MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 8 - vol. VII - octobre 2003
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Les difficultés de réinsertion sociale
Des décompensations dépressives peuvent également apparaître
lors de difficultés de réinsertion. En effet, le patient souhaite
LE COMPORTEMENT
Les troubles psychiatriques après stimulation cérébrale profonde
décrits par Houeto et al. (9) sont caractérisés par des amplifications
ou décompensations de troubles préexistants, tels que des épisodes
dépressifs, de l’anxiété généralisée et des troubles comporte-
mentaux de type addictif. Sur la totalité des troubles psychia-
triques postchirurgicaux décrits (37), seuls 4 surviennent pour la
première fois après la chirurgie. Une hyperréactivité émotionnelle
légère à modérée est apparue chez 15 des 24 patients. De nombreux
cas isolés de troubles comportementaux ont été rapportés récem-
ment, oscillant entre des cas d’apathie/dépression et des cas
d’hyperactivité, d’hypomanie, de manie et d’agressivité. Il faut
rester vigilant vis-à-vis de ces cas isolés, mais ne pas généraliser, les
effets rapportés n’étant pas forcément dus à la stimulation du NST,
mais parfois à des structures environnantes ou aux interactions
entre la stimulation et les médicaments. Dans une étude menée
sur 98 patients, évalués avant et pendant la première année après
chirurgie, une très importante majorité d’entre eux (plus de 70 %)
ne montrent aucun trouble comportemental (10). Pendant la
période postopératoire, Funkiewiez et al. ont ainsi décrit trois cas
d’épisodes psychotiques (hallucinations dans deux cas, avec délire
nécessitant une hospitalisation transitoire dans un cas), trois hypo-
manies et une manie (transitoires), un épisode d’agressivité, deux
tentatives de suicide et un suicide. Le trouble comportemental
essentiel à noter est l’apathie (évaluée par l’UPDRS I), observée
chez 16 % des patients 3 mois après chirurgie, et chez 21 % à un an
(contre 8 % avant l’opération). Cette apathie, caractérisée par un
manque d’initiative, de motivation, d’auto-activation fait l’objet
d’une plainte fréquente, surtout de la part de l’entourage, pour qui
cela est difficilement compréhensible compte tenu de l’améliora-
tion motrice majeure. Dans notre expérience, la réintroduction d’un
traitement dopaminergique (en particulier par agonistes) a souvent
été bénéfique pour l’apathie ou la dépression, parfois de manière
plus significative que des antidépresseurs. Ces observations nous ont
conduits à évoquer la diminution massive et rapide des traite-
ments dopaminergiques comme étant à l’origine de cette apathie.
Ces données montrent principalement, durant la première année,
une amélioration de la dépression, et une augmentation de l’apathie,
réversible généralement grâce à la réintroduction d’agonistes
dopaminergiques.
Plusieurs études ont montré la possibilité d’une action de la stimu-
lation cérébrale profonde sur les fonctions psychiques. Funkiewiez
et al. ont utilisé un questionnaire pour évaluer les sensations pro-
voquées par la stimulation du NST, en comparaison de la L-dopa
(11). La stimulation entraîne en aigu une sensation de bien-être
semblable à celle provoquée par la prise d’amphétamines, une
augmentation de l’euphorie et de la motivation, et une diminution
des sensations de fatigue et de dysphorie. Ces effets sont simi-
laires à ceux de la L-dopa, mais d’une intensité significativement
moindre. De plus, les deux se combinent pour donner des effets
de plus grande amplitude.
Krack et al. (12) ont également décrit deux cas de fou rire avec
stimulation du NST, avec des paramètres de stimulation supé-
rieurs à ceux utilisés en chronique.
Ainsi, ces données semblent en faveur d’une action directe pos-
sible de la stimulation sur le comportement, essentiellement dans
le sens d’une augmentation du sentiment de bien-être.
DES FACTEURS MULTIPLES
Outre les effets directs éventuels de la stimulation du NST, il faut
bien considérer l’ensemble des facteurs pouvant intervenir sur la
cognition et le comportement, afin d’optimiser la prise en charge
du patient.
Les conséquences indirectes de la chirurgie
Un état confusionnel postopératoire immédiat est fréquent, mais
régresse en général spontanément en quelques jours. Cet état est
très probablement multifactoriel : geste chirurgical (plusieurs
électrodes traversant les deux hémisphères), sevrage complet de
tout traitement dopaminergique pendant l’opération, stress opé-
ratoire, etc.
Interaction entre les traitements dopaminergiques
et la stimulation
Il est connu que les traitements dopaminergiques peuvent avoir un
effet antidépresseur. Des cas d’addiction à ces traitements ont été
décrits, de même que des décompensations psychotiques (hallu-
cinations, délires…).
En postopératoire immédiat, l’effet de la stimulation du NST
s’ajoute aux effets des médicaments et peut conduire à des com-
portements euphoriques, hypomaniaques, voire maniaques. C’est
pourquoi il est recommandé de diminuer progressivement les
traitements médicamenteux avant la chirurgie, cela permettant
également de diminuer le risque de psychose périopératoire. En
phase postopératoire, en revanche, il est important de ne pas trop
baisser le traitement dopaminergique, afin de ne pas provoquer
une apathie, voire une dépression. L’équilibre entre la stimula-
tion du NST et les médicaments s’établit peu à peu et doit être
réajusté régulièrement pendant la première année postopératoire
(figure 4).
Figure 4. Représentation schématique des troubles affectifs et comporte-
mentaux sous SCP du NST.
apathie
dépression
euphorie
manie
•activité DA élevée
•haut voltage
•effet lésionnel
•activité DA faible
•bas voltage
DA : dopaminergique.