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La Lettre du Rhumatologue - n° 302 - mai 2004
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n ce début d’année 2004 où
l’on nous annonce un déficit
“ aby ss a l ” des comptes de la Sécuri t é
sociale, il paraît plus que jamais
opportun de s’intéresser à ces pres-
c riptions nérat rices de dépenses
rapidement cro i ssantes ( 1 ) et dont la
j u s t i fi c a tion médicale est parfois dis-
cutable :
+ 3 1 % pour l’ambulance entre
2000 et 2002 ;
prévisions 2003 : + 1 5 % pour
l ’ a m bul ance et + 2 3 % pour les
t ra n s p o rts assis pro fe s s i o n n a l i s é s
(VSL et Taxi).
Cette situation préoccupe les orga-
nismes d’assurance maladie et les
syndicats de médecins généralistes
qui ont récemment conclu à ce sujet
un A c c o rd de bon usage des soins
( AC BUS) visant à améliorer “ l ’ a d é q u at i o n
du mode de tra n s p o rt pre s c r it au degr é
d’autonomie du patient” (1).
Nombreux sont, en effet, les médecins qui
se sentent sarmés face à ces pre s c ri p-
tions qu’ils jugent accessoire s , a l o rs qu’elles
g é n è rent souvent des dépenses plus impor-
tantes que les soins qui les motivent. Ils
r é d i gent (quelquefois à contre c œ u r,s o u s
la pression du malade ou du transporteur)
des pre s c riptions de taxi, VSL ou ambu-
lance injustifiées, faute d’en connaître les
p rincipes de pre s c r iption. Il s’agit pourt a n t
d’un acte médical à part entière, e n g age a n t
la responsabilité du prescripteur.
Les règles de pre s c ription sont pourt a n t
simples et anciennes. L’intérêt de l’AC B U S
récemment mis en place est de les rappe-
ler en s’appuyant sur un référentiel médi-
cal validé par l’ANAES.
Tous les types de transport peuvent
être prescrits et remboursés :
Les transports en commun (bus - train -
bateau - avion)
Le re m b o u r sement s’effectue sur la base
du prix du billet. Nous devons inciter nos
p a tients à les employer au maximu m .
La voiture particulière (celle du malade
ou celle d’un accompagnant)
La prise en ch a r ge s’effectue sur la base d’un
t a r if kilométrique qui dépend de la puissance
fiscale du véhicule (par exe m p l e :0 , 2 6 e/ k m
pour une 6/7 CV au 1
e r
j a nvier 2004).
Les tra n s p o rts assis pro fe s s i o n n a l i s é s
(Taxi, VSL)
Ils s’adressent à des malades qui nécessitent
un accompagnement à la marche et à l’ac-
complissement des fo rmalités liées au motif
des placements,par un personnel qualifi é .
La prise en ch a rge seffectue sur la base d’une
facture délivrée par le transporteur.
– L’ambulance
Elle s’adresse à des patients qui nécessitent
soit :
un tra n s p o rt en position allongée ou
semi-assise (cas des patients atteints d’os-
téoporose sévère, ou de suites opératoires
récentes, par exemple),
une surveillance du patient par
une personne qualifiée durant le
t r a n s p o r t (ox y g è n e,p e r f u s i o n , e t c. ) .
Mis à part certaines maladies sys-
témiques avec atteinte re s p i rat o i re,
ce cas de fi g u r e est, pour nous, ra re,
un bra n c a rd age ou un port a ge.
La prise en charge s’effectue sur la
base d’une fa c t u r e établie par le
transporteur.
Comment rédiger
la prescription ?
Deux éléments sont à pre n d re en
compte :
Il faut, tout d’abord, vérifier que
le malade est “dans l’obligation de
se déplacer pour recevoir les soins
ap p r o p r s à (son) état ” ( a r t. L 321-1
du code de la S.S.)
Nombreux sont, par exemple, les malades
de province qui se font soigner à Pa ris pour
des pat h o l o gies qui pourraient être tra i t é e s
à proximité de leur domicile. Il n’y a pas,
dans ce cas, d ’ o bl i gation médicale motiva n t
le déplacement. Il s’agit d’un choix per-
sonnel du malade dont le surcoût n’a pas à
ê t r e financé par la collectivité. Nous ne
sommes pas tenu s , en théori e,sauf pre s s i o n
p a r t i c u l i è r e à laquelle nous devons nous
efforcer de résister,de rédiger un certifi-
cat pour un transport aussi coûteux.
Une demande de pre s c ription fo rmu l é e
dans ces conditions est une demande mani-
festement abu s ive à laquelle le médecin ne
doit pas céder. Il n’y a pas lieu d’établ i r
une prescription (art. 24 et 50 du code de
déontologie médicale),
L o rsque l’obl i gation de déplacement est
acquise (pas de spécialiste sur place par
exemple), il convient de prescrire le mode
de tra n s p o rt “le moins onéreux compat i bl e
Le rhumatologue
doit-il sintéresser
aux prescriptions
de transport ?
P. de Queiroz*, R. Trèves**
* decin conseil, chef de la direction régionale du
service médical Limousin Po i t o u - C h a r e n t e s .
** Chef de service de rhumatologie, CHU Dupuy-
tren, Limoges.
Tableau. Quelques exemples de prix.
Source : CPAM Limoges - Janv. 2004
Trajet VP (6/7 CV) T.A.P. Ambulance
( Tra n s p o rt assis
p r o f e s s i o n n a l i s é )
Limoges centre ⁄ CHU
(2 h d’attente) 1,50 e12 à 21 e104 e
St-Junien ⁄ CHU
(30 km) 8e31 à 37 e98 e
Limoges ⁄ Paris 118 e330 à 446 e840 e
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avec l’état du malade” (art. R 322-10-2 du
code de la S.S.)
C’est un élément d’ap p r é c i ation médical
simple à mettre en œuvre si l’on prend la
peine d’y réfléchir.
Le fait d’être en ALD pour une pathologie
grave peut être parfaitement compat i bl e
avec l’utilisation de tra n s p o rts peu coûteux
(bus, voiture particulière).
Nous connaissons tous des insuffi s a n t s
naux qui vont en dialyse avec leur vo i t u re
et des “petits” insuffisants coronariens qui
ne vont chez le cardiologue qu’en taxi ou
VSL alors qu’ils sont deve nus (grâce à nos
conseils) de meilleurs marcheurs que leur
médecin. Nous avons tous dans nos clien-
tèles des patients atteints de Pr ou de SPA
qui sont suffisamment courageux pour
fa i re les effo rts que d’autre s , atteints de
pathologies moins graves ou invalidantes,
répugnent à faire.
La loi est bien faite et ses termes ont été
pesés pour nous permettre d’en appliquer
l ’ e s p rit à chaque situation. Lorsqu’elle pré-
cise, par exemple, que la prescription doit
respecter “la plus stricte économie com-
patible avec la qualité, la sécurité et l’effi-
cacité des soins” (art. L 162-2-1 du code
de la S.S. - art. 8 du code de déontologie
m é d i c a l e ) , elle nous impose de pre s c ri r e des
transports en commun à tous les malades
autonomes dépourvus de vo i t u r e qui se
placent dans les grandes agg l o m é rat i o n s ,
mais elle ouvre la possibilité d’une pres-
cription d’un transport plus coûteux (taxi,
VSL) si ce même malade habite un lieu isolé,
en pleine campagne il n’y a pas de tra n s-
p o r t en commun puisque la qualité des soins
est à ce prix. C’est de cet espace de liberté
qu’il nous faut user avec rigueur.
La prescription doit être rédigée sur l’im-
p r imé spécifique (Cerfa n ° 5 0 7 4 2 # 01) mis
à disposition des pre s c ri p t e u r s par les caisses
et il conv i e n t , bien entendu, de le compléter
avec précision en fonction de la situation du
malade (ALD, accident du trava i l , h o s p i t a l i -
s a t i o n , e t c.). À noter que certaines situat i o n s
nécessitent un accord préalable de l’orga-
nisme de prise en ch a rge (tra n s p o rts en séri e ,
longue distance,etc.). Elles sont détaillées
sur l’imprimé de prescription.
C’est au regard de cette prescription “rai-
s o n n é e ” que la caisse pourra re m b o u rser au
malade ses frais de tra n s p o rt selon la régle-
m e n t ation en vigueur. Cette réglementa-
t i o n , c o m p l e xe, est du strict domaine admi-
n i s t rat i f . Il nest pas nécessaire que le
médecin la connaisse en détail. Pour toute
demande de renseignements concernant ce
sujet, il convient de conseiller au malade
de s’adresser à son organisme de prise en
charge.
On peut, cependant, retenir que toutes les
p r e s c r iptions de tra n s p o r t ne seront pas re m-
boursées et que seuls seront pris en charge
ceux pre s c r its dans le cadre du “ gros ri s q u e ” :
A L D,h o s p i t a l i s at i o n , t ra n s p o rts en séri e
pour dialyse, radiothérapie, etc. Les autres
re s t e ront à la ch a rge des malades. La rédac-
tion d’un cert i fi c at n’est pas à diger a
p o s t e ri o ri , mais avant toute décision de
c o n s u l t a tion ou hospitalisat i o n : les pat i e n t s
subissent tro p , à notre av i s , les pressions des
transporteurs quand ils ne prennent pas à
notre insu une bien fâcheuse disposition.
La Sécurité sociale et les mutuelles dev r a i e nt
re n fo r cer leur campagne d’ex p l i c ation et
de pédagogie sur les patients (ou usagers)
et les tra n s p o rt e u r s , en rappelant que la
s i g n at u re d’un cert i fi c at est une décision
médicale.
B i b l i o g r a p h i e
1.
Accord national de bon usage des soins sur les
prescriptions de transports - J.O. du 17 septembre
2003;15 996-7.
La prescription de transports est deve-
nue une activité courante de l’exercice
médical. Alors qu’il s’agit d’un secteur
générant des dépenses rapidement crois-
santes, nombreux sont encore les médecins
qui, dans cette situation, ne savent quelle
attitude adopter.
Les règles de prescription sont pour-
tant simples. Elles viennent d’être remises
au premier plan dans le cadre d’un ACBUS
s’appuyant sur un référentiel médical validé
par l’ANAES :
il faut tout d’abord s’assurer que le
malade est dans l’obligation de se dépla-
cer pour recevoir les soins appropriés à son
état. En cas de réponse négative, il n’y a
pas lieu d’établir de prescription (se faire
soigner à Paris lorsque l’on habite la pro-
vince résulte plus souvent d’un choix du
malade que d’une obligation médicale) ;
– lorsque le principe de l’obligation médi-
cale de placement est acquis, il y a lieu de
p re s c r i re le moyen de transport le plus éco-
n o m i q u e compatible avec l’état du malade ;
tous les moyens de transport peuvent
être prescrits : les transports en commun
(bus, train, etc.), les véhicules personnels
(du malade ou d’un proche), le taxi, le VSL,
l’ambulance ;
il importe de remplir avec précision l’im-
primé de prescription spécifique mis à d i s-
position des prescripteurs par les caisses ;
c’est au vu de cette prescription “rai-
sonnée” que la caisse pourra étudier les
possibilités de remboursement, conform é-
ment à la réglementation (complexe) régis-
sant ce domaine ;
c e r taines situations nécessitent un accord
préalable de l’organisme de prise en charg e
(transports en série ou sur de longues dis-
tances).
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