A C T U A L I T É S C O N GR È 2e mini-colloque international de biologie prospective : gènes candidats de risque cardiovasculaire et implications thérapeutiques (Nancy, 22-23 mars 1999) S. Bernard* L es maladies cardiovasculaires sont des pathologies multifactorielles pour lesquelles les interactions entre gènes et environnement sont importantes à connaître. La part de l’influence de la génétique dans ces affections mérite d’être précisée et étudiée. Les gènes impliqués dans le métabolisme lipidique, la croissance des cellules bordant les vaisseaux, le développement de la matrice extracellulaire, les phénomènes de thrombose et de coagulation, l’inflammation et dans bien d’autres mécanismes, doivent être évalués comme des gènes candidats de risque cardiovasculaire. De nombreux polymorphismes ont été décrits, qui entraînent des variations dans l’effet de ces gènes ou des associations plus ou moins fortes avec ces pathologies. Ce deuxième colloque international de biologie prospective a fait le point sur les avancées technologiques dans le domaine de la biologie moléculaire appliquée au déterminisme génétique des maladies cardiovasculaires. La recherche s’oriente vers une optimisation technologique permettant d’augmenter le nombre d’échantillons ou de polymorphismes explorés de façon simultanée, et de diminuer le volume des échantillons ainsi que le temps de manipulation. * Service d’endocrinologie et des maladies de la nutrition, hôpital de l’Antiquaille, Lyon. Ce mini-colloque était structuré en trois parties : • D’abord, il y eut un rappel des techniques utilisées pour extraire et conserver l’ADN, mesurer les polymorphismes et évaluer leurs effets sur des modèles cellulaires ou des animaux transgéniques. • Puis, des exemples de polymorphismes intéressants ont été présentés au cours de sessions de communications plus spécialisées (hématologie, métabolisme lipidique, effet de l’environnement, en particulier de l’alimentation). • Enfin, un dernier volet avait pour objectif de relier ces polymorphismes à la thérapeutique et au domaine en plein développement de la pharmacogénomique. Ce mini-colloque a rassemblé des chercheurs de quinze pays différents, des industriels et des étudiants en thèse. Les progrès technologiques : quelques exemples Détection de mutations inconnues L’équipe du Dr Hanash (University of Michigan Medical Center) a mis au point une technologie permettant de détecter à large échelle et de façon simultanée des variations génétiques et épigénétiques au sein de l’ADN génomique, grâce à l’analyse 85 informatique des fragments de restriction séparés par électrophorèse bidimensionnelle. L’ADN subit une digestion enzymatique suivie d’un marquage radio-isotopique des sites de clivage. Les fragments de restriction sont séparés par électrophorèse selon une première dimension, puis sont soumis à une seconde digestion in situ avant une nouvelle séparation par électrophorèse selon une deuxième dimension. Un système informatique spécifique va détecter la présence de fragments polymorphiques qui pourront être clonés, puis introduits dans des vecteurs d’expression afin d’être séquencés. Cette technique peut également être employée avec des enzymes sensibles à la méthylation et permettre ainsi de connaître l’activation de gènes en fonction des tissus étudiés. Détections de mutations connues Les laboratoires Roche (Dr Cheng, Roche Molecular System) ont développé une technique permettant de détecter de façon simultanée trente-cinq variations génotypiques connues au niveau de quinze gènes candidats pour le développement et la progression des maladies cardiovasculaires. Chaque échantillon est soumis à deux PCR multiplex : l’une avec quatorze paires d’oligonucléotides, l’autre avec treize paires. Les fragments amplifiés sont ensuite hybridés avec les sondes oligonucléotidiques polymorphiques spécifiques, et la détection s’effectue par méthode de fluorescence. Les gènes candidats étudiés sont impliqués dans le métabolisme lipidique, la régulation de la pression artérielle, la coagulation, le métaLe Courrier de l’Arcol (1), n° 2, juin 1999 A C bolisme de l’homocystéine et l’adhésion des leucocytes à la paroi artérielle. Apport des modèles animaux pour une meilleure compréhension physiopathologique des maladies cardiovasculaires L’amélioration des vecteurs viraux de type adénovirus permet maintenant d’obtenir une expression prolongée et stable d’un transgène sans toxicité décelable à moyen terme, notamment hépatique. Cela peut permettre d’éviter d’avoir recours à des lignées d’animaux transgéniques, technique lourde et coûteuse. De plus, l’animal est son propre contrôle par comparaison des phénotypes pré- et post-transfert. Cette approche a été employée par l’équipe du Dr Chan (Baylor College of Medicine, Houston) avec le gène du récepteur aux VLDL. Après transgenèse, les souris sont protégées vis-à-vis de l’hypercholestérolémie induite par un régime riche en graisses. Chez des souris déficientes en récepteurs aux LDL, le transfert du gène du récepteur aux VLDL permet de réduire les concentrations de cholestérol LDL en augmentant le catabolisme des IDL. L’obtention de vecteurs adénoviraux mieux tolérés va permettre leur expérimentation plus large dans le domaine de la thérapie génique. Chez ces souris, l’efficacité d’expression du transgène est de presque 100 %. Cette expression s’effectue de façon spécifique au niveau hépatique, où environ 90 % des hépatocytes expriment le transgène. L’expression est immédiate après l’injection, dose-dépendante, régulable par un promoteur, et se maintient un à deux ans. Cette technique permet donc d’évaluer à la fois les effets aigus et chroniques du transgène. L’équipe du Dr Chan a également rapporté les résultats de l’inactivation de l’anti-oncogène p53 dans le modèle d’athérosclérose des souris déficientes en ApoE. L’anti-oncogène p53 est exprimé dans les lésions athéromateuses et pourrait intervenir dans le processus inflammatoire de l’athérosclérose. L’inactivation de p53 accroît les lésions de ces souris par augmentation de la prolifération cellulaire et non par celle du phénomène d’apoptose. Les lésions d’athéLe Courrier de l’Arcol (1), n° 2, juin 1999 T U A L I T rosclérose ne sont pas augmentées chez les souris déficientes en p53 mais avec expression normale de l’ApoE. N. Duverger (Rhône-Poulenc Rohrer, Vitry/Seine ; Institut Pasteur, Paris) a utilisé les souris déficientes en ApoE pour évaluer la régression de l’athérosclérose après transfert du gène de l’ApoE. Ces souris de souche nude étaient immunodéficientes, ce qui a permis une meilleure tolérance du transgène. Il a été observé une réduction des lésions athéromateuses après injection du transgène de l’ApoE, et ce de façon indépendante de la baisse en cholestérol, ce qui suggère un effet direct de l’ApoE au niveau de la plaque. Applications cliniques Stratégie de recherche des gènes de prédisposition aux maladies cardiovasculaires (L.Tiret, INSERM U525, Paris) Elle repose principalement sur l’étude des variations génotypiques de gènes candidats, les études de liaisons génétiques étant peu adaptées aux maladies multifactorielles comme les maladies cardiovasculaires. Il faut tester par analyse statistique l’association entre le polymorphisme étudié (génotype) et le phénotype, qui peut être la maladie elle-même (événements cardiovasculaires) ou un phénotype intermédiaire comme les marqueurs ou facteurs de risque cardiovasculaires, qu’ils soient cliniques (pression artérielle), biologiques (cholestérolémie) ou morphologiques (épaisseur intima-média). Le phénotype intermédiaire doit avoir une héritabilité plus forte et un déterminisme génétique moins complexe que la maladie. Il doit également être mesurable avant l’apparition de la maladie et permettre une meilleure compréhension physiopathologique de celle-ci. Le nombre de polymorphismes détectables dans un gène est corrélé à la longueur explorée de ce gène, mais il existe des gènes pour lesquels on ne trouve pas de polymorphisme. En moyenne, on peut mettre en évidence quatre à cinq polymorphismes par gène. On peut calculer la diversité nucléotidique d’un gène en fonction du rapport fréquence polymorphique/nombre de paires de base explorées. Elle augmente dans les régions flanquantes non codantes. Les polymorphismes peuvent être synonymes ou non synonymes, 86 É entraînant dans ce cas un changement d’acide aminé. Les différents polymorphismes d’un gène sont le plus souvent en déséquilibre de liaison les uns avec les autres. Étude génétique de l’hyperlipidémie combinée familiale (HCF) (Dr Enholm, Helsinki, Finlande) Cette dyslipidémie a une prévalence de 1 à 2 % et elle est responsable de 10 à 20 % des événements coronariens précoces. Il s’agit de la dyslipidémie génétique la plus fréquente. Aucun gène majeur n’a été impliqué, son mode de transmission est inconnu et son déterminisme génétique hétérogène. Le phénotype lipidique est variable (de type IIa, IIb, ou IV), ce qui rend difficile le diagnostic clinico-biologique et l’étude génotypique. Cette étude finlandaise a déterminé les marqueurs polymorphiques intragéniques et les zones flanquantes de dix régions chromosomiques contenant des gènes candidats pour le métabolisme lipidique chez plus de trente familles porteuses d’HCF. Une région chromosomique a été incriminée par cette étude de liaison : 1q21q23. Parmi les gènes proches de ce locus, on trouve celui de l’ApoAII, mais il reste néanmoins trop éloigné des marqueurs polymorphiques pour être mis en cause. La recherche d’un gène plus proche est en cours. Deux autres loci semble également associés à l’HCF dans cette étude familiale : 10p11.2 lorsqu’il existe une hypertriglycéridémie, et 21q21 lorsqu’il existe une élévation de l’ApoB. Conclusion Les modèles animaux surexprimant ou au contraire n’exprimant plus un gène candidat pour le processus de l’athérosclérose améliorent la compréhension des mécanismes reliant facteurs de risque et maladies cardiovasculaires. Ils pourront également être à l’origine d’innovations thérapeutiques. D’autre part, les progrès technologiques vont permettre d’explorer de façon simultanée un grand nombre de polymorphismes ou de patients. Cela est indispensable si l’on veut à plus long terme développer l’approche multigénique du risque cardiovasculaire dans le cadre d’une politique de prévention. ■