16 La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
> Vie
professionnelle
Harmonisation européenne :
conséquences du décret du 19 avril 2005
L
es conséquences du rembour-
sement des frais médicaux
avancés par les patients au
sein de l’Union européenne
ont donné lieu à un décret en France
le 19 avril 2005 dans le but d’harmo-
niser ces remboursements. Jusqu’à
présent, si un assuré français choisis-
sait de consulter un médecin de
l’Union européenne, la Sécurité sociale
se devait de le rembourser. Or, le rem-
boursement reposait sur le tarif dit
“d’autorité” – car, par la force des
choses, le médecin européen n’était
pas conventionné –, et ce tarif d’au-
torité était de 50 cents à un euro pour
une consultation. Ce remboursement
discriminatoire constituait à l’évidence
une distorsion de concurrence propre
à interdire aux médecins européens
l’accès de la clientèle française.
Ce décret règle donc actuellement ce
problème. Il dit en substance que
“les caisses d’assurance maladie pro-
cèdent au remboursement des frais de
soins dispensés aux assurés sociaux et
à leurs ayants droit dans un État
membre de l’Union européenne ou lié
à l’accord sur l’Espace économique
européen, dans les mêmes conditions
que si les soins avaient été reçus en
France”, et la circulaire d’application
confirme que “le principe général de
la prise en charge des soins reçus
dans l’Union européenne, notamment
pour les consultations des profession-
nels de santé, est qu’elle s’effectue
sur la base des tarifs conventionnels
et non plus des tarifs d’autorité”. Si
l’on s’en tient au droit, les patients
français qui consultent à l’étranger
seraient remboursés sur le tarif habi-
tuel des caisses de maladie françaises
mais, par extension, ceux qui consul-
tent des médecins français non
conventionnés aussi.
En effet, ce règlement communautaire
s’applique, bien sûr, en Europe mais
aussi en France, et les patients béné-
ficient également d’une prise en
charge sur la base des tarifs conven-
tionnels et non plus des tarifs d’auto-
rité. Dans le cas contraire, il s’agirait
d’une discrimination fondée sur la
nationalité, spécifiquement interdite
dans l’Union européenne, et l’on peut
penser qu’il se trouvera probablement
(comme pour la mise en concurrence
de la Sécurité sociale) des institutions
pour nous expliquer que ces textes ne
concernent que les cas marginaux, les
frontaliers ou les touristes. On trou-
vera aussi probablement des juges ou
des fonctionnaires de l’ordre judiciaire
qui feindront d’ignorer le plus long-
temps possible que le droit européen
est un droit interne qui a pour seule
particularité d’être commun à plu-
sieurs pays alors qu’il s’impose aux
États.
Enfin, la liberté de choix du patient
sera enfin respectée et un médecin
lassé de la convention pourrait la
dénoncer sans crainte de perdre une
partie de sa clientèle. Un début d’ap-
plication vient d’être confirmé par la
Caisse régionale de l’assurance maladie
d’Alsace-Moselle. Elle offre en effet la
possibilité de recourir à des soins dans
l’Union européenne dans les mêmes
conditions qu’en France. Cette posi-
tion est renforcée par l’accord cadre
franco-allemand du 22 juillet 2005.
■
Pays-Bas : influence de l’organisation des soins
sur la prescription médicamenteuse
U
ne étude pilotée par l’IN-
SERM, réalisée à partir d’en-
tretiens semi-directifs et
d’observations de généra-
listes néerlandais en comparaison
avec des praticiens français, s’est
révélée être très instructive. En effet,
la modification du système de santé
avec la réforme de la Sécurité sociale
va accentuer l’importance du médecin
généraliste pour l’accès aux soins
mentaux, même si celle-ci, pour le
moment, n’est pas encore codifiée. Or,
le système néerlandais privilégie le
passage par le médecin généraliste
pour l’accès, par exemple, au psy-
chiatre. La sociologue Sophia Rosman,
d’origine néerlandaise, tire les ensei-
gnements de cette étude : “En France,
la facilité d’accès aux généralistes
favorise chez les patients une
demande de réparation immédiate
sous forme de médicaments et la pres-
sion porte le plus souvent sur les
médicaments dits de confort mais
rarement, voire jamais, sur le traite-
ment de longue durée.”
Aux Pays-Bas, les choses se déroulent
autrement, puisque le contact avec le
médecin généraliste passe par l’intermé-
diaire d’une assistante médicale qui filtre
les demandes, évalue la gravité des
symptômes, établit et donne des conseils
téléphoniques si ceux-ci lui semblent
mineurs. L’accès au psychiatre se fait par
le passage obligé chez le généraliste.