Dossier D ossier L’annonce du cancer du sein vue par le gynécologue de ville The point of view of the gynecologist IP I. Dagousset* C omme l’écrivait I. Moley-Massol, l’annonce du cancer, et plus particulièrement celle du cancer du sein, est en fait une succession d’annonces. Il paraît difficile que la première annonce ne soit pas faite par le médecin prescripteur des radiologies et des explorations complémentaires. Le radiologue au vu d’un examen suspect alerte la patiente, mais l’annonce du diagnostic est, dans la majorité des cas, le fait du gynécologue venant de recevoir les résultats histologiques. De plus, une patiente, suivie depuis longtemps par le même gynécologue qui lui a peut-être déjà annoncé d’autres mauvaises nouvelles – fausse couche spontanée, malformations fœtales... – ne comprendrait pas, et avec raison, la fuite de son médecin devant cette annonce. Comme le constatent Daniel Serin et Anne Lesur, la recommandation de ne pas consulter en vue d’une telle annonce en fin de journée ou en début de week-end est surprenante. En effet, cette recommandation prouve une méconnaissance totale des réalités quotidiennes, ces plages horaires apparaissant justement comme les plus indiquées afin de trouver une disponibilité commune entre médecins, patiente et proche. Les mots à dire ou à ne pas dire, les différentes réactions possibles des patientes et des médecins ont très bien été décrits. Pourtant, il faut insister sur certains points qui paraissent essentiels : – ne pas laisser repartir les patientes sans un rendez-vous dans un centre spécialisé, une fois celui-ci choisi, quitte à prendre personnellement le rendez-vous et à en avertir la patiente par la suite ; – dédramatiser la situation en expliquant le fonctionnement du centre et de l’équipe soignante ; – laisser un numéro d’urgence sur lequel le médecin est en mesure de répondre en permanence, afin de rassurer les différentes angoisses ; – avoir un contact avec la patiente avant le premier rendezvous si celui-ci se fait attendre, ainsi qu’après la première consultation au centre. Enfin, connaître les patientes, leur contexte professionnel ainsi que familial depuis un certain temps nous permet d’appréhender à leur côté les réactions possibles de leur entourage, que ce soit lors de la première consultation ou durant le traitement, et surtout, à la fin de ceux-ci ainsi qu’au début de la surveillance. Ainsi la question, qui informer, et surtout quand, revient souvent. * Gynécomed, 103, rue Legendre, 75017 Paris. 14 Le dispositif d’annonce (DA) ignore totalement cette “primo-annonce” effectuée par le gynécologue. Le rôle des médecins de ville, généralistes ou spécialistes, est négligé, aucune information et aucun dispositif financier n’ont été mis en place. Une preuve évidente reste le résultat de l’enquête réalisée auprès des gynécologues se formant en cancérologie. Ainsi, la majorité avoue avoir entendu parler de ce dispositif mais en ignorer totalement les modalités : où, quand, comment, et par qui ? D’ailleurs, il est à noter que la communication des centres vers les médecins de ville est le plus souvent remarquable : chaque consultation médicale est signalée par un courrier le lendemain. Cependant, il est rarissime de recevoir un compte-rendu de la dite consultation d’annonce et des problèmes qu’elle a pu mettre à jour. Il semble pourtant qu’en vue du meilleur soutien possible aux patientes, la collaboration approfondie entre tous les acteurs reste un objectif primordial. Nous pouvons nous demander pourquoi l’annonce d’un cancer a nécessité la mise en place d’un dispositif et autant d’articles. En effet, sans remettre en cause leur bien-fondé ni l’utilité de la réflexion, les médecins, quel que soit leur domaine d’exercice, sont parfois amenés à informer de situations ou de maladies nettement plus dramatiques (malformations fœtales, maladies génétiques...) qu’un cancer potentiellement curable, et ce sans être spécifique. Toutes les dispositions autour de cette annonce, aussi justifiées soit-elles, ne font-elles pas que refléter notre propre angoisse et vulnérabilité en face d’une maladie dont nous savons qu’elle peut nous atteindre à tout moment ? Une annonce de qualité, permettant à la patiente d’accepter et de combattre sa maladie, doit être permanente et collégiale, regroupant la ville comme les hôpitaux, les médecins comme le personnel soignant. Surtout, elle se doit d’être apaisante et dénuée d’interférences avec nos propres angoisses. n La Lettre du Sénologue - n° 37 - juillet-août-septembre 2007