Stratégie thérapeutique
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n°4, août 1998
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a publication des résultats du DCCT
(Diabetes complication and control
trial) (1) a ouvert une ère nouvelle dans la
conception de l’insulinothérapie. Les
objectifs thérapeutiques d’un jeune diabé-
tique traité par insuline sont maintenant
clairement définis : maintenir la valeur de
l’hémoglobine glyquée (HbA1c) en perma-
nence à moins de 7,5 %. Cela nécessite,
dans la plupart des cas, des schémas d’in-
sulinothérapie comportant 3 ou 4 injections
quotidiennes d’insuline, ou une insulino-
thérapie par perfusion sous-cutanée conti-
nue. Dans la plupart des schémas utilisés,
une ou deux des injections quotidiennes
comportent un mélange d’insuline (insuline
ordinaire et intermédiaire ou insuline ordi-
naire et lente).
Hypoglycémies
et traitement intensif
Les hypoglycémies sont souvent présentées
au patient comme le prix nécessaire à payer
lorsqu’on cherche un bon contrôle métabo-
lique. En dehors des hypoglycémies liées à
des facteurs évidents, erreur de dose, ali-
mentation insuffisante, activité physique
majorée, levée de résistance à l’action de
l’insuline après épisode infectieux ou
stress, injection dans la cuisse avant un foo-
ting..., beaucoup d’hypoglycémies ne trou-
vent pas d’explication rationnelle. Une par-
tie d’entre elles sont probablement la
conséquence des propriétés cinétiques des
insulines injectées : latence d’action après
injection, profil d’efficacité différent du
profil théorique (l’insuline ordinaire injec-
tée à forte dose prend le comportement
d’une insuline intermédiaire), variabilité
dans la vitesse de résorption de l’insuline
pas uniquement liée à des facteurs classi-
quement décrits (profondeur et site de l’in-
jection).
La latence d’action de l’insuline rapide
après injection sous-cutanée est une cause
assez commune d’hypoglycémie à distance
des repas, et il s’avère, de fait, que la plupart
des patients ne respectent pas un délai suffi-
sant entre l’injection d’insuline et le repas.
C’est dans ce contexte que les industriels
ont cherché à mettre au point deux types
d’insuline : d’une part une insuline inter-
médiaire ou lente, dont le profil d’action
serait plus reproductible d’un jour à l’autre,
avec des taux plasmatiques stables sur des
périodes de temps définies, d’autre part des
insuline d’action rapide. À ce jour, aucune
molécule d’action prolongée n’a dépassé le
stade d’essais cliniques de phase 1.
L’un des facteurs retardant l’action de l’in-
suline après injection sous-cutanée est la
capacité qu’ont les molécules d’insuline de
former des dimères qui, en présence de
zinc, forment des hexamères. La barrière
capillaire étant imperméable aux hexa-
mères d’insuline, le temps nécessaire au
passage dans la circulation sanguine après
injection sous-cutanée d’insuline est celui
nécessaire à la dissolution des hexamères.
Lorsque les techniques de production d’in-
suline recombinante se sont largement dif-
fusées, une série d’analogues de l’insuline
ont été testés. Les expérimentateurs ont
essentiellement cherché à produire des ana-
logues ayant perdu la possibilité de former
des dimères, sans altération de la capacité à
activer le récepteur de l’insuline. De nom-
breuses molécules ont été testées, seule
une, à ce jour, est commercialisée. L’étude
d’un autre analogue a été arrêtée en phase 1
d’essais thérapeutiques, le produit s’étant
avéré carcinogène chez le rat.
Analogue lispro
L’analogue de l’insuline lispro, commer-
cialisé en France sous le nom de Humalog®,
est disponible en France depuis l’automne
1997 (2-3).
L’analogue lispro a une structure identique
à celle de l’insuline ordinaire, excepté le
fait que la séquence proline-lysine en posi-
tion 28-29 de la chaîne B a été inversée.
Cette modification de séquence altère la
capacité de la molécule à former des
dimères, sans altérer sa capacité à se lier au
récepteur de l’insuline. L’affinité de l’ana-
logue lispro pour le récepteur de l’insuline
est comparable à celle de l’insuline.
L’analogue a une affinité un peu supérieure
à celle de l’insuline pour le récepteur de
l’IGF1, mais celle-ci est faible, moins de
0,1 % de celle de l’IGF1.
La biodisponibilité de l’analogue de l’insu-
line lispro après injection sous-cutanée est
comparable à celle de l’insuline ordinaire.
Le pic d’insulinémie est plus précoce
(30-90 minutes versus 50-120) et plus court
que celui obtenu après injection d’insuline
ordinaire. Les caractéristiques cinétiques ne
dépendent pas de la dose, à la différence de
ce qui est observé pour l’insuline ordinaire,
Place de l’insuline lispro
dans le traitement du diabète
É. Larger*
*Service d’endocrinologie, hôpital Bichat, 75018 Paris.
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