De l’anatomie au diagnos-
tic
S. Bobin, Le Kremlin-Bicêtre
La localisation d’une tuméfaction cervicale peut orienter le dia-
gnostic étiologique. En effet, s’il existe bien des lésions ubiqui-
taires, comme les angiomes plans ou les adénopathies, les patho-
logies d’organe ou d’origine embryonnaire ont une localisation
précise.
Le cou peut être divisé schématiquement en une région médiane,
deux régions latérales, deux régions sus-claviculaires et la nuque.
Les régions sous-maxillaires et parotidiennes, bien qu’elles ne
fassent pas partie du cou tel que le définissent les anatomistes
comme H. Rouvière, seront ici prises en compte du fait de l’ex-
pression de leur pathologie, bien souvent en continuité avec la
région cervicale.
La région médiane haute est limitée en bas par l’os hyoïde, laté-
ralement par les ventres antérieurs des muscles digastriques et en
profondeur par les muscles mylo-hyoïdiens. Les tuméfactions les
plus fréquentes dans cette localisation sont les kystes du tractus
thyréoglosse et les kystes dermoïdes adgéniens et adhyoïdiens. Il
peut aussi s’agir d’une adénopathie ou de la partie cervicale
d’une grenouillette en bissac d’origine sublinguale.
Les tuméfactions de la région médiane moyenne sont pratique-
ment toujours, chez l’enfant, des kystes du tractus thyréoglosse,
les tumeurs thyroïdiennes étant en effet exceptionnelles.
La plupart des tuméfactions présentes dans la région médiane et
basse du cou, au-dessus du manubrium sternal et en dessous du
niveau du cartilage cricoïde, sont des kystes dermoïdes. Il s’agit
plus rarement de kystes du tractus thyréoglosse, de tératomes ou
de kystes bronchogéniques.
La région latérale du cou est limitée par le relief, en surface, du
muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle répond en dedans au
paquet vasculonerveux jugulocarotidien. La plupart des tuméfac-
tions qui siègent dans sa partie haute, sus-omohyoïdienne, sont
des adénopathies. Mais c’est aussi le siège des kystes de la
deuxième fente branchiale, des tumeurs nerveuses et des chemo-
dectomes. Les kystes et fistules des 3eet 4efentes, les duplications
digestives, les tumeurs thyroïdiennes, les phlébectasies de la
jugulaire interne se manifestent plus volontiers au niveau de la
partie latérale basse. Le Fibromatosis colli peut siéger en n’importe
quel point du sterno-cléido-mastoïdien. Les lipomes et les lym-
phangiomes peuvent siéger en n’importe quel point de la partie laté-
rale du cou mais débordent volontiers sur les structures adjacentes.
La région susclaviculaire est limitée en bas par la clavicule, en
avant par le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien et
en arrière par le bord antérieur du muscle trapèze. Une tuméfaction
à ce niveau évoque un lymphangiome, un lipome,unkyste thy-
mique. Les adénopathies de siège sus-claviculaire sont souvent
malignes.
La région sous-maxillaire est le siège des adénopathies bacté-
riennes à cocci Gram positif, de la maladie des griffes du chat et
des mycobactéries atypiques. C’est aussi une localisation fréquente
des lymphangiomes et le siège exclusif, bien sûr, des sous-maxillites,
des tumeurs de la sous-maxillaire et des tumeurs mandibulaires.
La région parotidienne est le siège préférentiel des héman-
giomes et des lymphangiomes. Les adénopathies parotidiennes
doivent faire rechercher une mycobactérie atypique et une maladie
des griffes du chat. Une tuméfaction parotidienne chez l’enfant
peut aussi correspondre à un noyau de parotidite, une tumeur
glandulaire, un kyste de la première fente, un lymphome, un rhab-
domyosarcome.
Les tuméfactions
inflammatoires aiguës
M.J. Ployet, Tours
Les tuméfactions inflammatoires aiguës sont celles qui évoluent
depuis moins de trois semaines. Les étiologies sont fort nom-
breuses et il faudrait un livre pour les aborder toutes. L’exposé a
donc été centré autour de cinq situations cliniques.
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Adénopathies cervicales inflammatoires évoluant depuis
moins de 3 semaines
Les signes cliniques associés peuvent évoquer la responsabilité
d’un virus particulier comme dans les syndromes à adénovirus.
Le syndrome FAPA, associant fièvre, aphtes géants, pharyngite et
adénite, bien que rare, est à connaître car il est volontiers récidi-
vant. Il débute en général avant 5 ans et ne guérit qu’à l’adoles-
cence. Les étiologies des adénopathies fébriles sont multiples et
bien connues : mononucléose infectieuse, toxoplasmose, tula-
rémie, brucellose. Leur diagnostic précis repose sur les sérologies.
Il est important de rappeler dans ce chapitre la maladie de
Kawasaki. Dans plus de la moitié des cas, les manifestations ini-
tiales du Kawasaki sont purement ORL avec une adénite, une
pharyngite et surtout une fièvre qui ne baisse pas, malgré les anti-
biotiques. Il n’existe pas de stigmate biologique spécifique de
cette affection redoutable dont le diagnostic est purement clinique
et dont le traitement doit être entrepris avant le dixième jour pour
éviter la formation d’anévrismes, en particulier coronariens, qui
font toute la gravité de cette affection (voir plus loin l’interven-
tion de N. Delapierre).
La découverte d’une porte d’entrée cutanée ou muqueuse évoque
certaines bactéries : les adénites dont la porte d’entrée est cutanée
sont a priori dues à Staphylococcus aureus ou à Streptococcus
pyogenes. Le traitement de première intention pour un enfant non
hospitalisé est l’oxacilline (50 à 100 mg/kg/j), l’association
amoxicilline-acide clavulanique ou la pristinamycine
(50 mg/kg/j). Les céphalosporines de deuxième ou de troisième
génération sont moins efficaces sur les streptocoques
(J.F. Lemeland). Les adénites dont la porte d’entrée est pharyngée
sont en général dues à Streptococcus pneumoniae ou à la flore de
Veillon ; les adénites dont la porte d’entrée est dentaire sont habi-
tuellement dues à des anaérobies. Ces adénites sont traitées ini-
tialement par antibiotiques ; malgré cela, certaines évolueront
vers l’adénophlegmon. La récidive de la tuméfaction remet en
cause le diagnostic d’adénite et fait rechercher un reliquat
embryonnaire. Les véritables récidives doivent faire évoquer une
pathologie de la phagocytose comme le syndrome de Buckley.
Les adénophlegmons sous-mandibulaires sont dus dans 80 % des
cas à une pathologie dentaire (deuxième ou troisième molaire) et
d’origine streptococcique.
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AFOP