La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 3 - mai-juin 2003
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MISE AU POINT
de vérifier la qualité de la prescription ; et, dans le suivi, sur les
services de médecine ou de médecine de spécialité prenant en
charge localement les patients infectés par le VIH.
La circulaire définit par ailleurs les indications du traitement
postexposition. Dans tous les cas, ce traitement est recommandé
pour toutes les situations qui peuvent être clairement docu-
mentées et où le risque peut être analysé. Il peut être envisagé
dans les 48 heures qui suivent l’exposition au risque. Au-delà,
les patients doivent être orientés vers une démarche de dia-
gnostic précoce. Dans le cadre des expositions professionnelles,
l’indication de la prophylaxie postexposition est liée à la nature
de l’exposition (type d’accident, type de matériel incriminé) et
au statut VIH/stade de la maladie VIH/charge virale du patient
source. Dans le cadre des expositions sexuelles, l’indication du
traitement repose sur une estimation du risque par évaluation
du statut connu ou supposé du partenaire et par référence à une
échelle de probabilité de contamination, ou “infectivité”, selon
les types d’exposition.
Ainsi,
"si la personne source est atteinte d’une infection à VIH ou
appartient à un groupe de forte prévalence,
"et si la pratique exposante comporte un risque important, ou
s’il s’agit d’une pratique à risque moindre mais avec des
facteurs de risque aggravants, le traitement postexposition est
recommandé ; il est intéressant de noter que, dans le cadre des
pratiques sexuelles, la seule considérée comme étant à faible
risque est la fellation.
La circulaire précise que, lorsque le risque ne peut être docu-
menté, il est raisonnable de ne pas conseiller de traitement.
Cependant, il est aussi prévu que le médecin peut être amené
à ne pas refuser un traitement au-delà des recommandations et
ce, pour de multiples raisons. La prescription peut donc être
largement influencée par la demande du consultant.
L’évaluation des situations doit être faite par le médecin qui
reçoit les patients possiblement exposés dans le cadre d’un dis-
positif local d’accueil et de prise en charge. En pratique, ce dis-
positif repose en grande partie sur les urgences hospitalières. Le
circuit hospitalier a été clairement privilégié, la prescription ini-
tiale des antirétroviraux étant hospitalière et la circulaire préci-
sant que les médecins généralistes ont un rôle d’orientation. La
mise en œuvre de cette circulaire n’a pas été assortie de l’attri-
bution de moyens spécifiques pour les hôpitaux, qui ont dû
mettre en place le dispositif à moyens constants et dans les condi-
tions habituelles de fonctionnement des services d’urgences.
Il était prévu dans la circulaire qu’une évaluation du dispositif
serait faite après sa mise en place par le Réseau national de
santé publique (RNSP). L’évaluation devait reposer sur le
recueil, à des moments définis, de données standardisées pour
chaque situation suivie, avec l’accord des personnes exposées.
Les questions posées concernent la toxicité et l’efficience des
traitements, la tolérance et la compliance au traitement. Les
échecs du traitement postexposition devaient faire l’objet d’in-
vestigations complémentaires. Il était par ailleurs prévu une
collaboration internationale pour étudier l’efficience du pro-
gramme et les échecs de la prophylaxie.
NOUVELLES DONNÉES SCIENTIFIQUES
ET DE SANTÉ PUBLIQUE VENANT MODIFIER
OU ÉTAYER LES RECOMMANDATIONS PROPHYLACTIQUES
L’étude cas-témoin du CDC reste l’élément de référence. Mal-
gré les critiques méthodologiques, la plupart des auteurs accor-
dent à cette étude une valeur de preuve scientifique sur l’inté-
rêt de la prophylaxie postexposition au VIH. (1)
Il existe peu de données expérimentales récentes qui soient
contributives. Les expérimentations récentes donnent des résul-
tats contradictoires. L’équipe de D. Dormont a tenté de proté-
ger le macaque d’une infection avec un virus chimère VIH/SIV
par une trithérapie équivalente à celle qui est utilisée chez
l’homme dans l’infection par le VIH établie (4). Cette tentative
a totalement échoué, c’est-à-dire que tous les animaux inocu-
lés par voie intraveineuse ont été infectés malgré l’administra-
tion dans les 4 heures d’une trithérapie par AZT + 3TC + indi-
navir. Par ailleurs, un nouveau travail de C.Tsai publié en mai
1998 (5) sur la prévention de l’infection expérimentale à SIV
du macaque par le PMPA a montré qu’il faut traiter plus de
10 jours pour être pleinement efficace en traitement
postexposition, ce qui prouve que le traitement agit probable-
ment après l’intégration et une phase de réplication. D’autre
part, R.A.Otten (6) a pu protéger des macaques de l’infection
par le VIH 2 inoculé par voie intravaginale en administrant
le PMPA (ténofovir) en sous-cutané pendant 28 jours et en
débutant 12 ou 36 heures après l’inoculation (8 animaux sur 8
sont protégés, tandis que 3 des 4 animaux non traités sont infec-
tés). Sur les 4 animaux traités après 72 heures, 3 seulement ne
sont pas infectés.
En conclusion, sur la base des derniers modèles expérimentaux,
si l’efficacité du traitement prophylactique reste discutable, les
chances d’efficacité maximale sont attendues pour un traite-
ment administré le plus rapidement possible, et la durée de trai-
tement de 28 jours, initialement arbitraire, paraît fondée. L’in-
terprétation des modèles animaux doit être nuancée en rappelant
que les virus utilisés sont en général des virus SIV et que les
doses de médicaments utilisées chez l’animal sont très supé-
rieures à celles utilisées en thérapeutique humaine.
ÉVALUATION DU DISPOSITIF
Méthodologie
Le Réseau national de santé publique puis l’InVS qui lui a suc-
cédé ont mis en œuvre une évaluation en continu en mettant à
la disposition des hôpitaux des questionnaires à trois volets :
ceux-ci sont à remplir lors de la consultation initiale, puis par
le médecin référent dans les 48 heures, puis un mois et trois
mois plus tard en cas de prophylaxie prescrite. Le taux de retour
des questionnaires à l’Institut de veille sanitaire est inconnu, et
il n’y a pas eu d’évaluation de leur utilisation réelle dans les
hôpitaux. Les données dont on dispose à ce jour concernent
donc l’analyse des questionnaires qui ont été renvoyés à l’InVS.
Par ailleurs, plusieurs enquêtes ont été réalisées auprès des pres-
cripteurs. Il s’agit tout d’abord de deux enquêtes de l’InVS, réa-
lisées en 1997 et 1999, sur l’attitude des praticiens et les pres-
criptions effectivement faites pendant l’année précédente, ainsi