revue de presse

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Deux comédiens face au miroir
Marc Citti signe une comédie douce-amère sur l’envers du décor.
Tandis que sur scène, Hamlet joue son destin, dans leur loge, derrière le rideau,
deux rôles secondaires attendent de faire leur entrée : Edouard, qui joue Horatio,
et Mathieu, cantonné aux "utilités". Un haut-parleur renvoie les échos vibrants
de l’interprète principal, avivant les doutes de l’un, les frustrations de l’autre. Ce
n’est pas le premier texte qui s’intéresse aux coulisses et dévoile les rivalités
entre partenaires, la vie de tournée, les affres du comédien.
Celui-ci, fort bien écrit par Marc Citti, vise particulièrement juste, notamment
lorsqu’il égratigne l’ego démesuré inhérent à la profession, les sensibilités
exacerbées, les petits aménagements pas toujours glorieux avec le métier, et le
malaise, la douleur de l’attente d’un rôle. Les comédiens s’apparentent alors à
des suricates, ces sentinelles du désert "à l’affût alors qu’il n’y a jamais rien qui
arrive". Sans en connaître l’exacte proportion, on devine chez Marc Citti la part
d’autobiographie. N’était-il pas de la distribution du Hamlet mis en scène par
Patrice Chéreau, joué par un acteur prénommé Gérard, comme dans sa pièce? Il
interprète ici un comédien amer et blasé, un peu mythomane, dépité et mal dans
sa vie. Son jeu est vif, souple et acéré. Son partenaire Vincent Deniard lui
oppose la vitalité, l’enthousiasme et l’énergie des débuts. Ils sont comme un
miroir à double face.
Annie Chénieux - leJDD.fr
vendredi 31 octobre 2014
Marc Citti et Vincent Deniard. (Lisa Lesourd)
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Critiques / Théâtre
Le Temps des suricates de Marc Citti
par Gilles Costaz
Deux acteurs dans leur loge
Des comédiens dans une loge. On a déjà vu cela dans L’Habilleur de Ronald Harwood que
jouait Laurent Terzieff et dans pas mal d’autres pièces. L’attente avant d’aller sur scène, c’est
le moment fort par excellence, comme « l’angoisse du gardien de but au moment du penalty »
chère à Handke et Wenders. Marc Citti, grand acteur qui nous est familier depuis la fin des
années 80, a choisi de reprendre cette situation pour sa seconde pièce (après une adaptation
très personnelle de Shakespeare, Kiss Richard). Deux interprètes partagent la même carrée :
ils jouent tous les deux dans Hamlet lors d’une tournée qui, ce soir-là, s’est arrêtée à 0yonnax.
Ils n’ont que des rôles secondaires – l’un d’eux est quand même chargé d’incarner Horatio - ,
mais ils ont plusieurs rôles. Donc ils doivent entrer et sortir, changer et rechanger de costume,
ce qui leur laisse le temps de parler, de s’angoisser et même d’oublier d’entrer en scène. Un
haut-parleur leur indique où en est la représentation, mais ils ne l’écoutent pas toujours. Ils se
rappellent des souvenirs, commentent la mise en scène (une jeune femme aux prétentions
avant-gardistes qui a monté la pièce de travers ! ), se disputent, révèlent peu à peu ce qu’ils
cachent et qui les obsède. Pour l’un, c’est l’amour qu’il porte à l’interprète du rôle d’Ophélie
– mais l’affaire est loin d’être gagnée. Pour l’autre, les projets qui lui permettraient de revenir
en haut de l’affiche, car il est tombé dans un certain anonymat après avoir été l’enfant chéri
du public quand il sortait du Conservatoire. Soudain, un incident se produit en scène. Va-t-il
permettre à ces seconds couteaux du théâtre de changer leur destin ?
Le titre n’est pas très clair : les suricates sont les mangoustes de l’Afrique australe qui, vouées
à l’anxiété, ne cessent de faire le guet dans le désert. Les personnages de Marc Citti
ressemblent à ces animaux attentistes dont l’esprit vit beaucoup hors de l’endroit où ils sont et
se communiquent des frayeurs vraies ou fausses. On ne peut pas ne pas se demander si Citti se
dépeint lui-même dans le personnage de l’acteur passé de la gloire au purgatoire. Lui-même
fut très vite connu quand il termina sa formation non pas au Conservatoire, mais à l’école de
Nanterre-Amandiers que dirigeait Patrice Chéreau. Mais il n’a jamais disparu de l’affiche !
C’est, en tout cas, avec une jolie douceur qu’il traduit la vie des artistes tels qu’ils sont dans
leur immense majorité, sincères, passionnés, amicaux, talentueux, rêveurs (trop rêveurs), peu
employés et le plus souvent à court d’argent. En une heure, comme dans les pages d’une
nouvelle, tout est dit : l’existence de l’acteur s’effectue dans les hauteurs des grands textes et
dans les abîmes d’espoirs toujours reportés et vite remplacés par d’autres espoirs aussi
fragiles. La mise en scène de Benjamin Bellecour dessine l’atmosphère et les rapports entre
les personnages les plus justes qui soient : Bellecour connaît, il est lui-même un acteur habité
par les idéaux du théâtre. Vincent Deniard campe le comédien qui n’a pas l’esprit accordé à
son physique grand et raide, en contraste avec un cœur romantique dans la poitrine. Deniard
le joue dans la fougue et la netteté, avec le sens exact de ce qui est touchant et de ce qui est
comique. Marc Citti, enfin, se charge lui-même d’être le comédien qui se débat dans le creux
de la vague. Il est merveilleusement l’homme qui refuse de vieillir, bascule sans cesse entre la
générosité et le repli sur soi. Ce qu’il exprime aussi, fort bien, et ce que dit en sous-main son
propre texte, c’est que tous ceux qui vivent dans le théâtre et par lui vivent entre l’imaginaire
et la réalité. Ils sont dans ce déséquilibre où il faut sans cesse changer de lucidité. Ce Temps
des suricates est à ajouter à tous les beaux textes qui ont su, avant lui, parler du théâtre au
théâtre.
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LE TEMPS DES SURICATES DU 08/10/2014 AU 31/10/2014 Théâtre des
Béliers Parisiens14 BIS RUE SAINTE ISAURE – 75018 PARIS Publié le 12 octobre 2014 par theatreauvent
De Marc Citti ; mise en scène de Benjamin Bellecour ; avec Marc Citti et Vincent Deniard.
Eh oui, ils ont leur officine dans le gruyère du Bon Dieu. Non, les suricates ne sont pas des souris mais
parait-il, ils se reproduisent dans le désert.
Le désert, c’est un peu le sort de deux comédiens en mal de rôles substantiels qui rêveraient de jouer
Hamlet mais doivent se contenter de rôles « minables ».
Dans la loge d’un théâtre de province, pendant la représentation d’Hamlet, deux comédiens Mathieu et
Edouard parlent du métier et échangent leurs impressions. Mathieu a un côté flagorneur et filou, il
s’amuse à déstabiliser son partenaire beaucoup plus sérieux qui finit par oublier d’entrer en scène.
Tous ces doutes qui assaillent les artistes, oui ça fait partie du métier. Sans pathos et avec pudeur, Marc
CITI exorcise sur scène ces angoisses incontournables du comédien, cela qui est greffé dans sa chair, le
désir de jouer comme si sa vie en dépendait.
Marc CITTI est un drôle d’animal sur scène, une sorte de chat qui fait tournoyer sa queue, il est à la fois
émouvant et drôle. Son partenaire Vincent DENIARD est également très impressionnant dans ce rôle de
comédien mal dans sa peau.
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Les deux ensemble font penser à Laurel et Hardy en plus neutre bien sûr, en raison du contraste entre
leurs personnalités et leurs carrures.
La pièce recèle des rebondissements quelque peu téléphonés mais ça sonne vrai, ça touche l’épiderme et
cela donne tout le sens à cette répartie de comédien « Je l’ai dans la peau » Quoi donc ? « Mon rôle bien
sûr ! ».
De drôles de suricates à découvrir qui savent charmer la scène avec tendresse, avec finesse, juste un grain
de cocasserie, d’épine d’humour.
Paris, le 12 Octobre 2014
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Evelyne Trân
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Le Temps des Suricates de Marc CITTI
Beaucoup de comédiens rêvent de jouer un jour Hamlet (le rôle titre
bien sûr) mais comme pour le Royaume des Cieux, " il y a beaucoup
d'appelés et peu d'élus." Alors on se retrouve comme un suricate en
plein désert, épiant de tous côtés sans rien voir venir. Ce n'est pas
absolument ce qui advient à nos deux comédiens car à défaut
d'avoir la possibilité d'incarner le personnage principal, l'un est
Horatio (quand même !) et l'autre devra il est vrai, se contenter de
multiplier les apparitions dans la pièce. Ce qui crée en cette loge un
climat ... un peu spécial.
Edouard (Vincent Deniard) possède une belle stature et en dépit de
l'évidence ne semble pas être satisfait de son physique. Il faut dire
qu'une critique acerbe l'y a quelque peu aidé. (A ce sujet, nous ne
serons jamais assez conscients des dégâts que les journalistes soidisant spécialisés peuvent commettre.) c'est lui qui joue Horatio
dans la pièce.
- Mathieu (Marc Citti) est son absolu contraire : petit, nerveux et
très extraverti contrairement à son compagnon de loge, il semble
constamment sur la brèche. Insatisfait certes mais conservant,
cultivant " la niaque " comme on dit. Il se plaint souvent mais est
toujours prêt à rebondir.
Que font deux comédiens quand ils attendent le moment de passer
sur scène ? Ils se concentrent, quand ils le peuvent … répètent un
texte qu'ils ne maîtriseront réellement que sur le plateau, lequel
texte semble (le trac aidant) de plus en plus leur échapper et quand
il leur reste du temps, se font des confidences plus ou moins
volontaires.
Comme en toute situation tendue, c'est à la fois drôle voire
carrément comique et un peu dramatique aussi. Par leurs moyens
d'expression différents les deux comédiens se mettent en valeur
l'un l'autre, nous attendrissent, nous font rire, nous émeuvent
parfois. Bref, un seul reproche : c'est trop court car lorsque ça
s'arrête les spectateurs n'ont vraiment pas envie de partir. Pour un
peu - si c'était possible - on crierait " bis "
Simone Alexandre
www.theatrauteurs.com
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La#critique#de#Louise#Pierga#(rédaction#AuBalcon)#:#Mais!si!rappelez+vous…!je!suis!
sûre!que!vous!les!connaissez.!Vous!retenez!jamais!leur!nom!mais!c’est!l’attraction!
numéro!un!au!zoo.!Non!?!Personne!ne!va!au!zoo...?!Bon,!Tim!dans!le!roi!lion!ça!vous!parle!
plus!?!Bah!oui!c’est!ça!un!suricate!!!Sorte!de!ragondin!dressé!le!plus!souvent!sur!ses!
pattes!arrières!la!truffe!aux!aguets,!se!donnant!une!posture!nerveuse!comme!s’il!allait!
être!attaqué!à!tout!moment!alors!qu’il!est!dans!le!désert!et!que!personne!viendra!jamais!
l'embêter!sauf!pour!recomposer!un!parc!naturel!à!10!000!kilomètres!de!là!et!que!des!
gens!comme!moi!puisse!le!regarder!bêtement!à!travers!une!vitre.!
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Mais!ça!c’est!Mathieu!qui!nous!le!rappelle.!!
Dans!cette!pièce!de!Marc!Citti!(qui!interprète!Mathieu),!deux!comédiens!se!retrouvent!
dans!les!coulisses!de!la!pièce!qui!se!joue!au+dessus!d’eux!:!Hamlet.!!
Les!coulisses!d’un!théâtre!pendant!qu’une!pièce!se!joue!sont!un!lieu!fascinant!sur!lequel!
on!a!tous!eu!envie!d’écrire,!de!raconter!comment!on!se!parle!tout!en!écoutant!
l’enchaînement!des!répliques,!comment!on!se!change,!comment!on!se!repose!et!se!
concentre.!Je!parle!bien!sûr!avec!mon!expérience!de!comédienne!qui!me!rend!cette!pièce!
bien!familière!mais!pour!autant,!elle!s'adresse!à!tous!car!cet!espace!de!non+jeu!est!d’une!
tension!aiguë!et!donne!forcément!lieu!à!des!échanges!plus!teintés.!
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En!l’occurrence!Mathieu!et!Édouard!s’en!envoient!de!bonnes.!Édouard!joue!Oratio,!il!a!
donc!un!rôle,!un!beau!rôle,!Mathieu!se!contente!des!petits!rôles,!c’est!moins!gratifiant.!
Acteur!quarantenaire!un!peu!trop!jauni!pour!rester!sur!le!marché!impitoyable!du!
spectacle,!il!se!bat!pour!exister!dans!son!métier!malgré!son!sale!caractère.!C'est!une!
pièce!cruellement!réaliste!qui!se!moque!avec!une!certaine!tendresse!du!caractère!vain!
de!la!profession!d’acteur,!injuste!le!plus!souvent!nous!mettant!face!à!notre!propre!
narcissisme!et!notre!vanité.!Car!on!n’est!pas!toujours!Alain!Delon!et!la!plupart!des!
comédiens!se!partagent!les!quelques!miettes!restantes!du!gâteau.!Le!texte!est!
néanmoins!très!drôle!et!ne!sombre!jamais!dans!ce!désespoir!pathétique,!au!contraire!il!y!
a!une!naïveté!joyeuse!dans!ces!déceptions!et!ces!fantasmes!que!vivent!ces!comédiens.!!
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Dans!une!mise!en!scène!simple!et!plaisante!on!a!le!sentiment!de!regarder!par!le!trou!de!
la!serrure!ce!qui!se!passe!dans!ce!moment!sacré.!Puis!une!opportunité!tombe!:!
l'interprète!de!Hamlet!fait!un!malaise.!Pas!de!scrupules!c'est!une!chance!à!saisir,!en!fin!
de!compte!la!réussite!de!chacun!dépend!d’un!bon!moment!à!ne!pas!rater!et!les!
convenances!morales,!on!s'en!fiche!pas!mal.!
Le!temps!des!suricates!c'est!ce!moment!où!les!comédiens!attendent!dans!le!désert!
professionnel!qu'il!leur!arrive!quelque!chose,!et!peut!être!si!la!chance!tombe!seront+ils!
comme!les!suricates!projetés!dans!un!joli!zoo!à!pouvoir!interpréter!le!rôle!de!leur!vie.!
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A!peine!une!heure,!cette!pièce!divinement!bien!joué!par!Marc!Citti!et!Vincent!Deniard,!se!
consomme!comme!un!délicieux!bonbon!un!poil!amer!mais!dont!la!forme!nous!fait!bien!
rire.!
Deux comédiens partagent la même loge lors d’une mise en
scène de Hamlet. L’un est jeune, enthousiaste et appliqué.
Il joue Horatio (Vincent Deniard), un rôle-clé ; l’autre
passe d’un personnage insignifiant à un autre. Il est plus
âgé et amer. La comédie est mélancolique et cruelle. Elle
révèle la situation difficile des « intermittents » (est-ce le
fait que le suricate peut survivre en mangeant un seul
insecte dans l’année qui explique le titre ?) et brosse un
portrait caustique du comédien, submergé par un ego
fréquemment blessé. Le texte de Marc Citti sonne souvent
juste, le duo de comédiens n’est pas mauvais. C'est parfois
amusant mais tout cela est un peu court !
Sylviane Bernard-Gresh
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Thierry!de!Fages!
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Le Temps des Suricates
Le Temps des Suricates - Théâtre des Béliers parisiens
Avec un certain humour teinté de mélancolie, Le Temps des Suricates surfe vers
les déambulations psychologiques de deux comédiens (Mathieu et Edouard), qui
échoués dans leur loge se prêtent au jeu libre des confidences le temps d’une
représentation du spectacle Hamlet. Dans Le Temps des Suricates, espoir,
désillusion, petites joies et frustrations bouillonnent sous l’ombre du grand
Shakespeare dans un va-et-vient permanent entre la scène et les coulisses. Dans
la pièce de Marc Citti, Edouard (Horatio) et Mathieu (un garde) sont deux
comédiens de temps actuels, galérant entre cachets riquiqui et longues tournées
provinciales. Coincés entre mal de vivre et attente d’une improbable
reconnaissance, leur identité artistique nous est suggérée sous l’angle intéressant
de la routine du quotidien et de la déréalisation qu’elle secrète. Ainsi, dans un
dialogue improbable et cocasse, la fragilité de Mathieu nous est suggérée dans
une rencontre virtuelle avec un Pierre Arditi, esquissé sous les traits d’un grand
manitou de hautes destinées théâtrales. Boostée par la mise en scène de
Benjamin Bellecour et une subtile création scénographique/lumières, cette
pièce originale - qui lorgne vers des thèmes comme la religion, l’amitié ou
l’opportunisme - laisse deviner au spectateur l’intimité d’un univers de théâtre.!
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L’envers du décor judicieusement pensé par
Marc Citti
hierautheatre / Il y a 7 heures
Qui n’a pas rêvé de s’immiscer dans les coulisses d’un spectacle, au moment fébrile où certains acteurs
patientent dans les loges tandis que d’autres brûlent les planches ? Le Temps des suricates de Marc Citti propose
de pénétrer dans le monde impitoyable du théâtre et donne la parole aux « laissés pour compte », aux acteurs de
second rang, amers et pourtant encore et toujours dans l’expectative. Accompagné sur scène par l’imposant et
tendre Vincent Deniard, l’auteur offre un dialogue savoureux et pertinent sur le métier de comédien. La mise en
scène sans chichis de Benjamin Bellecour offre une porte d’accès soignée et plutôt limpide dans cet univers
tortueux et enrichissant malgré quelques zones confuses. Rendez-vous aux Béliers Parisiens pour cette
sympathique mise en capsule.
Matthieu et Édouard triment. Rien de moins. Dans la petite ville de province d’Oyonnax, ces acteurs de l’ombre
cantonnés aux petits rôles attendent dans leur loge de pouvoir jouer sur scène. Ce cocon apparemment sécurisé et
protecteur laisse filtrer les échos de la représentation d’Hamlet retransmise en direct dans des hauts-parleurs. Le
tandem se lance alors dans une série de confessions, mi-douces, mi-mordantes.
La pièce de Marc Citti aborde sous un angle inhabituel et audacieux la question des « troisièmes » rôles au
théâtre. Donnant la parole à ces exclus paradoxaux, il porte un regard lucide et violent sur le fonctionnement
d’une troupe avec ses coups bas, son égoïsme mais aussi sa camaraderie. Le Temps des suricates offre d’ailleurs
un portrait contrasté de l’entraide entre ces deux oubliés. Comme bien souvent dans les pièces pour deux
comédiens, l’alchimie du jeu repose sur l’antagonisme des deux rôles : Vincent Deniard incarne un Édouard
fougueux mais peu sûr de lui, maladroit dans sa carrure géante mais possédé par le démon du théâtre. Le
physique de nounours de l’acteur, intégré dans l’écriture même du spectacle, inspire à la fois de la bonhomie et
de la crainte. Par contraste, Marc Citti déroule habilement son jeu en Matthieu cynique et blasé, atterrissant dans
des téléfilms ringards pour joindre les deux bouts. Alcoolique et mauvais caractère, il a laissé passé des
opportunités majeures dans sa carrière et se laisse aller. La dynamique mentor/élève semble sans cesse s’inverser
et impose son rythme au sein de la représentation.
Cependant, la pièce perd de son impact lorsque le tandem se met à endosser le costume d’autres personnages.
Les analepses (la conversation entre Édouard et sa mère morte) et prolepses (la discussion finale entre Matthieu
et sa fille) s’insèrent assez maladroitement dans le dialogue entre les deux acteurs et du coup contribuent à faire
perdre en efficacité le tempo du spectacle. Ce changement brutal de focale désoriente et se concrétise
confusément sur scène.
Malgré ces aires d’ombre, Le Temps des suricates mérite le déplacement tant par la complicité des deux acteurs
que par la perspicacité de Marc Citti à se pencher sur le sort de deux comédiens à l’abandon mais finalement
unis par leur amour du plateau. ♥ ♥ ♥
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Où sortir » Cinéma/théâtre »
Le temps des suricates, l’envers du décor !
écrit par Laura Madar • Vendredi 24 octobre 2014 •
Qui ne s’est jamais posé la questions de ce qu’il peut bien se passer en loge en
attendant son tour d’arriver sur scène ? Mathieu et Edouard répondent à cette
question existentielle aux Beliers Parisiens, en ce moment même !
C’est vrai ça, si on ne l’a jamais expérimenté, comment savoir ce que font les comédiens en attendant leur tour ?
Concentration est le mot d’ordre, ou c’est la débandade à n’y plus rien comprendre ? Y a-t-il une loge pour
chaque comédien, ou tout le monde dans la même pièce ? Ou les premiers rôles ensembles, et les petits rôles
ailleurs ? Évidemment, ça dépend des cas de figures, mais aux Beliers Parisiens, ça se passe comme ça.
Dans la loge des petits rôles. Marc Citti est Mathieu (et l’auteur de la pièce, par la même occasion), comédien
qui aurait pu faire une grande carrière, mais à cause de ses trop nombreux défauts à échouer lamentablement.
Malheureux et amer, il est en tournée dans Hamlet, où il joue plusieurs petits rôles avec quelques répliques par-ci
par-là. Il partage sa loge avec son copain Edouard, Vincent Deniard. Edouard est plus doux et prend bien plus au
sérieux son travail. C’est-à-dire qu’il a un rôle beaucoup plus présent : il joue Horatio. Mais le pauvre Edouard
est peu sûr de lui et se laisse déconcentrer par Mathieu qui prend un malin plaisir à le critiquer… Et quand
Mathieu n’a plus de salive, on a affaire à ces moments latents où plus rien ne se passe, où on commence à
ranimer les personnes du passé, se faire visiter par celles du futur, ou encore laisser son indépendance à notre
reflet. C’est ça être comédien : être plusieurs dans sa tête, dans son corps.
Ces deux comédiens ici en loge, nous montrent ce qu’on n’a pas l’habitude de voir, ce que certains oublient trop
souvent malheureusement : la galère d’un métier qui procure tellement de bonheur quand ça marche qu’on
continue
à
le
faire
même
quand
ça
marche
pas.
Avec un texte intelligemment écrit et cette idée originale qui intéressera forcément les novices et amusera les
habitués, ces deux comédiens qui jouent des comédiens, nous montrent la difficulté du métier, dans un contexte
drolatique qui laisse une atmosphère légère et sympa. A l’écoute, dynamiques, drôles, ces deux petits (enfin un
petit et l’autre très très grand) suricates ont besoin l’un de l’autre, de ce métier de dingue, de (se) faire des films,
pour survivre.
Derrière eux, les tuyaux de la salle, visibles, qui rajoutent une touche de réel à ce revers de décor. Devant eux,
nous, public, dans la loge avec eux, entre les portants. On les regarde en souriant et on passe un très agréable
moment.
Le temps des suricates
De Marc Citti
Mise en scène de Benjamin Bellecour
Du 1er octobre au 2 janvier
Les mercredis, jeudis et vendredis à 19h
Tarifs : de 10 à 27 €
Les Béliers Parisiens
14 Rue Sainte-Isaure 75018
01 42 62 35 00
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Publié le lundi 13 octobre 2014 à 00:00
"Le Temps des suricates" : un duo
truculent aux Béliers Parisiens
Dans la loge d'un théâtre de province, Mathieu et Edouard attendent. Rôles mineurs (voire de figuration) dans
Hamlet, ils patientent tandis qu'un haut parleur leur retransmet ce qui se passe sur scène. Complices de ces
instants qui les ramènent à une carrière qui n'est pas celle dont ils rêvaient, cette soirée un peu spéciale va être le
prétexte à quelques scènes d'introspection et de rire, entre flashbacks, reproches, rêves et espoirs...
L'idée est originale : traiter le temps d'une représentation des frustrations et des désirs de comédiens de seconde
zone qui ne savent rien faire d'autre que jouer et qui pourtant stagnent dans des rôles qui leur laissent peu de
place pour s'exprimer.
Mais Le Temps des suricates ne s'arrête pas là et profite des quelques moments où les deux comédiens se
succèdent sur le plateau pour mettre en scène dans la loge quelques instants qui nous permettent de à voyager à
travers leur histoire et leur imaginaire. Entre les scènes de castings idéalisées, les miroirs qui prennent vie, les
pastilles biographiques et la réalité du plateau à gérer, le duo, qui brille par son antagonisme burlesque, se
chamaille, se déconcentre et se confie.
La partition composée par Marc Citti est drôle et efficace, le tandem de comédien est truculent et la mise en
scène est suffisamment ingénieuse pour jongler d'une séquence à l'autre sans jamais nous perdre. 60 minutes
seulement, c'est le seule reproche qu'on pourra faire au Temps des suricates qu'il faut aller découvrir au Théâtre
des Béliers Parisiens.
Le Temps des suricates de Marc Citti, mise en scène de Benjamin Bellecour, avec Marc Citti et Vincent Deniard
au Théâtre des Béliers Parisiens, du 1er octobre 2014 au 2 janvier 2015, mercredi, jeudi et vendredi à 19h00.
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Le#Temps#des#suricates!de!Marc!Citti!!
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Les#acteurs,#ces#beaux#rêveurs#
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Par!!
Delphine Kilhoffer
–!Posted!on!25/10/2014Classé&dans&:&Critiques!
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Jusqu’au 2 janvier 2015, théâtre des Béliers parisiens
Mathieu et Édouard partent en tournée en province pour jouer Hamlet, pièce dans laquelle ils ont tous
deux des petits rôles. Ce soir, ils sont à Oyonnax ; demain ce sera Colmar. Dans les coulisses, ils écoutent
le haut-parleur qui leur permet de suivre ce qui se passe en salle pour caler leurs entrées sur scène.
Durant l’attente, au fil des discussions la monotonie de leur existence reprend le dessus : des carrières
sans envergure, des vies sentimentales qui s’effilochent… Qui sont les acteurs une fois quitté le feu des
projecteurs ? Des hommes comme les autres qui se débattent avec leurs problèmes tout en s’accrochant à
un rêve – jouer.
Mathieu respire l’amertume de ceux qui n’ont pas rencontré le succès qu’ils espéraient. Édouard, plus jeune,
moins aigri, croit toujours au pouvoir du théâtre, à l’engagement de l’acteur, même s’il doute sérieusement d’être
lui-même un « grand ». Ces deux hommes face à leurs aspirations déçues se chamaillent comme un vieux couple
– être en tournée en partageant une loge, c’est un peu comme vivre ensemble.
Le Temps des suricates joue sur un mélange d’humour et d’émotions ainsi que sur la curiosité des spectateurs
pour les coulisses du théâtre. Le résultat fonctionne de par la sincérité évidente de la démarche et la qualité de
l’interprétation, mais ne décolle pas tout à fait à cause de sa prévisibilité. Nos deux protagonistes, ces « petits »,
sont touchants, alors que la star qui joue Hamlet est un caractériel peu sympathique, la jeune première est volage
et la metteure en scène tyrannique avec le gentil Édouard… Difficile de ne pas trouver un air de clichés à ces
portraits, d’autant plus que le texte comme la mise en scène se contentent d’un état des lieux sans que les
personnages n’aient l’occasion d’évoluer.
Un problème que l’on retrouve avec l’apparition dans les miroirs de la loge des reflets des deux comédiens,
reflets qui prennent vie et se mettent à parler. L’idée est jolie, mais mal exploitée en termes de narration : ces
interventions n’apportent ni une meilleure connaissance des personnages, ni une folie assez grande pour
vraiment nous emmener au-delà de la situation présentée. Un peu plus d’innovation aurait été bienvenue et aurait
donné une dimension plus forte au Temps des suricates.
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Le Temps des Suricates
L'exercice du jeu
Par Clémence ROBUCHON
Publié le 14 octobre 2014
Pièce métathéâtrale aux confins de l’absurde, la dernière création de Marc Citti réussit l’impensable: mener une
vraie réflexion sur le théâtre et la condition d’acteur par le biais d’une histoire mêlant subtile mélancolie et
furieux accès d’hilarité.
Edouard et Mathieu attendent désespérément leur tour avant de monter sur scène. Un haut-parleur de retour leur
permet de garder le fil de la représentation. Ce soir, on joue Hamlet à Oyonnax, petite ville de l’Ain plus connue
pour son équipe de rugby et son musée du peigne que pour son amour du théâtre. Demain, rebelotte à Colmar.
Si Edouard a le privilège d’incarner Horatio, fidèle compagnon du prince du Danemark, Mathieu enchaîne les
petits rôles insignifiants, plus figurant que véritable interprète. Tels des suricates, ils restent aux aguets dans
l’espoir d’un rebond dans leur quotidien. Mais, tels des suricates, c’est dans un désert à perte de vue qu’ils
attendent en vain.
Leur carrière d’acteurs piétine. Mathieu, qui a commencé au cinéma, s’est vu progressivement attribuer de petits
rôles à la télévision avant de finir sur les planches. Si le théâtre représente pour lui la déchéance ultime, il
s’acharne à surestimer ses capacités et ne perd pas l’espoir de voir un jour son nom en haut de l’affiche.
Quant à Edouard, éternel mélancolique de ce moment où on l’acclamait pour son rôle à l’école primaire dans une
pièce de Ionesco, il doit lui aussi faire face au fiasco de sa vie professionnelle alors que tout le monde lui
prédisait un avenir étincelant. Peu sûr de lui, il ne cesse de demander à ses partenaires d’évaluer la qualité de ses
prestations. Entre divorce, alcoolisme et timidité maladive, leurs vies personnelles ne sont guère plus reluisantes.
« Petite fugue drolatique et mélancolique »
Face à ce constat déprimant, le rire exorcise. Enchaînant quiproquos, crises d’ego et de jalousie excessive, les
deux personnages du Temps des Suricates nous entrainent dans leurs mésaventures avec humour et finesse.
« Je fais le plein de médiocrité, j’emmagasine » s’exclame Edouard lors d'un débat enflammé sur la force
créative de l’existence. Bien souvent, ils divaguent, se parlant à eux-mêmes ou s’inventant une vie différente de
celle qu’ils semblent combattre sans trop de conviction, toujours en insufflant l’ironie nécessaire pour abolir le
premier degré.
Après Kiss Richard, adapté de Richard III et joué au festival d’Avignon en 2013, Marc Citti présente ici sa
deuxième création. Qualifiant lui-même sa pièce de « petite fugue drolatique et mélancolique », il a confié la
mise en scène à Benjamin Bellecour, producteur du Porteur d’Histoire et du Cercle des Illusionnistes d’Alexis
Michalik.
Toujours dans le sillage de l’oeuvre de Shakespeare, il développe un métathéâtre intelligent en écho au theatrum
mundi du grand dramaturge britannique. L’inversion de l’espace scénique et des coulisses se révèle alors
particulièrement pertinente. Parce que la vie est un jeu, et le monde est un théâtre …
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"Le temps des Suricates" Une pièce de Marc Citti
- Mise en scène Benjamin Bellecour
dimanche 26 octobre 2014
Les suricates sont des mammifères qui vivent dans le désert. L’image qu’on en a est celle de petits animaux
dressés en appui sur leurs pattes-arrières, en position de sentinelles.
L’inquiétude constante que manifeste l’animal rejoint-elle celle des deux personnages de la pièce de Marc Citti,
comédiens de troisième ordre toujours sur le qui-vive, réduits pour survivre à accepter tout ce qui se présente,
hallebardiers au théâtre, figuration an cinéma ou petits rôles à la télévision ?
Pour l’instant, Mathieu et Edouard, compagnons de galère, interviennent dans un "Hamlet" sans panache, en
tournée dans des petites villes de la France profonde. L’un tient le rôle d’Horacio et l’autre, interprète pour de
brèves apparitions, plusieurs silhouettes de la pièce. Entre deux entrées en scène, ils ont tout le temps de parler
de leur métier, de chercher à situer le moment où ils ont raté le coche pour une carrière plus honorable, de faire
le point et de répéter le court texte d’une panouille pour la télé.
S’ils sont différents – l’un est un géant à qui l’on ne propose que des rôles de videur ou de méchant et l’autre est
un gringalet malicieux – ils ont en commun la poisse, l’inquiétude du lendemain, les problèmes d’argent et le
regret d’être passés à côté de la seule chose qu’ils sachent faire : jouer la comédie.
C’est leur imagination qui va les sortir du désespoir, de la routine en les faisant basculer dans une fantasmagorie
salvatrice. Leurs reflets dans les miroirs gagneront leur propre autonomie et la loge se retrouvera hantée par les
fantômes du passé et des créatures d’un futur possible.
Marc Citti qui fut élève de Patrice Chéreau à l’Ecole de Nanterre Amandiers, a écrit sur un sujet brûlant qu’il
connaît bien, un texte à la fois drôle, poétique, pathétique. Son interprétation aussi espiègle que grave, qui puise
dans tous les registres de la comédie, dans toutes les nuances de jeu, est en contraste parfait avec celle de
Vincent Deniard qui apparaît en géant bougon, placide et pétri de générosité.
Au lieu de sentiments d’amertume, de regrets, d’un constat négatif, "Le temps des suricates" traîne à ses
basques, sur le sujet de la précarité des comédiens, une sorte d’optimisme.
Voilà l’occasion rêvée pour découvrir "Le Théâtre des Béliers Parisiens", un lieu chaleureux, vaste, de bon goût
et très confortable.
Francis Dubois
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Le temps des suricates
le 03/10/2014 au théâtre des Béliers,
14bis rue Saint Isaure 75018 Paris (du
mercredi au vendredi à 19h)
Mise en scène de Benjamin Bellecour avec
Vincent Deniard et Marc Citti écrit par Marc Citti
Mathieu et Edouard sont 2 petits rôles dans le
spectacle d'Hamlet donné dans une petite ville de
province, où se trouve le musée du peigne ! Marc Citti
et Vincent Deniard jouent avec drôlerie et mélancolie
cette pièce écrite justement par Marc Citti. Nombreuses
allées et venues de leur loge à la scène, scène
d’ailleurs que nous ne verrons jamais puisque nous
sommes dans le secret des coulisses. Seul le haut-parleur de retour nous permet
d'entendre ce qui se passe sur scène.
Situation amusante pour le public que celle de se trouver non pas face au décor, mais
face à son envers pendant une heure ! Le temps passe d'ailleurs trop vite, d’autant
que ses 2 comédiens se donnent sans compter et nous entraînent dans un rythme
effréné ainsi que dans leurs délires. Pourquoi "le temps des suricates" ? Et pourquoi
pas ? Ces petits animaux qui vivent en colonie et qui hors du groupe sont voués à une
mort quasi-certaine, ne seraient-ils pas semblables à des comédiens qui hors de leur
troupe seraient eux aussi perdus et "mourraient" d'ennui sans la grande famille qu’est
le théâtre?
Souhaitons à ces 2 comédiens et à toute l'équipe, le même succès que celui de la pièce
aux 3 Molières, "le Cercle des Illusionnistes", que propose également le théâtre des
Béliers parisiens. On rit donc beaucoup chez les "suricates", dans une mise en scène
très enlevée de Benjamin Bellecour. C'est presque du café-théâtre et sans doute Marc
Citti a-t-il choisi la pièce d'"Hamlet" en souvenir de son passage en 1989 au théâtre
des Amandiers avec Patrice Chéreau.
P.S. : A découvrir la pièce comme le théâtre, situé dans le 18ème arrondissement,
dans la rue qui répond au joli nom de Saint Isaure ...
L.BV
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Le Temps des Suricates, de Marc Citti. Mise en scène de Benjamin Bellecour. Avec Vincent Deniard et
Marc Citti. Théâtre des Béliers Parisiens (18e). A partir du 1er octobre 2014.
Hamlet, côté loge et coulisses. Deux laissés-pour-compte de la célébrité y
mitonnent leurs frustrations diverses, entre leurs brèves apparitions sur scène.
Mathieu n’a pas su, en son temps, s’accrocher au train d’une gloire entrevue.
Avec son grand corps encombré de lui-même, Edouard a beau être « soyeux », il
peine à se dépétrer de sa timidité, de ses doutes, d’un passé de persécution
infuse. Celui-ci s’évertue, celui-là persifle. Les tirades d’Hamlet s’égrènent en
off, les deux seconds rôles tendent une oreille plus ou moins attentive, partent
pour leurs apparitions de faire-valoir, ratent parfois l’entrée en scène… Par une
complexe mise en abîme des espaces, échecs, désillusions, forfanteries, amours
déçues s’emboîtent entre la lumière crue des spots et le clair-obscur des
souvenirs et des espoirs fugaces. Les costumes s’emmêlent, les fantômes
commentent, le ridicule de la mise en scène en filigrane allège le drame qui
menace. Les larmes et l’irréparable ne sont jamais loin, mais il demeure, au
creux de cette arène de la médiocrité et de l’amertume, une trame de vraie
solidarité. Tel est aussi et surtout le miracle du théâtre, l’au-delà du miroir qui
rend le jeu palpable et dédouble les imaginaires. L’œil écoute, les suricates
veillent.
Annick Drogou
Sapho chante Léo Ferré
LE TEMPS DES SURICATES
Théâtre des Béliers Parisiens (Paris) octobre 2014
Comédie de Marc Citti, mise en scène de Benjamin
Bellecour, avec Vincent Deniard et Marc Citti.
Comédien passé à l'écriture, Marc Citti a opté pour un sujet qui
lui est familier, celui de l'envers du décor. Ainsi a-t-il créé
Mathieu, un avatar de papier qui, sous la direction d'une
tyrannique metteuse en scène prénommé Nina, répétait le rôletitre de "Richard III".
Dans ce seul en scène intitulé "Kiss Richard", il levait le voile,
de manière humoristique, sur le "mystère" de la création
théâtrale et les affres des répétitions.
Ce personnage reprend du service dans "Le temps des suricates" qui invite le
spectateur dans les coulisses et, plus précisément dans la loge que celui-ci, qui joue
toujours Shakespeare mais un "Hamlet" dispensé au cours d'une médiocre tournée
de "grands ducs", partage avec avec un "collègue".
Au menu, entre allers-retours sur scène, les échanges conversationnels concernent
le quotidien des comédiens laborieux dont le nom ne brillera jamais en haut de
l'affiche taraudés par l'incertitude du lendemain et ses contrats aléatoires, d'où la
métaphore avec l'attitude du petit mammifère surnommé la sentinelle du désert,
assortis de médisances professionnelles qui révèlent les frustrations et de
confrontations dérisoires alimentées par les susceptibilités d'ego.
La partition est émaillées de soliloques existentiels : doutes et pragmatisme pour
Edouard, acteur sans talent ni charisme, qui s'interroge sinon sur sa vocation du
moins que le choix de ce métier, désenchantement pour Mathieu, comédien qui a
suivi la voie royale du comédien passant par le Conservatoire national supérieur
d'art dramatique, "rétrogradé" au rang d'artiste de complément cantonné aux utilités.
Benjamin Bellecour met en scène sobrement cette aimable satire des "théâtreux"
qui repose sur le principe du duo clownesque et officie dans le registre tragicomique.
Vincent Deniard prête son imposant gabarit et son jeu placide à l'indolent Edouard
face au "petit" vif-argent Marc Citti qui campe efficacement le comédien qui, s'il tire
le diable par la queue, court vainement deux lièvres à la fois et sacrifie sa vie de
famille à une improbable carrière, croit encore que le meilleur est, peut-être, à venir.
MM
www.froggydelight.com
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On a tous craqué un jour devant des photos de suricates, ces sentinelles du désert qui, dressés sur leurs
pattes, tout frémissants, semblent interroger les mystères du désert. Les suricates sont aussi des animaux
sociaux vivant au sein d’une même colonie. Hors du groupe, dit-on, ils sont voués à une mort quasi
certaine.
Oyonnax, son musée du peigne…Oyonnax accueille ce soir en tournée une représentation d’Hamlet… Des
lumières du théâtre, des décors, des beaux costumes, on ne verra rien. Si ce n’est en écho et par ricochet, par le
truchement d’un haut-parleur dans une loge minable où Mathieu et Édouard attendent leur tour d’entrer en scène.
Ces deux-là ne savent que jouer, faire l’acteur et comme les suricates, hors de ce milieu, c’est sûr, s’ils ne
pouvaient plus jouer ils en mourraient… peut-être… Pour eux, tout se passe par procuration ; acteurs de
complément, ils passent leur temps à attendre dans la loge que leur tour de passer sur scène arrive. Et pourtant ils
continuent d’espérer et de se dire que le grand soir ne manquera pas de venir.
Mathieu, qui tourne en rond dans son métier de comédien et dans sa vie, scrute en vain un horizon de plus en
plus vide d’espérance. Face à lui, Édouard se raccroche désespérément à son rôle d’Horatio dans Hamlet,
espérant enfin que sa chance n’est pas loin. Ils n’ont cependant aucune illusion : ils jouent dans la même pièce,
mais ils n’appartiennent pas au monde des acteurs-vedettes qu’ils ne font que croiser et qui ne les remarquent
même pas.
Comédiens en réflexion
Coloration mélancolique, humour grinçant pour cette seconde pièce de Marc Citti. Jouant sur le flash-back, le
souvenir, ancrant son propos sur l’envers du décor, il nous permet de regarder par le trou de la serrure et nous
dévoile ce que les acteurs masquent sous de la pudeur ou de la vantardise. Le rire n’occulte pas l’incertitude d’un
métier aux contours jamais définis et la peur que tout s’arrête. En se racontant, en se disputant, Mathieu et
Édouard font surgir les fantômes du passé et la douleur des opportunités ratées.
Dans un décor sans relief composé de deux chaises, de deux miroirs mal éclairés et sur un plateau baigné d’une
lumière blafarde, la mise en scène de Benjamin Bellcour joue sur la fantasmagorie de cette loge qui devient le
centre d’une pièce “en négatif”. Avec le retour par haut-parleur qui crée une distance entre la scène et la
coulisse, vue de ce côté-ci, la pièce qui se passe de l’autre côté de la scène se déréalise et devient à son tour un
objet de fantasme.
Jouant sur leur opposition physique, les deux acteurs se complètent et se repoussent tout à la fois. Virevoltant,
cachant sa détresse sous une avalanche de paroles, Marc Citti joue un Mathieu qui danse au bord du gouffre
qu’est devenue sa vie. Face à lui, Vincent Deniard, tout en muscles et impressionnant par la taille, révèle
timidement la pudeur, la sensibilité et la profondeur des blessures d’Édouard.
Lorsqu’elle se termine, la pièce laisse une drôle d’impression, comme le goût amer des illusions perdues.
Pourtant, les confidences de Mathieu et Édouard, même en ternissant l’image glamour du métier d’acteur, nous
laissent aussi entrevoir la part d’enfance intacte, irréductible et encombrante qui, au-delà des déceptions et des
rendez-vous manqués, anime tout artiste pour lui permettre de continuer.
Dany!Toubiana!
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