n°233 20/04/04 A 11:40 C Page 12 T U A L I T É Anesthésie locale et locorégionale en chirurgie ORL Chirurgie ambulatoire en ORL Enseignement post-universitaire du collège d’ORL L a séance d’enseignement post-universitaire du collège d’ORL et de pathologie cervico-faciale, qui s’est déroulée le samedi 17 janvier 1998, dans les locaux des laboratoires Biopharma, à Neuilly, comportait deux parties. La première session, organisée par C. Martin (Saint-Étienne), avait pour thème l’anesthésie locale et locorégionale en chirurgie ORL. Parmi les anesthésiques locaux (D. Navez, Saint-Étienne), il faut distinguer les topiques et les produits injectables. Pour les blocs sensitifs et les infiltrations, deux produits sont actuellement utilisés : la lidocaïne (Xylocaïne®) à 1 ou 2 %, avec une dose maximale de 4 à 7 mg/kg chez l’adulte, ce qui représente 100 cc de Xylocaïne® à 0,5 % ou 25 cc de Xylocaïne® à 2 %, et la bupivacaïne (Marcaïne ®) à 0,25 %, avec une posologie maximale de 2,5 à 4 mg/kg chez l’adulte. Les accidents observés avec ces produits sont rarement d’origine allergique, surtout depuis que les excipients ont été modifiés, mais sont le plus souvent dus à un surdosage ou à une effraction vasculaire accidentelle. C’est une des raisons pour lesquelles il faut préférer des seringues permettant de contrôler le fait que la pointe de l’aiguille n’est pas dans un vaisseau sanguin (D. Dehesdin). Pour des difficultés de stérilisation, la seringue de Génia est en général abandonnée au profit de seringues à usage unique avec aiguille vissée (J.M. Thomassin). Les complications de la lidocaïne et de la bupivacaïne sont d’ordre neurologique (ainsi, l’apparition d’une logorrhée ou d’une dysphorie doit faire cesser toute injection), et d’ordre cardiovasculaire (troubles du rythme, collapsus). L’adrénaline, souvent associée à ces produits, a le double avantage d’augmenter leur durée d’action et de diminuer le saignement. Elle est utilisée à une dilution de 1/200 000 et la dose maximale chez l’adulte est de 0,25 mg. Les risques de l’adrénaline sont l’ischémie coronarienne, la tachycardie et l’ischémie locale. Les blocs nerveux ont l’avantage sur les infiltrations de nécessiter beaucoup moins de produit actif. Les blocs cutanés infraorbitaire, supraorbitaire et mentonnier sont relativement simples à réaliser et régulièrement efficaces ; leurs risques sont quasiment nuls. Les blocs profonds comme le bloc du nerf mandibulaire nécessitent une plus grande technicité, leur risque d’échec est de l’ordre de 20 % et ils exposent à quelques complications (risque de ponction de l’artère maxillaire par exemple). 12 Les topiques locaux comportent la cocaïne, la liqueur de Bonain, la crème Emla® et la Xylocaïne® en pulvérisations ou en applications. La crème Emla® contient de la lidocaïne et de la prilocaïne. Elle peut être utilisée sur peau saine. Elle est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 3 mois du fait du risque de méthémoglobinémie. L’analgésie des muqueuses peut être obtenue avec des pulvérisations de lidocaïne à 5 % avec un maximum de 20 pulvérisations pour un adulte. Les exposés suivants ont montré le champ d’application et les modalités de l’anesthésie locale ou locorégionale en chirurgie ORL. D. Dehesdin (Rouen) et C. Beauvillain (Nantes) ont détaillé les modalités d’utilisation de l’anesthésie locale pour les tumeurs cutanées et les séquelles cicatricielles. L’anesthésie locale est intéressante dans les épithéliomas basocellulaires. Ces lésions sont très fréquentes au niveau de la face et du cou, plus particulièrement dans la région centrofaciale (nez, sillons nasogéniens, paupières et joues). Elles surviennent essentiellement chez des patients de plus de 60 ans. À la différence des mélanomes et des épithéliomas spinocellulaires, leur évolution est avant tout locale. Pour toutes ces lésions cutanées, l’anesthésie locale sera choisie si la tumeur est superficielle, s’il n’y a pas d’antécédent d’irradiation et si l’extension et la localisation laissent prévoir une durée d’intervention inférieure à une heure. Lorsqu’on a besoin d’un contrôle histologique, l’examen extemporané demandant au minimum trois quarts d’heure, il est prudent de prévenir le malade de l’éventualité d’un deuxième temps opératoire, quelques jours plus tard. En cas d’épithélioma spinocellulaire ou de mélanome, étant donné la nécessité d’une éradication complète avec une marge de sécurité, ce deuxième temps se fait le plus souvent sous anesthésie générale. J.M. Thomassin réalise ses rhinoplasties sous anesthésie générale, mais propose volontiers une anesthésie locale pure lorsqu’une retouche s’avère nécessaire. L’anesthésie locale du nez est de toutes les façons nécessaire, même en cas d’anesthésie générale. Elle commence par une anesthésie de contact de la muqueuse nasale avec des mèches de coton imbibées de Xylocaïne 5 % à la naphazoline® laissées en place 15 à 20 minutes, puis des infiltrations à la Xylocaïne adrénaline® de la racine du nez, de la pointe, du septum nasal, etc. La quantité totale injectée ne doit pas dépasser 10 ml. La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 233 - mai 1998 n°233 20/04/04 11:40 Page 13 Le lifting (R. Niforaos, Lyon) peut se faire dans un contexte environnemental plus confortable pour le patient s’il est réalisé sous anesthésie locale que s’il est effectué sous anesthésie générale. L’anesthésie locale a aussi l’avantage de permettre un contrôle peropératoire de l’étendue du geste. Elle n’est envisageable que si la durée prévisible de l’intervention est inférieure à une heure. La présence d’un anesthésiste est exigée, même pour une anesthésie locale pure, pour des raisons médico-légales. Le patient est prémédiqué avec 5 à 10 mg de midazolam (Hypnovel ®) en sublingual, 1 mg d’alprazolam (Xanax®) ou 100 mg d’hydroxyzine (Atarax®). La moitié supérieure de la face se prête bien à une anesthésie par bloc tronculaire ; pour la partie inférieure du visage, il est préférable d’infiltrer. Il est possible de compléter l’anesthésie locale par une neuroleptanalgésie ; dans ce dernier cas, il faut surveiller très attentivement la respiration. La chirurgie du regard (F. Disant, Lyon) ne peut se faire sous anesthésie locale que chez un patient coopérant, lorsque le geste ne doit pas durer plus d’une heure ni comporter de fraisage du rebord orbitaire. Dans les autres cas, on optera pour une anesthésie générale. Il est important de ne pas faire d’infiltration dans la graisse orbitaire car il y a alors un risque d’amaurose. L’innervation de l’oreille est très complexe. La sensibilité du pavillon dépend du plexus cervical superficiel, du nerf auriculotemporal et du VII bis, la caisse est innervée par le nerf de Jacobson. Une anesthésie de contact du tympan peut être envisagée pour une paracentèse ou une pose d’aérateur transtympanique. Diverses méthodes peuvent être employées : l’iontophorèse, la réfrigération, le Bonain (C. Martin n’a jamais observé de nécrose avec le Bonain), la crème Emla® ou la Xylocaïne 5 % ® sur un morceau de coton. Le secret est d’attendre suffisamment longtemps, au moins 20-25 minutes pour la Xylocaïne ® et le Bonain, davantage pour la crème Emla®. L’infiltration du conduit auditif externe est complétée en cas de voie postérieure par 4 points d’injection postérieurs. L’infiltration de la paroi antérieure du conduit ne doit pas être trop superficielle et le point d’infiltration postéro-inférieur ne doit pas être trop bas pour ne pas risquer une paralysie temporaire du nerf facial, gênante en peropératoire et toujours désagréable au réveil du patient. Diverses interventions otologiques ne comportant pas de fraisage osseux, en particulier les myringoplasties, sont tout à fait réalisables sous anesthésie locale associée à une diazanalgésie. J.M. Klossek (Poitiers) et R. Jankovski (Nancy) ont détaillé leur protocole d’anesthésie locale en chirurgie endonasale et rhinosinusienne. Une mèche imbibée de Xylocaïne 5 % à la naphazoline® est appliquée dans chaque fosse nasale pendant 15 minutes. Ensuite, J.M. Klossek place une cotonnette avec 2 à 4 gouttes d’une solution de cocaïne au tiers sous le cornet moyen. Pour la chirurgie endonasale, l’anesthésie est complétée par une infiltration de 3 ml maximum de Xylocaïne adrénaline®. Pour la chirurgie rhinosinusienne, R. Jankovski préconise une infiltration transcutanée des pédicules sus- et sous-orbitaires, autour de l’artère faciale dans le sillon nasogénien, à l’angle interne de l’œil et autour de la frontale ascendante au niveau de la tête du sourcil. Il pratique cette infiltration avec un mélange, fait extemporanément, de 20 cc de Xylocaïne® à 1 % et 1/4 mg (= 1 ml) d’adrénaline, car les patients opérés pour polypose nasosinusienne peuvent avoir un syndrome de Fernand-Widal et être allergiques aux excipients de la Xylocaïne adrénaline®. L’anesthésie de contact de l’oropharynx (F. Chabolle, Suresnes) peut être obtenue avec de la Xylocaïne visqueuse® ou des nébulisations de Xylocaïne 5 %®. L’anesthésie locale par infiltration de divers points de l’ogive amygdalienne ou du voile permet de faire certains gestes : amygdalectomie, uvulopalatopharyngoplastie simple, sous réserve que le patient soit coopérant, qu’il ait une morphologie qui s’y prête et qu’il n’ait pas trop de réflexes nauséeux. En ce qui concerne l’endoscopie ORL (J.M. Thomassin, Marseille), il faut distinguer la nasofibroscopie de pratique très courante en consultation et les endoscopies qui se font au bloc opératoire comme les laryngoscopies en suspension et les panendoscopies pour bilan d’extension des épithéliomas. La nasofibroscopie est facilitée par la pulvérisation, endonasale et sur la paroi pharyngée postérieure, de Xylocaïne®. Les autres endoscopies nécessitent, si l’on ne veut pas faire d’anesthésie générale, un bloc laryngé et une sédation ou une neuroleptanalgésie. Une technique originale d’analgésie cervicale a été exposée par J.M. Prades (Saint-Étienne) : la péridurale cervicale. Elle s’effectue dans l’espace C6-C7 ou C7-TH1. Elle est intéressante comme analgésique postopératoire dans la chirurgie pharyngolaryngée, dans les douleurs chroniques cancéreuses ou les radiculopathies cervicales ; elle est aussi employée dans la chirurgie des carotides et la chirurgie carcinologique pharyngolaryngée avec ou sans lambeaux. La deuxième partie de cette séance d’enseignement post-universitaire, organisée par G. Renou (Poissy), avait pour thème la chirurgie ambulatoire en ORL. Les agences régionales d’hospitalisation (ARH) ont trois priorités 1998 : les urgences, la chirurgie ambulatoire et les réseaux de cancérologie. Il y a une volonté politique de développer la chirurgie ambulatoire, plus particulièrement dans le secteur hospitalier public, qui est en retard sur ce plan-là par rapport au secteur privé. En effet, actuellement, 70 % des places ambulatoires (on ne parle plus de lits) appartiennent au privé. Dès à présent, une fraction non négligeable des actes pratiqués en ambulatoire sont des actes ORL. L’adénoïdectomie, la pose d’aérateurs transtympaniques et les amygdalectomies représentent respectivement 9, 6 et 3 % de la totalité des actes chirurgicaux effectués en ambulatoire dans le secteur libéral. Tous les actes ne se prêtent pas à la chirurgie ambulatoire et ce type de soins n’est pas applicable à tous les patients. En ce qui concerne les actes, il y a un consensus, tant du côté des praticiens que des experts ORL auprès des tribunaux, permettant de considérer que les paracentèses et les poses d’aérateurs transtympaniques peuvent être réalisées en ambulatoire. De même, il y a un consensus pour ne pas réaliser en ambulatoire les tympanoplasties avec fraisage osseux et les La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 233 - mai 1998 13 n°233 20/04/04 A 11:40 C Page 14 T U A L I T É interventions carcinologiques étendues au cou. D’une manière générale, l’intervention ne peut se concevoir en ambulatoire que s’il n’y a pas de risque de dyspnée haute ou de saignements brutaux dans la nuit qui suit le geste chirurgical. L’indication dépend aussi énormément du psychisme du patient (ou des parents s’il s’agit d’un enfant), ainsi que du contexte social et environnemental. C’est ainsi que, par exemple, le patient doit pouvoir être ramené à son domicile par un adulte, il doit avoir le téléphone, ne pas habiter à plus d’une heure de voiture (gare aux encombrements dans les grandes villes) de l’hôpital ou de la clinique. Il est certain que la chirurgie ambulatoire est plus astreignante pour le chirurgien, mais il existe une demande de la part des patients et les caisses d’assurance maladie voient là un moyen de diminuer les coûts de la santé. M. François, Hôpital Robert-Debré, Paris FOP, A ’ l e d e membr profitez s e t ê s Vou ous et elle : - 50% v z e n n abon eption c x e e r ff d’une o A A BB O O N N N N Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules EE ZZ -- VV O O UU SS !! Tarif 1998 / L ORL / M e n s u e l ABONNEMENT FRANCE / DOM-TOM et CEE Dr, M., Mme, Mlle ❐ 1 an / 190 F ❐ 2 ans / 310 F ❐ 1 an / 190 F étudiants joindre la photocopie de la carte ❐ + 60 F par avion pour les DOM - TOM Prénom Adresse ABONNEMENT ETRANGER / autre que CEE ❐ 1 an / 235 F - 50 % ❐ + 190 F par avion POUR RECEVOIR LA RELIURE ❐ gratuite avec un abonnement ou un réabonnement ❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage) Code postal Ville ❐ par carte Visa MODE DE PAIEMENT N° Signature : Pays Tél. Merci de joindre votre dernière étiquette-adresse en cas de réabonnement, changement d’adresse ou demande de renseignements. 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