La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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ne très intéressante réunion portant sur l’intérêt du
doppler intracoronaire a eu lieu au cours des IXes Jour-
nées européennes de la Société Française de Cardio-
logie, sous la présidence des Prs J.P. Metzger (Paris) et E. Ape-
trei (Bucarest).
ÉVALUATION DES STÉNOSES ENDOCORONAIRES
(A. Furber)
Le raisonnement en présence d’une sténose coronaire est diffé-
rent selon que l’on se place d’un point de vue clinique, interven-
tionnel ou physiopathologique (retentissement fonctionnel de la
lésion).
Le retentissement fonctionnel d’une sténose coronaire peut être
évalué par étude de la perfusion myocardique (scintigraphie), par
étude de la fonction ventriculaire gauche (échographie de stress)
ou par détermination essentiellement invasive du débit coronaire
par doppler.
L’angiographie coronaire, en dépit de sa précision, comporte des
limites dans l’appréciation des lésions (géométrie variable des
artères, détermination du segment de référence, localisations ostiales
ou de bifurcation, et surtout absence d’appréciation du retentisse-
ment fonctionnel de la sténose), d’où l’intérêt du doppler.
Technique et résultats. La console émet un signal doppler pulsé
via un transducteur situé à l’extrémité d’un guide doppler qui
reçoit également le signal. Le flux obtenu est normalement bipha-
sique, maximum en diastole, avec des rapports de vitesses dias-
tolique/systolique > 1,5 et pré/post-sténotique < 1,7 (figure 1).
Cette technique permet la mesure de la réserve coronaire, qui est
définie par le rapport établi pour une pression de perfusion don-
née entre débit maximal hyperémique (obtenu par injection d’adé-
nosine) et débit basal.
Applications cliniques
Au cours de l’angioplastie, le doppler permet d’apprécier le
retentissement fonctionnel d’une sténose, ainsi que la circulation
collatérale (lorsque le ballon est gonflé).
La mesure de la réserve coronaire par doppler pourrait rem-
placer l’évaluation de l’ischémie par scintigraphie myocardique
au thallium (sensibilité et spécificité voisines de 90 %).
La réserve coronaire post-sténotique est un bon paramètre
d’évaluation des sténoses intermédiaires (40-70 %) [Miller et
coll., Circulation 1994]. En effet, un doppler endocoronaire nor-
mal est un facteur prédictif de stabilité clinique [Kern et coll.,
JACC 1995].
Limites du doppler. Certaines sont liées aux performances du
guide : problèmes d’acquisition dans 15 % des cas ; le geste est
opérateur-dépendant ; sous-estimation du pic de vitesse dans les
grosses artères.
D’autres sont physiopathologiques :une diminution de la réserve
coronaire ne distingue pas le retentissement d’une sténose de celui
des résistances myocardiques ; les valeurs normales restent à
fixer
;
les résultats du doppler dépendent des conditions hémo-
dynamiques, d’où l’intérêt de la mesure des réserves coronaires
relative et fractionnaire.
Rapport coût-efficacité. Le coût actuellement élevé du doppler
endocoronaire (près de 3 500 F/procédure) limite son utilisation.
Certaines données plaident cependant en sa faveur, notamment
l’étude américaine PEACH comparant doppler et scinti
graphie
myocardique dans l’évaluation des sténoses inter
médiaires.
Cette
étude constate, en faveur du doppler, un coût direct plus faible et
des durées d’hospitalisation moindres.
ÉTUDES DEBATE
(P. Dupouy)
DEBATE 1 (Doppler Endpoint Balloon Angioplasty Trial Europe)
But de l’étude. Trouver des paramètres doppler qui permettent
de prédire les résultats à court et long terme d’une angioplastie.
Méthode. Il s’agit d’une étude prospective ; elle a inclus
224 patients qui présentaient une lésion coronaire justifiant une
angioplastie sans stent. Chaque patient a une analyse doppler avant
et 15 minutes après l’angioplastie. Une nouvelle coronarographie
avec doppler est réalisée à 6 mois de l’angioplastie.
Résultats. L’étude a permis de déterminer deux paramètres pro-
nostiques :
la valeur seuil de la réserve coronaire à 2,5 en fin d’angio-
plastie (une valeur inférieure est associée à un taux d’événements
à 6 mois plus élevé) ;
le degré de sténose résiduelle post-angioplastie à 35 %.
Il existe une concordance des deux paramètres (synergie des
valeurs prédictives) (figure 2).
INFORMATIONS
Doppler intracoronaire
U
Figure 1. Aspect normal des courbes de vitesse en doppler endocoronaire.
APV (“average pic velocity”) : vitesse maximale moyenne.
DSVR (“diastolic/systolic velocity ratio”) : rapport des vitesses diasto-
lique/systolique.
CFR (“coronary flow reserve”) : réserve coronaire.
Les patients présentant une réserve supérieure à 2,5 et une sté-
nose inférieure à 35 % (groupe 1) ont eu 16 % d’événements car-
diovasculaires à 6 mois. Ce taux est nettement inférieur à celui
des autres groupes (34 %).
Le taux du groupe 1 est équivalent à celui des groupes stent des
études BENESTENT 1 et 2 (figure 3).
L’étude DEBATE 1 pose donc la question de l’intérêt du doppler
pour guider la pose de stents.
DEBATE 2
Les résultats cités sont partiels. L’inclusion s’est terminée en juin
1998.
But. Comparer une stratégie de “stenting motivé” sur arguments
angiographiques et doppler au stenting systématique. Ses objec-
tifs sont de : comparer les coûts, identifier à six mois et un an les
patients non améliorés par la pose d’un stent, déterminer les
valeurs seuil de réserve coronaire et de sténose résiduelle.
Méthode (figure 4). Six cent seize patients ont été inclus. Une
randomisation oriente vers un stent systématique ou vers une
angioplastie au ballon, avec mesure doppler de la réserve coro-
naire. Chez ces patients, un stent est posé en cas de bail-out. Sinon,
quels que soient les résultats de la réserve coronaire et de l’an-
giographie, les patients sont à nouveau randomisés entre stent et
ballon seul.
Résultats. Après angioplastie au ballon, 49 % des patients ont
une réserve coronaire supérieure à 2,5 et une sténose résiduelle
inférieure à 35 %. À un mois d’évolution, ces patients ont le même
résultat, qu’ils soient stentés ou pas. Chez ces patients, le sten-
ting permet cependant d’abaisser à 6 mois le taux de resténose
de 8 à 3 %. À 6 mois, le taux d’événements cardiovasculaires est
le même en cas de stenting systématique décidé sur la première
randomisation, en cas d’angioplastie au ballon chez les patients
à réserve supérieure à 2,5 et sténose résiduelle inférieure à 35 %
et en cas d’angioplastie avec stent chez les patients avec réserve
coronaire inférieure à 2,5 et/ou sténose résiduelle supérieure à
35 % (figure 5).
Au total,l’angioplastie guidée par le doppler endocoronaire amé-
liore les résultats de l’angioplastie sans stent. Cette étude ouvre
des perspectives intéressantes, en particulier pour la pose de stents
réservée aux résultats angiographiques et doppler non optimaux.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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INFORMATIONS
Figure 2. Étude DEBATE 1. Classement des 224 patients selon la réserve
coronaire et la sténose résiduelle.
34%
16% 14%
20%
30%
%
Groupes 2-4
DEBATE 1
Groupe 1
DEBATE 1
Groupe
stent
BENESTENT 2
Groupe
stent
BENESTENT 1
Groupe
angioplastie
BENESTENT 1
Figure 3. Taux d’événements cardiovasculaires dans DEBATE 1 et
BENESTENT 1 et 2.
Coronarographie :
lésion monotronculaire
N = 616
Stent
systématique
Mesure doppler de la
réserve coronaire
Angioplastie
au ballon
Stent pour
bail-out
angiographique
Première randomisation
Stent Ballon
Deuxième randomisation
Figure 4. Schéma de DEBATE 2.
10% 11% 11%
%
Stent
systématique
après
première
randomisation
Angioplastie au
ballon chez
patients avec
réserve > 2,5 et
sténose
résiduelle < 35%
Angioplastie avec
stent chez patients avec
réserve < 2,5 et/ou sténose
résiduelle > 35%
Figure 5. Résultats de l’étude DEBATE 2. Événements cardiovasculaires
à 6 mois.
> 2,5 2,5
35 % 21,8 % 20,8 %
groupe 1 groupe 2
> 35 % 29,7 % 27,7 %
groupe 3 groupe 4
Réserve coronaire
Sténose
résiduelle
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ÉTUDE FROST
(A. Lafont)
L’étude FROST (French Randomisation Optimal Stenting Trial)
est une étude prospective randomisée évaluant le stenting systé-
matique, comparé au stenting guidé par le doppler endocoronaire.
Données préliminaires. Dans l’étude BENESTENT, le stenting
de routine des lésions type diminue (de près de 30 %) l’incidence
de la resténose, ce qui a conduit à une utilisation croissante, voire
systématique des stents. L’étude DEBATE 1 a suggéré qu’il pour-
rait être possible d’identifier des patients à faible risque de resté-
nose grâce au doppler et à l’angiographie.
Méthode. L’étude a inclus des patients présentant une sténose
coronaire unique de moins de 15 mm de long sur une artère d’au
moins 2,7 mm de diamètre. Étaient exclus les patients ayant un
infarctus de moins de 3 semaines, les patients hémodynamique-
ment instables, ainsi que ceux ayant plus d’une artère atteinte.
Les patients bénéficient d’une évaluation doppler 10 minutes
après l’angioplastie, avec un contrôle angiographique à 6 mois.
Une randomisation se fait entre angioplastie guidée (groupe 1) et
stenting systématique (groupe 2) (figure 6).
Résultats. La sténose résiduelle initiale est moins importante
dans le groupe stent systématique. 48,6 % des patients du groupe
1 ont eu un stent. À 6 mois, il n’y a pas de différence significa-
tive entre les groupes 1 et 2 en termes de resténose et d’événe-
ments cardiovasculaires (figure 7).
Conclusion. Les deux stratégies ont obtenu un taux équivalent
de succès primaires.
Les contrôles angiographiques et les événements majeurs sont
comparables entre les deux procédures. L’angioplastie guidée
“évite” 51,4 % de stents. C’est donc un moyen de prévenir la
resténose intra-stent.
INTÉRÊT À LA PHASE AIGUË DE L’INFARCTUS
(L. Feldman)
Le doppler apporte des informations notamment sur l’état de la
microcirculation. Le guide doppler, après franchissement de la
lésion, permet d’évaluer le flux collatéral. En effet, un flux sys-
tolique négatif au doppler témoigne d’une suppléance hétéroco-
ronaire qui peut ne pas être visible en angiographie. Il permet
d’évaluer la qualité du flux après angioplastie au ballon. Un flux
de mauvaise qualité présente une mauvaise enveloppe spectrale
et des vitesses moyennes inférieures à 10 cm/s.
La réaction hyperémique varie en fonction des patients, mais
dépend également du mode de désobstruction (vélocités plus éle-
vées en cas d’utilisation des stents). Il existe une hétérogénéité
de réserve coronaire chez ces patients avec variation d’un patient
à l’autre, et chez le même patient en fonction du temps avec une
tendance à l’amélioration. Cela indique qu’il existe probablement
une part fonctionnelle dans la diminution de la réserve coronaire,
et que celle-ci peut être réversible.
Le mécanisme exact de la diminution de la réserve coronaire n’est
pas univoque (état de la microcirculation, conditions hémodyna-
miques...). Malgré ces réserves, des études préliminaires ont
retrouvé une corrélation positive entre la réserve coronaire mesu-
rée le jour de l’infarctus et la fraction d’éjection du ventricule
gauche mesurée 8 jours plus tard (intérêt pronostique).
Dans le cas des patients présentant un syndrome de reperfusion,
c’est-à-dire une réascension du segment ST dans les minutes sui-
vant la désobstruction avec le plus souvent une augmentation de
la douleur, la réserve coronaire est le plus souvent diminuée. Cette
réserve a tendance à se normaliser à J8, ce qui est en faveur d’une
anomalie fonctionnelle, notamment de la microcirculation, qui
récupère avec le temps. Ces patients ont une taille d’infarctus plus
importante et une fraction d’éjection du ventricule plus basse.
INFORMATIONS
Artère > 2,7 mm de diamètre de référence
Absence de dysfonction régionale et FE > 50 %
Angioplastie guidée
groupe 1
Ballon seul Stent
Sténose < 35 %
et
réserve 2,2
Sténose > 35 %
et/ou
réserve < 2,2 Bail-out
Stent systématique
groupe 2
Figure 6. Schéma de FROST.
Angioplastie Stent
guidée systématique
groupe 1 groupe 2
Infarctus 0 2,4
Décès 0,8 1,6
Revascularisation 15,1 14,4
pour resténose
Événements combinés 15,9 16
Taux de resténose 27,1 21,4
Figure 7. Résultats de l’étude FROST. Événements cardiovasculaires à
6 mois en pourcentage.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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Les patients ayant une réserve coronaire abaissée en phase
aiguë d’infarctus et un syndrome de reperfusion sont donc des
patients à haut risque.
Ces différents éléments soulignent l’intérêt de l’étude
FROST 2, recherchant une corrélation entre la réserve coronaire
mesurée à la phase aiguë de l’infarctus et deux paramètres qui
sont la fonction ventriculaire gauche et la taille de l’infarctus éva-
lués à trois mois.
LA MESURE DU DÉBIT CORONAIRE AU COURS D’UNE PRO-
CÉDURE INTERVENTIONNELLE EST-ELLE UTILE ?
(M. Kern)
L’utilisation du doppler est très probablement utile. Cependant,
certaines raisons limitent son utilisation : le prix par procédure,
actuellement élevé, les problèmes de positionnement du guide,
les difficultés d’interprétation des courbes doppler et les très bons
résultats du stent.
Outre la réserve coronaire absolue, on utilise la réserve coronaire
relative : c’est le rapport de la réserve coronaire absolue dans le
vaisseau cible divisée par celle dans le vaisseau de référence.
Elle est plus intéressante que la réserve absolue car elle est com-
parative. Cependant, son utilisation est plus délicate en cas d’at-
teinte de la microcirculation ou en cas d’atteinte pluritronculaire.
L’analyse fonctionnelle d’une sténose coronaire peut également
être réalisée à l’aide d’un guide de pression capable de mesurer
le gradient transsténotique à l’état basal et après adénosine intra-
coronaire.
La différence de pression de part et d’autre de la sténose est un
facteur déterminant de la perfusion myocardique. Ce facteur est
indépendant de l’état de la microcirculation, de la pression arté-
rielle et de la contractilité. La réserve coronaire fractionnaire est
le rapport de la pression mesurée en aval de la sténose après
injection intracoronaire d’adénosine sur la pression mesurée en
amont de celle-ci. La réserve fractionnaire ne dépend pas des
autres vaisseaux, ce qui renforce son utilisation (figure 8).
Il existe une forte corrélation entre les réserves coronaires rela-
tive et fractionnaire.
Les réserves coronaires relative et fractionnaire peuvent être uti-
lisées pour guider la pose des stents.
Applications courantes
Évaluation fonctionnelle des lésions coronaires avant et après
angioplastie (notamment pour la décision de stenting).
Utilisation au cours des procédures interventionnelles, notam-
ment pour les lésions douteuses, les lésions pluritronculaires et
les resténoses intrastent.
Vérification de l’intégrité de la microcirculation en cas d’an-
gor à coronaires angiographiquement saines et dans le cadre de
l’athérome coronaire chez le transplanté cardiaque.
M.E. Amara, hôpital Necker, Paris
INFORMATIONS
Normes Utilisation si Évaluation
définies atteinte en cours
tritronculaire d’angioplastie
Réserve absolue +
Réserve relative + (> 0,75) +
Réserve fractionnaire + (> 0,75) + +
Figure 8. Utilisation des réserves coronaires absolue, relative et frac-
tionnaire.
ANNONCEURS
ASTRA FRANCE (Atacand), p. 23 ;
KNOLL FRANCE (Tarka), p. 5 ;
Laboratoires RHÔNE-POULENC RORER (Nisis), p. 2 ;
MSD-Chibret (Zocor), p. 24 ;
NOVARTIS PHARMA SA (Co-Tareg, Loxen),
p.36 et p. 18 ;
PFIZER (Amlor), p. 17 ;
SERVIER (Fludex, Preterax), p. 10 et p. 35.
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