La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999
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septale et postérieure des sportifs sont en moyenne plus épaisses
de 1 à 2 mm que celles des sujets témoins. Les valeurs relevées
restent donc le plus souvent dans les limites admises comme nor-
males dans une population standard.
Aspects fonctionnels
La fonction systolique. Chez les sportifs, les indices éjectionnels
de repos sont le plus souvent conservés. Il faut toutefois signaler
que, chez des athlètes très entraînés en endurance, comme les
coureurs de marathon, les cyclistes, les skieurs de fond, etc., il
n’est pas exceptionnel d’observer au repos une diminution de la
fraction de raccourcissement du VG, qui est dans ce cas associée
à une bradycardie et à une dilatation souvent nette du VG.
La fonction diastolique. Il s’agit en pratique de l’étude du flux
mitral. Il est remarquable de constater que, chez le sportif jeune
au cœur sain, le remplissage ventriculaire gauche est toujours nor-
mal. Toutes les études sont concordantes sur ce point. L’onde E
est toujours supérieure à l’onde A, maintenant un rapport E/A
positif. Cette “hypernormalité” de la fonction diastolique secon-
daire à l’entraînement physique est le premier signe d’adaptation
observé sur l’échocardiogramme. Cela n’est pas influencé par
l’existence d’une éventuelle hypertrophie physiologique d’adap-
tation associée. Une corrélation positive entre le pic de vitesse de
l’onde A au repos et la consommation maximale d’oxygène a été
mise en évidence. La constatation d’une inversion du rapport E/A
chez un sujet sportif, dans la tranche d’âge envisagée ici, a donc
une connotation pathologique.
Les régurgitations physiologiques. Les régurgitations physiolo-
giques au niveau des orifices valvulaires mitraux et/ou tricuspides
sont plus fréquentes chez le sportif que chez le sédentaire (13).
Cette constatation n’est pas corrélée à la fréquence cardiaque, ni
au diamètre des anneaux des valves, ni au remplissage VG ou VD.
Modifications pouvant faire discuter une pathologie
Les grandes dilatations. Dans la série italienne (12), 363 ath-
lètes (38 %) ont un diamètre ventriculaire gauche excédant
54 mm, limite supérieure admise pour une population habituelle ;
38 athlètes (4 %) présentent un diamètre ventriculaire gauche
supérieur ou égal à 60 mm. Le diamètre maximal enregistré est
de 66 mm. Ces dilatations sont le plus souvent, mais pas toujours,
associées à une hypertrophie harmonieuse des parois du VG
(épaisseur pariétale : de 6 à 16 mm).
Les grandes hypertrophies. Dans la série de Pelliccia, seuls 2 %
des athlètes (de 18 à 27 ans) présentent une hypertrophie parié-
tale supérieure à 13 mm. Il s’agit exclusivement d’hommes.
L’épaisseur maximale est de 16 mm chez un homme et de 13 mm
chez une femme. Les athlètes qui présentent une hypertrophie de
ce type sont préférentiellement recrutés parmi les cyclistes, ceux
qui pratiquent l’aviron ou le canoë-kayak. D’autres études réali-
sées chez des pratiquants d’aviron de très haut niveau retrouvent
des données comparables (14).
Les facteurs influençant l’adaptation
Le type de sport pratiqué et le mode d’entraînement. Les sports
de force pure (haltérophilie) favorisent davantage l’épaississement
pariétal que la dilatation du VG. Toutefois, cet épaississement reste
inférieur à celui observé chez les athlètes de grand fond.
Tous les autres sports favorisent une dilatation du VG et une
hypertrophie excentrique.
Parmi les sports étudiés par Pellicia (15), les sports qui sont asso-
ciés à la dilatation maximale, et donc à l’hypertrophie maximale,
sont, par ordre décroissant, le cyclisme, l’aviron, le canoë, la nata-
tion, la course de longue distance et le football. Le tennis et le
hockey s’accompagnent de modifications moyennes. Le volley-
ball, l’équitation et la voile n’entraînent que des modifications
peu importantes ou minimes.
Ces données sont parfaitement cohérentes avec d’autres études.
Dans une méta-analyse, Fagard (16) montre que les coureurs de
fond ont un diamètre télédiastolique (DTD) supérieur de 5 mm
et une paroi septale supérieure de 1,5 mm à ceux de sédentaires
appariés alors que, chez des athlètes de force, le DTD est supé-
rieur de 1,1 mm et le septum de 1,4 mm par rapport au groupe
contrôle.
Le niveau d’entraînement. Des modifications échocardiogra-
phiques significatives ne peuvent être attribuées à la pratique du
sport que chez des sujets de haut niveau d’entraînement. Mais il
n’y a pas de proportionnalité entre le nombre d’heures d’entraî-
nement et l’importance des modifications constatées, ni entre les
modifications cardiaques et le niveau de performance. A. Cohen
et B. Diebold (17), qui ont étudié les caractéristiques morpholo-
giques cardiaques des cyclistes au départ du tour de France, n’ont
pas pu prédire le classement final !
Il existe des fluctuations annuelles des dimensions cardiaques des
athlètes, en fonction de leur période d’entraînement. La méta-
analyse de Fagard (16) montre, lors de la période d’intersaison,
une diminution du DTD de – 1,1 mm, du septum de – 0,7 mm et
de la paroi postérieure de – 0,5 mm, alors que la fréquence car-
diaque de repos augmente de 3,3 bpm.
La morphologie de l’athlète. L’influence des indices morpho-
logiques sur la dimension des cavités et des parois du cœur
est très importante chez le sportif, comme elle l’est chez le sujet
standard (14).
Une méta-analyse (18) a récemment montré qu’il existe en
moyenne peu de différences entre sédentaires et sportifs si les
mesures sont corrigées par des indices morphologiques (DTD 26
vs 27 mm/m2,PP 4,9 vs 5,6 mm/m2). Spirito et coll. (19) consta-
tent, d’après la série de Pellicia (dans laquelle les athlètes ont en
moyenne une surface corporelle [SC] de 1,88 ± 0,2 m2,un volume
télédiastolique du VG à 53 ± 5 mm et une épaisseur pariétale du
VG de 10 ± 1 mm), qu’une augmentation de 0,1 m2de SC s’ac-
compagne d’une augmentation de 1,2 mm du diamètre du VG et
de 0,2 mm de l’épaisseur de chaque paroi.
Bien qu’il existe une corrélation très forte entre la morphologie
des athlètes et les dimensions de leur cœur, il paraît très difficile,
en raison des autres facteurs impliqués, de proposer des normes
ne tenant compte que de la morphologie.
Le sexe. Pour une discipline donnée, à taille et niveau d’entraî-
nement égaux, les femmes athlètes ont une masse myocardique
moins importante (DTD – 10 %, parois – 23 %) que celle des
hommes (15). Les explications habituellement retenues sont l’ef-
fet négatif des estrogènes sur la synthèse des protéines contrac-
tiles et la masse maigre moins importante.
LE CŒUR D’ATHLÈTE
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