: portage médian 98 jours (extrêmes 14-182j). 8 patients portage > 6 mois Apisarnthanarak Clin Infect Dis 2008 EBLSE « communautaires » •Réservoir animal : volaille, chien , chat (E. coli, Salmonella spp) Caratolli Antimicrob Agents Chemother 2005 •Transmission par alimentation en cours d’évaluation Kojima Antimicrob Agents Chemother 2005, Warren J Antimicrob Chemother 2008 •Facteurs de risque « classiques » retrouvés : Safdar Ann Interm Med 2002 –Hospitalisation récente –Résidence en long séjour et Ehpad –Utilisation récente d’antibiotique (C3G) •Mais 20 % des infections avec EBLSE à l’admission pas de facteur de risque (FR) retrouvé Ben-Ami Clin Infect Dis 2006 •Définition des EBLSE communautaires ? Conclusion •Forte augmentation dans le temps des entérobactéries BLSE et de la fréquence des CTXM mais situation épidémiologique différente selon les pays •Existence de « fausses » EBLSE communautaires (antécédent hôpital, long séjour, cathéters vésicaux) •«vraies » EBLSE communautaires : FR habituellement retrouvés : âge ≥ 65 ans, antibiothérapie préalable, sexe ?, infections urinaires à répétition, co-morbidités (diabète notamment) •Problématique beaucoup plus compliquée que le SARM -Transmission croisée (manuportée) - Problématique des soins de nursing et de gestion des excrétas - Mésusage des antibiotiques - Transmission intrafamiliale •Impasse thérapeutique fréquente Milliers de porteurs sains → Centaines d’infections → dizaines de décès Objectif collectif : éviter les dizaines de milliers de porteurs pour éviter les centaines de décès