PATHOLOGIE ORL ET LOISIRS
À l’heure des 35 heures, les loisirs, mais aussi leur pathologie,
sont en pleine expansion. Une table ronde faisait le point sur les
manifestations cliniques de la pathologie ORL due aux loisirs, et
les éventuels conseils de prévention et d’information à proposer.
Voix et loisirs
(D. Brasnu, HEGP, Paris)
Une voix normale nécessite un épithélium de bonne qualité
recouvert d’un film muqueux et un espace de Reinke bien séparé
du ligament vocal. Cet espace joue un rôle physiologique essen-
tiel dans les mécanismes vibratoires et de glissement de la corde
vocale. Le malmenage vocal peut entraîner des altérations ana-
tomiques irréversibles des cordes vocales et, notamment, des
adhérences entre le ligament vocal et l’épithélium, avec dispa-
rition de cet espace de Reinke. S’installe alors un cercle vicieux,
avec des phénomènes de compensation, actifs ou passifs, comme
une fuite glottique, une contraction des bandes ventriculaires,
une bascule antérieure des aryténoïdes, une constriction de la
margelle laryngée.
Le diagnostic nécessite un enregistrement vidéo, qui permet
d’analyser ces différents phénomènes de compensation et éven-
tuellement de diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien asso-
cié. Ce dernier se manifeste par une inflammation de la margelle
laryngée postérieure, une hypertrophie de la muqueuse aryté-
noïdienne, un granulome du processus vocal, un comblement des
ventricules. Le traitement consiste à supprimer la cause et à pro-
poser une rééducation.
Quels conseils donner ?
La base d’une bonne hygiène laryngée est l’hydratation. En effet,
le meilleur protecteur de la voix est ce film muqueux recouvrant
les cordes vocales. Une bonne hydratation doit être systématique
lors des voyages aériens, des maladies virales, de l’utilisation
intensive de la voix. De même, les médicaments ou aliments ayant
un effet diurétique (vitamine C, antihistaminiques de type 1...),
favorisant un reflux gastro-œsophagien (épices, caféine...), les
produits inhalés desséchants, et les substances entraînant une
perte de la maîtrise de la commande vocale (alcool, sédatif) doi-
vent être évités.
Que proposer à un chanteur atteint d’une laryngite aiguë ?
Si la laryngite est sévère, le repos vocal est impératif, car le risque
d’hémorragie sous-muqueuse est important. Si la forme est
modérée, une bonne hydratation et une corticothérapie par voie
générale peuvent être proposées. Les corticoïdes inhalés, les anti-
histaminiques de type 1 sont fortement déconseillés car ils des-
sèchent la muqueuse.
Bruits de loisirs et risque auditif
(C. Meyer-Bisch, hôpital Beaujon, Clichy)
Le risque auditif est non seulement dépendant de l’intensité mais
aussi de la durée d’exposition à ce bruit. Par exemple, un bruit
de 90 dB est toléré au maximum 20 heures par semaine, un bruit
de 100 dB, 2 heures par semaine, un bruit de 105 dB, 30 minutes.
De nombreuses situations de la vie courante entraînent une expo-
sition prolongée aux bruits, notamment :
–les jouets sonores souvent situés près des oreilles des enfants
pendant une longue période ;
–les outils de bricolage tels que la perceuse (90 dB à 30 cm), la
tronçonneuse (100 dB à 1 m) ;
–les motards (119 dB à 100 km/h).
Aucune étude à ce jour ne permet d’évaluer les retentissements
des GSM sur l’audition.
Les professionnels de la musique sont exposés à des niveaux
sonores susceptibles de provoquer des traumatismes, notamment
les musiciens jouant des percussions, du saxophone et du violon.
De même, les musiciens jouant dans un orchestre sont exposés
aux instruments situés autour d’eux. La prévention actuelle est
la disposition en estrade de l’orchestre, le port de bouchons
d’oreille linéaire en fréquence et le contrôle du niveau sonore de
la musique amplifiée pour les musiciens situés sur la scène dans
les salles de concert, dans les studios d’enregistrement, les “raves”
et les “free party”.
Tir de loisir et oreille interne
(J.C. Chobaut, Besançon)
Le risque auditif est fonction non seulement du niveau sonore,
mais aussi de la répétition du tir, de la position de l’arme par rap-
port à l’oreille, de l’environnement, clos ou libre. De plus, les
tireurs sont exposés à leur propre tir mais aussi à ceux des autres
tireurs. La prévention consiste à porter un casque ou des bou-
chons à atténuation (coût : 150 à 400 €) qui permettent d’atté-
nuer les bruits de tir, tout en permettant au chasseur d’entendre
les bruits environnants.
Sports aquatiques et oreille externe
(P. Bordure, CHU Nantes)
Dans les sports aquatiques, la conjonction d’une atmosphère
humide et chaude entraîne une mauvaise aération du conduit audi-
tif externe, avec pullulation mycologique et microbienne, notam-
ment de Pseudomonas aeruginosa. Le risque est indépendant du
degré de pollution de l’eau de baignade. Une otomycose peut se
compliquer d’une perforation tympanique ; le traitement consiste
en des soins locaux, un antifongique local appliqué pendant une
durée de 21 jours. Elle doit être différenciée d’un psoriasis du
conduit, souvent associé à une myringite. La prévention des otites
externes consiste, en amont, en un traitement des dermatoses pré-
sentes et en l’application de gouttes auriculaires huileuses et
d’obturateurs. Après chaque bain, le séchage et l’application de
jus de citron ou d’acide acétique ont une certaine efficacité.
Les exostoses du conduit auditif, situées sur la partie médiane du
conduit et composées d’un os compact, doivent être différenciées
des ostéomes, beaucoup plus rares, situés dans la partie latérale
du conduit et composés d’un os trabéculaire plus tendre. Le trai-
tement chirurgical est difficile, avec risque de labyrinthisation
(8 %) et de mauvaise cicatrisation sur une peau fragile.
Les aérateurs transtympaniques, quel que soit leur type, sont
imperméables à l’eau à moins d’un mètre de profondeur. Cepen-
dant, ils deviennent perméables en présence de savon dans l’eau,
à quelque profondeur que ce soit.
ACTUALITÉ
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no279 - janvier 2003