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juives, etc2. Dans la mesure où le « don » et la « religion » constituent deux thèmes
majeurs de cette conférence, il me semble sage de commencer en demandant aux deux
interlocuteurs d’identifier la nature de leur discours sur le don. A ce qu’il me semble,
Jacques Derrida fait figure dans le débat de déconstructeur quasi-athée, quasi-juif. Jean-
Luc Marion de son côté fait figure de phénoménologue hyper-chrétien, hyper-catholique.
J’emploie le terme « hyper » au sens de Jean-Luc Marion, tel qu’il l’a défini l’autre soir3.
Vous êtes pour la plupart au fait du travail de Jacques Derrida sur le don depuis une
décennie car la majorité des textes sont disponibles en anglais – Donner le temps, Le don
de la mort et, bien sûr, ses écrits récents sur l’hospitalité. Jean-Luc Marion a fait deux
contributions très importantes à ce débat avec Réduction et donation et Etant donné ;
Réduction et donation est depuis peu disponible en anglais sous le titre Reduction and
Giveness4.
Je commencerai en demandant à Jean-Luc Marion de mettre cartes sur table eu égard à la
nature spécifiquement religieuse et théologique du don, du fait de donner et de la donation,
particulièrement en ce qui a trait à « l’intuition donatrice » et au « phénomène saturé ». Je
demanderais à Jean-Luc Marion de nous rappeler certains moments de la discussion sur ces
notions de donner, don et donation avant de demander à Jacques Derrida de répondre.
Jean-Luc Marion. Merci. A vrai dire, je vais vous décevoir puisqu’à l’heure qu’il est, à ce
stade de mon travail, je ne m’intéresse ni au don, ni au sens religieux du don.
Richard Kearney. Tout un début ! Très bien. Et maintenant, professeur Jacques Derrida.
(rires)
Jacques Derrida. Je vous avais dit que ce serait imprévisible.
Marion. En fait, je me suis intéressé au don quand j’écrivais de la théologie il y a dix ans,
voire plus. Mais avec Réduction et donation, la question du don se trouva profondément
2 Il s’agit ici du sens le plus courant du terme denomination en anglais : celui de confession ou encore
de « sensibilité » religieuse.
3 Cf. « In the Name. How to avoid speaking of negative theology » in God, the Gift, and Post modernism,
Bloomington, Indiana University Press, 1999, p. 27 sq. En français : De Surcroît, chap. VI, « Du Nom ou
comment se taire », § 2, p. 162, Paris, PUF, 2001.
4 Marion, J.-L., Reduction and Giveness :Investigations of Husserl, Heidegger, and Phenomenology, trad. du
français par Thomas Carlson (Evanston, Ill. : Northwestern University Press, 1998). Etant donné : essai
d’une phénoménologie de la donation (Paris, PUF, 1997) est actuellement en cours de traduction par Jeff
Kosky (Stanford University Press).