A C T U A L I T É 109e Congrès de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou (II) Paris, 6-8 octobre 2002 ● I. de Gaudemar* RHONCHOPATHIE L’étude anatomopathologique du voile des patients rhonchopathes chroniques retrouve un découplage entre la muqueuse et le plan musculaire sous-jacent (M. Papaxanthos, Bordeaux). La couche muco-épithéliale est laxe, avec un œdème important. Ces lésions histologiques sont irréversibles. La pharyngoplastie de rotation-avancement permet le rétablissement de l’adhérence entre la muqueuse et le plan musculaire, par résection de l’excès muqueux et redistribution musculaire, sans résection, par un lambeau de rotation-avancement du muscle azygos. L’arc palatin est ainsi renforcé et le diamètre antéropostérieur rétrovélaire augmenté. Cette technique n’entraîne pas de fibrose ni de sténose pharyngée ; elle est à réserver aux échecs de la radiofréquence. Une équipe de Gènes (M. Barbieri) a comparé la réduction vélaire par “hautes fréquences” et radiofréquence dans la rhonchopathie simple. Les deux méthodes sont complémentaires, les résultats subjectifs sur le ronflement à un mois sont comparables. Par contre, la technique “hautes fréquences” entraîne des douleurs postopératoires plus importantes. Une alternative consiste dans l’implantation de cylindres dans le voile du palais. Ces cylindres sont en polyester et prémontés sur une aiguille d’implantation (Antisnoring device, Pimedical Inc., Saint Paul, États-Unis). Une équipe de Mannheim en Allemagne (J. Maurer) rapporte une série de 16 patients présentant une rhonchopathie simple (index d’apnée-hypopnée < 3) et implantés. L’implantation se passe sous anesthésie locale et trois cylindres sont implantés longitudinalement dans le voile. Les résultats sont comparables à ceux des autres techniques. Trois extrusions d’implant ont été constatées à un mois, avec un retrait facile de l’implant. Les trois techniques les plus utilisées dans la rhonchopathie simple actuellement sont : l’uvulo-pharyngoplastie au laser (LAUP), l’uvulo-palato-pharyngoplastie chirurgicale (UPPP) et la radiofréquence. L’équipe de l’hôpital Foch à Suresnes a étudié prospectivement l’effet sur la phonation et la déglutition * Service ORL, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, av. Denfert-Rochereau, 75674 Paris Cedex 14. de ces interventions sur 12 patients (D. Clero). La radiofréquence n’entraîne aucune modification de la phonation ou de la déglutition, contrairement aux deux autres techniques. Tous les patients traités par LAUP ou UPPP avaient une modification de la production de la consonne (r) sans modification de la production de la consonne (g). Deux patients présentaient une insuffisance vélaire intermittente aux liquides. Il faut à tout prix éviter de proposer une UPPP ou une LAUP à un professionnel de la voix. Les malformations d’Arnold-Chiari associées à une sténose du foramen magnum et une descente des amygdales cérébelleuses peuvent être corrélées à des syndromes d’apnées du sommeil sévères (I. Thomassin, Bicêtre). Ces patients seraient plus à risque de décompensation respiratoire en postopératoire en développant un œdème interstitiel péribasilaire perturbant le flux de liquide céphalorachidien. Les images prédictives sur l’IRM sont la localisation des amygdales cérébelleuses, la taille de la cavité syringomyélie et de la néociterne postopératoire, l’impression basilaire et les anomalies de signal du tronc cérébral. La kinésithérapie, en tonifiant la sangle musculaire hyomandibulaire, pourrait améliorer l’index d’apnée-hypopnée (IAH) des patients présentant un syndrome d’apnées du sommeil. Une équipe de Bruxelles (G. Chantrain) a proposé à 21 patients 30 séances d’électrostimulation avec des électrodes cutanées sous-hyoïdiennes et 20 minutes d’exercices musculaires quotidiens. L’IAH a été amélioré dans la majorité des cas ; toutefois, la compliance est faible (57 %) et le traitement contraignant. Le traitement des rhonchopathies et, plus récemment, des syndromes d’apnées du sommeil (SAS) semble s’orienter de plus en plus vers des procédés d’orthèses intrabuccales d’avancée mandibulaire. Ces prothèses, réalisées à partir de moulages de l’articulé dentaire, sont composées de deux gouttières articulées par des bielles réglables. Les critères prédictifs de succès sont un jeune âge, un SAS modéré, un index de masse corporelle modéré. Les effets secondaires sont une souffrance de l’articulation temporo-mandibulaire. Cette prise en charge nécessite une bonne coopération entre les ORL, les dentistes et les prothésistes. Le coût actuel de ces prothèses, non remboursées par la Sécurité sociale, est de l’ordre de 500 euros. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 279 - janvier 2003 5 A C T U A L PATHOLOGIE ORL ET LOISIRS À l’heure des 35 heures, les loisirs, mais aussi leur pathologie, sont en pleine expansion. Une table ronde faisait le point sur les manifestations cliniques de la pathologie ORL due aux loisirs, et les éventuels conseils de prévention et d’information à proposer. Voix et loisirs (D. Brasnu, HEGP, Paris) Une voix normale nécessite un épithélium de bonne qualité recouvert d’un film muqueux et un espace de Reinke bien séparé du ligament vocal. Cet espace joue un rôle physiologique essentiel dans les mécanismes vibratoires et de glissement de la corde vocale. Le malmenage vocal peut entraîner des altérations anatomiques irréversibles des cordes vocales et, notamment, des adhérences entre le ligament vocal et l’épithélium, avec disparition de cet espace de Reinke. S’installe alors un cercle vicieux, avec des phénomènes de compensation, actifs ou passifs, comme une fuite glottique, une contraction des bandes ventriculaires, une bascule antérieure des aryténoïdes, une constriction de la margelle laryngée. Le diagnostic nécessite un enregistrement vidéo, qui permet d’analyser ces différents phénomènes de compensation et éventuellement de diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien associé. Ce dernier se manifeste par une inflammation de la margelle laryngée postérieure, une hypertrophie de la muqueuse aryténoïdienne, un granulome du processus vocal, un comblement des ventricules. Le traitement consiste à supprimer la cause et à proposer une rééducation. Quels conseils donner ? La base d’une bonne hygiène laryngée est l’hydratation. En effet, le meilleur protecteur de la voix est ce film muqueux recouvrant les cordes vocales. Une bonne hydratation doit être systématique lors des voyages aériens, des maladies virales, de l’utilisation intensive de la voix. De même, les médicaments ou aliments ayant un effet diurétique (vitamine C, antihistaminiques de type 1...), favorisant un reflux gastro-œsophagien (épices, caféine...), les produits inhalés desséchants, et les substances entraînant une perte de la maîtrise de la commande vocale (alcool, sédatif) doivent être évités. Que proposer à un chanteur atteint d’une laryngite aiguë ? Si la laryngite est sévère, le repos vocal est impératif, car le risque d’hémorragie sous-muqueuse est important. Si la forme est modérée, une bonne hydratation et une corticothérapie par voie générale peuvent être proposées. Les corticoïdes inhalés, les antihistaminiques de type 1 sont fortement déconseillés car ils dessèchent la muqueuse. Bruits de loisirs et risque auditif (C. Meyer-Bisch, hôpital Beaujon, Clichy) Le risque auditif est non seulement dépendant de l’intensité mais aussi de la durée d’exposition à ce bruit. Par exemple, un bruit de 90 dB est toléré au maximum 20 heures par semaine, un bruit de 100 dB, 2 heures par semaine, un bruit de 105 dB, 30 minutes. 6 I T É De nombreuses situations de la vie courante entraînent une exposition prolongée aux bruits, notamment : – les jouets sonores souvent situés près des oreilles des enfants pendant une longue période ; – les outils de bricolage tels que la perceuse (90 dB à 30 cm), la tronçonneuse (100 dB à 1 m) ; – les motards (119 dB à 100 km/h). Aucune étude à ce jour ne permet d’évaluer les retentissements des GSM sur l’audition. Les professionnels de la musique sont exposés à des niveaux sonores susceptibles de provoquer des traumatismes, notamment les musiciens jouant des percussions, du saxophone et du violon. De même, les musiciens jouant dans un orchestre sont exposés aux instruments situés autour d’eux. La prévention actuelle est la disposition en estrade de l’orchestre, le port de bouchons d’oreille linéaire en fréquence et le contrôle du niveau sonore de la musique amplifiée pour les musiciens situés sur la scène dans les salles de concert, dans les studios d’enregistrement, les “raves” et les “free party”. Tir de loisir et oreille interne (J.C. Chobaut, Besançon) Le risque auditif est fonction non seulement du niveau sonore, mais aussi de la répétition du tir, de la position de l’arme par rapport à l’oreille, de l’environnement, clos ou libre. De plus, les tireurs sont exposés à leur propre tir mais aussi à ceux des autres tireurs. La prévention consiste à porter un casque ou des bouchons à atténuation (coût : 150 à 400 €) qui permettent d’atténuer les bruits de tir, tout en permettant au chasseur d’entendre les bruits environnants. Sports aquatiques et oreille externe (P. Bordure, CHU Nantes) Dans les sports aquatiques, la conjonction d’une atmosphère humide et chaude entraîne une mauvaise aération du conduit auditif externe, avec pullulation mycologique et microbienne, notamment de Pseudomonas aeruginosa. Le risque est indépendant du degré de pollution de l’eau de baignade. Une otomycose peut se compliquer d’une perforation tympanique ; le traitement consiste en des soins locaux, un antifongique local appliqué pendant une durée de 21 jours. Elle doit être différenciée d’un psoriasis du conduit, souvent associé à une myringite. La prévention des otites externes consiste, en amont, en un traitement des dermatoses présentes et en l’application de gouttes auriculaires huileuses et d’obturateurs. Après chaque bain, le séchage et l’application de jus de citron ou d’acide acétique ont une certaine efficacité. Les exostoses du conduit auditif, situées sur la partie médiane du conduit et composées d’un os compact, doivent être différenciées des ostéomes, beaucoup plus rares, situés dans la partie latérale du conduit et composés d’un os trabéculaire plus tendre. Le traitement chirurgical est difficile, avec risque de labyrinthisation (8 %) et de mauvaise cicatrisation sur une peau fragile. Les aérateurs transtympaniques, quel que soit leur type, sont imperméables à l’eau à moins d’un mètre de profondeur. Cependant, ils deviennent perméables en présence de savon dans l’eau, à quelque profondeur que ce soit. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 279 - janvier 2003 OTOLOGIE Les algies faciales sont de diagnostic difficile et d’étiologies multiples ; leur exploration implique de définir une stratégie des examens complémentaires en radiologie. L’examen tomodensitométrique (TDM) recherchera surtout des étiologies dentaires ou sinusiennes, l’IRM, des étiologies vasculaires, tumorales, démyélinisantes. Le champ d’investigation doit être large, allant de l’encéphale jusqu’à la deuxième vertèbre cervicale. Les faux négatifs représentent 25 % des explorations : il ne faut donc pas hésiter, devant un tableau atypique en échec de traitement, à répéter les examens. Les voies nerveuses véhiculant la sensibilité de l’oreille moyenne ou externe sont multiples, faisant intervenir le nerf trijumeau, le pneumogastrique, le nerf facial, le nerf hypoglosse par l’intermédiaire du nerf de Jacobson, les branches du plexus cervical superficiel. L’otalgie est un signe d’appel pour de nombreuses pathologies cervicomédiastino-faciales. À la suite de l’étude rétrospective de 15 patients explorés pour une otalgie, un algorithme d’exploration radiologique a été proposé par l’équipe radiologique du Kremlin-Bicêtre (J. Galline). Il démarre par un TDM des rochers, suivi par un TDM des sinus couplé à un Dentascan, puis par un TDM pharyngolaryngé, pour finir par une IRM cérébrale lorsque tous les autres examens sont restés négatifs. L’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001, équivalait à une explosion de 40 tonnes de trinitroglycérine ou à un séisme de 3,5 sur l’échelle de Richter. Les oreilles des personnes exposées ont été soumises à un traumatisme sonore de courte durée, de fréquences aiguës et de spectre étroit, mais aussi à un phénomène de blast lié au déplacement brutal d’une masse gazeuse. Une équipe de Toulouse (G. Favre et al.) a étudié une population de patients venus consulter spontanément (581 cas), ou vus dans le cadre d’un dépistage systématique, notamment en milieu scolaire (8 841 cas), dans le mois qui a suivi l’explosion. Quatre-vingt-dix pour cent des tympans étaient normaux lors de la consultation et 10 % des audiogrammes retrouvaient une surdité de perception prédominant sur les fréquences aiguës. Dans l’ensemble, les signes otologiques étaient pauvres, comparés aux lésions auditives. Toutefois, 90 % des lésions traumatiques par blast cicatrisent spontanément dans un délai court. Le suivi à plus long terme de cette population est en cours. Les pathologies neurologiques centrales révélées par une surdité brusque ou un vertige sont exceptionnelles. Toutefois, les ORL doivent connaître leur existence du fait de leur gravité et de leur prise en charge spécifique (E. Sauvaget). Parmi les 14 patients vus dans le cadre des urgences ORL de l’hôpital Lariboisière sur une période de 3 ans, 4 présentaient une première manifestation de sclérose en plaques, 7 un accident ischémique cérébral, dont un cas par dissection de l’artère vertébrale, et un cas développait une maladie de Behçet. Les signes d’appel qui doivent y faire penser sont : – une surdité bilatérale ; – un nystagmus de type central ; – une excitabilité normale ou une hyperexcitabilité vestibulaire sur l’épreuve calorique ; – l’association d’une cervicalgie ou de céphalées. Selon une étude randomisée multicentrique menée sur 51 patients, le port d’un casque antibruit pendant les 5 premiers jours semble augmenter la récupération auditive des surdités brusques au 5e jour (T. Mom et al., Clermont-Ferrand). Toutefois, ces résultats doivent être confirmés sur un nombre plus important de cas et sur un plus long terme. À partir d’une série rétrospective de 243 cas (âge moyen : 48 ans) suivie sur une période de 3 ans, une équipe de Lyon (E. Truy et al.) a analysé l’avenir à moyen terme des surdités brusques. Une récupération auditive peut se prolonger pendant un an ; toutefois, le maximum de récupération a lieu pendant la première semaine. La récupération moyenne est de 18 dB sur l’ensemble des fréquences, et le maximum de récupération survient sur la fréquence 1 000 Hz suivie de celle du 500 Hz. Les seuils auditifs sont ensuite stables dans le temps, hormis quelques rares cas d’aggravation. L’oreille controlatérale ne présente pas de dégradation. Les facteurs prédictifs négatifs sont : – un âge avancé ; – la présence d’un vertige associé ; – un délai d’hospitalisation important. Le syndrome de Sucas ou Sicret syndrom est une maladie rare, surtout féminine, caractérisée par l’association d’infarctus cochléaires, rétiniens et cérébraux (P. Vedrine, Metz). L’IRM retrouve des lésions multiples ischémiques cérébrales. L’étiopathogénie s’oriente vers une vascularite ; en effet, l’endothélium des artérioles de la cochlée, de la rétine et de l’encéphale pré■ sente de grandes similitudes. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 279 - janvier 2003 7