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angiologie et
Angiologie et Rhumatologie
Approche clinique des douleurs non vasculaires
des membres inférieurs
G. Mégret*
Éléments physiopathologiques de
la douleur : définir
la douleur
P
luer, sachant, répétons-le,
qu’on est en présence
d’un phénomène par définition subjectif et soumis
à d’importantes variations individuelles.
Il existe néanmoins des
méthodes de quantification basées sur des
échelles d’évaluation soit
globales, verbales, ou la
plus classique mais sans
doute la plus fiable,
l’EVA ou Échelle visuelle
analogique ; soit plus
complexes, à partir de
questionnaires d’appréciation qualitatifs et
quantitatifs, le plus courant étant le type MPQ
(MacGil Pain Questionnaire).
our l’angiologue, le piège principal devant une douleur
des membres inférieurs (MI) sera de considérer que la
présence d’une anomalie clinique vasculaire suffit à
expliquer la symptomatologie alléguée. L’exemple le plus
connu : l’association d’une varicose patente et d’un syndrome douloureux concomitant. Est-ce suffisant pour établir de
facto une relation de cause à effet ? Une analyse
sémiologique plus fine de la douleur permettra souvent de
mettre en évidence une autre pathologie, sous-jacente, interférant avec l’éventuelle manifestation de souffrance veineuse,
voire étant seule responsable du syndrome douloureux.
Après quelques brefs rappels physiopathologiques sur la
douleur, l’auteur brosse un tableau non exhaustif des aspects
cliniques et étiologiques d’une douleur des MI.
La multiplicité des définitions de la douleur rend
bien compte de la difficulté d’un consensus ne
serait-ce que sémantique.
L’intrication à la fois du
physiologique (la réponse
à l’agression) mais aussi
du pathologique (la sensation anormale), du psyché et du soma, complique considérablement
la caractérisation de la
douleur qui, rappelons-le, demeure un
phénomène subjectif que l’on s’efforce…
d’objectiver.
Afin d’en permettre une analyse utilisable
en clinique praticienne, on a coutume de
déterminer une douleur à partir de trois
critères.
Son type
La plupart des douleurs répondent à l’un
des deux mécanismes suivants :
– Le type dit “neurogène”. En règle, on se
trouve en présence d’une lésion nerveuse,
nerf ou racine, par agression traumatique
de toute nature (thermique, chimique,
physique, infectieuse, etc.) ou iatrogène.
Les névralgies du trijumeau ou post-zostériennes, le syndrome du membre fantôme chez l’amputé appartiennent à ce type
neurogène. L’expression de cette “douleur” se fera volontiers sous la forme de
* Service de chirurgie vasculaire, hôpital de
la Salpêtrière, Paris.
brûlure permanente, de décharges électriques épisodiques. Parfois l’examen
neurologique montrera une atteinte élective de territoires systématisés.
– Le type “excès nociceptif ”. Une stimulation exagérée des récepteurs nociceptifs
est ici en cause. Un tel mécanisme se rencontre dans de multiples situations cliniques, très polymorphes, telles que les
affections inflammatoires ou ischémiques,
les cancers mais aussi les traumatismes. À
ce propos, on remarquera la possibilité
d’une association pathogène des deux
mécanismes, excès nociceptif et effet neurogène. La variété des entités cliniques
rend aussi compte des manifestations douloureuses, toutes aussi diversifiées.
– Pour mémoire, on citera les mécanismes
moins courants : par hypersympathicotonie comme dans l’algoneurodystrophie ;
par effet psychogène ainsi que dans les
grands syndromes psychiatriques, hypochondrie ou hystérie par exemple.
Son intensité
Elle demeure un paramètre difficile à éva-
311
Son retentissement psycho-social
En dehors des douleurs suraiguës, totalement inhibitrices de toute activité, l’analyse
de ce critère s’applique surtout aux douleurs chroniques. On admet – de manière
toute théorique – que la persistance de douleurs au-delà de six mois va déclencher un
“syndrome douloureux chronique” générant une demande thérapeutique insistante
et résistant aux antalgiques de premiers
niveaux. On assiste la plupart du temps à
une majoration plus ou moins marquée de
l’expression douloureuse disproportionnée
par rapport à la maladie causale. Cette
situation justifiant un abord double, somatique et psychothérapique du patient.
Analyse clinique de la douleur :
la caractériser
Si la douleur, quelles que soient sa localisation et son origine, se définit avant tout
angiologie et
Angiologie et Rhumatologie
par sa nature subjective, elle possède, au
plan analytique, une particularité remarquable pour le praticien, son caractère
essentiellement clinique. En d’autres
termes, par la seule prise en compte minutieuse d’éléments d’interrogatoire et
d’examen clinique, il doit être possible,
dans la majorité des cas, de préciser au
mieux le diagnostic étiologique.
Aussi, à partir d’une dizaine d’items
simples réunis dans le tableau (page 318)
peut-on caractériser la douleur. Ces divers
éléments sémiologiques, ajoutés à notre
connaissance et à notre expérience clinique doivent nous permettre de répondre
aux deux principales interrogations que
suscite pour l’angiologue un patient se
plaignant d’une douleur des membres
inférieurs :
• S’agit-il d’une douleur “vraie” ?
Parvenir à faire préciser le mieux possible
la plainte exprimée permettra souvent,
sinon le diagnostic immédiat, du moins
d’en éliminer un certain nombre. Exemple
classique : à la question simple “de quoi
vous plaignez-vous ?”, la réponse habituelle sera : “j’ai mal à la jambe…”. Mais
si nous demandons au patient de préciser
le type de plainte (brûlure, crampe, lourdeur ?) un certain nombre d’étiologies
pourront s’exclure d’elles-mêmes. Il vous
répond “une lourdeur” et on peut alors
aisément éliminer une névralgie quelle
que soit son origine.
• Y-a-t-il un rapport direct entre cette douleur et une éventuelle pathologie vasculaire
présente ? Exemple non moins classique
d’une patiente porteuse d’une varicose
manifeste et se plaignant de douleurs des
deux jambes. De prime abord, il paraît
bien tentant de relier les deux phénomènes. Mais, si votre interrogatoire vous
permet de retrouver un éthylisme notoire,
une amyotrophie surale, des réflexes
ostéotendineux nettement diminués, vous
vous orienterez bien plus volontiers vers
des douleurs d’origine polynévritiques
que veineuses. Autre situation d’autant
plus fréquente que l’âge croît : le fumeur
de 75 ans présentant une douleur surale à
type de crampes, lors de la marche. Si les
pouls périphériques sont mal perçus, les
pieds souvent froids, il devient difficile de
ne pas penser à une artérite oblitérante des
membres inférieurs. Et cependant, si vous
parvenez à faire préciser les conditions de
survenue (très rapidement après le début
de la marche) et les phénomènes d’accompagnement (lombalgies), il faudra
repenser le diagnostic et rechercher un
canal lombaire soit prédominant dans la
symptomatologie, soit isolé.
Transition naturelle qui nous conduit à
l’analyse clinique des douleurs non vasculaires des membres inférieurs dont beaucoup appartiennent à la pathologie neurovertébrale rendant bien compte des
projections sensitivo-motrices à ce même
membre inférieur.
Étiologies à évoquer
Les atteintes radiculaires
Quelques affections neurologiques se
manifestent, dans leur forme typique, par
une symptomatologie suffisamment nette
pour que le diagnostic clinique ne présente pas de difficultés importantes.
Autrement dit, elles ne relèveront d’explorations complémentaires que dans le
cadre d’un bilan lésionnel ou pour déterminer des options thérapeutiques.
Sciatique et sciatalgie L5-S1
– La sciatique aiguë avec impotence fonctionnelle quasi totale, de déclenchement
brutal – torsion vertébrale, traumatismes
répétés, voyage prolongé, grossesse, etc. –
avec une douleur intense, “paralysante”,
une topographie unilatérale caractéristique
postéro-interne et cruro-jambière évoque
d’emblée la pathologie disco-radiculaire.
Aucune autre affection vasculaire périphérique ne peut générer un tel tableau.
– En revanche, on peut hésiter dans les
formes segmentaires, tronquées, au
cours desquelles ne sont intéressées que
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 7/8, septembre/octobre 2000
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la cuisse, la jambe voire la cheville.
Outre l’interrogatoire qui recherchera
des antécédents plus ou moins nets de
dorsolombalgies chroniques, on fera
appel aux habituelles manœuvres objectivant l’irritation radiculaire L5 ou S1 :
signe de Lasègue, douleur déclenchée à
la toux, point sonnette, épreuve de la
marche sur la pointe des pieds, diminution ou abolition des réflexes ostéotendineux, etc.
La cruralgie
– On distinguera là encore les formes
aiguës, typiques par leur topographie, face
antéro-interne de la cuisse, et leur mode
d’expression en “broiement”, “torsion”.
Aux stades chroniques, le réflexe rotulien
sera diminué ou aboli.
– Bon signe d’examen dans les états
frustes : le signe de Léri, Lasège inversé
appliqué au crural. Malade en decubitus
ventral, on déclenche la douleur sur la
face antérieure de la cuisse en la mettant
en hyperextension sur le bassin.
Rappelons que la découverte d’une cruralgie impose un bilan glucidique étant
donné la fréquence de cette association
pathologique.
Les radiculalgies L4-L3
• Les lésions de cet étage semblent moins
fréquentes qu’aux niveaux inférieurs L4L5 ou L5-S1, sans doute du fait de la plus
grande couverture du disque offerte par le
ligament postérieur. Pour autant, le diagnostic n’en est pas plus aisé. Et a fortiori, plus rares encore, les lésions L2-L1.
• Une fois encore, outre le type de douleur
aiguë ou subaiguë, on retiendra surtout la
topographie pour déterminer le niveau
lésionnel.
– Pour L4 : la zone couvre une bande
transversale du haut et de l’extérieur de la
cuisse, en croisant vers la face interne de
la jambe.
– Pour L3 : territoire assez semblable à la
cuisse mais plus antéro-interne et stoppant
souvent sous le genou.
On décrit parfois une atteinte du réflexe
rhumatologie
Angiologie et Rhumatologie
rotulien lors des lésions L4, plus rarement
dans les atteintes L3.
Tableau.
Signes orientant vers une algie
non vasculaire
– mode d’apparition : souvent brutal,
posteffort, après contrainte vertébrale ;
– évolution : spontanément résolutive
ou persistant sur un fond chronique ;
– type douloureux : de l’impotence
fonctionnelle totale à la douleur nette.
Décrite souvent comme torsion, arrachement, broiement, plus que lourdeur
ou pesanteur ;
– topographie : volontiers systématisée,
sur un territoire de projection bien
déterminé ;
– tests dynamiques : importance de la
positivité des divers tests (Lasègue,
Léri, ROT).
Les atteintes tronculaires
Chaque racine médullaire donne un tronc
susceptible de souffrir avec une symptomatologie et une projection spécifique sur
le membre inférieur dont l’analyse permettra sinon de déterminer systématiquement le diagnostic étiologique du moins la
topographie. Toutes les atteintes ne sont
pas aussi fréquentes mais leur reconnaissance s’impose car elles peuvent signer
une pathologie grave de type compression
tumorale ou métastase.
La méralgie paresthésique ou maladie de
Bernhardt
Parfois appelée aussi névralgie fémorocutanée, son territoire de projection se
situe sur la face antéro-externe de la cuisse.
La symptomatologie s’exprime plus par
des paresthésies ou des dysesthésies que
par de véritables douleurs. Sa nature purement sensitive n’entraîne aucun déficit
moteur. Banale la plupart du temps, en
rapport avec une souffrance musculaire
locorégionale, elle impliquera cependant
une recherche étiologique si elle persiste
(diabète ou compression vertébrale).
Il existe là aussi un bon signe d’examen :
le signe de Mumenthaler : malade en
decubitus controlatéral, l’hyperextension
de la cuisse augmentera les symptômes.
La névralgie obturatrice
Tronculalgie plus rare, elle ne se rencontre
pratiquement que chez la femme. On l’évoquera plus aisément lors de la grossesse,
sinon il faudra rechercher un processus
compressif pelvien ou une pathologie
annexielle. Typiquement, la douleur siège à
la face de la cuisse et un diagnostic différentiel angiologique doit se discuter : la phlébalgie saphène interne dans sa portion crurale.
En règle, lorsque la saphène est en cause,
sa palpation précise déclenche la douleur.
La névralgie sciatique
Elle se rapproche beaucoup, sur le plan
topographique, des sciatiques dites
“tronquées”. Il s’agit là de lésions segmentaires tronculaires du sciatique. Une
fois encore, de la cause loco-régionale
dépendra la topographie mais de toutes
les façons, la douleur sera de type aigu,
constrictif. On retiendra les causes habituelles : traumatisme de la région fessière ou sacrée, lésions iatrogènes du nerf
(injections IM, avec risque non négligeable d’atteinte motrice), forme topographique dite de la “sciatique du portefeuille” par compression locale du
sciatique sous le piriforme.
La névralgie sciatique poplitée externe
Encore appelée syndrome canalaire du col
du péroné, elle est due le plus souvent à
une compression du nerf sciatique poplité
externe contre la face externe du col du
péroné. Au premier plan, un déficit
moteur plus qu’un véritable syndrome
douloureux : faiblesse du jambier antérieur, des péroniers, des extenseurs des
orteils. Au plan sensitif, déficit antéroexterne du tiers inférieur de la jambe et de
la face dorsale du pied.
Pour mémoire, on signalera la rarissime
313
névralgie sciatique poplitée interne dont
on discute même la pathogénie.
Difficile diagnostic différentiel d’avec la
phlébalgie saphène interne, en particulier
dans son trajet sural.
La névralgie saphène interne
La localisation, face interne de la jambe,
et surtout l’accentuation de la douleur lors
de la palpation appuyée de la saphène
interne permettent en règle d’affirmer
l’étiologie vasculaire.
Le syndrome du canal tarsien
Encore un syndrome canalaire, comparable au niveau du pied, au classique syndrome du canal carpien au poignet.
Cliniquement, il s’agit de paresthésies à
type de brûlures ou picotements de la face
interne de la cheville s’étendant à la voûte
plantaire et aux orteils. Elle s’aggrave le
plus souvent par la marche ou la station
debout prolongée, ce qui la fait rattacher
parfois abusivement à une insuffisance
veineuse superficielle, d’autant qu’elle
s’améliore par le repos. Diverses causes
peuvent être retenues car par extension on
y adjoint toute pathologie responsable
d’une névralgie tibiale postérieure, ainsi
que la synovite des tendons fléchisseurs,
l’arthrite rhumatismale et surtout les
œdèmes de stase. De toutes les façons, in
fine, il s’agit d’une compression du nerf
tibial postérieur dans le canal ostéofibreux traversant le ligament annulaire
interne du tarse.
Les pathologies articulaires
et ab-articulaires
Une souffrance articulaire sera le plus
souvent mise en évidence par l’augmentation de la douleur lors d’une mobilisation
forcée de l’articulation concernée. On
relèvera en particulier une limitation des
mouvements dans les divers plans spatiaux, ainsi que le déclenchement de douleurs provoquées. Pour autant, il faut rappeler quelques pièges d’examen clinique :
– La gonalgie sans anomalie décelable au
niveau du genou et qui en fait est à rap-
angiologie et
Angiologie et Rhumatologie
porter à une pathologie articulaire de la
hanche.
– La varicose de la région rotulienne ou
du genou responsable de gonalgies
franches. Un traitement rhumatologique
n’apportera pas d’amélioration alors
qu’une sclérothérapie pourra éradiquer les
douleurs.
– Les algoneurodystrophies de la hanche,
du genou ou de la tibiotarsienne donnant
un tableau trompeur essentiellement articulaire.
– Les localisations articulaires métastatiques qui peuvent nécessiter une scintigraphie osseuse pour affirmer le diagnostic.
La plus grande difficulté provient surtout
des pathologies ab-articulaires qui ne
limitent pas toujours les mouvements articulaires. De plus, le syndrome douloureux
ne se limite pas à l’articulation et peut diffuser à distance. Quelques exemples les
plus courants :
À l’étage pubien
La plus classique, encore mal nommée
“pubalgie”, la tendinite des adducteurs. Si
la douleur se retrouve volontiers au niveau
de la symphyse pubienne, elle peut
s’étendre au périnée ou au canal inguinal.
Les circonstances d’apparition orientent
souvent le diagnostic : effort répété chez les
sportifs, post-partum immédiat ou durant la
ménopause. En cas de doute ou lors des
formes intermittentes, on peut tenter un test
dynamique : on s’oppose, au niveau des
chevilles, à l’adduction des deux membres
inférieurs. On réveille alors souvent une
douleur dans le creux inguinal.
Au niveau de la hanche
On retiendra deux pathologies douloureuses fréquentes :
– La tendinite des ischio-jambiers. Il faut
chercher le déclenchement de la douleur
provoquée à la face postéro-externe de la
cuisse, zone d’insertion haute du groupe
musculaire.
– La péri-arthrite du grand trochanter. On
déclenche cette fois la douleur par la pression de la face externe de la hanche. Il
peut être difficile de la distinguer d’une
bursite.
En faveur de ces deux affections douloureuses, l’absence de signe de Lasègue et la
normalité des réflexes ostéo-tendineux.
Au niveau du genou
– Rare et anecdotique, la maladie de Hoffa,
aussi appelée “lipome arborescent de la
synoviale du genou”. Elle se manifeste par
un comblement des deux gouttières paraligamentaires rotuliennes et parfois un
empâtement diffus de tout le genou. On
l’explique par une prolifération localisée
du tissu cellulo-graisseux de la synoviale
du genou limitant l’amplitude des mouvements et générant des gonalgies.
– En revanche, beaucoup plus fréquente
sera la tendinite dite de la “patte d’oie”,
sous-rotulienne interne à la partie supérieure du tibia. La douleur spontanée,
vive, s’exacerbe lors de la palpation précise
de la région en cause. À noter l’existence
possible d’une perforante incontinente,
sous-rotulienne, pouvant déclencher aussi
une douleur lors d’une pression ponctuelle.
Au niveau de la cheville
Zone du membre inférieur donnant pléthore de diagnostics différentiels du fait
de la richesse en insertions tendineuses et
ligamentaires, des nombreuses articulations présentes, mais aussi parce qu’il
s’agit de la région d’hyperpression veineuse maximale pour le membre. On peut
donc y retrouver une intrication ostéotendineuse, ligamentaire et vasculaire.
– Les diverses ténosynovites, de diagnostic parfois délicat. Cette inflammation du
tendon et de la gaine synoviale touche
parfois plusieurs muscles voire groupes
musculaires. Une des plus fréquentes,
celle affectant les péroniers latéraux : soit
la douleur existe spontanément lors de la
flexion de la cheville, soit on la réveille
lors de mouvements forcés. Un œdème
modéré descendant sous la malléole externe peut l’accompagner. Piège phlébologique, l’incontinence saphène ostiotronculaire saphène externe, pouvant aussi
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 7/8, septembre/octobre 2000
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entraîner un phlébœdème rétro-malléolaire externe. Une autre forme clinique, plus
rare, la téno-synovite du jambier postérieur, au tableau relativement symétrique,
à la face interne de la cheville, avec douleur et parfois œdème.
– La périostite tibiale interne. On la rencontre souvent après un effort musculaire
prolongé inhabituel tel qu’une marche
forcée. La douleur siège sur la face antéro-interne du tibia, dans son tiers inférieur. Elle est nette spontanément, mais
augmente à la palpation, même douce. Si
elle ne se manifeste qu’à la palpation
ferme, et qu’elle laisse volontiers un petit
“godet”, on évoquera l’œdème, souvent
infraclinique, de l’insuffisance veineuse
superficielle.
Bon élément d’orientation vers ces
diverses tendinopathies, les points précis
douloureux d’insertion tandis que les
oedèmes, souvent peu importants qui peuvent les accompagner, restent très localisés, à la différence des œdèmes de stase
distale, assez diffus.
Au niveau du pied
On ne peut passer sous silence la maladie
de Morton, ou névrome de Morton, qui
dépasse le cadre des affections ab-articulaires, mais qui par sa fréquence mérite ici
sa place.
La cause semble presque toujours une
malposition acquise ou constitutionnelle
de la voûte plantaire susceptible de
déclencher la formation d’un névrome
développé à partir d’une branche plantaire
interne ou externe du 3e nerf interdigital.
Cliniquement, il s’agit d’un syndrome
douloureux de l’avant-pied, débutant
après une marche plus ou moins longue.
La simple gêne devient bientôt douleur
intense diffusant à tout le pied et finissant
par bloquer la marche. Cependant, elle
reste localisée au pied ce qui élimine a
priori une claudication intermittente d’origine artérielle. Un bon signe d’examen
consiste à rechercher le déclenchement
d’une douleur exquise mais violente en
rhumatologie
Angiologie et Rhumatologie
pressant la région de la tête des 3e/4e métatarsiens avec une pointe mousse. On discute, au plan thérapeutique, les infiltrations de corticoïdes et la cure chirurgicale.
Les anomalies statiques
Les relations physiopathologiques certaines et possibles entre les anomalies statiques et les affections vasculaires aiguës
ou chroniques des membres inférieurs
sont connues de longue date. Mais de
toutes les façons, le symptôme majeur le
plus souvent retrouvé demeure une fois
encore la douleur. Trois anomalies statiques dominent par leur fréquence.
Les bascules du bassin
Le rôle de l’angiologue dans leur détermination sera dans la plupart des cas, modeste. Outre les difficultés cliniques et radiologiques très spécifiques qu’elles posent,
leur responsabilité directe dans les éventuels syndromes douloureux présents
prête à discussion. À titre informatif, il
faut cependant savoir :
– que les bascules dites “sagittales”,
volontiers génératrices de délordoses ou
d’hyperlordoses, occasionnent des lombalgies basses mais aussi des contractures
fessières ou ischio-jambières que l’angiologue peut être amené à rencontrer ;
– qu’inversement, les bascules frontales
supposées responsables d’inégalité de longueur des membres inférieurs semblent
moins en cause dans un éventuel syndrome douloureux. De nombreux sujets présentent une inégalité de longueur des
membres d’environ 1 cm sans la moindre
douleur projetée. Inversement, une correction – par talons surélevés – chez les
patients symptomatiques n’entraînera pas
obligatoirement une amélioration.
En d’autres termes, avant d’incriminer de
ces bascules du bassin dans la genèse d’un
syndrome douloureux des MI, il conviendra… de prendre un avis rhumatologique
ou orthopédique.
Les pieds plats
Classique sujet de débat passionné.
L’association douleur des pieds et (ou) des
MI et pieds plats signifie-t-elle relation de
cause à effet ? Ici encore, on souhaiterait que
la correction de l’anomalie de la statique du
pied entraîne de facto une disparition des
douleurs. Ce n’est bien entendu, pas le cas.
D’où ce consensus… boiteux conseillant la
correction systématique de l’anomalie chez
le sujet jeune et la discussion thérapeutique
podologique chez l’adulte.
Les pieds creux
Ils sembleraient plus nettement en cause
dans les phénomènes douloureux allégués.
Ne serait-ce que par les métatarsalgies (au
niveau métacarpo-phalangien) qu’ils
déclenchent. On les trouve parfois accompagnées de myalgies du triceps sural.
Nous passerons sur la fréquente association à d’autres anomalies du pied : orteils
en marteau, hallux valgus, durillons.
Soulignons enfin que l’apparition récente
d’un pied creux accompagné de douleurs
devra obligatoirement conduire à la
recherche d’une pathologie musculo-tendineuse voire neurologique.
Trois pièges interdisciplinaires
Il était tentant d’évoquer trois pièges
“angiologiques” tant nous pouvons rencontrer, dans notre pratique, ces trois types de
difficultés. Mais en fait, il s’avère que de
nombreuses autres disciplines médicales
sont aussi susceptibles de croiser ces
patients et d’hésiter sur le diagnostic.
Le canal lombaire rétréci
Véritable piège pseudo-artériopahtique,
car grossièrement évocateur d’une claudication intermittente des MI d’origine artérielle. Des antécédents lombalgiques
chroniques n’ont rien de spécifique mais
peuvent déjà attirer l’attention. De plus
une analyse sémiologique fine de la douleur permet de s’orienter déjà cliniquement vers le diagnostic, avant même l’apport de la TDM. Plus diffuse que dans la
claudication intermittente artérielle, débu-
315
tant dans la région lombaire basse et diffusant souvent dans les deux membres, le
grand caractère distinctif réside dans son
déclenchement très rapide après le début
de la marche. Si on est face à une forme
pure, on palpe les pouls périphériques.
Cependant, le canal lombaire étroit se rencontre volontiers chez le sujet de plus de 70
ans et cela explique combien les formes
intriquées se rencontrent aisément.
Le syndrome de loges
Apanage cette fois du sujet jeune et même
sportif, il constitue néanmoins, lui aussi,
un piège pseudo-artériopathique car le
syndrome douloureux survient à l’effort.
La loge tibiale antéro-externe est concernée dans la forme la plus fréquente, espace inextensible qui comprend les muscles
jambiers antérieurs, extenseur propre du I,
et extenseur commun des orteils. Au plan
physiopathologique et de façon schématique, lors d’efforts musculaires intenses
et répétés, un œdème peut apparaître dans
la loge. Un état de souffrance ischémique
chronique par compression des éléments
vasculaires et nerveux en découlera.
Après des manifestations douloureuses
intermittentes, les phénomènes algiques
deviendront fréquents même pour des
efforts modérés.
Il reste que le syndrome des loges appartient “de plein droit” à la médecine du sport.
Le syndrome cellulo-ténomyalgique
de R. Maigne
On pourrait résumer ce curieux syndrome
douloureux par “peu connu mais sans
doute fréquent”. R. Maigne l’a décrit le
premier et il a été réactualisé dans les années
1980 par C. Bourde et A.C. Guillermet.
On peut regretter qu’il n’ait pas fait l’objet d’autres travaux depuis cette époque,
d’autant que l’apport de la TDM et plus
encore peut-être celui de l’IRM serait sans
doute contributif.
Il s’agit d’un tableau clinique assez indifférencié comportant des myalgies diffuses, de douleurs de type tendineux à dif-
angiologie et
Angiologie et Rhumatologie
férents niveaux des MI et des “cellulalgies” avec impression palpatoire de téguments fermes, indurés. Dans certaines
formes, il semble exister une topographie
pseudo-radiculaire, mais pour autant, on
ne parvient pas à mettre en évidence
d’anomalies allant dans ce sens (ROT normaux, pas de positivité des manœuvres
dynamiques, etc.).
L’hypothèse de Maigne, séduisante (même
si elle pouvait sembler quelque peu ésotérique) faisait appel à sorte de “mémoire”
périphérique au niveau musculaire, tendineux et cutané : ces diverses douleurs
seraient en rapport avec “des phénomènes
radiculaires irritatifs qui auraient perdu
leur expression clinique habituelle”.
Il s’appuya sur deux constats tout à fait
objectifs afin de faire taire les sceptiques
et les cartésiens de tous bords. D’une part,
il constata chez ces patients des anomalies
vertébrales positionnelles certes peu
importantes (il les appela dérangement
intervertébral mineur, “DIM”). Mais surtout, par infiltration d’anesthésiques de
l’espace intervertébral concerné, il obtint
dans la plupart des cas une sédation des
LISTE DES ANNONCEURS
SANOFI SYNTHELABO
FRANCE (Plavix, p. 306) ;
(Plavix, p. 324)
Les articles publiés dans notre
revue le sont
sous la seule responsabilité
de leurs auteurs. Leur reproduction est interdite.
phénomènes douloureux observés.
Mieux, il se plaça en situation d’effet thérapeutique versus placebo en injectant du
sérum physiologique dans les espaces sus
et sous-jacents, sans obtenir de résultats…
Le plus difficile sera d’évoquer ce diagnostic en clinique quotidienne : y songer
lorsqu’on se trouve en présence de douleurs qui suivent une topographie radiculaire connue, L4, L5, S1. Et ce, bien que
l’examen clinique n’apporte pas d’éléments positifs contributifs. Le piège principal consistant à taxer rapidement le
malade d’hystérie ou d’hypochondrie.
Bien entendu, l’autre attitude facile
semble tout aussi condamnable, à savoir
se satisfaire du diagnostic de syndrome
cellulo-teno-myalgique devant toute douleur offrant une certaine discordance entre
la topographie d’une douleur et un examen clinique négatif.
de manière exhaustive. Trop d’intrications
pathologiques peuvent exister, trop de
subjectivité liée au symptôme douleur luimême altèrent la clarté du diagnostic étiologique. Pour autant, nous avons la
conviction – et nous espérons l’avoir
démontré – qu’un interrogatoire minutieux, un examen clinique rigoureux faisant appel à toutes les manœuvres dynamiques susceptibles d’affiner l’orientation
diagnostique permettra soit d’aboutir
d’emblée, soit de choisir l’investigation
para-clinique judicieuse.
Ouvrages consultés
1. Phébologie en pratique quotidienne.
Publication collective, Expansion Scientifique
Française 1982.
2. Devulder B. Médecine Vasculaire. Éd.
Masson 1998.
En conclusion
Cette étude n’a pas la prétention de présenter les douleurs du membre inférieur
Brèves
d’angio
brèves brèves brèves
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Le Viagra® : action physiologique,
explication pharmacologique
Le sildénafil (Viagra®) agit en inhibant la phosphodiestérase 5, enzyme de dégradation du
GMPc, facteur de vasodilatation et de relaxation caverneuse, sans lequel l’érection ne peut
avoir lieu. Ce dernier est libéré sous l’action du monoxyde d’azote (NO), lui-même sous la
dépendance du système parasympathique, activé lors de la stimulation sexuelle. L’érection
induite par le sildénafil ne peut survenir que s’il y a activation de la libido, ce qui explique le
peu de priapisme sous traitement. “Le sildénafil traite l’impuissance, pas l’indifférence”.
(D’après N Moore, M Molinard, B Begaud La Lettre du Pharmacologue mars 1999 ; vol. 13, n°3).
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 7/8, septembre/octobre 2000
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