Vie professionnelle
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contact avec des personnes en souf-
france. Cependant, des stratégies de
réponse existent. L’amélioration des
relations entre les équipes soignantes
et les familles peut prévenir le stress.
Cela nécessite parfois la création
d’unités spécialisées (12) ou l’institu-
tion d’un groupe de support ou d’un
acteur (PsyChiatric Nurse Specialist
[PCNS]) (13) agissant en qualité de
médiateur ou de consultant pour
résoudre les conflits sur le lieu de tra-
vail, apporter une solution aux diffi-
cultés personnelles et familiales, etc.
(69 % des infirmières qui envisa-
geaient de quitter cette profession sou-
haitaient en discuter avec un PCNS).
Selon l’American Academy of
Nursing, l’implication des infirmières
dans les décisions et les soins peut
également améliorer leur satisfaction
professionnelle. Le système améri-
cain, plus complexe que le modèle
français, le permet. À la différence du
système hexagonal, il existe aux États-
Unis plusieurs catégories de person-
nels infirmiers, dont certains ont de
plus grandes responsabilités qu’en
France. Ainsi, les infirmières autori-
sées (Registered Nurses [RN]) peu-
vent exercer librement leur activité
dans l’État où elles ont obtenu leur
licence même si le transfert d’un État
à l’autre est aisé. Les infirmières nom-
mées Advanced Nurse Practitioners,
titulaires d’un diplôme d’infirmier de
niveau bac + 4, effectuent des tâches
proches de celles des médecins (pres-
criptions, diagnostic, etc.). D’ailleurs,
elles ont très tôt intégré les organismes
de Managed Care (Kaiser employait,
il y a plus de 30 ans déjà, ces infir-
mières dans des équipes pluridiscipli-
naires dirigées par un médecin). Ces
dernières années, leur rôle s’est accru,
notamment dans les zones rurales tra-
ditionnellement sous-médicalisées où
elles se sont quelquefois substituées
aux généralistes. Dans d’autres cas, le
besoin d’améliorer la satisfaction du
client a conduit les hôpitaux à modi-
fier les rôles habituellement attribués
aux infirmières. Ainsi, dans un hôpi-
tal, des opérations jusqu’alors sépa-
rées (soins, restauration, opérations
techniques) sont désormais sous la
responsabilité d’une seule et même
infirmière (14). Les infirmières et,
plus encore, le patient, étaient favo-
rables à ce dispositif. Elles sont aussi
appelées à de nouvelles responsabili-
tés, dans les centres de triage, par
exemple, qui orientent les patients
vers les unités les plus appropriées
(actuellement, près de 35 millions
d’Américains accèdent à ce service
contre moins de 2 millions en 1990).
Parmi leurs clients, citons le programme
Medicaid et les grands employeurs
américains comme General Motors.
Les infirmières sont également plus
nombreuses à évaluer le caractère
approprié des soins, notamment dans
le cadre des programmes de gestion
des maladies ou Disease Management
(ils s’adressent plus particulièrement
aux patients qui nécessitent des soins
longs et coûteux et organisent le
déploiement de ressources thérapeu-
tiques selon une série de directives
préétablies) censés améliorer les résul-
tats cliniques, la qualité de la vie et les
économies. En effet, les stratégies de
contrôle des coûts des soins n’exigent
plus désormais l’application stricte de
recommandations cliniques, d’autant
que ces coûts connaissent générale-
ment une distribution inégale. En
outre, certains patients nécessitent des
soins plus intensifs, qui demandent
l’emploi d’un programme de gestion
des cas complexes (Case Management).
Dans ce cadre, le principal enrichisse-
ment des tâches des infirmières passe
par l’accès au rôle de coordinateur des
soins. Ainsi, une étude (15) mesure les
effets d’un programme portant sur
l’asthme et doté de ce dispositif
auquel participait une infirmière. Ce
programme était plus spécifiquement
centré sur la consommation de soins à
l’hôpital et aux urgences. L’échantillon
était constitué de 57 patients couverts
par un organisme de Managed Care de
type Health Maintenance Organization
(HMO), âgés entre 1 et 15 ans, pour
lesquels le diagnostic de l’asthme
avait été établi. Deux groupes furent
constitués : un groupe de contrôle et
un groupe test bénéficiant du pro-
gramme sur l’asthme, impliquant une
infirmière à qui fut confiée la gestion
des cas complexes. Par rapport au
groupe de contrôle, la consommation
de soins (urgences, hospitalisation)
des patients du second groupe dimi-
nua de 57 à 75 %. Les économies ont
largement compensé le coût lié à l’em-
ploi d’une infirmière supplémentaire.
Managed Care et soins
infirmiers
Comme les autres pays occidentaux,
les États-Unis sont, depuis 40 ans,
confrontés à une hausse des dépenses
de santé. Celle-ci est liée aux progrès
des technologies médicales, au
vieillissement de la population et au
fait qu’un nombre croissant d’indivi-
dus sont couverts par une assurance
santé, que celle-ci soit proposée par un
employeur privé ou par l’État. C’est
dans ce contexte que le gouvernement
américain a favorisé le développement
des entreprises de Managed Care. Ces
efforts sont déjà anciens : ils remon-
tent aux années 1970 avec le vote de
l’HMO Act (1973). Pour les encoura-
ger, le congrès accorda même des
avantages fiscaux aux HMO. Ces
associations de professionnels de
santé ont alors institué un système de
financement particulier des soins, avec
des contrats au forfait (Capitation). De
même, les stratégies de réduction des
coûts des entreprises de Managed
Care ont rapidement retenu l’attention
des employeurs qui se sont tournés
vers ces sociétés au détriment des
assureurs traditionnels (ils fonction-
naient sous le régime traditionnel du
paiement à l’acte, ou Fee For Service,
comparable au système actuel de
financement français). Dans ce nou-
veau contexte, les outils de contrôle
des coûts sont devenus plus sophisti-
qués : recours au médecin référent
(Gatekeeper), copaiement versé par
l’assuré, pénalités financières des
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